Nations Unies

CCPR/C/PRY/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

20 août 2019

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique du Paraguay *

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique du Paraguay (CCPR/C/PRY/4) à ses 3621e et 3622e sessions (voir CCPR/C/SR.3621 et 3622), les 9 et 10 juillet 2019. À sa 3638e session (voir CCPR/C/SR.3638), le 22 juillet 2019, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée de présentation des rapports et d’avoir soumis son quatrième rapport périodique en s’appuyant sur la liste de points établie au préalable dans le cadre de cette procédure (CCPR/C/PRY/QPR/4). Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses fournies oralement par sa délégation et des renseignements complémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie, au cours de la période considérée, des mesures législatives et institutionnelles ci-après dans le domaine des droits civils et politiques :

a)Le décret no 4367 de 2015, qui étend la compétence de la commission interinstitutions chargée de veiller à l’exécution des décisions des juridictions internationales au suivi et à la mise en œuvre des recommandations et des décisions des mécanismes des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies, en intégrant dans la composition de la commission des représentants de la société civile ;

b)Le décret no 4368 de 2015 portant création du Système de suivi des recommandations internationales relatives aux droits de l’homme (SIMORE), mécanisme national qui réunit plus de 80 coordonnateurs dans 37 institutions publiques et qui est proposé à sept autres pays dans un cadre de coopération ;

c)La loi no 5419 de 2015, qui modifie le Code civil et porte l’âge du mariage à 18 ans ;

d)La loi no 5777 de 2016 sur la protection complète des femmes contre toutes les formes de violence, et son décret d’application no 6973, qui érige le féminicide en infraction pénale ;

e)La décision no 309 de 2016 portant adoption du Protocole général de prise en charge des personnes victimes de la traite ;

f)Le décret no 5140 de 2016 portant adoption du Plan national de lutte contre la violence à l’égard des femmes pour 2015-2020 ;

g)La loi no 5407 de 2015 sur le travail domestique, qui interdit le travail domestique des personnes de moins de 18 ans, et la loi no 6338 de 2019, qui modifie l’article 10 de la loi no 5407/12 pour que les travailleurs domestiques puissent prétendre au salaire minimum légal en vigueur.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Incorporation du Pacte dans l’ordre juridique interne

4.Le Comité note que les instruments internationaux que l’État partie a ratifiés priment les lois nationales, à l’exception de la Constitution, mais il est préoccupé par le faible nombre de cas dans lesquels les dispositions du Pacte ont été invoquées ou appliquées par les magistrats (art. 2).

5. L’État partie devrait diffuser le Pacte et le premier Protocole facultatif s’y rapportant auprès des juges, des procureurs et des avocats, afin que les tribunaux nationaux tiennent compte de leurs dispositions et les appliquent .

Mise en œuvre du Pacte et du Protocole facultatif s’y rapportant

6.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore donné pleinement suite aux constatations qu’il a adoptées (Asensi Martínez c .  Paraguay(CCPR/C/95/D/1407/2005) ; Blanco Domínguez c . Paraguay (CCPR/C/104/D/1828/2008), Benítez Gamarra c . Paraguay (CCPR/C/104/D/1829/2008), et Giménez c . Paraguay (CCPR/C/123/D/2372/2014)) (art. 2).

7. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour assurer le suivi effectif et la pleine application des constatations du Comité et garantir ainsi un recours utile aux victimes .

Plan national relatif aux droits de l’homme

8.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que l’application du plan national relatif aux droits de l’homme est limitée et les ressources qui y sont consacrées sont insuffisantes, et que l’État partie n’a pas révisé le plan avant de l’adopter afin de tenir compte des accords conclus et des consensus trouvés avec les institutions publiques et la société civile.

9. L’État partie devrait poursuivre les efforts qu’il déploie pour assurer la mise en œuvre effective et le suivi périodique du Plan national relatif aux droits de l’homme et de garantir que des ressources humaines, financières et techniques suffisantes soient consacrées à son application . Il devrait également veiller à ce que la société civile, y compris les minorités, participent activement à l’élaboration du Plan et à son exécution .

Institution nationale des droits de l’homme

10.Le Comité regrette que le Bureau du Défenseur du peuple ne fonctionne toujours pas en conformité avec les principes concernant le statut des institutions nationales (Principes de Paris), après que son accréditation a été suspendue en 2014 et qu’il se soit vu accorder le statut B, en mars 2019. Il est particulièrement préoccupé par les questions de la sélection et de la nomination du Défenseur du peuple, par la procédure de destitution du Défenseur et par le manque de ressources (art. 2).

11.L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires, notamment au niveau constitutionnel, pour faire en sorte que le Bureau du Défenseur du peuple fonctionne de manière pleinement conforme aux Principes de Paris . En particulier, il devrait concevoir et appliquer un processus de sélection et de nomination clair, transparent et participatif, allouer au Bureau du Défenseur du peuple des ressources financières et humaines suffisantes pour qu’il puisse s’acquitter de son mandat, et coopérer davantage avec les mécanismes régionaux et internationaux de défense des droits de l’homme .

Violations des droits de l’homme pendant la dictature

12.Le Comité est préoccupé par la faiblesse et la lenteur des progrès réalisés dans les enquêtes menées sur les violations graves des droits de l’homme, notamment les disparitions forcées, les cas de torture, les exécutions extrajudiciaires ou les détentions illégales, commises pendant la dictature (1954-1989) et durant la période de transition qui a duré jusqu’en 2003, et pour juger et punir les responsables de ces violations. Il est particulièrement préoccupé par le fait que l’inaction du ministère public ou du pouvoir judiciaire ait conduit à l’extinction d’une instance pénale concernant des faits de torture. Il est également préoccupé par le peu de progrès réalisés pour ce qui est des réparations à accorder aux victimes et à leurs proches, ainsi que par les informations indiquant des irrégularités dans le versement des indemnités, eu égard à l’application rétroactive des modifications apportées à la loi no 838/96, au détriment des victimes. À cet égard, il convient de signaler que la loi n° 4381/11 a modifié le mandat du Bureau du Procureur général de la République et a rendu les décisions du Bureau contraignantes pour le Bureau du Défenseur du peuple. Le Comité prend note des efforts déployés pour rechercher et identifier les personnes disparues, y compris de la création d’une base de données génétiques, mais il est préoccupé par la lenteur des progrès réalisés dans ce domaine (art. 2, 6 et 7).

13. L’État partie devrait :

a) Faire en sorte que toutes les violations graves des droits de l’homme commises pendant la dictature (1954-1989) et au cours de la période de transition qui a duré jusqu’en 2003 fassent l’objet d’enquêtes en bonne et due forme, que les responsables présumés soient jugés sans délai et, s’ils sont reconnus coupables, soient punis ;

b) Veiller à ce que toutes les victimes et leurs proches aient effectivement accès, rapidement et de façon équitable, à une indemnisation et à une réparation intégrale, indépendamment de la date à laquelle la demande a été introduite ;

c) Accélérer la recherche des personnes disparues et l’identification des restes retrouvés dans le cadre des enquêtes menées sur les cas de disparition forcée et veiller à ce que les ressources humaines, techniques et financières nécessaires soient allouées à cette fin .

Non-discrimination

14.Le Comité demeure préoccupé par l’absence de cadre juridique général de lutte contre la discrimination ainsi que par la persistance de la discrimination qui s’exerce contre les femmes, les personnes d’ascendance africaine, les autochtones, les personnes handicapées, les travailleurs et travailleuses du sexe, les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes (LGBTI) et les personnes vivant avec le VIH, en particulier dans les domaines de l’éducation, de la santé et dans l’emploi. Il est également préoccupé par les informations concernant les restrictions du droit d’association des LGBTI, le financement d’organisations homophobes au moyen de fonds publics ; les crimes de haine et les actes de violence contre les LGBTI, en particulier les transgenres, et le niveau élevé d’impunité pour les auteurs de ces crimes (art. 2, 3, 6, 7, 17, 21, 26 et 27).

15. L’État partie devrait :

a) Adopter une législation complète interdisant la discrimination multiple, directe et indirecte, dans tous les domaines, à la fois dans le secteur public et le secteur privé, pour tous les motifs énumérés dans le Pacte ;

b) Garantir, en droit comme dans la pratique, la pleine protection des femmes, des personnes d’ascendance africaine, des peuples autochtones, des personnes handicapées, des travailleurs et travailleuses du sexe, des LGBTI et des personnes vivant avec le VIH contre la discrimination, notamment en renforçant les programmes de formation destinés aux agents des forces de l’ordre et des forces de sécurité et en multipliant les campagnes de sensibilisation prônant la tolérance et le respect de la diversité ;

c) Adopter et appliquer des politiques qui permettent de protéger efficacement les LGBTI et les travailleurs et travailleuses du sexe et veiller à ce que tous les cas de discrimination et de violence à l’égard de ces personnes dans lesquels des particuliers ou des agents de l’État sont mis en cause donnent lieu à une enquête, à ce que les responsables soient condamnés à des peines appropriées et à ce que les victimes obtiennent une réparation intégrale .

Égalité de droits entre hommes et femmes

16.Le Comité demeure préoccupé par la participation encore limitée des femmes à la vie politique et publique et par leur sous-représentation dans les postes de décision, les postes publics et les fonctions électives, y compris au sein des organes des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif. Il est également préoccupé par la persistance des stéréotypes patriarcaux et des préjugés concernant le rôle de la femme dans la famille et dans la société, ainsi que par l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes (art. 2, 3, 25 et 26).

17. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour accroître la participation des femmes à la vie politique et publique ainsi que leur représentation dans les secteurs public et privé, en particulier aux postes de décision et de haut niveau, en adoptant notamment, si nécessaire, des mesures spéciales temporaires pour donner pleinement effet aux dispositions du Pacte . Il devrait également continuer de s’employer à combler l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes et à éliminer les stéréotypes sexistes concernant le rôle et les responsabilités dévolus aux hommes et aux femmes dans la famille et dans la société .

Violence à l’égard des femmes, des filles et des adolescentes

18.Le Comité est préoccupé par l’augmentation des violences familiales et des violences sexuelles commises contre les femmes, les filles et les adolescentes, ainsi que par les informations selon lesquelles le nombre de féminicides est alarmant. Le Comité s’inquiète du très faible nombre d’enquêtes menées sur des affaires de féminicide depuis que ce comportement a été érigé en infraction pénale, en 2016, et regrette l’absence de données statistiques claires et ventilées sur les plaintes reçues pour les diverses formes de violence contre les femmes, les filles et les adolescentes, les enquêtes menées et leurs résultats, les condamnations prononcées et les réparations accordées aux victimes (art. 2, 3, 6, 7, 14, 24 et 26).

19. L’État partie devrait :

a) Intensifier les efforts qu’il déploie pour prévenir, combattre et punir le féminicide et tous les actes de violence visant les femmes, les filles et les adolescentes, y compris par la collecte de données statistiques, et veiller à ce que les institutions et les programmes qui contribuent à ces efforts soient dotés de ressources humaines, financières et techniques appropriées ;

b) Faire en sorte que tous ces crimes donnent lieu sans tarder à des enquêtes approfondies et impartiales, en dispensant aux juges, aux procureurs et aux membres des forces de l’ordre des formations appropriées afin qu’ils puissent enquêter sur les affaires de féminicide et de violence familiale et les juger ; que les auteurs soient poursuivis et punis et que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

c) Redoubler d’efforts pour garantir l’accès à une aide et à une protection à toutes les victimes et donner effet au droit des femmes victimes de violence d’accéder à la justice, y compris dans les zones rurales et parmi les peuples autochtones ;

d) Poursuivre les efforts entrepris pour former le personnel des services de police, de justice et de médecine légale afin d’éliminer les stéréotypes sexistes et d’éviter que les femmes et les filles ne soient plusieurs fois victimes du même crime .

Interruption volontaire de grossesse et droits en matière de procréation

20.Le Comité note avec préoccupation que l’interruption volontaire de grossesse est punie par la loi, y compris dans les cas où la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste, n’est pas viable, ou menace la santé de la femme ou de la fille enceinte, ce qui contraint les femmes et les filles à avorter dans des conditions qui mettent gravement en péril leur vie et leur santé. Le Comité note également avec préoccupation que, selon les informations qu’il a reçues, les mères de mineures enceintes et les professionnels de la santé qui pratiquent des avortements illégaux encourent des sanctions. Il s’inquiète en outre de la proportion alarmante de grossesses précoces ainsi que du taux élevé de mortalité maternelle, en particulier chez les filles et les adolescentes. Le Comité prend note des informations préoccupantes concernant l’offre insuffisante de services de santé procréative de qualité et l’absence de politique publique d’éducation générale en matière de sexualité et de procréation. À ce sujet, le Comité regrette l’adoption, par le Ministère de l’éducation et des sciences, de l’arrêté no 29664 interdisant la diffusion et l’utilisation de matériels d’information relatifs à « la théorie ou l’idéologie du genre », et de l’arrêté no 1761 interdisant l’utilisation, dans les établissements scolaires, du « Manuel d’éducation générale en matière de sexualité à l’intention des enseignants ». Le Comité note en outre avec préoccupation que l’État partie n’a pas exposé les raisons qui l’avaient conduit à adopter, en 2017, la loi no 5833/2017 portant création d’un registre des « enfants conçus mais non nés » (art. 2, 3, 6, 7, 17, 24 et 26).

21. Le Comité demande instamment à l’État partie de modifier sa législation de manière à garantir un accès à l’avortement effectif, légal et sans danger lorsque la vie et la santé de la femme ou de la fille enceinte sont en danger ou lorsque le fait de mener la grossesse à terme risque de causer à la femme ou à la fille enceinte des douleurs ou des souffrances considérables, tout particulièrement lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste ou qu’elle n’est pas viable . L’État partie devrait en outre veiller à ce que les femmes et les filles qui recourent à l’avortement et les médecins qui leur prêtent assistance ne fassent pas l’objet de sanctions pénales, car de telles mesures contraignent les femmes et les filles à avorter dans des conditions qui les mettent en danger . L’État partie devrait également garantir l’accès à des services appropriés de santé sexuelle et procréative, de contraception et d’éducation pour les hommes, les femmes et les adolescents, dans tout le pays . Il devrait aussi étendre et promouvoir la mise en œuvre de programmes d’éducation et de sensibilisation formels (dans les écoles et les lycées, publics et privés) et informels (via les médias et par d’autres moyens) pour mettre en avant l’importance de la contraception et les droits à la santé sexuelle et procréative . À ce sujet, le Comité recommande à l’État partie d’abroger les arrêtés n os  29664 et 1761 du Ministère de l’éducation et des sciences .

Force d’action conjointe

22.Le Comité constate que seulement six plaintes pour violations des droits de l’homme ont été déposées contre des membres de la Force d’action conjointe, et demeure préoccupé par le grand nombre d’actes de torture, d’exécutions extrajudiciaires, de détentions arbitraires et de disparitions forcées imputés aux membres de cette force. Il prend note de l’existence d’un projet de loi portant abrogation de la loi no 5036/2013 sur la défense nationale et la sécurité intérieure, mais il s’inquiète de la lenteur du processus législatif, qui permet à l’armée de continuer de participer à des activités de sécurité publique (art. 2, 6, 7, 9 et 16).

23. L’État partie devrait faire jouer un plus grand rôle à la police nationale dans le maintien de l’ordre public en lui transférant les fonctions exercées par la Force d’action conjointe dans ce domaine . À cet égard, le Comité encourage l’État partie à achever le processus d’abrogation de la loi n o  5036/2013 . L’État partie devrait en outre faire en sorte que toutes les allégations relatives à des actes de torture, à des exécutions extrajudiciaires, à des détentions arbitraires et à des disparitions forcées donnent lieu sans délai à des enquêtes approfondies et impartiales, que des recherches soient entreprises pour retrouver les personnes disparues, que les responsables soient traduits en justice et condamnés, et que les victimes obtiennent une réparation intégrale .

Usage excessif de la force, détention arbitraire et torture

24.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des agents des forces de l’ordre et de sécurité se seraient rendus coupables d’actes de torture et de mauvais traitements, d’usage excessif de la force et de détentions arbitraires à l’occasion des manifestations qui se sont déroulées à Asunción le 31 mars et le 1er avril 2017. Il est également préoccupé par la lenteur des enquêtes sur les actes de torture, les exécutions extrajudiciaires et les violations des garanties procédurales et des droits de la défense qui pourraient avoir été commis par les forces de sécurité dans le cadre des événements survenus à Curuguaty le 15 juin 2012. Le Comité s’inquiète en outre des informations indiquant que la torture serait pratiquée dans les lieux de privation de liberté, en particulier par la police nationale. Il est également préoccupé par le fait que, malgré les importantes mesures prises par le Ministère de la justice, notamment l’adoption de protocoles d’intervention en cas d’actes de torture perpétrés dans les établissements pénitentiaires, les personnes privées de liberté ne disposent toujours pas d’un accès rapide et direct à un mécanisme de plainte sûr, tel que le Bureau du Procureur.Le Comité prend note des ressources allouées au mécanisme national de prévention de la torture, mais craint qu’elles ne soient pas suffisantes pour permettre à celui-ci de s’acquitter de ses fonctions (art. 2, 6, 7, 9, 10, 14 et 21).

25. L’État partie devrait :

a) Faire en sorte que toutes les plaintes pour détention arbitraire et usage excessif de la force, y compris la force meurtrière, de la part des agents des forces de l’ordre et du personnel de sécurité donnent lieu sans délai à une enquête impartiale et approfondie ; que les auteurs soient traduits en justice et, s’ils sont déclarés coupables, condamnés à des peines appropriées ; et que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

b) Garantir que la législation interne relative à l’usage de la force et les supports de formation y relatifs, ainsi que l’application de cette législation, soient pleinement conformes aux normes internationales, notamment aux dispositions du Pacte et aux Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, et que les agents des forces de l’ordre et le personnel de sécurité bénéficient régulièrement de formations concernant ces normes et les appliquent dans la pratique, y compris dans le cadre des manifestations ;

c) Faire en sorte que toutes les allégations de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants donnent lieu sans délai à une enquête impartiale et approfondie, menée conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) ; que les auteurs soient traduits en justice et, s’ils sont déclarés coupables, condamnés à des peines appropriées ; et que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

d) Garantir à toutes les personnes privées de liberté un accès rapide, effectif et direct aux instances chargées de recevoir des plaintes pour torture ou mauvais traitements ;

e) Veiller à ce que le mécanisme national de prévention de la torture dispose des ressources nécessaires pour pouvoir s’acquitter pleinement de ses fonctions, et lui garantir l’accès à tous les lieux où il est habilité à se rendre en vertu de la loi .

Personnes privées de liberté et conditions de détention

26.Le Comité est préoccupé par la crise pénitentiaire que connaît l’État partie. Sont particulièrement inquiétantes la persistance de la surpopulation et les mauvaises conditions de vie dans les lieux de privation de liberté, y compris les centres éducatifs, les commissariats de police et les structures pour personnes ayant un handicap mental. Le Comité constate aussi avec préoccupation que le taux de mortalité en détention est élevé, et notamment que des personnes privées de liberté sont mortes dans la mutinerie dont la prison régionale de San Pedro del Ycuamandiyú a été le théâtre. Il est en outre préoccupé par la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les femmes et les LGBTI (en particulier les transgenres) privés de liberté (art. 6, 7, 9, 10, 14 et 26).

27. L’État partie devrait :

a) Redoubler d’efforts pour améliorer les conditions de détention, réduire la surpopulation et garantir que tous les lieux de privation de liberté offrent des conditions de détention conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) ;

b) Faire procéder sans délai à une enquête approfondie sur toutes les morts survenues en détention, y compris dans les centres éducatifs, poursuivre les responsables et, s’il y a lieu, les condamner à des peines appropriées, et accorder une réparation intégrale aux familles des victimes ;

c) Garantir que les établissements pénitentiaires et les établissements accueillant des mineurs placés sous la garde de l’État fassent l’objet d’une surveillance appropriée ;

d) Veiller à ce que les droits des personnes privées de liberté en situation de grande vulnérabilité, notamment les femmes et les LGBTI, en particulier les transgenres, soient respectés conformément aux normes internationales, sans aucune distinction, par exemple en dispensant régulièrement des formations à ce sujet au personnel de tous les lieux de privation de liberté .

28.Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de personnes placées en détention provisoire, qui représentent 78 % du nombre total des détenus, par la durée prolongée de la détention provisoire, en particulier pour les personnes autochtones, et par la trop rare utilisation qui est faite des mesures non privatives de liberté. À ce sujet, le Comité se réjouit de l’approbation, le 11 juillet 2019, de la modification de l’article 245 du Code de procédure pénale, qui établissait des restrictions à l’application des mesures non privatives de liberté. Le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles l’accès à un avocat dès le début de la détention et le droit de contacter un membre de sa famille ou une personne de confiance ne sont pas toujours garantis aux détenus, en particulier dans les commissariats de police (art. 9 et 14).

29. L’État partie devrait :

a) Poursuivre ses réformes et réduire notablement le recours à la détention provisoire et veiller à ce que la possibilité d’appliquer des mesures non privatives de liberté, telles que la libération sous caution ou le bracelet électronique, soit toujours prise en considération, et à ce que la détention provisoire ne soit utilisée qu’à titre exceptionnel, si elle est nécessaire et raisonnable, et pour la durée la plus brève possible, y compris à l’égard des adolescents en conflit avec la loi ;

b) Veiller à ce que toute personne privée de liberté soit informée du motif de sa détention et de ses droits, ait accès à un conseil et puisse communiquer avec un membre de sa famille ou une personne de confiance dès le début de sa détention .

30.Le Comité prend note du fait qu’il n’existe pas, où que ce soit sur le territoire national, de professionnels de la santé dûment formés pour poser les diagnostics nécessaires à l’hospitalisation sans consentement des personnes ayant un handicap mental. De plus, il est préoccupé par l’absence de mesures de substitution à l’internement et par le manque d’informations concernant les procédures judiciaires ou administratives qui permettent d’interner une personne ou de mettre fin à son internement (art. 6, 7, 9 et 10).

31. L’État partie devrait :

a) Faire en sorte que l’hospitalisation sans consentement des personnes ayant un handicap mental soit strictement nécessaire et proportionnée, et ne soit utilisée qu’en dernier ressort et pour la durée la plus brève possible ;

b) Veiller à ce que les procédures d’hospitalisation sans consentement prennent en considération l’avis de la personne concernée et soient assorties des garanties procédurales et matérielles prévues par la loi, y compris l’accès effectif à un avocat .

Interdiction du travail forcé et de la traite des personnes

32.Le Comité est préoccupé par la persistance, dans l’État partie, de la traite des personnes, qui touche particulièrement les femmes, en particulier les femmes autochtones, les filles et les garçons, et les réfugiés et les demandeurs d’asile ; par l’insuffisance de la protection et de l’assistance offertes aux victimes dans toutes les régions du pays ; et par le faible nombre de poursuites et de condamnations. S’il salue les progrès accomplis sur le plan législatif en matière de droits du travail, le Comité est préoccupé par les cas signalés d’exploitation par le travail des travailleurs domestiques, en particulier parmi les femmes et filles autochtones, et par la présence des pires formes de travail des enfants telles que la pratique du « criadazgo » (art. 3, 7, 8 et 24).

33. L’État partie devrait :

a) Redoubler d’efforts pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, notamment en formant les juges, les procureurs et les agents des forces de l’ordre et des services d’immigration, et veiller à ce que les mesures adoptées par l’État, comme le Plan national de prévention et de répression de la traite des personnes et d’assistance aux victimes et le Fonds national d’investissement pour la prévention de la traite des personnes et l’aide aux victimes, soient effectivement appliquées ;

b) Faire en sorte que les infractions liées à la traite des personnes donnent lieu à des enquêtes, que les responsables soient poursuivis et sanctionnés et que les victimes aient accès à des mesures appropriées de protection et d’assistance, y compris l’assistance d’un conseil ;

c) Renforcer les mécanismes de coopération avec les pays voisins afin d’assurer la sécurité des victimes potentielles dans les zones frontalières et mener des campagnes de sensibilisation sur les conséquences néfastes de la traite des personnes ;

d) Garantir le respect des droits fondamentaux des travailleuses et des travailleurs domestiques, y compris des migrants en situation irrégulière, et faire en sorte qu’ils soient protégés contre toute situation de servitude domestique et disposent d’un accès effectif à la justice, et que toute atteinte à leurs droits donne lieu à une enquête, des poursuites et des sanctions ;

e) Redoubler d’efforts pour prévenir, réprimer et punir le travail des enfants, y compris sous ses pires formes, et adopter des dispositions et des stratégies en vue de mettre fin à la pratique du criadazgo, par exemple, l’apport d’un appui aux familles d’origine et l’élaboration de campagnes de sensibilisation et de programmes d’éducation et de formation professionnelle à l’intention des enfants et des adolescents issus de familles vulnérables dans tout le pays .

Indépendance du pouvoir judiciaire

34.Le Comité est préoccupé par les nombreuses informations qui mettent en évidence un degré élevé de politisation et de corruption du pouvoir judiciaire, notamment l’ingérence du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif dans le pouvoir judiciaire et la présence d’un nombre considérable de représentants politiques dans les organes chargés de l’administration de la justice et du contrôle du respect de la déontologie judiciaire. Il est aussi préoccupé par les informations selon lesquelles le ministère public aurait interféré avec l’exercice du pouvoir judiciaire, notamment dans l’affaire de Curuguaty. Il craint également que le système de sélection et de désignation des juges et des procureurs préconisé par le Conseil de la magistrature n’apporte pas une garantie suffisante de l’indépendance et de la compétence des juges et des procureurs (art. 2 et 14).

35. L’État partie devrait :

a) Redoubler d’efforts pour lutter contre la corruption dans l’appareil judiciaire, notamment en sensibilisant les juges, les procureurs et les policiers aux moyens les plus efficaces de lutter contre la corruption ;

b) Mettre fin à toutes les formes d’ingérence des autres pouvoirs dans l’appareil judiciaire et veiller à ce que toutes les allégations d’ingérence et de corruption fassent rapidement l’objet d’une enquête approfondie, indépendante et impartiale, et poursuivre et sanctionner les personnes reconnues coupables ;

c) Revoir le fonctionnement des institutions chargées de l’administration de la justice, de la sélection des juges et des procureurs et de la déontologie judiciaire et les lois y relatives de façon qu’en droit et en pratique, le système en place protège l’indépendance et l’impartialité de la justice et l’autonomie du ministère public, et favorise le contrôle démocratique et la transparence à l’égard du public .

Liberté d’expression et violence à l’égard des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes

36.Le Comité prend note de l’existence d’un projet de loi sur la protection des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme, qui prévoit la création d’un mécanisme national de protection. Cependant, il est préoccupé par les informations selon lesquelles ces personnes font l’objet d’attaques, de représailles et d’agressions, qui sont de surcroît rarement punies, et par l’insuffisance des mesures prises pour les protéger efficacement. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles l’État surveillerait des communications privées, y compris celles de journalistes. Il prend note des renseignements communiqués sur l’application de la loi no 5282/14 sur le libre accès à l’information publique et la transparence dans l’administration, mais regrette qu’’elle ne soit pas contrôlée par une autorité indépendante (art. 6, 7, 9, 17, 19 et 22).

37. L’État partie devrait :

a) Faire en sorte que les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes qui subissent des menaces, des violences et des actes d’intimidation bénéficient d’une assistance et d’une protection effectives, et puissent faire leur travail dans de bonnes conditions, notamment en adoptant des mesures législatives spéciales destinées à les protéger et en adoptant de véritables mesures de prévention ;

b) Faire en sorte que les attaques, les représailles et les agressions contre les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes donnent rapidement lieu à des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales, que leurs auteurs soient poursuivis et sanctionnés par des peines appropriées, et que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

c) Se garder de toute activité de surveillance étatique, en particulier à l’égard des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme, sauf dans les rares cas où cela est compatible avec le Pacte, et créer un mécanisme chargé de contrôler les écoutes de communications privées par l’État ;

d) Créer une autorité indépendante de contrôle pour assurer la bonne application de la loi n o  5282/14 .

Droit de vote

38.Le Comité prend note qu’il existe un projet de loi visant à mettre fin à la limitation du droit de vote des personnes privées de liberté et des personnes sourdes, prévue à l’article 91 du Code électoral, mais est préoccupé par le retard pris dans son adoption (art. 25).

39. Le Comité recommande à l’État partie de mener à bonne fin le processus de modification de l’article 91 du Code électoral afin de garantir le droit de vote des personnes privées de liberté et des personnes sourdes .

Droits de l’enfant et certificats de naissance

40.Le Comité prend note avec satisfaction de l’accord de coopération interinstitutions de 2018, qui prévoit que les certificats de naissance peuvent être obtenus auprès des consulats et des services consulaires des missions diplomatiques du Paraguay à l’étranger. Il est préoccupé par la proportion importante d’adultes et d’enfants qui ne sont pas encore enregistrés, en particulier dans les zones rurales, parmi les peuples autochtones, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les apatrides (art. 16, 23 et 24).

41. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour que tous les enfants nés sur son territoire, y compris les enfants de mères adolescentes, soient enregistrés et reçoivent un certificat de naissance . À cet égard, il devrait poursuivre la mise en place de services d’état civil dans les maternités et les hôpitaux de l’enfance et auprès des populations rurales et autochtones . Il devrait veiller également à l’application effective de l’accord de coopération interinstitutions afin que les naissances d’enfants nés à l’étranger de parents paraguayens puissent être enregistrées auprès des consulats . Il devrait en outre renforcer les campagnes d’enregistrement à l’intention des adultes .

Migrants, demandeurs d’asile et personnes déplacées

42.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles le décret et les procédures administratives nécessaires à l’application de la loi de 2002 sur les réfugiés, en particulier ses dispositions relatives au regroupement familial et aux enfants migrants non accompagnés, n’ont pas encore été adoptés (art. 2, 12, 13, 14, 24 et 26).

43. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que la législation nationale en matière d’immigration, y compris la loi sur les réfugiés, soit conforme au Pacte et aux autres normes internationales, en prenant les dispositions légales et administratives nécessaires ;

b) Garantir protection et assistance aux demandeurs d’asile et assurer leur identification, leur accueil et leur orientation vers le système national d’asile aux frontières de l’État partie .

Peuples autochtones

44.Le Comité prend note avec satisfaction de la promulgation récente du décret no 1039/18, portant approbation du Protocole instituant un processus de consultation et de consentement préalable, libre et éclairé, des peuples autochtones vivant au Paraguay. Il reste toutefois préoccupé par le caractère encore insuffisant de progrès réalisés dans la protection et la promotion des droits des peuples autochtones. À cet égard, il constate avec préoccupation que ces peuples connaissent un taux élevé de pauvreté et des difficultés d’accès à l’éducation et à la santé, que le processus d’enregistrement et de restitution des terres est lent et qu’ils n’ont donc pas pleinement accès à leurs territoires et ressources naturelles, et que l’application des arrêts rendus par la Cour interaméricaine des droits de l’homme au sujet des communautés Sawhoyamaxay, Yakye axa et Xákmok kásek n’a guère progressé, même si, ces trois dernières années, le taux d’exécution des engagements pris envers le Système interaméricain des droits de l’homme a augmenté. De plus, s’il prend note des renseignements communiqués par l’État partie au sujet de la communauté Ayoreo-totobiegosode, le Comité regrette que trop peu de renseignements lui aient été communiqués sur l’application de la décision no 166/2016 et la déforestation des territoires de cette communauté par des entreprises privées. Il est préoccupé en outre par la participation limitée des peuples autochtones à la vie politique et à la vie publique (art. 2, 25, 26 et 27).

45. L’État partie devrait continuer d’œuvrer à la promotion et à la protection des droits des peuples autochtones, et en particulier :

a) Garantir l’accès à l’éducation et à la santé à tous les peuples autochtones ;

b) Rendre effectif le mécanisme national de consultation devant garantir le consentement préalable, libre et éclairé, des peuples autochtones, de sorte que ces peuples puissent participer aux processus décisionnels à tous les niveaux de gouvernance ;

c) Faire en sorte que les peuples autochtones aient effectivement accès à des procédures de règlement des différends et que le processus de restitution et d’enregistrement de leurs terres et ressources naturelles soit accéléré, veiller à l’application des décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’homme à l’égard des communautés Sawhoyamaxay, Yakye axa et Xákmok kásek, et garantir la protection des terres et des ressources de la communauté Ayoreo-totobiegosode ;

d) Donner plus de moyens à l’Institut paraguayen des autochtones et veiller à son indépendance afin qu’il agisse pleinement en faveur de la protection et de la promotion des droits des peuples autochtones ;

e) Prendre des mesures pour assurer la pleine participation des membres des peuples autochtones à la vie politique .

D.Diffusion et suivi

46 . L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, de son quatrième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays ainsi qu’auprès du grand public, y compris des membres des communautés minoritaires et des peuples autochtones, pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte .

47 . Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, dans un délai de deux ans à compter de l’adoption des présentes observations finales, c’est-à-dire le 26 juillet 2021, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 13 ( violations des droits de l’homme pendant la dictature ), 29 ( personnes privées de liberté et garanties fondamentales ) et 35 (indépendance du pouvoir judiciaire) .

48 . Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 26 juillet 2025 au plus tard . L’État partie ayant accepté d’utiliser la procédure simplifiée de présentation des rapports, le Comité lui communiquera en temps voulu une liste de points établie avant la soumission du rapport . Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront son cinquième rapport périodique . Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots .