CCPR

Pacte international relatif aux droits civilset politiquesDistr.

RESTREINTE*

CCPR/C/70/D/806/1998

5 décembre 2000

FRANÇAIS

Original : ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMMESoixante‑dixième session16 octobre‑3 novembre 2000

CONSTATATIONS

Communication No 806/1998

Présentée par :M. Eversley Thompson (représenté par M. Saul Lehrfreund, du cabinet londonien Simons, Muirhead & Burton)

Au nom de :L'auteur

État partie :Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines

Date de la communication :17 février 1998

Décisions antérieures :Décision du Rapporteur spécial prise en application des articles 86 et 91, transmise à l'État partie le 19 février 1998 (non publiée sous forme de document)

Date de l'adoption des constatations :18 octobre 2000

Le 18 octobre 2000, le Comité des droits de l'homme a adopté ses constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif, concernant la communication No 806/1998. Le texte est annexé au présent document.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME AU TITREDU PARAGRAPHE 4 DE L'ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIFSE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS

CIVILS ET POLITIQUESsoixante-dixième sessionconcernant la

Communication No 806/1998**

Présentée par :M. Eversley Thompson (représenté par M. Saul Lehrfreund, du cabinet londonien Simons, Muirhead & Burton)

Au nom de :L'auteur

État partie :Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines

Date de la communication :17 février 1998

Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 18 octobre 2000,

Ayant achevé l'examen de la communication No 806/1998 présentée par M. Eversley Thompson en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,

Adopte ce qui suit :

Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif

1.L'auteur de la communication est Eversley Thompson, de nationalité saint‑vincentaise, né le 7 juillet 1962. Il est représenté par M. Saul Lehrfreund, du cabinet londonien Simons Muirhead & Burton. Le conseil affirme que l'auteur est victime de violations des paragraphes 1 et 4 de l'article 6, de l'article 7, du paragraphe 1 de l'article 10, du paragraphe 1 de l'article 14 et de l'article 26 du Pacte.

Rappel des faits présentés par le conseil

2.1L'auteur a été arrêté le 19 décembre 1993 et inculpé du meurtre de D'Andre Olliviere, une fillette de 4 ans qui avait disparu la veille. La Chambre pénale de la Haute Cour l'a reconnu coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné à mort le 21 juin 1995. Son appel a été rejeté le 15 janvier 1996. Dans sa demande d'autorisation spéciale de former recours devant la section judiciaire du Conseil privé, le conseil a avancé cinq moyens d'appel, relatifs à la recevabilité des aveux de l'auteur et aux instructions données par le juge au jury. Le 6 février 1997, la section judiciaire du Conseil privé a accordé l'autorisation de former recours et après avoir renvoyé l'affaire à la cour d'appel locale sur un point, a rejeté ce pourvoi le 16 février 1998. De ce fait, tous les recours internes seraient épuisés.

2.2Au procès, l'accusation reposait sur le fait que la petite fille avait disparu le 18 décembre 1993 et que l'auteur avait été vu qui se cachait derrière un arbre près du domicile de celle‑ci. Du sang, des matières fécales et la culotte de la fillette avaient été trouvés sur la plage près du domicile de la famille. Le corps de la fillette n'a jamais été retrouvé.

2.3Selon le ministère public, l'auteur a été appréhendé par des agents de police à son domicile, tôt dans la matinée du 19 décembre 1993. Ceux‑ci lui ayant montré une pantoufle rouge trouvée la veille, il avait dit que c'était la sienne. Après avoir été conduit au commissariat de police, l'auteur avait avoué avoir exercé des violences sexuelles sur la fillette puis avoir jeté son corps dans la mer depuis la plage. Il s'était rendu avec les policiers à l'endroit des faits. À son retour, il avait fait une déposition confirmant ses aveux.

2.4Les éléments de preuve susmentionnés, présentés par la police, ont fait l'objet d'un examen préliminaire au cours du procès. L'auteur a contesté avoir jamais fait une déposition. Il a affirmé que les agents de police l'avaient roué de coups, chez lui et au commissariat, qu'on lui avait administré des décharges électriques et qu'il avait été frappé à coups de crosse et de pelle. Ses parents ont témoigné qu'ils l'avaient vu le 20 décembre 1993 le visage et les mains fortement tuméfiés. À l'issue de l'examen préliminaire, le juge a décidé que les aveux avaient été spontanés et les a admis en tant qu'éléments de preuve. Devant le jury, l'auteur a fait une déposition sous serment dans laquelle il a de nouveau nié être passé aux aveux.

Teneur de la plainte

3.1D'après le conseil, condamner l'auteur à la peine de mort constitue un châtiment cruel et inusité car, en droit saint‑vincentais, la peine capitale est obligatoire en cas de meurtre. Il ajoute qu'il n'existe aucun critère quant à l'exercice du droit de grâce, et la personne reconnue coupable n'a pas la possibilité de faire des observations sur toutes informations que le Gouverneur général

peut avoir reçues à cet égard. La peine de mort devrait être réservée aux crimes les plus graves et "le fait de prononcer indifféremment la même sentence pour toutes les catégories de meurtre ne satisfait pas au critère de proportionnalité entre les circonstances du crime effectivement perpétré, la situation de l'auteur et la peine. Cette sentence devient donc un châtiment cruel et inusité". Elle constituerait de ce fait une violation de l'article 7 du Pacte.

3.2Les faits susvisés constitueraient également une violation de l'article 26 du Pacte, puisque le caractère obligatoire de la peine de mort interdit aux juges d'infliger une peine moins lourde pour tenir compte d'éventuelles circonstances atténuantes. En outre, la peine étant obligatoire, le caractère discrétionnaire de l'exercice du droit de grâce va à l'encontre du principe de l'égalité devant la loi.

3.3En outre, le caractère obligatoire de la peine de mort violerait les droits conférés à l'auteur par les paragraphes 1 et 4 de l'article 6.

3.4De même, le paragraphe 1 de l'article 14 aurait été violé "du fait que la Constitution de Saint‑Vincent n'autorise pas le requérant à faire valoir que son exécution est anticonstitutionnelle parce qu'inhumaine, dégradante, cruelle ou inusitée. En outre, elle n'accorde aucun droit à audition ou jugement quant à la question de savoir si la peine devrait être prononcée ou exécutée".

3.5Le conseil indique que les conditions dans lesquelles l'auteur est incarcéré dans la prison de Kingstown sont assimilables à des violations de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10. L'auteur est détenu dans une cellule de 2,4 m sur 1,8 m; une ampoule reste en permanence allumée, 24 heures sur 24; il n'y a ni meuble, ni literie; les seuls objets personnels dont il dispose sont une couverture, une tinette et une tasse; la ventilation est insuffisante puisqu'il n'y a pas de fenêtre; les conditions d'hygiène sont extrêmement mauvaises; la nourriture est de mauvaise qualité et insipide – on lui sert du riz tous les jours; il est autorisé à faire de l'exercice trois fois par semaine pendant une demi‑heure dans le dortoir. Les conditions de détention seraient également contraires au règlement intérieur des prisons de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines. En outre, la peine infligée à l'auteur serait aggravée par ces conditions.

3.6Le conseil fait valoir que la détention dans ces conditions rendrait illégale l'exécution de l'auteur.

3.7Le conseil ajoute qu'il y a violation du paragraphe 1 de l'article 14 parce qu'aucune aide juridictionnelle n'est disponible pour déposer les requêtes constitutionnelles et que l'auteur, qui est indigent, se voit ainsi dénier le droit de saisir la justice garanti par le paragraphe 1 de l'article 16 de la Constitution.

Demande de mesures provisoires adressée par le Comité

4.1Le 19 février 1998, la communication a été soumise à l'État partie, qui a été prié de fournir des informations et de faire connaître ses observations à la fois sur la recevabilité et sur le fond de la communication, conformément au paragraphe 2 de l'article 91 du règlement intérieur du Comité. L'État partie a également été prié, conformément à l'article 86 du règlement intérieur, de surseoir à l'exécution de l'auteur pendant que l'affaire était examinée par le Comité.

4.2Le 16 septembre 1999, le Comité a été informé que l'ordre d'exécution de l'auteur avait été décerné. Le Comité ayant immédiatement envoyé un message à l'État partie lui rappelant la demande qu'il lui avait adressée conformément à l'article 86, ce dernier a informé le Comité qu'il n'avait pas connaissance de cette demande ni de la communication concernée. À l'issue d'un échange épistolaire entre le Rapporteur spécial pour les nouvelles communications et les représentants de l'État partie, et après qu'une requête constitutionnelle eut été présentée à la Haute Cour de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines, l'État partie a accepté de surseoir à l'exécution de l'auteur pour permettre au Comité d'examiner sa communication.

Observations de l'État partie

5.1Dans une réponse datée du 16 novembre 1999, l'État partie note que l'auteur a exercé son droit de recours en déposant une requête constitutionnelle, laquelle a été rejetée par la Haute Cour le 24 septembre 1999. La Cour n'a pas fait droit aux arguments du conseil selon lesquels l'auteur n'avait pas bénéficié des garanties judiciaires ni de la protection de la loi, l'exécution de la peine de mort était anticonstitutionnelle parce que inhumaine ou dégradante, les conditions de détention de l'auteur étaient assimilables à un traitement inhumain et dégradant et celui‑ci avait le droit bien établi de faire examiner sa requête par le Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies. L'État partie ajoute qu'afin d'accélérer l'examen de la plainte par le Comité, il ne soulèvera aucune objection quant à la recevabilité de la communication au motif du non‑épuisement des recours internes.

5.2L'État partie précise que le droit international admet que la peine de mort puisse avoir un caractère obligatoire. Il explique qu'il est fait une distinction dans le droit pénal de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines entre différents types de mise à mort illégale. L'homicide sans préméditation n'est pas obligatoirement passible de la peine de mort. Ce n'est que pour le crime de meurtre que la peine de mort est obligatoire. Le meurtre est le crime le plus grave en droit interne. C'est pourquoi l'État partie affirme que la peine de mort a été prononcée en l'espèce conformément au paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte. Il nie aussi qu'il y ait eu violation de l'article 7 à cet égard, puisque le fait de réserver la peine de mort au crime le plus grave réprimé par la loi satisfait au principe de proportionnalité entre les circonstances du crime et la peine. L'État partie rejette de même l'argument du conseil qui affirme qu'il y a eu discrimination au sens de l'article 26 du Pacte.

5.3L'État partie note également que l'auteur a bénéficié d'un procès équitable et que sa condamnation a été réexaminée et confirmée par la cour d'appel et le Conseil privé. En conséquence, la peine de mort prononcée ne constitue pas une privation arbitraire de la vie de l'auteur au sens du paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte.

5.4En ce qui concerne l'allégation de violation du paragraphe 4 de l'article 6 du Pacte, l'État partie note que l'auteur a le droit de solliciter la grâce ou une commutation de peine et que le Gouverneur général peut exercer le droit de grâce conformément aux articles 65 et 66 de la Constitution à la lumière des avis que lui donne le Comité consultatif.

5.5Pour ce qui est des conditions de détention et du traitement des détenus, l'État partie note que l'auteur n'a fourni aucun élément pour montrer que ses conditions de détention pouvaient être assimilées à une torture ou à un traitement ou un châtiment cruel, inhumain ou dégradant. Il n'est pas davantage prouvé qu'il ait été traité de façon contraire au paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Selon l'État partie, les déclarations de caractère général faites dans la communication ne font apparaître aucune violation particulière des articles pertinents. En outre, l'État partie note que la Haute Cour a étudié cette question lorsqu'elle a examiné la requête constitutionnelle, qu'elle a rejetée. L'État partie se réfère à la jurisprudence constante du Comité selon laquelle le Comité n'est pas compétent pour apprécier les faits et les éléments de preuve examinés par un tribunal et conclut que la plainte de l'auteur devrait être rejetée. L'État partie se réfère en outre à la jurisprudence du Comité selon laquelle des périodes de détention prolongée ne peuvent être considérées comme constituant un traitement cruel, inhumain ou dégradant si la personne reconnue coupable ne fait qu'exercer ses moyens de recours.

5.6L'État partie affirme en outre que même s'il y avait eu violation des droits de l'auteur en ce qui concerne les conditions de détention, cela ne rendrait pas l'exécution de la peine capitale illégale ni n'entraînerait une violation des articles 6 et 7 du Pacte. À ce propos, l'État partie fait référence à la décision du Conseil privé dans l'affaire Thomas and Hilaire c. Attorney General of Trinidad and Tobago, dans laquelle le Conseil privé a estimé que même si les conditions de détention constituaient une violation des droits constitutionnels des auteurs du recours, la commutation de leur peine ne serait pas la réparation appropriée et que si les conditions dans lesquelles le condamné avait été détenu avant son exécution enfreignaient ses droits constitutionnels, cela ne rendait pas anticonstitutionnelle une sentence légale.

5.7S'agissant de l'affirmation du conseil selon laquelle le droit de l'auteur de saisir la Cour constitutionnelle a été violé, l'État partie note que l'auteur a bien présenté et fait valoir une requête constitutionnelle devant la Haute Cour, et a été représenté pour ce faire par un défenseur local expérimenté. Une fois sa requête rejetée, l'auteur a fait une déclaration d'appel. Le 13 octobre 1999, il s'est désisté. Au cours de ces procédures, il a de nouveau été représenté par le même défenseur. L'État partie affirme que cela démontre que l'État ne s'est nullement comporté d'une manière qui ait eu pour effet concret d'empêcher l'auteur de saisir la justice.

Observations du conseil

6.1Dans ses observations, le conseil affirme que la condamnation à mort de l'auteur viole diverses dispositions du Pacte parce que le juge l'a condamné sans avoir examiné et pris en considération sa personnalité, sa situation personnelle ou les circonstances du crime. À cet égard, le conseil se réfère au rapport de la Commission interaméricaine des droits de l'homme dans l'affaire Hilaire c. Trinité ‑et ‑Tobago2.

6.2En ce qui concerne le droit de grâce, le conseil affirme que l'État partie n'a pas tenu compte de ce que le droit de recours en grâce doit être un droit effectif. En l'espèce, l'auteur ne peut utilement faire entendre sa cause, ce qui rend son droit de recours en grâce théorique et illusoire. L'auteur ne peut participer à la procédure, et est simplement informé de son issue. Selon le conseil, cela signifie que les décisions concernant la grâce sont prises de façon arbitraire. À ce sujet, le conseil note que le Comité consultatif n'interroge ni le détenu ni sa famille. En outre, le condamné n'a aucune possibilité de réagir à des informations susceptibles d'aggraver son cas dont le Comité consultatif pourrait avoir connaissance.

6.3En ce qui concerne les conditions de détention, le conseil joint une déclaration sous serment de l'auteur, datée du 30 décembre 1999. Selon ses dires, la cellule de la prison de Kingstown dans laquelle il a été détenu du 21 juin 1995 au 10 septembre 1999 mesurait 2,4 m sur 1,8 m, et les seuls articles qui lui avaient été fournis dans sa cellule étaient une couverture, un tinette, un petit récipient à eau et une bible. Il dormait à même le sol. Il n'y avait dans la cellule pas de lumière électrique mais dans le couloir, une ampoule était allumée jour et nuit. Il ne pouvait pas lire parce que l'éclairage était insuffisant. Il était autorisé à faire de l'exercice au moins trois fois par semaine dans le couloir adjacent à sa cellule. Il ne pouvait pas prendre l'air et ne voyait jamais la lumière du jour. Des surveillants étaient présents en permanence. La nourriture avait mauvais goût et était peu variée (principalement du riz). Au cours d'un incendie provoqué le 29 juillet 1999 par une mutinerie, il était enfermé dans sa cellule et n'avait eu la vie sauve que parce que d'autres prisonniers avaient enfoncé le toit. Il n'est autorisé à porter que les tenues pénitentiaires qui lui arrachent la peau. Le 10 septembre 1999, il a été placé dans une cellule de Fort Charlotte, une prison datant du XVIIIe siècle. Dans la cellule où il se trouve désormais, l'atmosphère est moite et le sol est humide. Il a un petit matelas. La cellule est sombre de nuit comme de jour, car la lumière de l'ampoule électrique du couloir n'y pénètre pas. Il fait de l'exercice tous les jours, mais à l'intérieur du bâtiment, et ne va jamais à l'air libre. En raison de l'humidité, ses jambes ont commencé à enfler, ce qu'il a signalé aux autorités qui l'ont emmené à l'hôpital pour des examens le 29 décembre 1999. Il ajoute qu'il devait être pendu le 13 septembre 1999, qu'il a été conduit à la potence et que son avocat n'a réussi à obtenir un sursis à exécution que 15 minutes avant l'heure prévue. Il déclare qu'il en a été traumatisé et a perdu tous ses repères.

6.4En ce qui concerne le droit de saisir la justice, le conseil estime que le fait que l'auteur ait eu la chance de le convaincre de le représenter gratuitement dans sa récente affaire constitutionnelle ne dispense pas l'État partie de son obligation de fournir une aide juridictionnelle s'agissant des requêtes constitutionnelles.

Considérations relatives à la recevabilité

7.1Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité note qu'il ressort des faits dont il est saisi que l'auteur a déposé une requête constitutionnelle devant la Haute Cour de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines. Le Comité considère donc que le conseil n'a pas étayé, aux fins de la recevabilité, son affirmation selon laquelle, en contravention du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, l'État partie a dénié à l'auteur le droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal.

7.3Le Comité considère que l'auteur a suffisamment montré, aux fins de la recevabilité, que ses autres plaintes pouvaient soulever des questions au titre des articles 6, 7, 10 et 26 du Pacte et procède donc sans plus tarder à leur examen quant au fond.

Examen au fond

8.1Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication en tenant compte de tous les renseignements communiqués par écrit par les parties conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.

8.2Le conseil a affirmé que le caractère obligatoire de la sentence de mort et son application dans le cas de l'auteur constituaient une violation du paragraphe 1 de l'article 6, de l'article 7 et de l'article 26 du Pacte. L'État partie a répondu que la sentence de mort n'était obligatoire que pour le meurtre, qui est le crime le plus grave réprimé par la loi, et que cela impliquait qu'il s'agissait d'une sentence proportionnée à l'infraction. Le Comité note que l'imposition obligatoire de la peine de mort en vertu de la législation de l'État partie repose exclusivement sur la catégorie de crime dont le défendeur est reconnu coupable, sans considération de la situation personnelle de celui‑ci ou des circonstances du délit commis. La peine de mort est obligatoire dans tous les cas de "meurtre" (actes de violence intentionnels ayant entraîné la mort de la victime). Le Comité considère qu'un tel système d'imposition obligatoire de la peine de mort prive l'individu de son droit le plus fondamental, le droit à la vie, sans considérer si cette forme exceptionnelle de châtiment est appropriée dans les circonstances particulières à l'affaire. L'existence du droit de demander la grâce ou la commutation de la peine tel qu'il est prévu au paragraphe 4 de l'article 6 du Pacte ne garantit pas une protection appropriée du droit à la vie car l'application de ces mesures discrétionnaires par le pouvoir exécutif est sujette à une grande diversité d'autres considérations, sans rapport avec l'examen judiciaire approprié de tous les aspects d'une affaire pénale. Le Comité estime que l'exécution de la sentence de mort dans le cas de l'auteur constituerait pour ce dernier une privation arbitraire de la vie, en violation du paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte.

8.3Le Comité estime que les arguments du conseil concernant le caractère obligatoire de la peine de mort, fondés sur les articles 6, paragraphe 2, 7, 14, paragraphe 5, et 26 du Pacte, ne soulèvent pas de questions qui seraient distinctes de la constatation ci-dessus concluant à une violation du paragraphe 1 de l'article 6.

8.4L'auteur a affirmé que ses conditions de détention étaient contraires à l'article 7 et au paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte, et l'État partie a rejeté cette affirmation en termes généraux, renvoyant au jugement de la Haute Cour qui avait rejeté la requête de l'auteur. Le Comité estime que bien qu'il appartienne en principe aux juridictions internes de l'État partie d'apprécier les faits et les éléments de preuve dans toute affaire spécifique, il se doit d'examiner la question de savoir si les faits, tels qu'ils ont été établis par le tribunal, constituent ou non une violation du Pacte. À ce sujet, le Comité note que l'auteur a affirmé devant la Haute Cour qu'il était confiné dans une petite cellule, qu'on ne lui avait donné qu'une couverture et une tinette, qu'il dormait à même le sol, qu'une ampoule électrique restait allumée jour et nuit et qu'il n'était autorisé à sortir de sa cellule pour aller dans la cour qu'une heure par jour. De plus il ne recevait pas la lumière du jour et était actuellement détenu dans une cellule humide et obscure. L'État partie n'a pas contesté ces affirmations. Le Comité estime que les conditions dans lesquelles l'auteur est incarcéré constituent une violation du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Dans la mesure où l'auteur fait valoir que le fait qu'il ait été conduit à la potence après que l'ordre d'exécution eut été décerné et n'ait été ramené dans sa cellule que 15 minutes avant l'heure prévue pour l'exécution constitue un traitement cruel, inhumain ou dégradant, le Comité note que rien dans les pièces dont il est saisi n'indique que l'auteur n'a pas été éloigné du lieu de l'exécution dès que le sursis à exécution a été accordé. Le Comité estime donc que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître une violation de l'article 7 du Pacte à cet égard.

9.Le Comité des droits de l'homme, agissant conformément au paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, considère que les faits qui lui sont soumis font apparaître une violation du paragraphe 1 de l'article 6 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte.

10.Conformément au paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie a l'obligation d'assurer à M. Thompson un recours utile et approprié, y compris sous la forme d'une commutation de peine. L'État partie est tenu de prendre des mesures pour éviter que des violations analogues ne se reproduisent à l'avenir.

11.Étant donné qu'en adhérant au Protocole facultatif, l'État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte, il s'est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L'État partie est également prié de publier les constatations du Comité.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité de l'Assemblée générale.]

Appendice

Opinion individuelle de Lord Colville (dissidente)

La décision retenue par la majorité repose exclusivement sur la loi qui impose une sentence de mort obligatoire pour la catégorie de crime - le meurtre - dont le défendeur est reconnu coupable, sans tenir compte de sa situation personnelle ou des circonstances particulières du crime. La majorité est parvenue à cette conclusion sans avoir apprécié ni cette situation ni ces circonstances, ce qui au demeurant ne serait pas de la compétence du Comité. Par conséquent, la majorité a établi son opinion sur l'opposition entre la définition du meurtre selon la common law, qui s'applique dans l'État partie, et la hiérarchie des catégories d'homicide faite dans les juridictions de droit civil et, selon la loi, dans certains États dont le droit pénal découle de la common law. Ainsi, la décision de la majorité ne porte pas sur cet auteur en particulier mais a une application large qui peut être généralisée. Pour la première fois au sujet de cette communication, cette opposition est relevée, alors que le Comité a rendu dans le passé des constatations concernant de nombreuses communications soumises au motif (notamment) d'une condamnation à mort obligatoire pour meurtre, sans adopter cette position.

En concluant dans la présente communication que l'exécution de la sentence de mort dans le cas de l'auteur constituerait une privation arbitraire de la vie, en violation du paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte, la majorité n'a pas pris le bon point de départ. Tel qu'il est rédigé le paragraphe 8.2 de la décision retenue par la majorité fait l'impasse sur l'analyse des dispositions de l'article 6 tout entier, qui est soigneusement construit. La position de départ est que, malgré l'injonction faite au paragraphe 6 de l'article 6, il est accepté que la peine capitale puisse être prononcée. Ensuite sont énoncées des garanties, qui appellent les commentaires suivants :

a)Le droit à la vie, qui est inhérent à l'être humain, ne peut être ôté arbitrairement. Les dispositions suivantes de l'article énoncent les conditions qui permettent d'empêcher l'arbitraire mais ces conditions ne sont pas traitées par la majorité, à l'exception de celle qui est faite au paragraphe 4 de l'article 6, au sujet de laquelle il existe maintenant une jurisprudence qui semble avoir été négligée (voir plus loin);

b)Le paragraphe 2 de l'article 6 met en relief la principale faille du raisonnement de la majorité. Il est incontesté que le meurtre est l'un des "crimes les plus graves"; or l'opinion de la majorité est que la définition du meurtre dans la common law peut englober des infractions qui ne doivent pas entrer dans la catégorie des "crimes les plus graves". Même si les choses ne sont pas dites dans la décision en ces termes, l'implication est nécessairement que le "meurtre" doit être redéfini.

Le deuxième élément du paragraphe 2 de l'article 6 souligne que la peine capitale ne peut être appliquée qu'en vertu d'un jugement définitif rendu par un tribunal compétent. Il s'ensuit inévitablement que le texte de loi qui oblige le juge du fond à prononcer une sentence de mort quand le défendeur est reconnu coupable de meurtre n'est pas et ne peut pas être en soi attentatoire au paragraphe 1 de l'article 6 et ne peut certainement pas l'être parce que la situation personnelle et les circonstances du crime ne sont pas prises en considération : si l'autorité chargée des poursuites décide, dans une affaire d'homicide, de dresser un acte d'inculpation pour meurtre, la défense dispose immédiatement d'un certain nombre de moyens pour contrer, devant la juridiction de jugement, ce chef d'inculpation. Il s'agit des moyens suivants :

-légitime défense : à moins que l'accusation ne puisse convaincre le tribunal que les actes du défendeur, qui ont entraîné la mort, ne constituaient pas une réaction proportionnée, selon sa propre perception de la situation, par rapport à la menace qu'il rencontrait, le défendeur doit être acquitté de toute charge;

-d'autres circonstances qui entourent le crime et qui se rapportent essentiellement à la situation prévalente du défendeur ou à son état d'esprit permettent à la juridiction de jugement de conclure que, si ce moyen de défense n'est pas réfuté de façon convaincante par l'accusation (la charge n'incombe jamais au défendeur), le chef d'inculpation de meurtre peut être ramené à celui d'homicide, ce qui n'emporte pas une sentence de mort obligatoire. En fonction de la ligne de défense et des preuves apportées par les parties, le juge est tenu d'expliquer ces questions; s'il ne le fait pas conformément au précédent légal le résultat sera l'annulation de la condamnation;

-il suffit de donner des exemples des moyens qui peuvent ainsi être développés par la défense : l'un de ces moyens consiste à faire valoir la responsabilité atténuée du défendeur pour ses actes (mais sans aller jusqu'à l'état de démence qui entraînerait non pas une condamnation, mais une injonction de traitement dans un établissement psychiatrique); ou la provocation, notion qu'une décision judiciaire a étendue pour viser aussi le "syndrome de la femme battue", que l'origine de l'exaspération de la victime soit immédiate ou soit le résultat d'un processus cumulatif;

-en conséquence, dans son verdict, le juge précise si le meurtre est le seul crime possible dont le défendeur peut être reconnu coupable. Les points de droit qui peuvent justifier la contestation d'une condamnation pour meurtre peuvent être portés devant la plus haute juridiction d'appel. C'est à la suite d'un pourvoi de cette nature que la loi a reconnu que des violences conjugales prolongées constituaient une "provocation" ce qui permettait de ramener dans certains cas le meurtre à un homicide.

Cette affaire n'appelle aucune observation au regard du paragraphe 3 ni du paragraphe 5 de l'article 6. En revanche le paragraphe 4 a récemment pris une certaine importance que la décision retenue par la majorité semble avoir négligée. La pratique a toujours été que le chef de l'État doit être conseillé par le ministre compétent ou l'organe consultatif compétent, comme le Conseil privé, pour déterminer si la peine capitale doit être exécutée. Ce système est requis par le paragraphe 4 de l'article 6 et il suppose un certain nombre de mesures préliminaires : comme la majorité l'énonce au paragraphe 8.2 de la décision, ces mesures discrétionnaires du pouvoir exécutif sont sujettes à une grande diversité d'autres considérations sans rapport avec l'examen judiciaire approprié de tous les aspects d'une affaire pénale. Cette affirmation n'est pas seulement correcte, elle représente l'essence et la valeur mêmes du paragraphe 4 de l'article 6; c'est exactement ce processus qui est en place dans l'État.

La section judiciaire du Conseil privé a toutefois rendu son avis dans l'affaire Lewis and others v.A.G. of Jamaica & another, en date du 12 septembre 2000. Certes, l'opinion majoritaire de Lord Slynn n'est pas obligatoire dans une juridiction de common law quelle qu'elle soit mais il émane de cet avis une autorité si convaincante qu'elle ne peut manquer d'être suivie d'effet. Lord Slynn indique qu'à la Jamaïque de par la Constitution même du pays, mais également ailleurs,

-Un rapport écrit du juge du fond est mis à la disposition de la personne ou de l'organe appelé à se prononcer sur la grâce ou la commutation de peine. (En commentaire concernant cette pratique, il faut ajouter que le juge du fond aura vu directement le défendeur et les témoins pendant le procès et aura eu également accès à toutes autres informations relatives aux circonstances de l'affaire et à la situation personnelle du défendeur qui n'ont pas été avancées à aucun moment du procès proprement dit. Des éléments de preuve, qui ne peuvent pas être produits au tribunal de jugement, peuvent, par exemple, contenir grand nombre de renseignements utiles.)

-"Les autres informations découlant du dossier ou provenant d'autres sources" doivent être portées à la connaissance de l'autorité habilitée à accorder la grâce.

-Dans la pratique le condamné n'a jamais été empêché de faire des représentations, que cette autorité prendra en considération.

L'avis dans l'affaire Lewis innove en ce qu'il conseille que les procédures suivies pour examiner la requête d'un individu sont susceptibles de révision judiciaire. Il faut que le condamné soit informé de la date à laquelle l'autorité habilitée à accorder la grâce examinera son cas. Ce préavis devrait être suffisant pour permettre au condamné lui‑même ou à ses conseils de préparer les représentations avant que la décision ne soit prise. L'avis rendu dans l'affaire Lewis donne ainsi corps au droit du défendeur de faire des représentations et oblige à prendre celles‑ci en considération.

De cette analyse de l'article 6 dans son ensemble, ainsi que de la décision judiciaire qui ne manquera sans doute pas d'être suivie dans toutes les juridictions de common law, y compris celle de Saint‑Vincent‑et‑les‑Grenadines, il découle inéluctablement que s'il y a arbitraire cela ne dépend pas du jugement et de la peine prononcée en première instance, et encore moins du caractère obligatoire de la sentence à prononcer en cas de condamnation pour meurtre. Rien ne permet de penser que les procédures d'appel aient été entachées d'arbitraire. Par conséquent l'opinion de la majorité ne peut qu'être fondée sur l'idée que les termes du paragraphe 4 de l'article 6, tels qu'il y est donné effet dans une juridiction de common law, incluent nécessairement une décision arbitraire, "sans considérer si cette forme exceptionnelle de châtiment est appropriée dans les circonstances particulières" (par.8.2). Cela est manifestement faux, vu la pratique constante et, désormais, la décision convaincante du Conseil privé; il ne s'agit plus simplement d'un problème d'examen consciencieux de la part de l'autorité mais de la possibilité de révision judiciaire de la décision de cette autorité.

Toute interprétation aboutissant à conclure qu'il y a eu arbitraire à la lumière des procédures appliquées en common law ne peut qu'impliquer que le plein respect des dispositions du paragraphe 4 de l'article 6 doit être lié à la notion d'arbitraire énoncée au paragraphe 1 de l'article 6. Une telle incohérence interne ne devrait pas être appliquée à une interprétation du Pacte et ne peut que résulter d'une interprétation forcée et erronée des termes de l'article 6.

Au vu des faits de l'affaire et étant donné qu'une demande de grâce est en cours et peut encore aboutir, je ne peux pas conclure qu'il y a eu la moindre violation du paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte.

Lord Colville [signé]

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]

Opinion individuelle de M. David Kretzmer, cosignée par M. Abdelfattah Amor,M. Maxwell Yalden et M. Abdallah Zakhia (dissidente)

A.La jurisprudence du Comité

1.Comme beaucoup de mes collègues, je considère qu'il est malencontreux que le Pacte ne prohibe pas la peine de mort. Toutefois cela ne doit pas être une raison pour s'écarter des règles d'interprétations acceptées jusqu'ici s'agissant des dispositions du Pacte relatives à la peine capitale. Je ne puis donc pas souscrire à l'avis du Comité qui a estimé qu'étant donné que la sentence de mort prononcée dans le cas de l'auteur était obligatoire de par la loi, si l'auteur était exécuté l'État partie violerait son droit, garanti au paragraphe 1 de l'article 6, de ne pas être privé arbitrairement de la vie.

2.La question des sentences de mort obligatoires en cas de meurtre n'est pas nouvelle pour le Comité. Pendant des années, celui-ci a été saisi de communications émanant de personnes qui avaient été condamnées à mort en vertu d'une législation qui rend la condamnation à mort obligatoire en cas de meurtre. (Voir par exemple les communications No 719/1996, Conroy Levy c. Jamaïque, No 750/1996, Silbert Daley c. Jamaïque , No 775/1997, Christopher Brown c. Jamaïque.) Dans aucune de ces affaires le Comité n'a fait savoir que le caractère obligatoire de la peine entraînait une violation de l'article 6 du Pacte (ou de tout autre article). De plus, dans l'exercice de ses fonctions au titre de l'article 40 du Pacte, le Comité a examiné et commenté de nombreux rapports d'États parties dont la législation prévoit la peine capitale obligatoire en cas de meurtre. Si, quand il examine des communications émanant de particuliers, le Comité se limite généralement aux arguments avancés par les auteurs, quand il examine les rapports des États parties c'est à lui qu'appartient l'initiative d'émettre des doutes concernant la compatibilité de la législation nationale avec le Pacte. Or dans ses observations finales le Comité ne s'est jamais déclaré d'avis que la peine capitale obligatoire en cas de meurtre était incompatible avec le Pacte. (Voir par exemple les observations finales du Comité, en date du 19 janvier 1997, adoptées à l'issue de l'examen du deuxième rapport périodique de la Jamaïque, où il n'est fait aucune mention de la sentence de mort obligatoire.)

Il faut rappeler en outre que dans son Observation générale No 6 relative à l'article 6 du Pacte, le Comité a analysé la question de la peine capitale. À aucun moment il n'a indiqué que le prononcé obligatoire de cette sentence était incompatible avec l'article 6.

Le Comité n'est pas lié par sa jurisprudence. Il est libre de s'en écarter et doit le faire s'il a la conviction que la position qu'il a eue dans le passé était erronée. Il me semble toutefois que s'il veut que les États parties prennent sa jurisprudence au sérieux et s'en inspirent pour mettre en œuvre le Pacte, quand il change d'orientation le Comité doit aux États parties et à toutes les personnes intéressées une explication des motifs qui l'ont conduit à le faire. Je regrette que dans les constatations adoptées dams la présente affaire le Comité n'ait pas expliqué pourquoi il avait décidé de s'écarter de sa position précédente concernant le prononcé obligatoire de la peine de mort.

B.L'article 6 et les condamnations à mort obligatoires

3.Quand on débat de l'article 6 du Pacte il importe de faire une distinction très claire entre condamnation à mort obligatoire et peine capitale obligatoire. Dans le Pacte lui-même il est clairement fait une distinction entre l'imposition d'une sentence de mort et l'application

de cette sentence. Le prononcé d'une sentence de mort par un tribunal à l'issue d'un procès où toutes les conditions de l'article 14 du Pacte ont été respectées est une condition nécessaire mais insuffisante pour exécuter la peine capitale. Le paragraphe 4 de l'article 6 garantit à tout condamné à mort le droit de solliciter la grâce ou la commutation de la sentence. Il est donc évident que le Comité interdit expressément l'application obligatoire de la peine capitale. Toutefois, la question qui se pose dans le cas d'espèce n'a pas trait à une application obligatoire de la peine capitale ou à une exécution obligatoire mais au prononcé obligatoire d'une sentence de mort (condamnation à mort). Il ne s'agit pas d'une différence de mots seulement. Malheureusement en parlant de "peine" capitale obligatoire, le Comité a sans le vouloir donné une impression fausse. À mon avis il a ainsi été conduit également à ne pas exposer correctement la question soulevée par la communication : il ne s'agit pas de savoir si un État partie peut exécuter la peine capitale sans tenir compte de la situation personnelle du défendeur et des circonstances particulières au crime mais de savoir si le Pacte oblige à ce que les tribunaux aient toute latitude pour décider de prononcer une sentence de mort en cas de meurtre.

4.Le paragraphe 1 de l'article 6 protège le droit à la vie inhérent à tout être humain. Il énonce que nul ne peut être privé arbitrairement de la vie. Si l'article 6 avait consisté en ce seul paragraphe, il aurait été possible de faire valoir à très juste titre que la peine capitale en soi était une violation du droit à la vie. C'est d'ailleurs la position adoptée par les Cours constitutionnelles de deux États qui ont interprété leur propre constitution (voir l'arrêt de la Cour constitutionnelle d'Afrique du Sud dans l'affaire State c. Makwanyane [1995] 1 LRC 269 et l'arrêt No 23/1990 (X.31) AB, de la Cour constitutionnelle hongroise). Malheureusement le Pacte interdit cette solution puisque l'article 6 permet la peine de mort dans les pays qui ne l'ont pas abolie, sous réserve que les conditions rigoureuses énoncées aux paragraphes 2, 4 et 5 et dans d'autres dispositions du Pacte soient réunies. Si on lit l'article 6 du Pacte dans son intégralité, on ne peut pas ne pas conclure que l'exécution de la peine capitale ne peut pas être considérée comme une violation du paragraphe 1 de l'article 6 si toutes ces conditions rigoureuses sont réunies. La question qui doit en dernier ressort se poser quand on détermine si l'exécution d'une sentence de mort constitue une violation de l'article 6 est donc de savoir si l'État partie a bien respecté ces conditions.

5.La première condition est qu'une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves, conformément à la législation en vigueur au moment où le crime a été commis. Dans le cas d'espèce, le Comité ne fonde pas expressément sa conclusion de violation sur un manquement à cette condition. Il note toutefois que "l'imposition obligatoire de la peine de mort en vertu de la législation de l'État partie repose exclusivement sur la catégorie de crime dont le défendeur est reconnu coupable" et que "la peine de mort est obligatoire dans tous les cas de meurtre". Si le Comité ne mentionne pas le paragraphe 2 de l'article 6, en l'absence de toute autre explication il semblerait qu'il a des doutes quant à la compatibilité avec le Pacte du prononcé de la sentence de mort pour meurtre (la catégorie de crime pour laquelle la sentence de mort est obligatoire en vertu de la législation de l'État partie). On ne peut que supposer que ces doutes découlent de la crainte que dans la catégorie "meurtre" puissent être compris des crimes qui ne sont pas parmi "les plus graves". Je trouve très gênant que le Comité soit disposé à laisser entendre que le meurtre puisse ne pas être un des crimes les plus graves. Le Comité a lui‑même affirmé que le droit à la vie était le droit suprême (voir Observation générale No 6). Ôter intentionnellement la vie à autrui dans des circonstances qui entraînent la responsabilité pénale de l'auteur doit donc nécessairement, de par la nature même de l'acte, être considéré comme un des crimes les plus graves. Il ressort des documents soumis au Comité dans cette communication qu'un individu est coupable du crime de meurtre en vertu de la loi de l'État partie s'il cause la mort d'autrui par un acte intentionnel. L'État partie a expliqué (ce qui n'a pas été contesté) que le meurtre ne désigne pas "les actes ayant entraîné la mort qui équivalent à un homicide (par exemple suite à une provocation ou du fait de la responsabilité atténuée de leur auteur)". Dans ces circonstances tout meurtre dont un individu est pénalement responsable doit être considéré comme l'un des crimes les plus graves. Cela ne signifie pas évidemment qu'une sentence de mort devrait être prononcée ni que la peine capitale devrait être exécutée si elle est prononcée. En revanche cela veut bien dire que le prononcé d'une sentence de mort ne peut pas en soi être considéré comme incompatible avec le Pacte.

6.Pour déterminer si un défendeur inculpé de meurtre est pénalement responsable, le tribunal doit examiner plusieurs circonstances propres à la situation personnelle du défendeur ainsi que les circonstances particulières dans lesquelles l'acte constitutif du crime a été commis. Comme l'a démontré dans son opinion individuelle mon collègue Lord Colville, ces circonstances seront prises en considération pour déterminer à la fois l'intention (mens rea) et l'acte (actus reus) requis pour que la responsabilité pénale soit entière ainsi que l'existence de moyens éventuels d'atténuation de la responsabilité pénale, comme la légitime défense. Ces circonstances seront également importantes pour déterminer s'il y a eu provocation ou si la responsabilité est atténuée, deux éléments qui en vertu de la loi de l'État partie ôtent à un acte intentionnel ayant entraîné la mort la qualification de meurtre. Étant donné que toutes ces questions sont des éléments d'appréciation pour déterminer l'inculpation pénale contre le défendeur, en vertu du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, elles doivent être tranchées par un tribunal compétent, indépendant et impartial. Si les tribunaux n'avaient pas la faculté de se prononcer sur l'une quelconque de ces questions, les conditions prescrites à l'article 14 ne seraient pas réunies. D'après la jurisprudence du Comité, dans une affaire de condamnation à mort, cela signifierait que l'exécution de la sentence de mort constituerait une violation de l'article 6. Or, dans la présente affaire personne n'a fait valoir que les conditions ci‑dessus n'aient pas été remplies. Néanmoins le Comité affirme qu'il y aurait violation du droit de ne pas être arbitrairement privé de la vie si l'État partie devait exécuter la sentence de mort "sans considération de la situation personnelle [du défendeur] ou des circonstances du délit commis". (Voir par. 8.2 des constatations.) Étant donné qu'il n'a pas été affirmé que des circonstances particulières du délit ou la situation personnelle de son auteur influant sur la responsabilité pénale pour le meurtre n'ont pas été prises en considération par les tribunaux, il est évident que le Comité se réfère à d'autres circonstances, qui n'ont pas d'incidence sur sa responsabilité dans le meurtre. Le paragraphe 4 de l'article 6 du Pacte fait effectivement obligation à l'État partie de tenir compte de ces circonstances avant d'exécuter une sentence de mort. Il n'y a toutefois absolument rien dans le Pacte qui exige que les tribunaux de l'État partie soient l'organe interne qui examine ces circonstances, lesquelles ne sont pas, comme on l'a vu, déterminantes pour déterminer le chef d'inculpation pénale.

7.Dans de nombreuses sociétés, la loi fixe une peine maximale pour une infraction donnée et les tribunaux ont toute latitude pour prononcer la peine appropriée dans une affaire déterminée. Il se peut que ce système soit le meilleur système de condamnation (encore que de nombreux détracteurs objectent qu'il donne inévitablement lieu à une fixation de peine inéquitable ou discriminatoire). Mais quand il examine la question de la fixation d'une peine, comme pour toute autre question portant sur l'interprétation du Pacte, le Comité doit se demander non pas si tel ou tel système semble être le meilleur mais si un système particulier est exigé par le Pacte. Il est trop facile de supposer que le système que les membres du Comité connaissent le mieux est exigé par le Pacte. C'est un mode d'approche inacceptable dans l'interprétation du Pacte qui

s'applique actuellement 144 États parties, dotés de régimes juridiques, de cultures et de traditions différents.

8.La question essentielle qui se pose en l'espèce est de savoir si le Pacte exige que les tribunaux aient toute latitude pour déterminer, dans chaque cas, la sentence appropriée. Il n'y a aucune disposition dans le Pacte qui puisse donner à penser que la réponse à cette question est affirmative. De surcroît, une réponse affirmative semblerait impliquer que des peines minimales fixées pour certaines infractions, comme le viol et le trafic de drogue (acceptées dans de nombreuses juridictions) sont incompatibles avec le Pacte. Il me semble difficile d'accepter une telle conclusion.

Les peines obligatoires (ou les peines minimales qui sont par essence obligatoires) peuvent effectivement soulever des questions graves au regard du Pacte. Si de telles sentences sont disproportionnées avec les crimes pour lesquels elles ont été prononcées, leur imposition peut constituer une violation de l'article 7 du Pacte. Si une sentence de mort obligatoire est prononcée pour des crimes qui ne sont pas parmi les plus graves, il y a violation du paragraphe 2 de l'article 6. En revanche, que ces peines soient conseillées ou non, si toutes les dispositions du Pacte relatives à l'imposition d'une peine sont respectées, le fait que la peine minimale ou la peine exacte pour le crime soit fixée par le législateur plutôt que par le tribunal n'entraîne pas en soi une violation du Pacte. Exécuter une sentence qui a été prononcée par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi en vertu de la loi, à l'issue d'un procès au cours duquel toutes les garanties énoncées à l'article 14 du Pacte ont été respectées, ne peut être considéré comme un acte arbitraire.

Je n'oublie pas qu'en l'espèce la sentence obligatoire est la peine de mort. Mais des règles spéciales s'appliquent à cette peine. Elle ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves. De plus le Pacte fait expressément obligation aux États parties de garantir à tout condamné à mort le droit de solliciter la grâce ou la commutation de la peine avant que la sentence ne soit exécutée. Il n'existe pas de droit équivalent pour les personnes qui sont condamnées à une autre peine. En revanche rien dans le Pacte n'exige que les tribunaux aient dans les affaires de condamnation à mort un pouvoir d'appréciation pour fixer la peine qu'ils n'ont pas pour d'autres affaires.

En résumé : rien dans le Pacte n'exige que les tribunaux aient un pouvoir d'appréciation pour déterminer la sentence exacte dans une affaire pénale. Si la sentence elle‑même ne constitue pas une violation du Pacte, le fait qu'elle soit obligatoire en vertu de la loi et non pas fixée par le tribunal ne change pas sa nature. Dans les affaires de condamnation à mort, si la sentence est prononcée pour un crime parmi les plus graves (et tout meurtre relève par définition de cette catégorie), elle ne peut pas être considérée comme incompatible avec le Pacte. Je ne peux pas souscrire à l'idée que l'application d'une sentence de mort qui a été prononcée par un tribunal en conformité avec l'article 6 du Pacte, à l'issue d'un procès mené dans le respect de toutes les garanties prévues à l'article 14, puisse être considérée comme une privation arbitraire de la vie.

9.Comme on l'a vu plus haut, il n'y a rien dans le Pacte qui exige que les tribunaux aient un pouvoir d'appréciation pour fixer la peine. Il n'y a pas davantage de disposition qui rende différente la fixation de la peine en cas de crimes punissables de mort. Cela ne veut pas dire toutefois que les États parties n'ont pas l'obligation de tenir compte de la situation personnelle du défendeur ou des circonstances particulières à l'infraction avant d'exécuter une sentence de mort. Au contraire, la sentence de mort diffère des autres sentences en ce que le paragraphe 4 de l'article 6 exige expressément que tout condamné à mort doit avoir le droit de solliciter la grâce ou la commutation de la peine et que l'amnistie, la grâce ou la commutation de la peine peuvent dans tous les cas être accordés. Il faut noter que le paragraphe 4 de l'article 6 reconnaît un droit. Comme tous les autres droits, la reconnaissance de celui‑ci par le Pacte impose aux États parties l'obligation légale de le respecter et d'en assurer l'exercice. Les États parties sont donc légalement tenus d'examiner de bonne foi toutes les demandes de grâce ou de commutation de peine en faveur de condamnés à mort. L'État partie qui ne le fait pas commet une violation du droit garanti aux condamnés à mort par le paragraphe 4 de l'article 6, avec toutes les conséquences qui découlent d'une violation d'un droit garanti par le Pacte, compris le droit à réparation dû à la victime.

Le Comité indique que "l'existence du droit de demander la grâce ou la commutation de peine ne garantit pas une protection appropriée du droit à la vie car l'application de ces mesures discrétionnaires par le pouvoir exécutif est sujet à une grande diversité d'autres considérations, sans rapport avec l'examen judiciaire approprié de tous les aspects d'une affaire pénale". Cette assertion ne contribue pas à rendre la position du Comité cohérente. Pour se conformer aux prescriptions du paragraphe 4 de l'article 6, les États parties sont tenus d'examiner de bonne foi la situation personnelle de l'auteur et toutes les circonstances propres au crime, que le condamné souhaite exposer. Il est vrai que l'organe de l'État partie qui est habilité à statuer peut également tenir compte d'autres facteurs, qui peuvent être considérés comme utiles pour déterminer s'il y a lieu d'octroyer la grâce ou la commutation. Toutefois le tribunal qui a le pouvoir de fixer la peine peut également prendre en considération toutes sortes de facteurs autres que la situation personnelle du défendeur ou les circonstances du crime.

10.Qu'il me soit permis de récapituler maintenant mon interprétation de la situation juridique en ce qui concerne le prononcé d'une sentence de mort obligatoire en cas de meurtre :

a)La question de savoir si une sentence de mort est compatible avec le Pacte dépend de l'observation ou de l'inobservation des conditions énoncées à l'article 6 et dans d'autres articles du Pacte, en particulier à l'article 14;

b)L'exécution d'une sentence de mort prononcée dans le respect des prescriptions de l'article 6 et d'autres articles du Pacte ne peut être considérée comme une privation arbitraire de la vie;

c)Il n'y a rien dans le Pacte qui exige que les tribunaux aient un pouvoir d'appréciation pour prononcer la peine. Il n'y a pas davantage de disposition spéciale qui rende l'imposition de la peine pour les crimes punissables de mort différente des autres cas;

d)Le Pacte fait expressément obligation aux États parties de tenir compte de la situation personnelle du défendeur ou des circonstances particulières au crime qui a été commis avant d'exécuter une sentence de mort. Les États parties sont tenus par la loi d'apprécier ces circonstances quand ils examinent les demandes de grâce ou de commutation de peine. Cette appréciation doit être menée de bonne foi et dans le respect d'une procédure équitable.

C.Violation des droits de l'auteur en l'espèce

11.Même si j'avais approuvé le Comité du point de vue juridique, j'aurais eu des difficultés à souscrire à la conclusion que les droits de l'auteur ont été violés dans cette affaire.

Dans le contexte d'une communication soumise par un particulier en vertu du Protocole facultatif, la question qui se pose n'est pas celle de la compatibilité de la législation avec le Pacte mais celle de savoir si les droits de l'auteur de la communication ont été violés. (Voir par exemple Faurisson c. France, où le Comité a souligné qu'il n'avait pas à examiner si la législation en vertu de laquelle l'auteur avait été condamné était compatible avec l'article 19 du Pacte mais si en condamnant l'auteur pour les faits précis de l'affaire, l'État avait violé le droit à la liberté d'expression. Dans la présente affaire, l'auteur a été reconnu coupable d'un crime précis : le meurtre d'une petite fille. Même si la catégorie de meurtre, définie par la législation de l'État partie peut inclure certains crimes qui ne sont pas parmi les plus graves, il est clair que le crime dont l'auteur a été reconnu coupable n'est pas de ceux‑là. L'auteur n'a pas davantage signalé de circonstances particulières à lui‑même ou au crime qui auraient dû être considérées comme des circonstances atténuantes mais qui n'ont pas été prises en considération par les tribunaux.

12.Enfin, je tiens à souligner que le Pacte impose des limites strictes à l'application de la peine de mort, notamment la limitation énoncée au paragraphe 4 de l'article 6. En l'espèce, il n'a pas été contesté que l'auteur avait le droit de solliciter la grâce ou la commutation de sa peine. Une commission consultative doit examiner la requête et faire des recommandations au Gouverneur général sur toute demande de cette nature. Selon les règles établies par le Conseil privé dans la récente affaire Neville Lewis et al c. Jamaica, tout l'État partie est tenu de permettre au condamné de soumettre une requête circonstanciée énonçant tous les éléments sur lesquels il fonde sa requête, il doit pouvoir avoir connaissance des informations dont la commission dispose et la décision sur la grâce ou la commutation doit être l'objet d'une révision judiciaire.

Si l'auteur a fait certaines observations d'ordre général relatives aux procédures d'octroi de grâce ou de commutation de peine suivies dans l'État partie, il n'a pas fait valoir qu'il avait soumis une requête en grâce ou en commutation et qu'elle avait été rejetée. Il ne peut donc pas se déclarer victime d'une violation du paragraphe 4 de l'article 6 du Pacte. Évidemment si l'auteur devait faire une demande de grâce de commutation et que celle‑ci ne soit pas dûment examinée, comme l'exigent le Pacte et le système légal de l'État partie, il aurait droit à un recours utile. Si ce recours lui était dénié, les portes du Comité lui resteraient ouvertes afin qu'il puisse présenter une autre communication.

David Kretzmer [signé]Abdelfattah Amor [signé]Maxwell Yalden [signé]Abdallah Zakhia [signé]

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]

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