Nations Unies

CRC/C/TUN/CO/4-6

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

2 septembre 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport de la Tunisie valant quatrième à sixième rapports périodiques *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de la Tunisie valant quatrième à sixième rapports périodiques à ses 2519e, 2521e et 2523e séances, tenues en ligne les 26, 27 et 28 mai 2021, et a adopté les présentes observations finales à sa 2534e séance, le 4 juin 2021.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de la Tunisie valant quatrième à sixième rapports périodiques, ainsi que les réponses écrites à la liste de points, qui lui ont permis de mieux appréhender la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu en ligne avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

3.Le Comité se félicite des différentes mesures législatives et institutionnelles et mesures de politique générale que l’État partie a prises pour mettre en œuvre la Convention, notamment l’adoption de lois visant à créer une institution indépendante des droits de l’homme, à lutter contre la violence à l’égard des femmes et des filles, à interdire la traite des personnes et à incriminer les mutilations génitales féminines. Il note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments ci-après ou y a adhéré : le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications ; la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels ; la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants ; le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4.Le Comité rappelle à l’État partie le caractère indivisible et interdépendant de tous les droits consacrés par la Convention et souligne l’importance de toutes les recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il appelle son attention sur les recommandations qui concernent les domaines ci-après, dans lesquels il est urgent de prendre des mesures : la non-discrimination (par. 15) ; la violence, y compris la violence sexuelle, la maltraitance et la négligence (par. 25) ; la santé et les services de santé (par. 32) ; l’éducation (par. 37) ; les enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants (par. 42) ; la suite donnée aux précédentes observations finales du Comité portant sur l’application du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (par. 49).

5. Le Comité recommande à l’État partie de garantir la réalisation des droits de l’enfant conformément aux dispositions de la Convention et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, tout au long de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il lui demande instamment de veiller à ce que les enfants participent réellement à la conception et à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à atteindre les 17 objectifs de développement durable qui concernent les enfants, y compris à l’élaboration du plan de développement national qui succède au plan de l’État partie concernant la réalisation du Programme de développement durable pour 2016-2020.

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6))

Législation

6. Le Comité note avec satisfaction que la Constitution de 2014 permet l’application directe de la Convention par les tribunaux nationaux. Rappelant ses précédentes recommandations , il recommande à l’État partie :

a) De poursuivre l’alignement de son cadre législatif concernant les enfants sur les principes et les dispositions de la Convention, et notamment d’accélérer la révision du Code de protection de l’enfance ;

b) De renforcer la mise en œuvre de sa législation nationale relative aux enfants, notamment en allouant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à cette fin.

Politique et stratégie globales

7. Le Comité prend note des différentes politiques et stratégies relatives aux droits de l’enfant et recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption d’une politique globale des droits de l’enfant remplaçant la politique publique intégrée de protection de l’enfance 2016-2020, et d’une stratégie visant à assurer sa mise en œuvre effective ;

b) De veiller à ce que cette politique couvre tous les domaines visés par la Convention et à ce que sa mise en œuvre soit soutenue par des ressources humaines, techniques et financières suffisantes.

Coordination

8. Le Comité note avec préoccupation que, comme suite à la dissolution du Conseil supérieur de l’enfance, il n’y a plus d’organe de coordination au niveau ministériel. Rappelant ses précédentes recommandations , il recommande à l’État partie :

a) De renforcer l’autorité du Ministère de la femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées pour qu’il puisse coordonner efficacement toutes les activités liées à la mise en œuvre de la Convention dans tous les secteurs, aux niveaux national et local ;

b) De rétablir le Conseil supérieur de l’enfance ou de créer, au niveau ministériel, un autre organe de coordination approprié qui soit doté d’une autorité suffisante pour coordonner toutes les activités liées à la mise en œuvre de la Convention et dans lequel la société civile et les enfants seront représentés.

Allocation de ressources

9.Le Comité se félicite des mesures que l’État partie a prises pour atténuer les effets des crises économiques sur la jouissance par les enfants de leurs droits. Rappelant son observation générale n o 19 (2016) sur l’élaboration des budgets publics aux fins de la réalisation des droits de l’enfant , il recommande à l’État partie :

a) D’adopter une approche fondée sur les droits de l’enfant aux fins de l’élaboration du budget national et de procéder à une évaluation complète de l’effet distributif des investissements publics dans les secteurs qui contribuent à la réalisation des droits de l’enfant, en vue d’allouer des ressources budgétaires suffisantes à la mise en œuvre des droits de l’enfant sur l’ensemble du territoire ;

b) De définir les mesures à prendre, y compris l’augmentation des ressources budgétaires, pour remédier à toutes les disparités touchant les enfants défavorisés, notamment les enfants vivant dans la pauvreté, les enfants des zones rurales, les enfants handicapés et les enfants appartenant à des groupes minoritaires ;

c) De veiller à ce que les budgets alloués aux secteurs qui contribuent à la réalisation des droits de l’enfant soient protégés, même en cas de crise économique, et à ce que la fluctuation ou la réduction des fonds alloués à la prestation des services ne porte pas atteinte à la jouissance par les enfants de leurs droits ;

d) De veiller à ce que le processus budgétaire soit transparent et participatif, en prenant des mesures pour combattre la corruption et en mettant en place des mécanismes inclusifs permettant à la société civile, au grand public et aux enfants de participer à toutes les étapes du processus, y compris l’élaboration, l’exécution, le suivi et l’évaluation .

Collecte de données

10. Le Comité félicite l’État partie pour les efforts qu’il fait pour collecter et analyser des données relatives à la situation des enfants, notamment pour le lancement de la base de données ChildInfo et pour les mesures prises dans le contexte de son premier examen au titre du processus d’examen national volontaire du Forum politique de haut niveau pour le développement durable. Rappelant ses précédentes recommandations , il recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que les données collectées sur les droits de l’enfant couvrent tous les domaines visés par la Convention et les protocoles facultatifs s’y rapportant et à ce qu’elles soient ventilées par âge, sexe, handicap, zone géographique, origine ethnique et nationale et situation socioéconomique, de manière à faciliter l’analyse de la situation des enfants, y compris en ce qui concerne la santé, l’éducation, la violence, le travail des enfants, la traite et la justice pour enfants ;

b) De veiller à ce que les données et les indicateurs relatifs aux droits de l’enfant soient communiqués aux ministères compétents et utilisés pour élaborer, suivre et évaluer les politiques, programmes et projets visant à assurer la mise en œuvre effective de la Convention  ;

c) De poursuivre sa coopération technique avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), entre autres entités, afin de renforcer son système de collecte et de gestion des données, notamment en allouant des ressources suffisantes à la conduite d’enquêtes en grappes à indicateurs multiples dans tout le pays.

Mécanisme de suivi indépendant

11. Le Comité se félicite de la promulgation de la loi organique n o 51 de 2018 portant création d’une instance indépendante des droits de l’homme comprenant une commission des droits de l’enfant ayant pour mandat de surveiller le respect des droits de l’enfant et de mener des enquêtes, mais note avec préoccupation que cette instance n’est pas encore opérationnelle. Il recommande à l’État partie :

a) D’accélérer la mise en place de l’instance indépendante des droits de l’homme et de veiller à ce qu’elle soit en mesure de surveiller le respect des droits de l’enfant et de recevoir, d’examiner et de traiter les plaintes des enfants d’une manière adaptée à leur âge ;

b) De faire en sorte que l’instance soit conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) ;

c) De continuer à solliciter la coopération technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et de l’UNICEF, entre autres.

Diffusion, sensibilisation et formation

12. Le Comité se félicite de la création de l’Observatoire d’information, de formation, de documentation et d’études pour la protection des droits de l’enfant et recommande à l’État partie :

a) D’adopter une stratégie globale de sensibilisation reposant sur la coopération avec les organisations de la société civile et sur une utilisation accrue des médias et des réseaux sociaux, pour que la Convention et les protocoles facultatifs s’y rapportant soient largement connus des enfants, des parents et du grand public, en ciblant en particulier les parents, les autres personnes qui s’occupent d’enfants, les chefs religieux et les enfants des zones rurales, et de mettre en œuvre cette stratégie d’une manière adaptée aux enfants ;

b) De veiller à ce que tous les professionnels travaillant au contact ou au service des enfants, y compris les fonctionnaires, les agents de la force publique, les juges, les procureurs, les avocats, les enseignants, les travailleurs sociaux et le personnel de santé, ainsi que les membres des médias, reçoivent une formation obligatoire sur les droits de l’enfant.

B.Définition de l’enfant (art. 1)

13. Tout en notant que les mariages d’enfants sont rares, le Comité recommande à l’État partie de modifier sa législation afin de supprimer toutes les dérogations à l’interdiction du mariage de personnes âgées de moins de 18 ans.

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

14.Le Comité note avec satisfaction que la loi interdit la discrimination raciale et que la Constitution garantit la protection des enfants contre la discrimination. Il constate néanmoins avec une profonde préoccupation :

a)Qu’il n’existe pas de législation complète interdisant toutes les formes de discrimination raciale conformément à l’article 2 de la Convention ;

b)Que la modification du Code du statut personnel a peu progressé et que le Code continue d’autoriser la discrimination à l’égard des femmes et des filles en ce qui concerne la succession et la garde des enfants et n’accorde pas de droits en matière de succession ou d’héritage aux enfants adoptés et aux enfants nés de parents non mariés ;

c)Que la stigmatisation des enfants homosexuels, bisexuels, transgenres et intersexes persiste ;

d)Qu’il y a toujours des disparités entre régions et entre zones urbaines et zones rurales en ce qui concerne l’offre de services et l’accès des enfants aux services ;

e)Qu’il existe toujours une discrimination de fait à l’encontre des enfants défavorisés, notamment les filles, les enfants nés de parents non mariés, les enfants handicapés, les enfants vivant dans des zones rurales ou défavorisées, les enfants vivant dans la pauvreté, les enfants appartenant à des groupes minoritaires raciaux ou religieux, les enfants amazighs, les enfants migrants, les enfants infectés par le VIH et les enfants touchés par le VIH/sida.

15. Compte tenu de la cible 10.3 des objectifs de développement durable, le Comité rappelle ses précédentes recommandations et prie instamment l’État partie :

a) D’interdire expressément en droit la discrimination à l’égard des enfants pour tous les motifs énumérés dan s la Convention, y compris le sexe, la religion, l’origine ethnique ou sociale, le handicap, la naissance ou toute autre situation ;

b) D’accélérer la révision du Code du statut personnel, notamment des dispositions discriminatoires relatives aux droits de la mère en matière de garde des enfants et aux droits de succession des filles, des enfants adoptés et des enfants nés de parents non mariés ;

c) De mener des activités de sensibilisation visant à mettre fin à la stigmatisation des enfants homosexuels, bisexuels, transgenres et intersexes ;

d) De s’attaquer aux disparités dans l’offre de services et l’accès aux services pour les enfants défavorisés et d’évaluer régulièrement la mesure dans laquelle ces enfants jouissent de leurs droits ;

e) De prendre des mesures de politique générale et d’éducation, y compris des mesures de sensibilisation et d’information, pour prévenir et éliminer la discrimination à l’égard des enfants, pour tous les motifs et dans tous les domaines.

Intérêt supérieur de l’enfant

16. Rappelant son observation générale n o 14 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale ainsi que ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant soit systématiquement appliqué dans toutes les procédures administratives et judiciaires et dans tous les politiques, programmes et projets qui concernent les enfants ou ont une incidence sur eux ;

b) De mettre la dernière main à la procédure visant à guider les personnes en position d’autorité qui doivent déterminer quel est l’intérêt supérieur de l’enfant dans chaque domaine et en faire une considération primordiale, et faire reposer cette procédure sur des critères clairement définis ;

c) D’évaluer, en vue de leur élimination, les pratiques, les politiques et les services susceptibles de ne pas servir l’intérêt supérieur de l’enfant, y compris celles qui ont trait à la violence sociale à l’égard des animaux, en s’appuyant sur la procédure et les critères susmentionnés.

Respect de l’opinion de l’enfant

17. Rappelant ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour promouvoir la participation effective et active de tous les enfants, y compris les enfants défavorisés, aux travaux du Parlement des enfants, du Parlement des jeunes et des conseils municipaux, notamment en mettant en œuvre le plan d’action national relatif aux conseils municipaux des enfants et en veillant à ce que l’opinion des enfants soit prise en compte par les organes décisionnels ;

b) De veiller à ce que les enfants soient entendus et à ce que leur opinion soit dûment prise en considération dans toute procédure administrative ou judiciaire les concernant et lors de toute prise de décisions ayant des conséquences pour eux .

D.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances

18.Le Comité se félicite de l’abrogation en 2020 de la circulaire n o 85 de 1965, qui interdisait l’enregistrement à l’état civil des nouveau-nés portant un nom amazigh ou un autre nom non arabe, mais il est préoccupé par les obstacles administratifs et judiciaires auxquels se heurtent les parents qui n’enregistrent pas leurs enfants dans les dix jours suivant leur naissance. Compte tenu de la cible 16.9 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) De supprimer tous les obstacles administratifs et financiers qui empêchent des enfants de voir leur naissance enregistrée et de recevoir un certificat de naissance, y compris en autorisant l’enregistrement tardif sans procédure judiciaire ;

b) De veiller à ce que tous les enfants, y compris les enfants migrants, les enfants portant un nom non arabe et les enfants nés avant l’abrogation de la circulaire n o 85 de 1965, puissent voir leur naissance enregistrée et obtenir des documents d’identité, quel que soit le statut de leurs parents en matière de séjour.

Liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique

19. Rappelant ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l’État partie :

a) De garantir l a liberté d’expression pour tous les enfants, comme le prévoient la Constitution et la Convention, et de veiller à ce que la loi organique n o 26 de 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent ne restreigne pas le droit des enfants à la liberté d’expression ;

b) De veiller à ce que les enfants de tous âges soient encouragés à créer leurs propres associations, à lancer des initiatives et à participer à des rassemblements publics, et à ce qu’ils soient soutenus dans leur démarche.

Liberté de pensée, de conscience et de religion

20. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts pour promouvoir la tolérance religieuse et garantir le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

Droit à la protection de la vie privée et accès à une information appropriée

21. Rappelant son observation générale n o 25 (2021) sur les droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’élaborer des règlements et des politiques de sauvegarde pour les médias et l’environnement numérique afin de protéger la vie privée des enfants ;

b) De veiller à ce que les projets de loi sur l’accès à l’information et l’environnement numérique, y compris le projet de loi sur le code des communications électroniques, protègent adéquatement les enfants contre les contenus et matériels préjudiciables et les risques en ligne, et prévoient des mécanismes permettant d’engager des poursuites en cas d’infraction.

E.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 (al. a)) et 39)

Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

22. Le Comité se félicite de la création de l’Instance nationale pour la prévention de la torture et de la modification du Code pénal visant à interdire de soumettre des enfants à des actes de torture ou des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Compte tenu de la cible 16.2 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire respecter l’interdiction de la torture et de veiller à ce que les allégations selon lesquelles des enfants font l’objet d’actes de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants donnent lieu à une enquête en bonne et due forme, à ce que les auteurs des faits soient punis à la hauteur de la gravité de leurs actes et à ce que les enfants victimes bénéficient de recours adéquats ;

b) De veiller à ce que les enfants aient accès à des mécanismes de plainte qui leur sont adaptés et qui leur permettent de signaler en toute confidentialité les faits survenus dans les centres de détention pour enfants, les structures de protection de remplacement et les établissements accueillant des enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants ;

c) De renforcer la capacité de l’Instance nationale pour la prévention de la torture de surveiller les lieux de détention pour enfants, notamment en lui allouant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes.

Châtiments corporels

23. S’il se félicite de l’interdiction du recours aux châtiments corporels à l’encontre des enfants dans tous les contextes et des différentes mesures que l’État partie a prises pour promouvoir une éducation non violente, le Comité reste préoccupé par le fait que les châtiments corporels sont encore largement considérés comme une forme acceptable de discipline, et il prie instamment l’État partie :

a) De faire effectivement respecter l’interdiction des châtiments corporels dans tous les contextes ;

b) De renforcer les mesures visant à promouvoir des formes de discipline positives et non violentes et de mettre l’accent sur les conséquences néfastes des châtiments corporels, dans le cadre d’activités de sensibilisation ciblant en particulier les enfants, les parents, les enseignants et les professionnels de la protection sociale ;

c) De lancer des campagnes de sensibilisation destinées aux parents et aux professionnels travaillant au contact ou au service des enfants afin de promouvoir un changement d’attitude, dans la famille et dans la communauté, à l’égard des châtiments corporels.

Violence, y compris la violence sexuelle, la maltraitance et la négligence

24.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures législatives visant à interdire la violence à l’égard des enfants, à abroger l’exemption de poursuites dont bénéficient les auteurs d’abus sexuels qui épousent leurs victimes et à garantir la protection juridique des enfants victimes d’abus sexuels, ainsi que des activités menées pour renforcer la capacité des policiers et des membres de la garde nationale de traiter les affaires de violence à l’égard des enfants. Toutefois, il reste gravement préoccupé par les niveaux élevés de violence à l’égard des enfants, y compris la violence intrafamiliale et les abus sexuels, et par le fait que ces actes sont largement sous-déclarés, en raison d’une stigmatisation fondée sur des normes sociétales profondément ancrées.

25. Compte tenu de son observation générale n o 13 (2011) sur le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence et des cibles 5.2, 16.1 et 16.2 des objectifs de développement durable, le Comité prie instamment l’État partie :

a) D’élaborer une stratégie globale visant à prévenir et combattre toutes les formes de violence à l’égard des enfants, y compris la violence intrafamiliale, la négligence et les abus sexuels, et de mener des programmes de sensibilisation et d’éducation, avec la participation des enfants ;

b) De promouvoir des programmes à assise communautaire et familiale visant à prévenir et à combattre la violence et la négligence à l’égard des enfants ;

c) De mettre en place des mécanismes accessibles et adaptés aux enfants qui permettent de porter plainte en toute confidentialité, de manière à faciliter et promouvoir le signalement obligatoire de la violence à l’égard des enfants ;

d) De veiller à ce que tous les cas de maltraitance d’enfants, y compris les abus sexuels, soient rapidement signalés et fassent l’objet d’une enquête reposant sur une approche multisectorielle adaptée aux enfants qui vise à éviter la revictimisation de l’enfant, à ce que les auteurs soient poursuivis et dûment sanctionnés et à ce que des réparations soient accordées aux victimes, le cas échéant ;

e) D’accélérer l’adoption de la loi sur les enfants victimes ou témoins d’infractions ;

f) D’allouer des ressources suffisantes à la fourniture aux enfants victimes de services de soutien complets et adaptés, y compris des thérapies post-traumatiques, et d’éviter de placer ces enfants dans des centres qui accueillent des adultes ayant des besoins divers ;

g) De veiller à ce que des fonds suffisants soient alloués à l’application des mesures destinées à prévenir et combattre la violence intrafamiliale qui sont prévues par la loi de 2017 relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

Pratiques préjudiciables

26. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que les enfants intersexes ne soient pas soumis à des traitements médicaux ou chirurgicaux non nécessaires, conformément au droit de l’enfant à l’intégrité corporelle, à l’autonomie et à l’autodétermination ;

b) De fournir des services sociaux, médicaux et psychologiques, si nécessaire, ainsi que des services de conseil, un soutien et des réparations adéquats aux familles ayant des enfants intersexes.

Lignes téléphoniques d’assistance

27. Le Comité prend note avec satisfaction de l’existence de deux lignes d’assistance téléphonique, mises en place par le Ministère de la femme, de l’enfance, de la famille et des personnes âgées et le Ministère de l’éducation, qui permettent de signaler les cas de violence à l’égard des enfants et recommande à l’État partie :

a) D’envisager de regrouper les lignes d’assistance téléphonique en une seule ligne nationale gratuite à trois chiffres, adaptée aux enfants, fonctionnant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et de lui allouer les ressources humaines, financières et techniques nécessaires à son bon fonctionnement ;

b) De former le personnel des lignes d’assistance téléphonique à la fourniture d’une assistance adaptée aux besoins des enfants et aux procédures de suivi des plaintes ;

c) De faire savoir aux enfants comment joindre la ligne téléphonique d’assistance .

F.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Milieu familial

28. Rappelant ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour :

a) Soutenir davantage les mères célibataires, y compris en renforçant les aides financières et les possibilités de formation professionnelle, et garantir le recouvrement de la pension alimentaire auprès des pères des enfants qui vivent uniquement avec leur mère ;

b) Mener des programmes de sensibilisation pour mettre un terme à la stigmatisation des enfants de mères célibataires et des enfants nés de parents non mariés, afin de prévenir les abandons.

Enfants privés de milieu familial

29. Appelant son attention sur les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants , le Comité recommande à l’État partie :

a) D’éliminer progressivement le placement en institution et d’adopter sans délai une stratégie de désinstitutionnalisation accompagnée d’un plan d’action, en veillant à ce qu’elle soit dotée des ressources humaines, techniques et financières nécessaire s à sa mise en œuvre et à ce qu’elle prévoie une transformation systémique des systèmes de prise en charge des enfants, d’aide sociale et de protection ;

b) De faire en sorte qu’il y ait suffisamment de solutions de prise en charge de type familial ou communautaire pour les enfants privés de milieu familial, y compris les enfants handicapés, en consacrant des ressources financières suffisantes au placement des enfants en famille d’accueil et à l’adoption, en réexaminant régulièrement les mesures de placement et en facilitant le retour des enfants handicapés dans leur famille lorsque cela est possible ;

c) De procéder à une révision de sa législation sur la protection de remplacement, en particulier en ce qui concerne l’adoption et le placement en famille d’accueil, en vue de l’aligner sur les normes et standards internationaux ;

d) D’établir des normes de qualité pour toutes les structures de protection de remplacement, y compris les pouponnières accueillant des enfants abandonnés, et de contrôler régulièrement la qualité de la prise en charge qui y est assurée ;

e) De renforcer la capacité des professionnels travaillant auprès de familles et d’enfants, en particulier les juges aux affaires familiales, les responsables de l’application de la loi, les travailleurs sociaux et les prestataires de services, de proposer des solutions de protection de remplacement de type familial, et de leur faire mieux connaître les droits et les besoins des enfants privés de milieu familial ;

f) De fournir un soutien complet et une formation adéquate aux parents d’accueil afin de renforcer leur capacité de s’occuper d’enfants, y compris d’enfants handicapés.

G.Enfants handicapés (art. 23)

30. Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour améliorer l’accès des enfants handicapés à l’éducation et lui recommande :

a) D’adopter une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme et d’harmoniser la législation nationale avec le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme ;

b) D’organiser la collecte de données sur les enfants handicapés et de mettre en place un système efficace et harmonisé d’évaluation des handicaps afin de faciliter l’accès des enfants présentant tous types de handicaps à un enseignement et à des services accessibles, y compris des services de santé, de protection sociale et d’appui ;

c) D’adopter une politique nationale visant à renforcer l’offre de services de soins de santé spécialisés destinés aux enfants handicapés à un coût abordable ;

d) De développer les programmes d’assistance sociale destinés aux parents et aux personnes s’occupant d’enfants handicapés, y compris d’enfants handicapés vivant dans la pauvreté, d’allouer davantage de fonds aux programmes d’aide financière destinés à ces enfants et d’élargir la couverture de ces programmes ;

e) De renforcer la mise en œuvre du programme national d’intégration scolaire pour que tous les enfants handicapés aient accès à une éducation inclusive de qualité dans des établissements scolaires ordinaires, en veillant à ce que les écoles soient dotées d’enseignants dûment formés, d’infrastructures accessibles et de matériel pédagogique adapté aux besoins des enfants handicapés ;

f) De mener des campagnes de sensibilisation ciblant les agents de l’État, le grand public et les familles, pour combattre la stigmatisation et les préjugés dont sont victimes les enfants handicapés et promouvoir une image positive de ces enfants en tant que titulaires de droits.

H.Santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Santé et services de santé

31.Le Comité félicite l’État partie des progrès qu’il a réalisés en matière de réduction des taux de mortalité infantile et maternelle, notamment grâce à la stratégie nationale de santé maternelle et néonatale 2019-2023. Il est toutefois préoccupé par les disparités régionales en ce qui concerne l’accès aux soins et aux services de santé et la qualité des soins et services, par le taux alarmant de malnutrition infantile et par l’augmentation signalée des suicides chez les adolescents.

32. Rappelant son observation générale n o 15 (2013) sur le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et compte tenu des cibles 2.2, 3.4 et 3.8 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) De s’attaquer aux disparités régionales en matière d’accès aux soins et aux services de santé et d’allouer davantage de ressources aux soins de santé primaires afin de les rendre à la fois accessibles et abordables, en particulier dans les zones rurales ;

b) De veiller à ce que les services de soins de santé et les médicaments soient accessibles et abordables, afin de garantir à tous les enfants un accès égal à des soins de santé de qualité dans le secteur public ;

c) D’identifier et de combattre effectivement les causes de la malnutrition et de l’obésité infantiles, notamment au moyen d’activités de sensibilisation du public aux questions de nutrition et aux bonnes habitudes alimentaires, de stratégies permettant aux ménages vivant dans la pauvreté d’avoir accès à des aliments sains, et de la réglementation du marketing auprès des enfants des aliments mauvais pour la santé, afin de lutter contre l’obésité infantile ;

d) De redoubler d’efforts pour mettre en œuvre sa stratégie nationale de prévention du suicide, en s’attaquant aux facteurs individuels, communautaires et sociaux à l’origine du suicide chez les enfants ;

e) D’accroître l’offre de services et programmes de santé mentale destinés aux enfants et leur accessibilité, en accordant une attention particulière aux enfants des zones rurales et aux effets de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19).

Santé des adolescents

33. Compte tenu des cibles 3.5, 3.7 et 5.6 des objectifs de développement durable, le Comité rappelle ses précédentes recommandations et recommande à l’État partie :

a) D’adopter une politique globale de santé sexuelle et procréative destinée aux adolescents qui vise à garantir que toutes les filles et tous les garçons, y compris ceux qui ne sont pas scolarisés et ceux qui vivent en zone rurale, ont accès en toute confidentialité à des informations et des services de santé sexuelle et procréative adaptés aux enfants, y compris à des contraceptifs ;

b) D’évaluer les effets des mesures prises pour lutter contre la consommation de drogues, de tabac et d’alcool en vue de renforcer les programmes existants, et de mettre en place des services de traitement de la toxicomanie et de réduction des risques qui soient accessibles et adaptés aux enfants, ainsi qu’un enseignement des compétences de la vie courante visant à prévenir l’usage de substances psychoactives.

Incidences des changements climatiques sur les droits de l’enfant

34. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que les besoins et l’opinion des enfants soient pris en considération dans le cadre de l’élaboration des politiques et programmes visant à faire face aux changements climatiques et à gérer les risques de catastrophe  ;

b) De renforcer les mesures prises pour sensibiliser les enfants à la question des changements climatiques et à d’autres questions environnementales en intégrant ces questions dans les programmes scolaires et dans les programmes de formation des enseignants.

Niveau de vie

35.Le Comité se félicite des mesures que l’État partie a prises pour lutter contre la pauvreté, notamment dans le cadre du programme de protection sociale, des prestations offertes par les complexes destinés à l’enfance et des programmes de développement spéciaux et régionaux, mais il est préoccupé par le nombre élevé d’enfants vivant dans la pauvreté. Compte tenu de la cible 1.2 des objectifs de développement durable, il recommande à l’État partie :

a) D’évaluer l’efficacité de ses politiques et programmes de protection sociale et d’aide aux familles et de les revoir de manière à les harmoniser et à faire en sorte qu’ils s’attaquent aux causes profondes de la pauvreté ;

b) D’augmenter nettement les fonds alloués aux programmes de protection sociale, y compris les allocations familiales, afin que les prestations fournies couvrent le coût réel d’un niveau de vie décent pour les enfants dans l’ensemble du pays, y compris les dépenses liées à leur droit à la santé, à un régime alimentaire nutritif, à l’éducation, à un logement adéquat, à l’eau et à l’assainissement.

I.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

36.Le Comité félicite l’État partie pour les mesures qu’il prend pour faire baisser le taux élevé d’abandon scolaire, notamment dans le cadre de l’école de la deuxième chance. Il reste toutefois préoccupé par les taux élevés de redoublement et d’abandon scolaire, ainsi que par les disparités en matière d’accès à l’école, de rétention scolaire et de qualité de l’enseignement.

37. Compte tenu des cibles 4.1, 4.3, 4.4, 4.5, 4.6 et 4.a des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre d’urgence des mesures pour que l’enseignement primaire soit gratuit et obligatoire pour tous les enfants et pour améliorer l’accès à l’enseignement secondaire et la rétention dans le secondaire, en accordant une attention particulière aux enfants vivant dans la pauvreté, aux enfants des zones rurales et aux enfants handicapés ;

b) D’allouer les ressources nécessaires pour garantir la qualité et l’accessibilité de l’enseignement public et de réglementer et contrôler les écoles privées dans le but de lutter contre les inégalités dans le système éducatif ;

c) D’améliorer la qualité de l’enseignement, y compris en réformant les programmes scolaires, en veillant à la disponibilité d’enseignants qualifiés, en assurant une formation initiale et continue de qualité et en veillant à ce que les écoles soient pleinement accessibles à tous, en toute sécurité, et dotées d’infrastructures et de technologies éducatives adéquates ;

d) D’élaborer une stratégie globale visant à améliorer la qualité de l’eau, l’assainissement et l’hygiène dans les écoles, qui comprenne des activités de sensibilisation du public et le suivi de la mise en œuvre des normes nationales relatives à l’eau et aux installations sanitaires, et de veiller à ce que des ressources suffisantes soient allouées à la mise en œuvre de cette stratégie ;

e) De renforcer les programmes et les activités de sensibilisation visant à combattre la violence, les abus et les brimades à l’école ;

f) De redoubler d’efforts pour faire baisser les taux élevés de redoublement et d’abandon scolaire, en particulier dans l’enseignement secondaire, notamment en déployant les écoles de la deuxième chance au niveau national, en collaboration avec des partenaires publics comme privés ;

g) D’élaborer et de promouvoir une formation professionnelle de qualité, afin d’améliorer les compétences des enfants, en particulier de ceux qui abandonnent l’école, en accordant une attention particulière aux enfants qui vivent en zone rurale.

Développement de la petite enfance

38. Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la stratégie nationale multisectorielle de développement de la petite enfance 2017-2025. Compte tenu de la cible 4.2 des objectifs de développement durable, il recommande à l’État partie :

a) D’allouer des ressources financières suffisantes à la mise en œuvre effective de la stratégie nationale de développement de la petite enfance, en veillant particulièrement à garantir l’accès des enfants vivant dans la pauvreté, des enfants des zones rurales et des enfants handicapés à l’éducation préscolaire ;

b) De désigner une autorité gouvernementale, telle que le Ministère de l’éducation, pour diriger la mise en œuvre et le suivi des programmes d’éducation de la petite enfance ;

c) D’adopter rapidement les normes nationales relatives à l’accueil de la petite enfance et aux qualifications des éducateurs et veiller à ce que les éducateurs bénéficient systématiquement d’une formation continue adéquate.

Éducation aux droits de l’homme

39. Compte tenu de la cible 4.7 des objectifs de développement durable, le Comité salue la création de clubs d’éducation à la citoyenneté et recommande à l’État partie de faire en sorte que l’éducation aux droits de l’homme et les principes consacrés par la Convention soient intégrés dans les programmes scolaires obligatoires et les programmes de formation des enseignants et des professionnels de l’éducation, compte tenu du cadre institué par le Programme mondial d’éducation dans le domaine des droits de l’homme.

J.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 (al. b) à d)) et 38 à 40)

Enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants

40.Le Comité est profondément préoccupé par les informations relatives à l’expulsion forcée d’enfants demandeurs d’asile ou migrants et d’enfants vivant dans des centres de détention pour migrants.

41. Rappelant les observations générales conjointes n os 3 et 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n os 22 et 23 (2017) du Comité des droits de l’enfant concernant les droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’élaborer un cadre législatif portant sur les enfants demandeurs d’asile et les enfants migrants et d’établir des procédures de détermination du statut qui garantissent l’identification et la protection des enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants, y compris les enfants non accompagnés et les enfants séparés ;

b) De veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale dans toutes les procédures liées à l’asile et à la migration, y compris les décisions relatives à la réinstallation ;

c) D’empêcher toute forme de détention et d’expulsion des enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants ;

d) De renforcer les capacités des autorités compétentes, y compris les services de l’immigration et la police des frontières, en ce qui concerne les droits de l’enfant et l’application du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ;

e) D’élaborer des cadres complets d’orientation et de prise en charge pour les services fournis aux enfants, notamment en ce qui concerne les secteurs de la santé, de l’éducation, de la police et de la justice, y compris la fourniture d’une aide juridique gratuite ;

f) De nommer un tuteur légal pour tous les enfants non accompagnés, de fournir une assistance juridique à ces enfants et de leur garantir l’accès à des voies de recours.

Enfants amazighs

42. Rappelant son observation générale n o 11 (2009) sur les enfants autochtones et leurs droits en vertu de la Convention, le Comité recommande à l’État partie :

a) De garantir le droit des enfants amazighs à un enseignement interculturel et bilingue qui respecte leur culture et leurs traditions, notamment en intégrant l’amazigh comme deuxième langue à l’école ;

b) De prendre des mesures, en coopération avec les associations culturelles amazighes, pour reconnecter les enfants amazighs avec leurs pratiques culturelles.

Exploitation économique, notamment le travail des enfants

43. Le Comité prend note avec satisfaction du plan d’action national de lutte contre le travail des enfants et de l’interdiction de l’emploi d’enfants comme domestiques, mais il est profondément préoccupé par le nombre élevé d’enfants qui travaillent comme domestiques ou font des travaux dangereux. Compte tenu de la cible 8.7 des objectifs de développement durable, il rappelle ses précédentes recommandations et recommande à l’État partie :

a) D’établir une réglementation claire concernant les heures de travail des enfants et de prévoir des sanctions pour ceux qui ne la respectent pas, et d’harmoniser tous les textes de loi relatifs au travail des enfants ;

b) D’interdire expressément l’emploi d’enfants à des travaux dangereux ou nocifs, et d’établir une liste des travaux dangereux interdits aux enfants ;

c) De veiller à la mise en œuvre effective du plan d’action national de lutte contre le travail des enfants, notamment en veillant à ce que les inspecteurs du travail et des autres professionnels concernés bénéficient d’une formation continue aux fins du renforcement de leurs capacités, en procédant à des inspections du travail et en poursuivant les auteurs de violations liées au travail des enfants ;

d) De redoubler d’efforts pour veiller à ce qu’aucun enfant ne fasse de travaux dangereux et de sensibiliser le public au travail des enfants, à l’exploitation qu’il représente et à ses conséquences ;

e) D’envisager de ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o 189) de l’Organisation internationale du Travail.

Enfants en situation de rue

44. S’il prend note avec satisfaction des mesures que prend l’État partie pour fournir des services aux enfants en situation de rue, le Comité, appelant l’attention sur son observation générale n o 21 (2017) sur les enfants en situation de rue, lui recommande d’allouer des ressources suffisantes aux centres d’aide sociale et d’intégration qui apportent un soutien aux enfants en situation de rue, en veillant au plein respect de l’intérêt supérieur de ces enfants.

Vente, traite et enlèvement

45. Le Comité se félicite de l’incrimination de la traite et de la création de l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes. Compte tenu de la cible 8.7 des objectifs de développement durable, il recommande à l’État partie :

a) D’allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes 2018-2023 ;

b) De garantir la fourniture effective de services d’orientation et d’assistance aux enfants victimes de la traite ;

c) D’enquêter sur tous les cas de traite d’enfants et de traduire les auteurs en justice ;

d) De mener des activités de sensibilisation afin de faire prendre conscience aux parents comme aux enfants des dangers de la traite.

Administration de la justice pour enfants

46. Le Comité se félicite des mesures que l’État partie a prises pour créer une unité spécialisée de la justice pour enfants au sein du Ministère de la justice, pour former les professionnels aux mesures non judiciaires et pour soutenir les organisations de la société civile qui travaillent auprès des enfants reconnus coupables d’infractions pénales. Rappelant son observation générale n o 24 (2019) sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour enfants et ses précédentes recommandations , il prie instamment l’État partie :

a) De relever l’âge de la responsabilité pénale à 14 ans au moins ;

b) De revoir, à titre prioritaire, la législation nationale afin de mettre le système de justice pour enfants en totale conformité avec la Convention ;

c) D’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à l’unité de la justice pour enfants du Ministère de la justice, afin d’assurer le développement d’un système complet de justice pour enfants reposant sur des tribunaux spécialisés, des procédures adéquates et des juges, des avocats et des professionnels de l’application de la loi dûment formés ;

d) De veiller à ce que les personnes de moins de 18 ans ne soient pas détenues ou poursuivies au titre des lois antiterroristes, notamment la loi organique n o 26 de 2015 ;

e) De faire en sorte que les enfants qui ont à répondre d’accusations pénales bénéficient, du début à la fin de la procédure, de l’assistance gratuite d’un conseil qualifié ;

f) De redoubler d’efforts pour encourager systématiquement le recours à des mesures non judiciaires, telles que la déjudiciarisation, la médiation et l’accompagnement, pour les enfants accusés d’infractions pénales et, lorsque cela est possible, l’application de peines non privatives de liberté, telles que la probation ou les travaux d’intérêt général ;

g) De faire en sorte que la détention soit une mesure de dernier ressort imposée pour la période la plus courte possible et réexaminée à intervalles réguliers en vue d’être levée ;

h) De veiller, dans les cas où la détention est inévitable, à ce que les conditions de détention soient conformes aux normes internationales, notamment pour ce qui est de l’accès aux services d’éducation et de santé ;

i) De renforcer la formation des juges, ainsi que des procureurs, des avocats, des policiers, des agents de probation pour enfants et de tous les autres professionnels du système de justice pour enfants, et de veiller à ce qu’elle soit continue et couvre tous les domaines visés par la Convention ;

j) De renforcer les programmes d’aide destinés aux enfants susceptibles de commettre des infractions pénales et de continuer de fournir des services d’accompagnement psychologique et de réinsertion sociale aux enfants qui sortent de prison, y compris en apportant un soutien accru aux organisations de la société civile concernées et aux centres de défense et d’intégration sociale ;

k) De continuer à solliciter la coopération technique de l’UNICEF, entre autres entités.

K.Suite donnée aux précédentes observations finales et recommandations du Comité portant sur l’application des Protocoles facultatifs à la Convention

Suite donnée aux précédentes observations finales du Comité portant sur l’application du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

47.Le Comité note avec satisfaction que l’exploitation des enfants dans le contexte d’activités criminelles et de conflits armés a été érigée en infraction pénale et que l’État partie a rejoint le groupe d’États soutenant les Engagements de Paris en vue de protéger les enfants contre une utilisation ou un recrutement illégaux par des groupes ou des forces armés. Il est toutefois préoccupé par :

a)Les informations selon lesquelles des enfants nés de parents tunisiens appartenant à Daech ou à des groupes armés affiliés vivent dans des camps à l’étranger, notamment en Iraq, en Libye et dans la République arabe syrienne ;

b)L’insuffisance de l’aide à la réadaptation et à la réinsertion apportée aux enfants victimes de conflits armés, notamment les enfants qui ont été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger et les enfants de combattants terroristes étrangers ;

c)Le peu d’informations fournies sur les mesures prises pour extrader et poursuivre des ressortissants tunisiens vivant à l’étranger qui auraient commis des infractions visées par le Protocole facultatif.

48. Rappelant ses précédentes observations finales concernant le rapport de l’État partie soumis au titre de l’article 8 du Protocole facultatif , le Comité invite instamment l’État partie à :

a) Redoubler d’efforts pour rapatrier les enfants nés de combattants terroristes tunisiens impliqués dans des conflits armés à l’étranger, en vue d’assurer leur protection, leur rétablissement et leur réinsertion ;

b) Veiller à ce que tous les enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif bénéficient d’une assistance immédiate, adaptée aux enfants et tenant compte des spécificités de genre, en vue de leur rétablissement physique et psychologique et de leur réinsertion sociale, en accordant une attention particulière aux enfants qui ont été victimes de violences sexuelles et fondées sur le genre au cours des hostilités ;

c) Enquêter sur toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, y compris celles liées aux violences sexuelles, à l’enrôlement d’enfants ou à leur utilisation dans des hostilités et celles qui auraient été commises par des combattants terroristes étrangers, poursuivre les auteurs présumés, punir de manière adéquate ceux qui sont reconnus coupables et indemniser les enfants victimes et leur famille ;

d) Ne plus subordonner la compétence extraterritoriale à l’exigence de double incrimination ;

e) Mettre en place des initiatives systématiques de sensibilisation, d’éducation et de formation aux dispositions du Protocole facultatif à l’intention de tous les groupes professionnels concernés, notamment ceux qui travaillent auprès d’enfants arrivant de pays touchés par un conflit armé ou par la violence de groupes armés non étatiques ;

f) S’attaquer aux causes profondes de la radicalisation des enfants par des groupes extrémistes, prévenir l’enrôlement d’enfants ou la participation d’enfants à tout type de violence organisée, y compris des conflits armés à l’étranger, et promouvoir une culture de la paix.

L.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

49. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, afin de renforcer encore le respect des droits de l’enfant :

50. Le Comité demande instamment à l’État partie de s’acquitter des obligations qui lui incombent en matière de soumission de rapports au titre du Protocole facultatif à la Convention, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, sachant qu’il aurait dû soumettre son rapport au plus tard le 13 octobre 2004.

M.Coopération avec les organismes régionaux

51. Le Comité recommande à l’État partie de coopérer avec le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant de l’Union africaine en vue de l’application de la Convention et des autres instruments relatifs aux droits de l’homme dans l’État partie comme dans d’autres États membres de l’Union africaine.

IV.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

52.Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre et qu’une version adaptée aux enfants soit diffusée auprès des enfants, y compris les plus défavorisés, et leur soit largement accessible. Il recommande également que le rapport valant quatrième à sixième rapports périodiques, les réponses écrites de l’État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés dans les langues du pays.

B.Mécanisme national d’établissement des rapports et de suivi

53.Le Comité félicite l’État partie d’avoir créé e , en 2015, la Commission nationale de coordination, d’élaboration et de présentation des rapports et de suivi des recommandations dans le domaine des droits de l’homme, mécanisme national permanent chargé de l’établissement des rapports et du suivi des recommandations, et lui recommande de renforcer cette Commission et de veiller à ce qu’elle dispose du mandat nécessaire et des ressources humaines, techniques et financières adéquates pour assurer la coordination et l’élaboration des rapports destinés aux mécanismes internationaux et régionaux des droits de l’homme et pour coordonner et surveiller, au niveau national, la mise en œuvre des obligations conventionnelles et la suite donnée aux recommandations et décisions émanant de ces mécanismes. Le Comité souligne que la Commission nationale devrait être appuyée de manière appropriée et en permanence par un personnel qui lui soit spécialement affecté et devrait pouvoir consulter systématiquement le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que la société civile.

C.Prochain rapport

54.Le Comité invite l’État partie à soumettre son septième rapport périodique le 28 février 2026 au plus tard et à y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales. Ce rapport devra être conforme aux directives spécifiques à l’instrument adoptées le 31 janvier 2014 et ne pas dépasser 21 200 mots . Si l’État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur de manière à se conformer à la résolution susmentionnée. S’il n’est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d’examen par le Comité ne pourra pas être garantie.

55. Le Comité invite en outre l’État partie à soumettre un document de base actualisé qui ne dépasse pas 42 400 mots et soit conforme aux prescriptions applicables aux documents de base figurant dans les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports à présenter en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument , et au paragraphe 16 de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale.