Nations Unies

CCPR/C/PRY/CO/3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

29 avril 2013

Français

Original: espagnol

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le troisième rapport périodique du Paraguay, approuvéespar le Comité des droits de l’homme à sa 107e session (11-28 mars 2013)

Le Comité des droits de l’homme a examiné le troisième rapport périodique du Paraguay (CCPR/C/PRY/3) à ses 2952e et 2953e séances (CCPR/C/SR.2952 et 2953), les 11 et 12 mars 2013. À sa 2974e séance (CCPR/C/SR.2974), le 26 mars 2013, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique du Paraguay et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer le dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/PRY/Q/3/Add.1) qu’il a apportées à la liste de points à traiter (CCPR/C/PRY/Q/3).

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en septembre 2008, et de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en août 2010.

Le Comité salue également:

a)L’adoption de la loi no 4288/2011 intitulée «Mécanisme national de prévention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» et sa mise en œuvre;

b)La création, par la loi no 4720/12, du Secrétariat national pour les droits de l’homme des personnes handicapées;

c)L’élaboration d’indicateurs relatifs aux droits de l’homme qui permettront de suivre l’évolution de la situation des droits, les progrès accomplis et les résultats des politiques publiques menées dans ce domaine.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité se réjouit de la mise en place et du bon fonctionnement du Réseau des droits de l’homme du pouvoir exécutif, espace fondamental de coordination interinstitutionnelle pour l’élaboration de politiques publiques des droits de l’homme et le suivi des recommandations formulées à l’échelon international. Il salue également la décision de l’État partie d’étendre la compétence de la Commission exécutive interinstitutions chargée de l’application des décisions des instances internationales (CICSI) au suivi et à la mise en œuvre des recommandations formulées par les mécanismes des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies. Il espère que les deux dispositifs en question seront renforcés et attend avec intérêt la mise en œuvre effective de la décision susmentionnée. Le Comité s’inquiète par ailleurs du faible nombre de cas dans lesquels les dispositions du Pacte ont été invoquées ou appliquées par les autorités judiciaires (art. 2).

L ’ État partie devrait assurer le renforcement du Réseau des droits de l ’ homme du pouvoir exécutif pour garantir l ’ élaboration de politiques publiques axées sur les droits, ainsi que la mise en œuvre rapide et effective de sa décision d ’ étendre la compétence de la CICSI aux recommandations des organes des droits de l ’ homme de l ’ ONU. Il devrait également veiller à ce que tous les juges et autres membres de l ’ appareil judiciaire reçoivent une formation concernant les droits consacrés dans le Pacte et leur applicabilité en droit interne. L ’ État partie devrait faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur l ’ application du Pacte par les juridictions nationales.

Le Comité prend note de l’adoption, par la voie du décret no 10747, du Plan national des droits de l’homme (PNDH). Il regrette toutefois que le plan adopté ne reflète pas pleinement les accords et consensus issus du processus participatif d’élaboration du projet de plan auquel ont contribué les institutions de l’État et la société civile. À ce propos, il juge regrettable que le plan adopté ne tienne pas compte de toutes les préoccupations qui avaient été recensées et n’intègre pas les lignes d’action stratégiques initialement proposées aux fins de sa mise en œuvre effective.

L ’ État partie devrait garantir le respect des processus participatif d’élaboration du Plan national des droits de l’homme. À ce propos, il devrait revoir les modifications qui ont été apportées, sans consultation, au projet de plan et prévoir un budget suffisant pour assurer la mise en œuvre effective du Plan ainsi que des mécanismes de suivi et de reddition de comptes, en y association la société civile et en utilisant l es indicateurs relatifs aux droits de l’homme .

Le Comité relève avec préoccupation que les procédures en vigueur n’ont pas permis de désigner un nouveau médiateur (defensor del pueblo) depuis 2008, et s’inquiète de l’absence de critères clairs qui permettraient de garantir la pleine indépendance et l’efficacité de cette institution, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art. 2).

L ’ État partie devrait veiller dans les plus brefs délais à ce qu ’ un médiateur à la compétence incontestable soit élu de manière transparente et participative. Il devrait également créer les conditions législatives et réglementaires et prévoir les ressources humaines et matérielles nécessaires pour que le Bureau du Médiateur puisse s ’ acquitter de son mandat avec efficacité et en toute indépendance, conformément aux Principes de Paris.

Le Comité constate avec inquiétude que les enquêtes judiciaires sur de nombreux cas de violations du droit à la vie, y compris de disparition, de torture, d’exécution extrajudiciaire ou de détention illégale survenus sous la dictature d’Alfred Stroessner (1954-1989) et au cours de la période de transition jusqu’en 2003 ne sont pas encore terminées. Il est préoccupé par les pratiques inéquitables qui ont été identifiées et signalées en ce qui concerne l’octroi d’une réparation et d’une indemnisation aux victimes de ces violations. Le Comité regrette enfin que l’État partie ne dispose pas des ressources humaines et matérielles nécessaires à l’identification des restes humains qui ont été découverts dans le cadre d’enquêtes sur des cas de disparition forcée (art. 2 et 6 du Pacte).

L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les cas de violations graves des droits de l ’ homme rapportés par la Commission vérité et justice donnent lieu à une enquête en bonne et due forme et que les auteurs soient poursuivis et, s’il y a lieu , sanctionnés. Il devrait également garantir à toutes les victimes ou à leur famille un accès rapide et équitable à une réparation et une indemnisation, notamment dans les cas −  comme ceux de torture psychologique − où il n’y a pas de séquelles physiques à montrer . L ’ État partie devrait enfin prévoir de toute urgence les crédits budgétaires nécessaires pour poursuivre les travaux de recherche et d ’ identification de restes humains dans le cadre des enquêtes sur les cas de disparition forcée.

Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas encore adopté le projet de loi contre toutes les formes de discrimination, présenté au Sénat en mai 2007, alors que persistent les stéréotypes, la discrimination et la marginalisation, en particulier au détriment des femmes, des personnes handicapées, des autochtones, des personnes d’ascendance africaine ainsi que des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) (art. 2, 26 et 27).

L ’ État partie devrait adopter une législation exhaustive de lutte contre la discrimination, qui permett e notamment d ’ assurer une protection contre la discrimination fondée sur l ’ orientation sexuelle ou l ’ identité de genre, faire une priorité de la mise en œuvre de programmes visant à éliminer les stéréotypes et la discrimination, et veiller à la tolérance et au respect de la diversité. Il devrait également prendre des mesures pour promouvoir l ’ égalité des chances et l ’ accès à tous les services, sans entrave ni discrimination, des femmes, des personnes handicapées, des autochtones, des personnes d ’ ascendance africaine et des LGBT .

Le Comité est préoccupé par la faible représentation des femmes au Congrès et aux postes de décision dans les secteurs public et privé, et par la persistance des stéréotypes relatifs au rôle des femmes dans la famille et la société (art. 3, 25 et 26).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour éliminer les stéréotypes sexistes rela tifs aux rôles et responsabilités des hommes et des femmes dans la famille et la société, et mener des campagnes de sensibilisation à cet effet. Il devrait aussi adopter les mesures temporaires spéciales nécessaires pour accroître la participation des femmes à la vie politique et publique et dans le secteur privé.

Le Comité relève avec satisfaction que la délégation a reconnu la nécessité de réformer le Code électoral dans le strict respect des principes de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, mais il est préoccupé par les restrictions disproportionnées imposées au droit de vote des personnes privées de liberté et des personnes handicapées en application des articles 91 et 149 du Code électoral. Le Comité est également préoccupé par l’absence de mesures concrètes qui amélioreraient l’accessibilité des salles de vote ou permettraient de disposer de bulletins de vote en braille (art. 2, 25 et 26).

L ’ État parti e devrait modifier les articles  91 et 149 du Code électoral pour a)  éliminer les restrictions disproportionnées imposées au droit de vote des personnes privées de liberté, et b) garantir l’élimination de la discrimination exercée à l’égard des personnes atteintes d ’ un handicap mental ou de troubles psychosociaux et des personnes sourdes et muettes du fait de la négation de leur droit de vote, fondée sur des motifs hors de proportion, ou sans lien raisonnable ou objectif, avec leur capacité à voter, compte tenu de l’article  25 du Pacte et de l’article 29 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées . L ’ État partie devrait également veiller à l ’ application dans tout le pays de mesures pratiques qui permett ent aux personnes handicapées d ’ avoir accès aux salles de vote et d ’ utiliser des bulletins de vote.

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour protéger les femmes contre la violence familiale. Il est toutefois préoccupé par la persistance de niveaux élevés de violence contre les femmes et par l’absence de loi efficace qui permettrait de prévenir, punir et éradiquer cette violence. Le Comité s’inquiète également du nombre limité de refuges ou centres d’accueil destinés aux femmes victimes de violence familiale, structures qui constituent l’unique soutien des victimes. Le Comité regrette enfin l’absence d’antécédents de réparation accordée aux victimes de violence familiale (art. 6, 7, 14 et 26).

L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour prévenir, sanctionner et éradiquer la violence sexuelle et sexiste et encourager les victimes à signaler les incidents, y compris par l ’ adoption d ’ une loi spécifique sur le sujet qui assure la participation de la société civile. Il devrait veiller à ce que les plaintes pour violence sexuelle et sexiste donnent lieu à une enquête approfondie, que les auteurs soient poursuivis et dûment sanctionnés, et que les victimes reçoivent une indemnisation adéquate et puissent avoir accès à des centres d ’ accueil ou des refuges dans tout le pays. L ’ État partie devrait également inscrire dans les programmes éducatifs les questions liées à la protection des femmes contre la violence.

Le Comité se déclare préoccupé par le fait que l’avortement soit érigé en infraction pénale, même dans les cas où la grossesse est le résultat d’un viol ou d’un inceste, ce qui oblige les femmes enceintes à recourir à des services d’avortement clandestins qui mettent en péril leur vie et leur santé. Le Comité constate également avec inquiétude que le nombre de grossesses chez les adolescentes et le taux de mortalité maternelle demeurent élevés (art. 3 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie de revoir sa législation relative à l’avortement en prévoyant d’autres exceptions à l ’ interdiction de l ’ avortement , notamment les cas où la grossesse est le résultat d’un viol ou d’un inceste . L’État partie devrait garantir l ’ accès des femmes et des adolescentes à des services de santé génésique dans toutes les régions du pays. Il  devrait également renforcer les programmes d ’ éducation et de sensibilisation mettant l ’ accent sur l ’ importance de la contraception et des droits à la santé sexuelle et génésique, formel s ( dans les écoles et collèges publics et privés) et informels (dans les médias), en veillant à la mise en œuvre effective de ces programmes .

Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les comités de sécurité locaux créés dans les départements de Caaguazú, Canindeyú et San Pedro seraient impliqués dans des cas de détention illégale, de menaces de mort, de raids sur des maisons, d’assassinat et de tentative d’assassinat, de torture et de mauvais traitements, ainsi que dans des opérations visant à protéger des trafiquants de drogues et contrebandiers de tabac. Le Comité relève également avec inquiétude que l’enquête sur l’assassinat en 2006 de Luis Martínez, chef paysan de la communauté Kamba Rember qui avait critiqué les comités, n’a pas progressé (art. 6, 7, 9 et 14).

L’État partie devrait examiner et modifier le fonctionnement des comités de sécurité locaux, enquêter sur tous les actes criminels imputés à leurs membres , poursuivre et sanctionner leurs auteurs, et accorder aux victimes une indemnisation adéquate.

Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de cas d’agression, de violence et d’homicide dont sont victimes des défenseurs des droits de l’homme, en particulier des paysans et des autochtones. À cet égard, il est particulièrement préoccupé par les récents meurtres de Vidal Vega, chef paysan et témoin dans l’affaire Curuguaty, et de Benjamín Lezcano, Secrétaire général de l’organisation paysanne «Dr. Gaspar Rodríguez de Francia» (art. 6, 7, 9 et 14).

L’État partie devrait prendre des mesures immédiates pour assurer une protection efficace aux défenseurs dont la sécurité est menacée en raison de leurs activités professionnelles. Il devrait également veiller à ce que les auteurs de menaces et d ’ agressions contre des défenseurs des droits de l ’ homme soient punis à l ’ issue d ’ une enquête prompte, impartiale et complète, en particulier et à titre prioritaire dans le cas des meurtres de Vid al Vega et Benjamín Lezcano.

Le Comité salue la création du mécanisme national pour la prévention de la torture et l’adoption de la loi no4614/2012, laquelle met en conformité avec les normes internationales la qualification en droit interne des faits de torture et de disparition forcée. Il regrette toutefois que seul un nombre limité d’enquêtes sur des cas de torture ouvertes par l’Unité spéciale des droits de l’homme du ministère public aient véritablement progressé et abouti, le cas échéant, à la condamnation des auteurs et l’octroi d’une réparation aux victimes. Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe pas de mécanisme véritablement indépendant qui serait chargé d’examiner les cas présumés de torture ou de mauvais traitements dans les lieux de détention, et que seuls quelques-uns de ces cas ont donné lieu à des poursuites (art. 7 et 14).

L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les actes de torture ou traitements cruels, inhumains ou dégradants donnent lieu à une enquête conformément au Protocole d ’ Istanbul, et que le ur s auteurs soient traduits en justice et reçoivent des peines proportionnées à la gravité de leurs actes. À cette fin, il devrait renforcer les capacités de l ’ Unité spéciale des droits de l’homme du ministère public en matière d ’ enquête sur les cas de torture ou traitements cruels, inhumains et dégradants. L’État partie devrait également accroître les capacités des médecins légistes du ministère public et de l ’ appareil judiciaire en matière de détection et de diagnostic des cas de torture et de mauvais traitements et établir un mécanisme indépendant qui serait chargé de recevoir et de traiter les plaintes pour torture ou mauvais traitements dans tous les lieux de privation de liberté. Il devrait en outre prévoir les ressources nécessaires au bon fonctionnement du mécanisme national pour la prévention de la torture et veiller à ce que tout cas présumé de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant soit dûment enregistré.

Le Comité est conscient des efforts consentis par l’État partie pour prévenir et punir la traite des êtres humains, mais s’inquiète du nombre important d’enfants et de femmes qui continuent d’être victimes de la traite ainsi que de l’impunité qui prévaut en pareil cas (art. 7, 8 et 14).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour mettre fin à la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, aux fins d ’ exploitation sexuelle et de travail des enfants. Il devrait poursuivre tous les auteurs présumés de ces faits et, si leur responsabilité est confirmée, les punir. Il devrait continuer à former les membres des forces de l ’ ordre et des services de l ’ immigration, et assurer la protection et la réadaptation des victimes. L ’ État partie devrait également renforcer les mécanismes de coopération avec les pays voisins et mener des campagnes de sensibilisation du public aux incidences néfastes de la traite des êtres humains.

Le Comité est préoccupé par les conditions de travail des domestiques et l’absence de protection de leurs droits (art. 3, 8 et 26).

L ’ État partie devrait garantir aux domestique s le respect de leurs droits fondamentaux , conformément aux principes énoncés à l’article 8 du Pacte, et les protéger contre toute forme d’esclavage domestique. L ’ État partie devrait également établir des mécanismes de surveillance efficaces afin de garantir le respect de ces droits par les employeurs , l’accès des domestiques à la justice pour qu’ils puissent faire valoir leurs droits, ainsi que l ’ ouverture d ’ enquêtes et l ’ application de sanctions en cas de violation.

Le Comité est préoccupé par la prévalence de la pratique du «criadazgo», qui consiste à placer des enfants dans des familles où ils effectuent des tâches domestiques sans avoir accès, dans la plupart des cas, à l’éducation ni aux droits fondamentaux du travail (art. 8 et 24).

L ’ État partie devrait adopter des normes et des stratégies en vue d’ éliminer la pratique du « criadazgo », notamment en donnant aux familles d ’ origine les capacités de jouer pleinement leur rôle de prise en charge des enfants et en organisant des campagnes de sensibilisation pour réduire la tolérance de l’ensemble de la société vis ‑ à-vis du travail des enfants. L ’ État partie devrait s’efforcer de mettre en œuvre dans tout le pays des programmes de formation destinés aux enfants et aux jeunes issus de familles vulnérables.

Le Comité constate avec inquiétude qu’à l’heure actuelle, près de 70 % des détenus n’ont été ni jugés ni condamnés. Il est également inquiet des informations indiquant qu’un grand nombre de personnes placées en garde à vue n’ont pas été informées des raisons de leur arrestation. Le Comité est enfin préoccupé par la durée de la détention provisoire et par la difficulté qu’ont les détenus à consulter un avocat dès les premiers jours de leur détention (art. 9 et 14).

L ’ État partie devrait réduire le nombre de personnes en détention provisoire, limiter strictement la durée de cell e-ci conformément au paragraphe 3 c) de l’article  14 du Pacte et veiller au plein respec t des dispositions de l’article  9. Il devrait également promouvoir le recours à d ’ autres solutions que la détention, comme la libération sous caution ou le port du bracelet électronique. L ’ État partie devrait enfin garantir que toute personne arrêtée soit immédiatement informée des raisons de sa détention et de ses droits et puisse véritablement consulter un avocat et communiquer avec un membre de s a famille ou une personne de confian ce dès le début de sa détention .

Le Comité est préoccupé par les taux très élevés de surpopulation carcérale et les mauvaises conditions de détention, y compris dans les lieux où des jeunes sont privés de liberté et qui sont qualifiés de centres éducatifs. Il est également inquiet de l’absence de règlements relatifs à l’exécution des peines qui permettraient de surveiller les conditions de l’exécution des peines d’emprisonnement et de promouvoir le recours aux peines non privatives de liberté (art. 10).

L ’ État partie devrait améliorer les conditions dans les prisons et autres lieux de détention, conformément aux dispositions du Pacte et de l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. En particulier, il devrait mettre les centres où des jeunes sont privés de liberté en conformité avec les normes internationales, notamment en ce qui concerne l ’ éducation, les équipements sanitaires, les possibilités de loisirs ainsi que l ’ accès à l ’ eau et à des installations d ’ assainissement de base appropriées. L ’ État partie devrait également adopter des règlements relatifs à l’exécution des peines et envisager d ’accroître le recours aux peines non privatives de liberté comme la surveillance électronique, la libération conditionnelle et les services d ’ intérêt général.

Le Comité constate avec préoccupation que les allégations faisant état d’un degré élevé de corruption dans le système judiciaire ne donnent pas lieu aux enquêtes et sanctions nécessaires, ce qui met directement en cause l’indépendance et la légitimité de la magistrature. Il est également préoccupé, compte tenu du taux de rotation anormalement élevé des magistrats, par les incidences des pressions supposément exercées par les pouvoirs exécutif et législatif sur les autorités judiciaires et par le fait que les juges ne bénéficient pas de l’inamovibilité (art. 2 et 14).

L ’ État partie devrait préserver, dans la loi et dans les faits, l ’ indépendance de la justice et garantir la compétence, l ’ indépendance e t l’inamovibilité des juges. Il  devrait éliminer toutes les formes d ’ ingérence des autres branches du pouvoir dans le système judiciaire. À cette fin, l’État partie devrait veiller à ce qu ’ une enquête approfondie, indépendante et impartiale soit menée sans délai sur toute allégation d ’ ingérence, voire de corruption, et que les responsables, y compris les juges dont la complicité serait avérée, soient jugés et condamnés.

Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état de graves irrégularités dans le comportement de membres du ministère public, de la magistrature et des forces de sécurité lors de l’opération d’expulsion menée à Curuguaty en juin 2012. En particulier, le Comité est préoccupé par les informations signalant un manque d’impartialité et d’indépendance dans les procédures d’enquête mises en œuvre (art. 6, 7 et 14).

L ’ État partie devrait veiller à l ’ ouverture immédiate d ’ une enquête indépendante et impartiale sur l ’ opération d ’ ex pulsion menée à Curuguaty le 15  j uin 2012, qui a fait 17  morts, et sur tous les faits pertinents qui ont été signalés par les victimes, notamment les actes de torture, les détentions arbitraires, les exécutions extrajudiciaires et de possibles atteintes aux garantie s d’une procédure régulière, en  particulier dans le cas de l ’ adolescent condamné et des deux femmes à un stade avancé de leur grossesse qui se trouvent en détention provisoire.

Le Comité est préoccupé par les modalités de la destitution de l’ancien Président Fernando Lugo en juin 2012, en application de l’article 225 de la Constitution, en particulier les délais dans lesquels la défense a dû être préparée et assurée. Tout cela représente une sérieuse remise en question des principes énoncés à l’article 25 du Pacte (art. 25).

L’ État partie devrait , y compris au moyen d’un règlement relatif à l’article 225 de la Constitution, garantir que toute procédure de destitution se déroule dans le plein respect des principes d ’ une procédure régulière et de s principes énoncés à l’article  25 du Pacte, lesquels garantissent le bon fonctionnement d ’ une société démocratique.

Le Comité est préoccupé par la criminalisation de la diffamation, qui décourage les médias de publier des informations critiques sur des questions d’intérêt public et qui constitue une menace pour la liberté d’expression et l’accès à une information plurielle (art. 19).

L’État partie devrait garantir la liberté d’expression et la liberté de la presse consacrées à l’article 19 du Pacte et développées en détail dans l’Observation générale  n o 34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression. À cet égard, il devrait protéger le pluralisme des médias. L’État partie devrait également envisager de dépénaliser la diffamation et, en tout état de cause, limiter l’application de la loi pénale aux cas les plus graves, en tenant compte du fait que la privation de liberté n’est jamais une sanction appropriée dans de tels cas.

Le Comité prend note des efforts de l’État partie pour enregistrer toutes les naissances, mais regrette la persistance d’un taux élevé d’enfants non enregistrés, en particulier dans les communautés rurales et autochtones (art. 16, 24 et 27).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour faire en sorte que tous les enfants nés sur son territoire soient enregistrés et reçoivent un certificat de naissance officiel. Il devrait ainsi procéder aux modifications législatives nécessaires pour que les mères adolescentes puissent inscrire leurs enfants sans décision judiciaire. L’État partie devrait également organiser des campagnes d’inscription des adultes qui n’ont pas encore été enregistrés.

Le Comité regrette d’apprendre que l’Institut paraguayen des affaires autochtones (INDI) aurait facilité la vente de terres ancestrales autochtones à des entreprises privées, en violation du droit des peuples autochtones d’être consultés par l’État partie lors de l’adoption de décisions qui affectent leurs droits (art. 2, 26 et 27).

L’État partie devrait renforcer l’ INDI, en veillant à ce que celui-ci garantisse la pleine protection et la promotion des droits des communautés autochtones, y compris le droit au consentement préalable et éclairé. Parallèlement, l’État partie devrait reconnaître légalement le droit au consentement préalable et éclairé, et tenir dûment compte des décisions adoptées par les autochtones lors des consultations.

L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, du troisième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public. Le Comité suggère également que le rapport et les observations finales soient traduits dans les langues officielles de l’État partie. Il demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera son quatrième rapport périodique, d’engager de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements pertinents sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 8, 14 et 23.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 30 mars 2017, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.