Nations Unies

CCPR/C/PRY/CO/3/Add.1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

30 juin 2014

Français

Original: espagnol

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le troisième rapport périodique du Paraguay

Additif

Renseignements reçus du Paraguay au sujet de la suite donnée aux observations finales *

[Date de réception: 10 mai 2014]

Le Paraguay formule les commentaires ci-après à propos des paragraphes 8, 14 et 23 des observations finales concernant son troisième rapport périodique adoptées par le Comité à sa cent septième session (11-28 mars 2013), conformément à la demande exprimée par le Comité au paragraphe 29 dudit document.

8. Le Comité constate avec inquiétude que les enquêtes judiciaires sur de nombreux cas de violations du droit à la vie, y compris des disparitions, des actes de torture, des exécutions extrajudiciaires et des détentions illégales, survenus sous la dictature d ’ Alfred Stroessner (1954-1989) et au cours de la période de transition jusqu ’ en 2003 ne sont pas encore terminées. Il est préoccupé par les pratiques inéquitables qui ont été identifiées et signalées en ce qui concerne l ’ octroi d ’ une réparation et d ’ une indemnisation aux victimes de ces violations. Le Comité regrette enfin que l ’ État partie ne dispose pas des ressources humaines et matérielles nécessaires à l ’ identification des restes humains qui ont été découverts dans le cadre d ’ enquêtes sur des cas de disparition forcée (art. 2 et 6 du Pacte).

Le Bureau du Procureur général de la République, en sa qualité d’organe chargé d’examiner les demandes déposées au titre de la loi no 838/96 relative à l’indemnisation des victimes de violations des droits de l’homme commises pendant la dictature de 1954 à 1989, telle que modifiée et complétée, est en train de revoir les critères d’indemnisation en mettant principalement l’accent sur le bon sens critique et en diminuant nettement l’importance accordée aux preuves légales. L’objectif est d’améliorer et d’accélérer la formulation des recommandations adressées au Défenseur du peuple, qui prend les décisions finales relatives à l’octroi des indemnisations.

En ce qui concerne la durée de la procédure, le Bureau du Procureur général a publié la Directive no 234 du 27 septembre 2013 (dont copie est jointe) fixant un délai interne en vue de la formulation des avis correspondant à ces cas dans les délais prévus par la loi.

Dans le cadre des enquêtes sur les différentes affaires pénales relatives à des violations des droits de l’homme commises sous la dictature, les autorités judiciaires, par l’intermédiaire des cours et tribunaux, ont pris les mesures prévues par la loi et la Direction des droits de l’homme de la Cour suprême de justice a prié les juridictions compétentes de communiquer des informations et des données actualisées sur les actes de procédure accomplis dans chacune des instructions ouvertes avant 2013. Le texte des communications officielles et le rapport du greffier de chacune des juridictions est joint au présent document.

En février 2014, dans le cadre de l’affaire Sabino Augusto Montanaro y otros s/ abuso de autoridad y otros , le Tribunal pénal no 5 a ordonné la recherche de victimes de disparition forcée appartenant au Mouvement du 14 mai; la Direction des droits de l’homme de la Cour suprême de justice a accompagné la procédure en sa qualité d’organe expert technique.

Des représentants du tribunal précité ont entamé une collaboration avec des membres de l’Unité spécialisée dans les atteintes aux droits de l’homme du ministère public, du Service de criminologie de la Police nationale et de l’Équipe nationale chargée des enquêtes, des recherches et de l’identification dans les affaires de personnes victimes d’arrestation, de disparition et d’exécution extrajudiciaires au cours de la période 1954‑1989 (ENABI), en vue, le cas échéant, de procéder à l’exhumation de restes présumés de victimes de la dictature de 1954-1989. Les dépouilles étaient enterrées dans la localité d’Ava’i, dans le département de Caazapá, sur les terrains de l’exploitation Tapyta.

En ce qui concerne les faits de l’affaire susmentionnée, les autorités judiciaires, en sus des considérations liées à l’ensemble du cas d’espèce, considèrent comme contraignants le dispositif de l’arrêt rendu par la Cour interaméricaine des droits de l’homme le 22 septembre 2006 dans l’affaire Goiburu y otros vs. Paraguay , et la jurisprudence qui est désormais établie à l’égard du pays, à savoir l’obligation internationale incombant à «l’État de s’employer immédiatement à rechercher et localiser les (personnes disparues) et, si leur dépouille est retrouvée, de la remettre dans les plus brefs délais aux proches et d’assumer les éventuels frais d’inhumation» (point 6 du dispositif).

C’est dans ce contexte juridique que la Direction des droits de l’homme de la Cour suprême de justice a accompagné l’ouverture des recherches des personnes disparues dans l’affaire en question, en soutien au travail d’instruction entrepris par le tribunal pénal no 5.

En sus de l’exercice de leur compétence juridictionnelle, les autorités judiciaires ont mis au point divers programmes et projets de promotion, défense et protection des droits de l’homme. Ainsi, afin d’encourager les Paraguayens à se réapproprier leur mémoire historique et de faciliter l’administration de la justice au Paraguay, la Cour suprême de justice a appuyé la création du Centre de documentation et d’archives pour la défense des droits de l’homme (Musée de la justice), créant ainsi un espace propice à la transmission de certaines valeurs en vue de protéger les générations actuelles et futures du pays de pratiques contraires aux droits de l’homme et aux institutions de la République consacrés par la Constitution nationale.

Les événements qui ont précédé remontent, pour ce qui est des actions en justice, à mai 1992, lorsque le tribunal pénal no 2 a rendu le premier jugement condamnant les responsables de la mort sous la torture de Mario Schaerer Prono dans des locaux de la police; en juin (1992) a été adoptée la Constitution nationale, laquelle dispose que «nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le génocide et la torture, ainsi que la disparition forcée de personnes, l’enlèvement et l’homicide pour des raisons politiques, sont imprescriptibles» (art. 5), et ajoute aux garanties constitutionnelles de l’habeas corpus et de l’amparo une nouvelle notion, celle de l’habeas data (art. 135); en septembre, faisant valoir ses droits constitutionnels et invoquant cet article, Martín Almada, avec l’assistance d’avocats du Comité d’églises pour l’aide d’urgence (CIPAE) a déposé une requête en habeas data auprès du tribunal pénal no 3 − ce qui a abouti à la découverte des «archives de la terreur» −; en novembre, une action a été engagée contre l’unique directeur de la Direction des affaires techniques relevant du Ministère de l’intérieur.

C’est dans ce contexte, entre le 22 et le 24 décembre 1992, qu’a eu lieu l’un des événements les plus marquants de la période de transition au Paraguay. Les juges José Agustín Fernández et Luis María Benítez Riera ont perquisitionné les locaux du département de production de la police de la capitale et de la Section technique du Ministère de l’intérieur. Ils y ont trouvé des documents datant de 1927 à 1989. Sur décision des juges, les documents découverts ont été transférés au Palais de justice pour y être triés et mis à disposition des juges en tant qu’éléments de preuve dans le cadre des différentes affaires de violations des droits de l’homme qui se trouvaient en phase d’enquête ou d’instruction. M. Fernández, actuel Directeur du Musée de la justice, a relaté les faits de la manière suivante:

«En date du 14 septembre 1992, à 8 h 10, Martín Almada, avec l’assistance des avocats Pedro Darío Portillo et Rodolfo Aseretto, a déposé devant le tribunal pénal no 3 une requête en habeas data qui a été enregistrée par le greffier, Julio Vasconsellos. Le 22 décembre de la même année, dans le cadre de cette procédure, une perquisition a été effectuée sous mandat judiciaire dans des locaux identifiés comme abritant le département de production de la police. L’auteur de la requête en habeas data, le juge José Agustín Fernández et le greffier Julio César Vasconsellos se sont rendus sur les lieux en présence de nombreux journalistes travaillant pour des organes de presse écrite et audiovisuelle. Face à la résistance de la police, ils sont entrés de force, après avoir clairement prononcé les mots suivants: “Au nom de l’autorité que me confèrent la Constitution et la loi, je vous ordonne d’ouvrir”.».

Compte tenu de l’importance et du volume des documents découverts, le juge Fernández a sollicité la présence du juge de permanence, Luis María Benítez Riera, membre titulaire du tribunal pénal no 2, qui s’est rendu sur les lieux pour prêter son concours à l’opération dirigée par le juge Fernández. Après un examen rapide des documents, l’ordre a été donné de les transférer au Palais de justice et, au bout de dix heures d’un travail ardu et intensif, les documents sont arrivés dans le bureau du juge Fernández où un premier tri a été entrepris.

Il convient de souligner que la procédure engagée par M. Almada constitue sans aucun doute la première action en justice fondée sur la garantie constitutionnelle de l’habeas data de toute l’histoire du Paraguay.

La Direction des droits de l’homme du ministère public analyse par ailleurs des documents en lien avec les faits survenus pendant la période 1954-1989 qui avaient été remis au Bureau du Procureur général par la Direction générale de la vérité, la justice et la réparation relevant du Bureau du Défenseur du peuple. Il s’agit de retrouver d’éventuels dossiers judiciaires concernant certaines des victimes, qui auraient été ouverts sous l’ancien système pénal, et de les remettre, assortis de recommandations, à l’Unité spécialisée dans les atteintes aux droits de l’homme afin qu’elle prenne les mesures d’enquête voulues, conformément aux dispositions légales en vigueur.

L’ENABI a été créée en vertu du décret présidentiel no 7101/11 (comme en a été informé le Comité en temps voulu), partiellement modifié par le décret présidentiel no 10970 d’avril 2013, par lequel les fonctions de coordination ont été confiées à la Direction des réparations et de la mémoire historique rattachée à la Direction générale des droits de l’homme du Ministère de la justice.

L’ENABI ne dispose pas à l’heure actuelle d’un budget propre, mais grâce aux efforts qu’elle a accomplis et afin qu’elle puisse poursuivre sa tâche, des fonds publics ont pu être obtenus et confiés au Ministère de la justice et au Ministère de l’intérieur. Pour que l’ENABI puisse en disposer, ces fonds devront être administrés par une organisation de la société civile dont la désignation est en cours.

Malgré les difficultés budgétaires, la Direction générale de la vérité, la justice et la réparation du Bureau du Défenseur public et, depuis 2011, l’ENABI, ont effectué des fouilles et des exhumations et ont trouvé à ce jour 27 corps (squelettes humains), 1 corps à Villarrica (Guairá), 2 à Paraguarí (Paraguarí), 5 à Carlos Antonio López (Itapuá), 15 dans l’Unité spécialisée de la police nationale (ancienne unité des gardes de sécurité, Asunción), 2 à Tavaí (Caazapá) et 2 à María Auxiliadora (Itapuá).

Les corps ont été confiés au laboratoire médicolégal du ministère public aux fins de l’identification.

Grâce aux témoignages recueillis auprès de proches de personnes disparues, il est prévu de poursuivre les fouilles dans l’Unité spécialisée, sur un terrain appartenant à la Police nationale situé dans la ville de Lambaré (Département central) et sur un terrain du régiment RI 14 des Forces armées de la nation à Asunción. Il est également prévu de procéder à des fouilles en divers endroits dans les départements d’Itapuá, de Caazapá, de l’Alto Paraná, de la Cordillera, de Misiones et de San Pedro, et dans la ville de Villarrica. Il y aurait en tout plus de 20 sites où doivent être effectuées des fouilles et des exhumations, qu’il s’agisse de fosses individuelles ou de fosses communes (collectives).

«14 . Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les comités de sécurité locaux créés dans les départements de Caaguazú, de Canindeyú et de San Pedro seraient impliqués dans des cas de détention illégale, de menaces de mort, de raids sur des maisons, d ’ assassinat et de tentative d ’ assassinat, de torture et de mauvais traitements, ainsi que dans des opérations visant à protéger des trafiquants de drogue s et des contrebandiers de tabac. Le Comité relève également avec inquiétude que l ’ enquête sur l ’ assassinat en 2006 de Luis Martínez, chef paysan de la communauté Kamba Rember qui avait critiqué les comités, n ’ a pas progressé (art. 6, 7, 9 et 14).».

À ce sujet, il convient d’indiquer tout d’abord l’existence au Ministère de l’intérieur de la Direction de la participation citoyenne, qui a pour mission de promouvoir la participation des citoyens, de les encourager à s’organiser (notamment dans le cadre des comités de sécurité locaux), de soutenir l’effort collectif en accompagnant les démarches entreprises par les habitants, d’appuyer les organisations de la société civile, de s’occuper des citoyens eu égard à leurs droits et obligations et d’entretenir une coopération entre la population et la police pour mieux assurer la sécurité des communautés.

Il existe six comités de sécurité locaux dans le département de Canindeyú, 20 dans le département de Caaguazú et 11 dans le département de San Pedro. Ils jouissent d’une autonomie totale par rapport aux municipalités qui les ont reconnus conformément à la loi organique municipale no 3966/10, étant entendu qu’ils ne sont pas habilités à s’attribuer des fonctions relevant exclusivement de la Police nationale ou du ministère public sous peine d’être poursuivis pour usurpation de fonctions publiques.

En ce qui concerne l’homicide dont a été victime en 2006 Cesar Luis Martínez Romero, l’affaire a été confiée au parquet local de Santa Rosa del Aguaray, Unité spécialisée des atteintes à l’environnement du deuxième département de San Pedro, et enregistrée sous l’intitulé Tomas Dos Santos Micosky y otros s/ H.p. En Kamba Rembe −  General Resquín.

À ce sujet, il convient de signaler que le 12 juillet 2006, des agents du ministère public et des policiers se sont rendus dans le village de Kamba Rembe, dans le district General Resquín, afin de procéder à la levée de corps de Cesar Luis Martínez Romero. Le 18 juillet 2006, le représentant du ministère public a demandé la mise en examen de Tomas Dosantos Mikosky pour homicide volontaire, ouvrant ainsi la phase d’instruction.

Le 19 avril 2007, le ministère public a déposé l’accusation d’homicide volontaire contre Tomas Dosantos Mikosky et a demandé au tribunal des garanties pénales que l’affaire soit jugée en audience publique. Le 24 octobre 2007, à l’issue de l’audience préliminaire, le tribunal des garanties pénales, par l’ordonnance no 772 du 24 octobre 2007, a prononcé un non-lieu provisoire pour le fait d’homicide volontaire en faveur de Tomas Dosantos Mikosky, en faisant valoir les motifs ci-après:

«Après un examen rigoureux du registre des actes de procédure et de la réquisition formulée par le représentant du ministère public au cours de l’audience préliminaire tenue ce jour devant ce tribunal, par laquelle le représentant de la société s’est opposé à la demande du Défenseur public, et après avoir vérifié les éléments de preuve à décharge produits par le Défenseur public, en particulier les dépositions des témoins qui ont affirmé de manière concordante, devant les agents du ministère public, que l’accusé, à la date et à l’heure des faits, se trouvait en compagnie des personnes citées au domicile du propriétaire de la boutique, qu’il a quitté à 22 heures environ pour se rendre à son propre domicile […] (sic) […] à cet égard il convient de signaler que l’acte d’instruction accompli conformément à la décision susmentionnée le 3 novembre 2006 a permis aux parties d’observer en premier lieu l’endroit où l’accusé travaillait en compagnie des témoins qui ont déposé devant le ministère public et d’où il s’est ensuite rendu à la boutique dans laquelle il est resté, après son travail, jusqu’à environ 22 heures, en compagnie du propriétaire de la boutique ainsi que des témoins. L’unique élément à charge dont dispose le ministère public est la version d’un témoin qui, dans sa déposition, a affirmé avoir reconnu l’intéressé uniquement grâce à son accent portugais, élément qui ne constitue pas un motif suffisant pour que la présente affaire soit jugée en audience publique. De surcroît, ont également été nommées plusieurs personnes qui ont entendu les coups de feu mais qui n’ont même pas été citées par le ministère public. Faute d’éléments suffisants pour étayer l’accusation et compte tenu de la demande du défenseur public, que nous appuyons vu qu’il existe des doutes quant à la participation de l’accusé Tomas Dosantos Mikoski aux faits incriminés, et eu égard à diverses procédures pendantes de nature à fournir, dans le cadre de la présente instruction, des éléments susceptibles d’établir la vérité − en l’occurrence, le représentant de la défense publique a fait état de plusieurs éléments qu’il reste à examiner, notamment a) 4 (quatre) dépositions de témoins et divers actes d’instruction qui pourraient en découler mais qui à ce jour n’ont pu être accomplis, qui contribueront à élucider pleinement les faits incriminés, ainsi que le rapport du Service de criminologie de la Police nationale −, compte tenu de ce qui précède et vu que le tribunal devra résoudre toutes les questions soulevées une fois l’audience terminée, le présent tribunal considère réunies les conditions de fait et de droit nécessaires au prononcé d’un non‑lieu provisoire et ordonne en conséquence la levée de toutes les mesures de contrainte prises à l’encontre de l’accusé susnommé ainsi que la communication des actes pertinents aux autorités compétentes. Attendu que l’article 362 de la loi de procédure précitée dispose […] non‑lieu provisoire […] lorsqu’il y a matière à non‑lieu définitif et les éléments de conviction ne sont pas suffisants pour qu’il y ait procès, un non‑lieu provisoire est prononcé par décision motivée mentionnant expressément les éléments de conviction dont on attend de disposer […] et compte tenu des éléments de conviction qu’a produits le défenseur public, il y a matière à non‑lieu provisoire, conformément à la disposition susmentionnée, en faveur de l’accusé précité. Il importe de noter que si l’examen de la présente affaire se poursuivait, il en résulterait des dépenses inutiles pour l’État, d’autant que l’un des objectifs de la procédure pénale est précisément d’apporter une réponse définitive à celui qui en est l’objet et de contribuer à sa réinsertion dans la société; or en l’espèce, l’accusé n’a à aucun moment tenté de se soustraire à la justice et, au contraire, a constamment démontré qu’il était disposé à s’y soumettre afin que la vérité soit établie au sujet des faits qui lui sont reprochés tels qu’ils ont été exposés précédemment […] et vu qu’il existe des doutes quant à la participation de l’accusé précité aux faits incriminés, que certains éléments resteraient à examiner aux fins de l’instruction et que, comme cela a déjà été indiqué, le jugement de la présente affaire en audience publique occasionnerait des dépenses inutiles pour l’État, le présent tribunal décide de prononcer un non‑lieu provisoire en faveur de Tomas Dosantos Mikoski de manière à se conformer strictement au droit.».

Le 20 avril 2007, le représentant du ministère public a étendu l’accusation portée contre Tomas Dosantos Mikoski aux faits d’association de malfaiteurs et de tentative d’homicide par arme à feu sur la personne de Zacarías Vega, qui se trouvait en compagnie de César Luis Martínez Romero lorsque celui‑ci a été assassiné, engageant ainsi une deuxième action dans le cadre de la même affaire et devant la même juridiction pénale. Le 4 avril 2008, le représentant du ministère public a requis un non‑lieu provisoire en faveur de Tomas Dosantos Mikoski pour les faits de tentative d’homicide et d’association de malfaiteurs. Le 23 mai 2011, le ministère public a répondu à une communication du tribunal des garanties pénales faisant état d’une demande de non‑lieu définitif en faveur de Tomas Dosantos Mikoski déposée par l’avocat d’office qui le représentait. Le ministère public a fait droit à la demande de la défense en invoquant les arguments suivants: «Lereprésentant du ministère public considère que les éléments figurant dans le dossier dont il est saisi ne sont pas suffisants pour engager la procédure (d’accusation) vu qu’il reste à examiner certains éléments que, conformément à l’article 362 du Code de procédure pénale, nous portons à la connaissance du tribunal et qui sont en lien avec les éléments de preuve ci‑après, lesquels devraient être pris en considération aux fins de l’examen de la présente affaire: 1) rapport d’expertise du Service de criminologie de la Police nationale concernant les projectiles extraits du corps de la victime de l’homicide, entre autres, et éléments pouvant en découler; 2) dépositions de 3 (trois) témoins. Si ces nouveaux éléments permettent de continuer la procédure, nous, représentants du ministère public, demanderons au tribunal des garanties pénales de poursuivre l’instruction. La présente décision est rendue en vertu du paragraphe 2 de l’article 362 du Code de procédure pénale.».

Eu égard à la demande du ministère public, le tribunal des garanties pénales de Santa Rosa del Aguara’y, par l’ordonnance no 286 du 28 avril 2008, a prononcé un non‑lieu provisoire en faveur de Tomas Dosantos Mikoski pour les faits de tentative d’homicide et d’association de malfaiteurs.

Le 4 mai 2011, invoquant l’alinéa 3 de l’article 359 du Code de procédure pénale, la défense de Tomas Dosantos Mikoski a déposé une demande de non-lieu définitif fondée sur les arguments suivants: «Depuis la publication de l’ordonnance no 286 en date du 28 avril 2008, aucune des parties n’a demandé la réouverture du procès. Plus de trois années s’étant écoulées depuis lors, le procès engagé contre l’accusé précité est bloqué et le délai requis pour l’extinction de l’action pénale et, partant, le prononcé d’un non-lieu définitif, a déjà été dépassé, comme peut en attester le Greffier.».

Le 18 mai 2011, le tribunal a notifié l’extinction de l’action pénale par prescription au représentant du ministère public, qui a fait droit à la demande de la défense dans les termes ci‑après: «Compte tenu du délai écoulé depuis la publication de l’ordonnance no 286 en date du 28 avril 2008, et en l’absence de réouverture du procès dans le laps de temps considéré, le ministère public considère que la dernière partie de l’article 362 du Code de procédure pénale est applicable à l’affaire en question.».

Le tribunal des garanties pénales, par l’ordonnance no 254 du 24 mai 2011, a déclaré éteinte l’action pénale engagée contre Tomas Dosantos Mikoski et a prononcé un non-lieu définitif en faveur de l’intéressé, motivant sa décision en ces termes: «Considérant que, dans le système de procédure paraguayen, l’exercice de l’action pénale publique incombe au ministère public, qui s’en acquitte de manière objective et diligente en veillant aux intérêts de la société comme à ceux du prévenu, qui en fait partie, que la législation pénale nationale prévoit plusieurs voies d’achèvement et que, lorsque le représentant du ministère public ne dispose pas d’éléments suffisants pour prononcer une mise en accusation, il est tenu de clore l’instruction selon l’une des modalités prévues dans le Code de procédure pénale, circonstance qui, dans le cas d’espèce, ne s’est pas produite… Il existe un principe constitutionnel selon lequel les individus et la société ont le droit d’être entendus et de recevoir une réponse dans un délai raisonnable. Il ne fait aucun doute qu’il est nécessaire de fixer un délai raisonnable à l’intérieur duquel toute procédure doit donner lieu à une décision de la juridiction compétente. Nul ne peut faire l’objet d’une procédure pénale d’une durée indéterminée car cela constituerait une violation de droits fondamentaux. Le Pacte de San José de Costa Rica fait partie du droit positif national puisqu’il s’agit d’une convention internationale approuvée et ratifiée par le Paraguay qui a, en vertu de l’article 137 de la Constitution nationale, primauté sur les lois nationales, y compris sur le Code de procédure pénale. Or l’article 8.1 du Pacte dispose que toute personne, dans la détermination du bien-fondé de toute accusation dirigée contre elle en matière pénale, a droit à ce que sa cause soit entendue avec les garanties voulues, dans un délai raisonnable. Par conséquent, la fixation d’un délai pour l’examen d’une affaire ou l’extinction d’une action ne saurait en aucune manière être considérée comme inconstitutionnelle en soi.».

23. Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état de graves irrégularités dans le comportement de membres du ministère public, de la magistrature et des forces de sécurité lors de l ’ opération d ’ expulsion menée à Curuguaty en juin 2012. En particulier, le Comité est préoccupé par les informations signalant un manque d ’ impartialité et d ’ indépendance dans les procédures d ’ enquête mises en œuvre (art. 6, 7 et 14).

L’État partie devrait veiller à l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante et impartiale sur l’opération d’expulsion menée à Curuguaty le 15 juin 2012, qui a fait 17 morts, notamment sur les actes de torture, les détentions arbitraires, les exécutions extrajudiciaires et de possibles atteintes aux garanties d’une procédure régulière, en particulier dans le cas de l’adolescent condamné et des deux femmes à un stade avancé de leur grossesse qui se trouvent en détention provisoire.

On trouvera ci‑dessous des informations relatives à l’action engagée et aux actes de procédures accomplis dans le cadre de l’affaire de l’expulsion menée à Curuguaty en juin 2012.

En ce qui concerne l’affaire no 130 intitulée Felipe Benítez Balmori y otros s/ supuestos hechos punibles de homicidio doloso, homicidio doloso en grado de tentativa, lesión grave, asociación criminal, coacción, coacción grave e invasión de inmueble ajeno, 2012 (exploitation agricole de Marina Cué, district de Curuguaty, département de Canindeyú), la procédure pénale est passée de la phase d’instruction préliminaire à celle de jugement en audience publique.

Par l’ordonnance de renvoi en jugement qu’elle a rendue le 9 octobre 2013, la juge de l’audience préliminaire, Janine Ríos, a pris, entre autres, les dispositions ci‑après:

Prononcer un non-lieu définitif en faveur de Juan Alfredo Caballero, Marcelo Trinidad Paredes et Miguel Ángel Correa Franco, sur la base des motifs exposés dans le préambule de la décision, en indiquant expressément que l’ouverture du procès ne saurait porter atteinte à leur honneur ni à leur réputation;

Accepter les chefs prononcés par les représentants du ministère public, Jalil Rachid et Francisco Ayala Miranda, à l’encontre des prévenus Rubén Villalba, Felipe Benítez Balmori, Luis Olmedo Paredes, Adalberto Castro Benítez, Arnaldo Quintana Paredes, Néstor Castro Benitez, Lucía Agüero Romero, María Fani Olmedo Paredes, Dolores López Peralta, Juan Carlos Tillería Cáceres, Alcides Ramón Ramírez Paniagua et Felipe Nery Urbina Gamarra, sur la base des qualifications provisoires respectives décrites précédemment;

Déclarer l’ouverture d’un procès en audience publique contre les accusés Rubén Villalba, Felipe Benítez Balmori, Luis Olmedo Paredes, Adalberto Castro Benítez, Arnaldo Quintana Paredes, Néstor Castro Benitez, Lucía Agüero Romero, María Fani Olmedo Paredes, Dolores López Peralta, Juan Carlos Tillería Cáceres, Alcides Ramón Ramírez Paniagua et Felipe Nery Urbina Gamarra, pour les faits délictueux qui ont donné lieu aux qualifications provisoires mentionnées précédemment, l’objet du procès étant les faits décrits dans le préambule de la présente décision, prise conformément aux dispositions légales en vigueur à l’égard de chacun des accusés en la présente affaire;

Considérer comme parties: le ministère public, représenté par Jalil Rachid et Francisco Ayala Miranda, les accusés Rubén Villalba, Felipe Benítez Balmori, Luis Olmedo Paredes, Adalberto Castro Benítez, Arnaldo Quintana Paredes, Néstor Castro Benitez, Lucía Agüero Romero, María Fani Olmedo Paredes, Dolores López Peralta, Juan Carlos Tillería Cáceres, Alcides Ramón Ramírez Paniagua et Felipe Nery Urbina Gamarra, les avocats Guillermo Ferreiro, María Del Carmen Morales Benitez et Vicente Morales et le défenseur public Joaquín Enrique Díaz;

Admettre, aux fins du procès en audience publique, les preuves produites par le ministère public et par les avocats des accusés, lesquelles seront exposées en détail dans le préambule de l’ordonnance pertinente;

Maintenir la mesure de placement en détention provisoire prise à l’encontre des accusés Rubén Villalba, Felipe Benítez Balmori, Adalberto Castro Benítez, Arnaldo Quintana Paredes, Néstor Castro Benitez, ainsi que la mesure d’assignation à résidence prise à l’encontre des accusés Luis Olmedo Paredes, Juan Carlos Tillería Cáceres, Alcides Ramón Ramírez Paniagua, Lucía Agüero Romero, María Fani Olmedo Paredes et Dolores López Peralta;

Ordonner la communication de tous les actes de procédure, du présent dossier judiciaire, du dossier du ministère public, des éléments de preuve et autres éléments pertinents au tribunal de la quinzième circonscription judiciaire de Canindeyú, dans le délai fixé par la loi.

Le 20 décembre 2013, le tribunal de Salto del Guairá a ordonné des mesures de substitution à la peine de privation de liberté provisoire qu’exécutait l’adolescente RRVO mise en examen dans le cadre de l’affaire en question. La jeune fille avait l’interdiction de quitter son domicile, mais, la demande de révision de peine déposée par ses avocats ayant été acceptée, elle a recouvré sa liberté de circulation et n’est plus tenue que de se présenter périodiquement au tribunal et de communiquer tout changement d’adresse.

En ce qui concerne l’attention portée aux prévenus qui ont entamé une grève de la faim pour s’opposer à leur placement en détention, le registre des mesures prises par la Direction des droits de l’homme de la Cour suprême de justice indique que, le 17 novembre 2012, un groupe constitué de représentants de la Direction, du Vice‑Ministère de la justice et des droits de l’homme et de la Direction de la prison régionale de Coronel Oviedo, relevant du Ministère de la justice, s’est rendu à l’hôpital régional de la ville de Coronel Oviedo pour s’enquérir de l’état de santé des prévenus Luis Olmedo, Juan Carlos Tileria, Alcides Ramón Ramírez et Lucía Agüero. D’après les responsables de l’établissement médical précité, les intéressés avaient été examinés les 15 et 16 novembre 2012. Leur état était stable mais ils souffraient de faiblesse liée à l’inanition et refusaient tout traitement médical, ne prenant que de l’eau et refusant de prendre du lait ou tout autre type d’aliments malgré les conseils des médecins.

Les membres de la délégation se sont ensuite rendus dans la salle de repos de l’hôpital, où se trouvaient Luis Olmedo, Juan Carlos Tilleria, Alcides Ramírez et Lucía Agüero. Ils ont constaté que la pièce était bien éclairée et aérée et qu’il y avait des ventilateurs au plafond; les intéressés ont eux‑mêmes déclaré que leurs proches pouvaient leur rendre visite librement. Ils étaient surveillés par un agent portant l’uniforme de la Police nationale et un agent en civil.

Grâce aux démarches conjointes de la Direction des droits de l’homme et de l’Inspection pénitentiaire de la Cour suprême de justice, les prévenus ont reçu la visite d’une équipe de psychologues judiciaires composée de Rossana Sosa, Mirian Vázquez, Gabriela Alvarenga et Linda Rodríguez, qui se sont entretenues avec chacun des grévistes de la faim afin d’évaluer leur état psychologique. Le directeur de la prison régionale de Coronel Oviedo a indiqué que Lucía Agüero avait été transférée dans son établissement l’après‑midi du 16 novembre 2012.

Le 23 novembre 2012, les quatre prévenus, Luis Olmedo, Juan Carlos Tilleria, Alcides Ramírez et Lucía Agüero, ont cessé leur grève de la faim après cinquante‑neuf jours. Le médecin-chef de l’hôpital national, Mauricio Ortiz, avait indiqué que, dès que les intéressés cesseraient leur grève de la faim, un protocole nutritionnel serait mis à leur disposition en vue d’une reprise de l’alimentation.

Le procès en audience publique des paysans accusés dans l’affaire de Curuguaty doit se dérouler du 26 juin au 11 juillet 2014 à Salto del Guairá, dans le département de Canindeyú.

Dans le laps de temps situé entre l’audience préliminaire et le procès en audience publique devant le tribunal constitué à cette fin dans la localité de Salto del Guairá, Rubén Villalba, Néstor Castro Benítez, Arnaldo Quintana Paredes et Felipe Benítez Balmori ont mené de février à avril de l’année en cours une grève de la faim pour réclamer que la mesure de détention provisoire prise à leur encontre soit remplacée par une mesure d’assignation à résidence.

Par l’ordonnance no 49 du 12 avril 2014, le juge pénal no 1, membre titulaire du tribunal collégial de Salto del Guairá, circonscription judiciaire de Canindeyú, Benito Ramón González, a décidé d’«ORDONNER le placement en détention provisoire des accusés Rubén Villalba, Néstor Castro Benítez, Arnaldo Quintana Paredes et Felipe Benítez Balmori, sous surveillance policière permanente, vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre, aux fins de garantir leur présence au procès en audience publique prévu en la présente affaire. Il est expressément précisé que la présente décision entrera en vigueur à compter du moment où les médecins traitants de l’hôpital militaire sis dans la ville d’Asunción délivreront officiellement l’autorisation de sortie des personnes susnommées».

Lorsqu’ils ont eu connaissance de cette décision, les accusés ont cessé leur grève de la faim.

Il importe de mentionner que l’Unité spécialisée dans les atteintes aux droits de l’homme a ouvert sous la référence no 46/12 une enquête sur les allégations d’actes de torture dont auraient été victimes les personnes arrêtées dans le cadre des événements du 15 juin 2012 à Campos Morombi, enquête qui est toujours en cours.

Il convient d’indiquer également que par l’accord et arrêt no 234 du 23 avril 2014, la Cour suprême de justice a déclaré irrecevable la demande incidente formée par l’entreprise Campos Morombí au cours de l’examen de la requête autonome en nullité déposée par l’Institut du développement durable et de la terre (INDERT) aux fins de déterminer si l’immeuble appartenait ou non à l’État paraguayen. Cette décision débloque la procédure judiciaire engagée en vue d’attribuer officiellement au domaine public les terres de Marina Kué, conclusion qui avait été contestée en justice − pour ce qui est de la légitimité du titre de l’État − par l’entreprise susmentionnée, dans l’affaire visée.