Nations Unies

CAT/OP/URY/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

22 janvier 2019

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite en Uruguay menée du 4 au 15 mars 2018 : observations et recommandations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité * , **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Mécanisme national de prévention4

III.Aspects relatifs au cadre juridique et institutionnel de la prévention de la torture et des mauvais traitements5

A.Qualification de la torture5

B.Allégations d’actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants5

C.Détection des actes de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et procédure à suivre pour les consigner6

D.Garanties7

E.Défense publique8

F.Mécanismes de plainte8

G.Exécution des peines9

H.Bureau du Procureur chargé des crimes contre l’humanité9

IV.Observations sur les lieux visités9

A.État des infrastructures9

B.Problèmes liés à l’hygiène10

C.Alimentation et eau potable11

D.Mesures de réadaptation adaptées11

E.Personnel opérationnel et de sécurité dûment formé12

F.La situation dans le centre pénitentiaire de Canelones (no 7) et dans le centre pénitentiaire de Libertad (no 3)12

G.Situation des détenues ayant des enfants mineurs13

H.Séparation entre les personnes privées de liberté13

V.Santé13

A.Système de santé dans les lieux de privation de liberté13

B.Difficultés rencontrées par le système de santé pénitentiaire14

C.Problèmes de santé particuliers des détenus14

D.Conditions de vie dans les centres de santé mentale16

VI.Femmes16

VII.Mineurs et adolescents en conflit avec la loi17

VIII.Étapes suivantes18

Annexes

I.Lista de las personas con quienes se reunió el Subcomité20

II.Lugares de privación de libertad visitados23

I.Introduction

1.Conformément au mandat qui lui a été confié en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité a effectué une visite ordinaire en Uruguay du 4 au 15 mars 2018. L’Uruguay a ratifié le Protocole facultatif le 8 décembre 2005.

2.La délégation du Sous-Comité était composée des membres suivants : Felipe Villavicencio Terreros (chef de la délégation), Nora Sveaass (Vice-Présidente du Sous-Comité) et Emilio Ginés Santidrián. La délégation était assistée de deux spécialistes des droits de l’homme et de deux agents de sécurité du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).

3.L’objectif principal de la visite était de se rendre dans divers lieux de privation de liberté afin d’aider l’État partie à s’acquitter pleinement des obligations qui lui incombent au titre du Protocole facultatif, de renforcer la protection des personnes privées de liberté contre le risque de torture et de mauvais traitements et de fournir des conseils et une assistance technique au mécanisme national de prévention, ainsi que d’examiner dans quelle mesure les autorités nationales et régionales appuient ses travaux et donnent suite à ses recommandations, compte tenu des directives du Sous-Comité concernant les mécanismes nationaux de prévention (CAT/OP/12/5).

4.Le Sous-Comité a tenu des réunions avec les personnes dont le nom figure à l’annexe I et a visité les lieux de privation de liberté dont la liste figure à l’annexe II. Il s’est entretenu avec, entre autres, des personnes privées de liberté, des membres des forces de l’ordre, des agents pénitentiaires et des membres du personnel médical. Il a tenu des réunions avec des membres du mécanisme national de prévention, ce qui lui a permis d’examiner le mandat et les méthodes de travail de cet organe et d’étudier les moyens d’améliorer son efficacité. Pour mieux comprendre le mode de fonctionnement du mécanisme national de prévention, le Sous-Comité a également visité, en compagnie de membres du mécanisme, deux lieux de privation de liberté choisis par celui-ci (voir annexe II). Ces visites ont été conduites par le mécanisme, les membres du Sous-Comité y faisant office d’observateurs.

5.À la fin de la visite, la délégation a présenté oralement ses observations préliminaires confidentielles aux autorités et aux représentants du Gouvernement, ainsi qu’au mécanisme national de prévention.

6.On trouvera dans le présent rapport les observations, les conclusions et les recommandations du Sous-Comité concernant la prévention des actes de torture et des mauvais traitements dont pourraient être victimes les personnes privées de liberté qui sont placées sous la juridiction de l’Uruguay.

7.Le Sous-Comité se réserve le droit de formuler des observations complémentaires sur les lieux visités, qu’ils soient ou non mentionnés dans le présent rapport, au cours de ses échanges avec l’État partie concernant le présent rapport. L’absence d’observations sur un des établissements ou lieux de détention visités ne signifie pas que le Sous-Comité a un avis positif ou négatif concernant l’établissement ou le lieu en question.

8. Le Sous-Comité recommande que le présent rapport soit distribué à tous les organes, services et établissements concernés, notamment, mais pas exclusivement, à ceux qu ’ il mentionne expressément.

9. Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 16 du Protocole facultatif, le présent rapport restera confidentiel jusqu ’ à ce que l ’ État partie décide de le rendre public. Le Sous - Comité est fermement convaincu que la publication du présent rapport contribuerait positivement à la prévention de la torture et des mauvais traitements dans l ’ État partie.

10. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de demander la publication du présent rapport conformément au paragraphe 2 de l ’ article 16 du Protocole facultatif.

11.Le Sous-Comité appelle l’attention de l’État partie et du mécanisme national de prévention sur le Fonds spécial créé en application de l’article 26 du Protocole facultatif. Seules les recommandations formulées dans les rapports de visite du Sous-Comité qui ont été rendus publics peuvent servir de base à la soumission de demandes au Fonds spécial, conformément aux critères publiés par celui-ci.

12.Le Sous-Comité tient à remercier les autorités uruguayennes, qui lui ont permis d’avoir rapidement accès aux lieux de détention et d’effectuer ses visites sans entrave.

II.Mécanisme national de prévention

13.L’article 83 de la loi no 18446 du 24 décembre 2008 a conféré à l’Institution nationale des droits de l’homme et Bureau du défenseur du peuple la fonction de mécanisme national de prévention. Le mécanisme, opérationnel depuis 2013, a été créé en tant qu’unité structurelle de l’Institution.

14.Le mécanisme national de prévention est chargé de visiter périodiquement les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté dans le but de formuler des recommandations visant à prévenir la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

15.Le Sous-Comité prend acte de la composition pluridisciplinaire actuelle du mécanisme et de la présence de personnels compétents dans plusieurs domaines. Il regrette cependant que le mécanisme ne dispose pas d’un nombre suffisant de professionnels pour s’acquitter du mandat national qui est le sien. Le mécanisme a fait part des difficultés qu’il rencontrait dans le traitement et la systématisation des informations obtenues des différents lieux de privation de liberté, qui découlaient en partie du manque de ressources humaines. Le Sous-Comité a constaté que le mécanisme devait renforcer son équipe technique pluridisciplinaire s’il souhaitait, dans le cadre d’un processus de décentralisation, assurer une présence accrue dans les lieux de privation de liberté situés à l’extérieur de la région métropolitaine. Il a également noté que le mécanisme ne disposait pas d’un budget propre, puisqu’il était financé au moyen du budget global alloué à l’Institution nationale des droits de l’homme et Bureau du défenseur du peuple.

16. Le mécanisme national de prévention devrait être doté d ’ un budget propre, distinct du budget général alloué à l ’ Institution nationale des droits de l ’ homme et Bureau du défenseur du peuple, et disposer de ressources suffisantes pour consolider son équipe technique afin de pouvoir s ’ acquitter de son mandat de manière plus durable et indépendante (art. 18 du Protocole facultatif).

17.Il a été porté à la connaissance du Sous-Comité que le mécanisme national de prévention avait des difficultés à obtenir des données pertinentes en relation avec son mandat lorsqu’il en faisait la demande au Ministère de l’intérieur, et qu’il recevait un appui politique limité.

18. L ’ État partie devrait veiller à ce que le mécanisme national de prévention ait accès à toutes les informations concernant les lieux de détention ainsi que les personnes privées de liberté, leur traitement et leurs conditions de détention (art. 20 du Protocole facultatif).

19. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de se conformer à l ’article  22 et, sur la base des recommandations du mécanisme national de prévention, d ’ engager un dialogue avec celui-ci au sujet des mesures qui pourraient être prises pour mettre en œuvre ces recommandations.

III.Aspects relatifs au cadre juridique et institutionnel de la prévention de la torture et des mauvais traitements

A.Qualification de la torture

20.Le Sous-Comité constate que la législation uruguayenne, bien qu’elle réprime certains actes de torture, n’est pas pleinement conforme aux normes internationales en la matière. Ainsi, l’article 286 du Code pénal, qui sanctionne les agents de l’État qui commettent des actes arbitraires à l’égard de personnes privées de liberté ou font subir à ces personnes des traitements non autorisés, et l’article 22 de la loi no 18026 ne font pas mention du but spécifique de la torture et ne reprennent pas tous les éléments figurant aux articles 1er et 2 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Sous-Comité fait observer que la non-conformité de la législation uruguayenne avec les normes internationales peut favoriser l’impunité.

21.Le Sous-Comité se déclare satisfait des renseignements reçus du Sénat l’informant que des projets et avant-projets de loi visant à aligner la définition de l’infraction de torture sur les normes internationales sont en cours d’élaboration.

22. Le Sous-Comité invite instamment l ’ État partie à :

a) Ériger la torture en infraction autonome dans le Code pénal, en en donnant une définition claire et conforme aux dispositions des articles 1 er et 2 de la Convention contre la torture, comme recommandé par le Comité contre la torture , et faire avancer les projets de loi en cours d ’ élaboration afin d ’ harmoniser pleinement et au plus vite la législation nationale en la matière, en particulier l ’ article 22 de la loi n o 18026 ;

b) Prévoir pour l ’ infraction de torture des peines adéquates qui soient à la mesure de sa gravité, conformément au paragraphe 2 de l ’article  4 de la Convention ;

c) Appliquer le principe de l ’ imprescriptibilité à tous les actes de torture.

Ces mesures visent à lutter contre l ’ impunité des actes de torture et des mauvais traitements dans l ’ État partie.

B.Allégations d’actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

23.Au cours de leur entretien avec la délégation du Sous-Comité, de nombreuses personnes privées de liberté ont affirmé avoir été victimes d’actes de torture et de mauvais traitements dans diverses circonstances. La plupart d’entre elles ont fait mention de différents incidents impliquant des membres de la police, parmi lesquels des membres du programme opérationnel appelé « Programa de Alta Dedicación Operacional », du groupe policier d’intervention spéciale des « Halcones » et de l’unité policière des « Grecos ».

24.Plusieurs personnes interrogées, en particulier des adolescents, ont affirmé avoir été victimes d’actes de torture et/ou de mauvais traitements lors de leur placement en détention et/ou au cours de leur séjour dans les locaux de la police. Plusieurs personnes ont indiqué avoir reçu des coups de pied et des coups de poing, y compris au visage, et avoir été insultées et menacées. Par exemple, une personne a raconté que, après avoir été passée à tabac, elle avait été attachée à un anneau dans une cellule du commissariat 17, où elle est restée plusieurs heures. Une autre personne a indiqué qu’un membre du groupe d’intervention spéciale lui avait cassé la main et tordu les doigts après l’avoir frappée à coups de pied sur tout le corps. Une femme a raconté avoir reçu des coups de poing lors de son arrestation et avoir été détenue au secret pendant dix jours. Il convient de souligner que la majorité des personnes interrogées ont rapporté ne pas avoir subi d’actes de torture au cours de leur détention dans les centres pénitentiaires.

25.Pendant sa visite, le Sous-Comité a demandé sans succès à la Cour suprême de justice de lui fournir des données officielles sur le nombre de jugements prononcés concernant des actes de torture. Le Sous-Comité s’inquiète de ce que ce type d’infraction ne donne pas lieu à des enquêtes et ne soit pas puni de manière appropriée, ce qui peut favoriser l’impunité.

26. Le Sous-Comité engage l ’ État partie à prévenir, détecter et sanctionner efficacement les actes de torture et les mauvais traitements commis au moment de la privation de liberté, pendant les transferts et au moment de l ’ entrée dans les lieux de détention. Il recommande pour cela de mettre en place une base de données systématisée sur les cas de torture et de mauvais traitements et de prendre les mesures nécessaires pour créer et renforcer les mécanismes de contrôle et de surveillance interne et externe de tous les organes habilités à priver une personne de sa liberté, en veillant à ce que ces mécanismes adoptent une approche dynamique afin de prévenir, de détecter et de sanctionner efficacement ces actes.

27. De la même manière, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les activités de formation et de sensibilisation portant sur les dispositions de la Convention et l ’ utilisation rationnelle et proportionnée de la force qui sont organisées à l ’ intention de tous les agents habilités à priver une personne de sa liberté et/ou à intervenir dans l ’ arrestation, le transfert, l ’ interrogatoire ou le traitement des personnes soumises à une forme quelconque de privation de liberté, y compris les mineurs.

C.Détection des actes de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et procédure à suivre pour les consigner

28.Lors de ses visites dans les centres pénitentiaires, le Sous-Comité a constaté qu’il n’existait pas de registre permettant de consigner les actes de torture et les mauvais traitements et/ou les blessures causées par de tels actes. Plusieurs des professionnels de la santé interrogés ont dit ne se souvenir d’aucun cas de détenus qui auraient présenté des blessures « suspectes », c’est-à-dire dont la cause n’était pas claire ou évidente. Ils ont également admis qu’ils ne posaient que rarement aux détenus des questions sur l’origine de leurs blessures, et que les intéressés ne donnaient pas non plus d’explications à ce sujet.

29.Trois médecins ont reconnu qu’ils avaient déjà constaté des blessures clairement suspectes et qu’il était arrivé que lors d’un procès le juge remarque de telles lésions et pose des questions à leur sujet. Cependant, certains détenus ont fait savoir au Sous-Comité qu’ils craignaient d’expliquer ce qui s’était passé et qu’ils avaient l’impression que le juge n’accordait pas suffisamment d’importance à leurs blessures et à leurs allégations de torture et/ou de mauvais traitements.

30.Le Sous-Comité a constaté que le formulaire utilisé par les médecins pour consigner les blessures ne permettait pas de recueillir des informations complètes et détaillées sur les éventuels cas de torture et de mauvais traitements. En outre, les médecins ont indiqué qu’ils étaient légalement tenus de ne pas faire figurer dans leurs rapports des éléments dépassant la simple description de l’état de santé physique de la personne et de ne pas mentionner la cause possible des blessures.

31. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter un modèle détaillé de rapport médical qui soit conforme au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) (annexes III et IV, directives concernant l ’ élaboration d ’ un formulaire type de rapport médical), et de faire en sorte que ce document soit plus descriptif, qu ’ il porte un numéro d ’ identification et qu ’ il contienne des schémas anatomiques.

32.Le Sous-Comité a constaté qu’il n’existait pas de procédure officielle et indépendante pour donner suite aux cas de blessures « suspectes », lesquelles devraient être examinées et consignées par des médecins légistes et donner lieu à des enquêtes, conformément au Protocole d’Istanbul. En outre, les médecins interrogés ont indiqué qu’ils n’avaient pas la garantie que les documents qu’ils transmettaient par l’intermédiaire des fonctionnaires de police parviennent à l’autorité pénitentiaire et/ou au pouvoir judiciaire. Le Sous-Comité a également constaté que les documents servant de rapport médical n’étaient pas uniformisés et ne portaient pas de numéro permettant de les identifier en cas de perte. Lorsqu’un juge reçoit un tel document, il peut demander un examen médico-légal, ce que peut également faire le procureur. Le Sous-Comité regrette cependant que la Cour suprême de justice ne dispose pas de données statistiques sur les affaires dans lesquelles les juges ont demandé l’intervention d’un médecin légiste. Il est également préoccupé par le fait que seuls deux médecins sur les six interrogés connaissaient bien le Protocole d’Istanbul.

33. Les professionnels de la santé doivent examiner toute personne privée de liberté à son admission dans le centre de détention. S ’ ils constatent des signes de torture ou de mauvais traitements, ils doivent le consigner et le signaler aux autorités médicales, administratives ou judiciaires compétentes (règle 34 des Règles Nelson Mandela).

34. Afin de garantir la confidentialité et l ’ indépendance, il est nécessaire d ’ établir une procédure officielle de communication des rés ultats des examens médicaux. Le  rapport médical devrait être transmis par les médecins directement à l ’ autorité compétente, de préférence à l ’ autorité judiciaire. Il importe par conséquent de veiller à ce que les blessures suspectes fassent l ’ objet d ’ un examen médico-légal afin qu ’ elles puissent être consignées et donner lieu à une enquête.

35.Le Sous-Comité a constaté que les personnes qui sont sous la garde de la police ne sont soumises à un examen médical que lorsqu’un médecin est présent au poste de police. En l’absence d’un médecin, la personne privée de liberté est emmenée dans un hôpital public ou chez un médecin et elle est ensuite transférée dans les locaux de la police.

36.L’examen lors de l’admission est effectué par des médecins et la plupart du temps des salles de consultation sont prévues à cet effet. Cependant, certains détenus ont indiqué qu’ils n’avaient pas été examinés immédiatement par le médecin de garde lors de leur admission, tandis que d’autres ont affirmé avoir été examinés deux fois. Sur la base des entretiens avec les détenus, le Sous-Comité a identifié plusieurs problèmes communs, dont les suivants :

Les détenus craignent en général d’expliquer aux médecins ce qui s’est passé et ceux-ci ne posent aucune question à ce sujet ;

Les détenus estiment que l’examen médical n’est que superficiel et se plaignent du fait qu’ils sont parfois examinés en présence des gardiens.

37. L ’ État partie devrait mettre en place des ateliers de formation sur le Protocole d ’ Istanbul et son application effective à l ’ intention des professionnels de la santé, en particulier ceux exerçant dans les établissements pénitentiaires.

D.Garanties

38.Le Sous-Comité a reçu des allégations selon lesquelles la plupart des personnes privées de liberté n’avaient pas été informées de leurs droits, ni au moment de leur arrestation, ni une fois placées en détention. Elles n’étaient pas non plus informées de l’état d’avancement de la procédure pénale les concernant. Le Sous-Comité a aussi constaté que de nombreuses personnes privées de liberté avaient été transférées dans des centres de détention éloignés de l’endroit où résidaient leurs proches, ce qui les plaçait dans une situation de détresse et de vulnérabilité.

39. Le Sous-Comité demande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures pour que toutes les personnes privées de liberté bénéficient dans la pratique de toutes les garanties, notamment du droit d ’ être informées de leurs droits et des raisons de leur arrestation et de recevoir des renseignements sur l ’ état d ’ avancement de la procédure les concernant, et ce dès leur mise en détention, conformément aux normes et aux règles internationales.

40. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de tenir compte de la règle 59 des Règles Nelson Mandela au moment de décider dans quel centre pénitentiaire un individu sera placé.

E.Défense publique

41.Le Sous-Comité note avec regret que les personnes privées de liberté qu’il a interrogées à ce sujet lui ont invariablement répondu qu’elles n’avaient pas bénéficié de l’assistance d’un avocat commis d’office, que ce soit au moment de leur arrestation, avant leur comparution devant un juge ou durant les différentes phases de l’enquête pénale portant sur les faits qui leur étaient reprochés. Selon les informations fournies par la Cour suprême de justice, plus de 90 % de la défense des personnes privées de liberté est assurée par des avocats commis d’office et, au moment de la visite du Sous-Comité, on ne comptait que 32 défenseurs publics pour les affaires pénales à Montevideo et 81 dans le reste du pays. Le Sous-Comité considère que le faible nombre de défenseurs publics entrave la mise en place du nouveau système accusatoire, dans le cadre duquel la défense et le parquet doivent disposer de ressources équivalentes pour pouvoir s’acquitter efficacement de leurs fonctions, dans le respect du principe de l’égalité des armes. Cette situation empêche également les défenseurs publics de mener à bien leur mission de détection des actes de torture, de représentation des victimes et d’assistance aux victimes de façon à garantir la régularité des enquêtes réalisées sur les cas qui peuvent se présenter.

42.En outre, le Sous-Comité a constaté que les détenus étrangers interrogés, outre qu’ils n’étaient pas assistés d’un avocat commis d’office, n’avaient dans certains cas pas bénéficié d’une assistance consulaire.

43. Le Sous-Comité engage l ’ État partie à renforcer le rôle de la défense publique dans le cadre de la mise en place du système accusatoire dans tout le pays en adoptant des mesures visant à accroître le nombre de défenseurs publics et à garantir à tous les détenus qui n ’ ont pas suffisamment de moyens un accès gratuit et dans des conditions d ’ égalité à un avocat. L ’ État partie devrait dispenser une formation adéquate et allouer les moyens nécessaires pour que les personnes privées de liberté bénéficient de l ’ assistance d ’ un défenseur public dès leur mise en détention, en veillant à ce que les avocats commis d ’ office puissent communiquer régulièrement avec les personnes qu ’ ils assistent pour assurer effectivement leur défense et éviter les situations d ’ impunité.

F.Mécanismes de plainte

44.Dans la plupart des centres visités, le Sous-Comité a constaté qu’il n’y avait pas suffisamment de mécanismes adéquats pour présenter des requêtes ou des plaintes aux autorités pénitentiaires, aux autorités judiciaires, au mécanisme national de prévention ou à d’autres entités et qu’il n’existait ni système de sanction ni garanties assurant à l’intéressé la possibilité d’être entendu et l’accès à une procédure contradictoire, contrairement à ce qui est énoncé dans les règles 56 et 57 des Règles Nelson Mandela. Même à Rivera, certaines personnes privées de liberté interrogées se sont plaintes qu’elles ne pouvaient présenter ni plaintes ni requêtes parce qu’elles devaient le faire par écrit et qu’on ne leur donnait ni papier ni stylo.

45. Le Sous-Comité prie instamment l ’ État partie de garantir, dans la pratique, à toute personne privée de liberté, la possibilité de présenter des requêtes ou des plaintes au directeur de l ’ établissement ou au fonctionnaire pénitentiaire désigné à cet effet, et de s ’ exprimer librement et en toute confidentialité sans être sanctionnée ni exposée à des conséquences négatives pour avoir présenté une plainte ou donné des informations.

G.Exécution des peines

46.Le Sous-Comité a regretté qu’il n’y ait pas suffisamment de juges de l’application des peines : en effet, d’après les informations fournies par la Cour suprême de justice, il n’y en a actuellement que deux à Montevideo et deux dans l’intérieur du pays. Il a noté avec satisfaction que leur nombre devait être porté à cinq à Montevideo et à cinq dans l’intérieur du pays.

47. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures qui s ’ imposent, et notamment d ’ allouer les ressources nécessaires, pour augmenter le nombre de juges de l ’ application des peines à Montevideo et dans l ’ intérieur du pays et garantir qu ’ ils puissent s ’ acquitter dûment de leurs fonctions. Il lui recommande également de renforcer les programmes de formation des juges de l ’ application des peines, des procureurs et des défenseurs d ’ office, y compris en ce qui concerne le Protocole d ’ Istanbul.

48.Le Sous-Comité a constaté que l’adoption du nouveau Code de procédure pénale (loi no 19293 du 19 décembre 2014), entré en vigueur en novembre 2017 et portant création d’un nouveau système accusatoire dans le pays, constituait une avancée positive.

49. Le Sous-Comité espère que le fait de remplacer le système inquisitoire par un système accusatoire aura des effets positifs sur l ’ administration de la justice pénale et contribuera à faire reculer l ’ usage excessif de la détention provisoire dans les procédures correctionnelles et criminelles et à protéger ainsi davantage les droits des personnes privées de liberté.

H.Bureau du Procureur chargé des crimes contre l’humanité

50.Le Sous-Comité a relevé avec satisfaction que le Bureau du Procureur général avait récemment créé un Bureau du Procureur chargé des crimes contre l’humanité, compétent pour les cas de violations des droits de l’homme, dont les cas de torture, liés aux faits commis sous la dictature militaire.

IV.Observations sur les lieux visités

51.Les organismes et les experts internationaux sont d’accord sur le fait que les centres de détention dans l’État partie sont dans un état déplorable (Comité contre la torture (2014), Rapporteur spécial (2009, 2012), HCDH (2017)). Le Sous-Comité reconnaît que des efforts ont été déployés et que certains changements positifs ont eu lieu dans ce domaine au cours des dix dernières années. Cependant, de manière générale, les lieux de détention visités, qui accueillaient de nombreux individus, présentaient des conditions de vie inhumaines et dégradantes. C’était le cas en particulier des établissements de Canelones et de Libertad, du centre pénitentiaire pour femmes (no 5) et du centre pénitentiaire de Santiago Vázquez (no 4). Le Sous-Comité relève qu’il y a une volonté de changement et qu’il existe des centres de détention modernes. Toutefois, les ressources sont insuffisantes et aucune stratégie coordonnée n’a été définie.

A.État des infrastructures

52.Le Sous-Comité prend note avec satisfaction des progrès accomplis pour ce qui est de lutter contre la surpopulation carcérale et constate que certains établissements ne sont pas surpeuplés (centre pénitentiaire de Libertad (no 3)). Il relève néanmoins que la population carcérale générale s’élève à plus de 10 000 personnes alors que le système carcéral a une capacité de 9 000 places. Certains établissements ont quasiment atteint leur capacité d’accueil maximale (centres pénitentiaires nos 4 et 7). Le jour de la visite, il y avait 558 détenues dans le centre pénitentiaire pour femmes (no 5), alors que cet établissement a une capacité de 422 places.

53.Dans le centre pénitentiaire de Santiago Vázquez (no 4), le Sous-Comité a constaté avec préoccupation que des cellules de 12 mètres carrés accueillaient jusqu’à sept détenus. Il souhaite citer le cas d’une détenue dans le centre pénitentiaire pour femmes de Rivera qui dormait dans une cellule de 2,1 mètres sur 1,1 mètres. Cette femme a dit qu’elle avait l’impression de « dormir dans un cercueil tous les soirs ». Dans le commissariat du neuvième district, le Sous-Comité a vu des cellules de 1,60 mètres sur 1,50 mètres, en mauvais état.

54.Les centres de privation de liberté visités étaient généralement en piteux état. Par exemple, dans le centre pénitentiaire pour femmes (no 5), les vitres des fenêtres des cellules étaient cassées et, d’après les témoignages recueillis auprès des détenues, certaines d’entre elles auraient utilisé les morceaux de verre pour s’automutiler ou agresser d’autres détenues. Dans le centre pénitentiaire de Libertad (no 3), il n’y avait que des barreaux et pas de vitres ; le vent soufflait fort, y compris à l’intérieur des cellules. Les personnes privées de liberté ont affirmé qu’il devenait très difficile de supporter le froid à l’approche de l’automne et que la situation était extrêmement rude en hiver. En revanche, dans le centre pénitentiaire de Canelones (no 7), il y avait très peu de ventilation et l’odeur était nauséabonde. En outre, les cellules des centres visités étaient généralement très sombres ; par exemple, dans la cellule 1 du quartier B de haute sécurité du centre pénitentiaire no 4, au moment de la visite, 38 détenus étaient plongés dans l’obscurité.

55.Le Sous-Comité a également constaté le manque d’eau et de douches dans les lieux visités. Les détenus faisaient leur toilette dans leur cellule, avec l’eau du robinet recueillie − lorsqu’elle est disponible pendant quelques heures, comme c’est le cas au centre pénitentiaire de Canelones (no 7) −, et en présence de leurs codétenus. Les toilettes étaient généralement installées dans les cellules, en mauvais état, voire bouchées (centres pénitentiaires nos 3 et 4).

56.Le Sous-Comité a constaté avec préoccupation que les installations électriques étaient dans un état déplorable dans la quasi-totalité des centres visités. La plupart des câbles étaient dénudés, exposant ainsi les personnes privées de liberté à un danger permanent. Selon certaines d’entre elles, il y avait eu des morts par électrocution et plusieurs personnes recevaient assez souvent des décharges électriques (toques). En outre, les détenus vivent dans une insécurité permanente étant donné qu’ils doivent allumer la lumière manuellement et qu’ils se servent aussi des câbles pour réchauffer l’eau qu’ils utilisent pour se laver et cuisiner, au moyen d’un système très instable et dangereux qu’ils ont imaginé.

57.Le Sous-Comité a également constaté que de nombreux détenus n’avaient pas de lit, ni même de matelas. Dans le centre pénitentiaire de Libertad (no 3), plusieurs personnes dormaient sur des cartons ou à même le sol en béton. Ceux qui avaient un matelas ont dit qu’ils l’avaient obtenu par leurs propres moyens. Dans plusieurs cellules de ce centre, les détenus n’avaient ni couverture ni draps. L’un d’entre eux, sans famille, n’avait même pas de pull-over (règle 21 des Règles Nelson Mandela).

58. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de prendre de toute urgence des mesures visant à améliorer les conditions de détention inacceptables dans les établissements pénitentiaires du pays, en mettant au point une stratégie et un plan d’action à cette fin. Il recommande en particulier que tous les espaces des centres de détention, y compris les cellules, soient de taille raisonnable, que les détenus aient accès à l’eau, que l’éclairage et la ventilation soient suffisants, que les détenus aient accès à des installations sanitaires en bon état de marche et que des matelas et des couvertures soient fournis à ceux qui dorment en cellule, conformément aux Règles Nelson Mandela.

B.Problèmes liés à l’hygiène

59.Dans plusieurs établissements pénitentiaires, le Sous-Comité a constaté avec une très vive préoccupation l’extrême insalubrité dans laquelle vivaient les personnes privées de liberté. Les cellules et les couloirs étaient jonchés d’ordures et, à certains endroits, les détenus jetaient même des déchets par la fenêtre pour ne pas les garder dans leur cellule. Les ordures ne sont pas ramassées et s’entassent, ce qui représente un danger permanent pour la santé des détenus et du personnel pénitentiaire (règle 13 des Règles Nelson Mandela).

60. Le Sous-Comité prie instamment l’État partie d’adopter rapidement une stratégie efficace et appropriée pour remédier à l’hygiène déplorable qui règne dans les centres de détention et garantir que tous les espaces des centres de détention, y compris les cellules, soient propres et que les détenus reçoivent les produits d’hygiène de base nécessaires (règle 17 des Règles Nelson Mandela).

61.Au cours de sa visite, le Sous-Comité a constaté la présence d’animaux nuisibles, notamment de rats et de blattes. Dans le centre pénitentiaire pour femmes (no 5), il a vu de nombreux rats dans l’un des couloirs. Dans le centre pénitentiaire no 4, certains détenus se sont plaints d’avoir été mordus par des rats et de ne pas recevoir de produits d’hygiène et de toilette. Ceux qui en disposent les ont obtenus grâce à la solidarité de leur famille. Dans un couloir du centre pénitentiaire de Libertad (no 3), le Sous-Comité a vu un tas d’immondices et de matières fécales en décomposition, ainsi que des infiltrations et des débordements d’eaux. Un détenu a indiqué qu’il y avait des vers dans sa cellule. Le Sous-Comité considère que cette situation est cruelle, inhumaine et dégradante.

62. Le Sous-Comité prie instamment l’État partie d’adopter immédiatement des programmes visant à éradiquer les animaux nuisibles, les rats et les blattes et de fournir aux personnes privées de liberté des produits d’hygiène et de toilette.

C.Alimentation et eau potable

63.Dans les centres pénitentiaires visités, la nourriture était de très mauvaise qualité. Les personnes privées de liberté interrogées ont dit que la ration qu’on leur servait était « immangeable » et consistait en une « eau graisseuse ». Dans le centre pénitentiaire de Canelones (no 7), le Sous-Comité a constaté que, le jour de la visite, les détenus n’avaient reçu qu’une assiette de bouillon très gras contenant deux petits morceaux de carotte (règle 22 des Règles Nelson Mandela). Toujours dans ce centre, certains détenus interrogés ont dit qu’ils avaient parfois soif parce que, pendant certaines périodes ou à certaines heures de la journée, il n’y avait pas d’eau au robinet en cellule.

64.Interrogés par la délégation, le personnel pénitentiaire et les directeurs des centres ont indiqué qu’un budget insuffisant était alloué à l’alimentation des personnes privées de liberté. En outre, les vivres sont divisés entre personnel et détenus dès qu’ils sont livrés, ce qui fait que la ration quotidienne des détenus est insuffisante, mauvaise et de très faible qualité nutritionnelle. Cela a des effets extrêmement préjudiciables sur la santé des personnes privées de liberté. Dans le centre pénitentiaire de Libertad (no 3), par exemple, certaines ont fait état de la présence de sang dans leurs selles en raison de la mauvaise alimentation.

65. Le Sous-Comité recommande que les détenus aient en permanence accès à l ’ eau potable et qu ’ ils reçoivent une nourriture suffisante et adéquate sur le plan nutritionnel. Il recommande également qu ’ un budget spécifique soit alloué à l ’ alimentation des détenus et qu ’ un mécanisme de surveillance soit créé afin que les vivres soient répartis de manière équitable entre le personnel pénitentiaire et les personnes privées de liberté.

D.Mesures de réadaptation adaptées

66.Au cours de ses réunions avec les autorités, le Sous-Comité a reçu des informations de la Direction des droits de l’homme de la Présidence selon lesquelles 45 % des prisonniers adultes travaillaient et étudiaient. Toutefois, les entretiens ont révélé l’absence systématique de mesures de réadaptation suffisantes et adéquates. En effet, la plupart des personnes privées de liberté ne se voient proposer aucune sorte d’activité physique, récréative, éducative ou professionnelle. Pendant son entretien avec la délégation du Sous−Comité, le chef de service a fait observer que seulement 200 détenus environ sur 3 183 exerçaient une activité professionnelle. Paradoxalement, la quasi-totalité des détenus interrogés ont dit qu’ils souhaitaient vivement travailler ou étudier et nombre d’entre eux ont regretté de ne pas bénéficier de la menue rémunération versée pour des travaux effectués dans les centres pénitentiaires, appelée pécule.

67.Le Sous-Comité a relevé quelques exceptions, par exemple dans le centre pénitentiaire de Rivera (no 12), où certains détenus participent à un atelier de théâtre. Il a également jugé positives les activités proposées aux détenus du centre pénitentiaire de Libertad (no 3) (quartiers A, B et D), où il existe un verger et un atelier de sérigraphie que le Sous-Comité a pu visiter et où les détenus qui ont fait preuve de bonne conduite ont accès à cette zone dans laquelle ils bénéficient de conditions de détention adéquates.

68.Le Sous-Comité est très préoccupé par l’insuffisance des activités auxquelles les détenus ont effectivement accès et les conséquences que cela a pour eux. Le manque de possibilités éducatives explique le taux élevé de récidive chez les détenus, qui s’élevait en moyenne à 50 % en 2017. De même, seuls 37 % des détenus ont travaillé au mois de novembre 2017.

69. Le Sous-Comité recommande qu’une stratégie appropriée soit élaborée et que suffisamment de ressources financières et humaines soient allouées afin d’offrir aux personnes privées de liberté de véritables possibilités de réadaptation par des activités telles que la lecture ou des activités sportives, artistiques, récréatives, éducatives et professionnelles.

E.Personnel opérationnel et de sécurité dûment formé

70.Le Sous-Comité a appris que les agents pénitentiaires entraient en fonction dans les centres de privation de liberté après une période de formation très courte, d’une durée de un à six mois, ce qui ne suffit pas pour qu’ils puissent s’acquitter dûment de leurs fonctions (règles 74 à 76 des Règles Nelson Mandela). Il a constaté avec préoccupation que l’insuffisance du personnel pénitentiaire empêchait notamment que les détenus soient conduits dans la cour pour faire de l’exercice et prendre l’air.

71. Le Sous-Comité recommande la création d’un corps civil spécialisé dans l’administration pénitentiaire, doté de capacités pédagogiques suffisantes pour dispenser des programmes de formation conformes aux normes internationales et fondés sur le respect des règles 74 à 76 des Règles Nelson Mandela, ainsi que pour en assurer le suivi.

F.La situation dans le centre pénitentiaire de Canelones (no 7) et dans le centre pénitentiaire de Libertad (no 3)

72.D’une capacité de 850 personnes, le centre pénitentiaire de Canelones (no 7) accueillait 830 détenus au moment de la visite. Dans le module 2B, les cellules étaient dans un état déplorable ; très obscures, elles étaient peuplées de rats et jonchées de déchets ; les lieux étaient imprégnés d’une odeur nauséabonde ; les toilettes étaient bouchées et les détenus qui vivaient là ont affirmé que cela faisait des semaines, voire des mois, qu’ils n’étaient pas allés dans la cour. Certaines cellules étaient surpeuplées. En outre, l’état du service de santé était inacceptable.

73.Dans le centre pénitentiaire de Libertad (no 3), il a été constaté que les infrastructures n’étaient pas adaptées aux conditions climatiques, qu’il n’y avait ni couvertures ni draps, que l’alimentation était exécrable, que les soins médicaux étaient insuffisants, qu’il n’y avait ni sortie à l’air libre ni activités de réadaptation, et que les détenus étaient traités de façon inhumaine.

74. De l’avis du Sous-Comité, l’État partie devrait envisager de fermer immédiatement le module 2 de Canelones et le complexe du centre pénitentiaire de Libertad (n o  3) au motif qu’ils ne répondent pas aux conditions minimales en matière d’infrastructure matérielle, d’habitabilité et de salubrité et que les conditions de détention y sont dégradantes.

G.Situation des détenues ayant des enfants mineurs

75.En 2017, au moins 43 enfants en moyenne vivaient en prison, pour la plupart avec leur mère détenue. Dans le centre pénitentiaire pour femmes avec enfants (no 9), la délégation a constaté qu’il n’y avait pas suffisamment d’espaces et d’infrastructures adéquats (à l’intérieur et à l’extérieur), d’installations sanitaires propres et en état de fonctionnement, et de matériel et de produits d’hygiène pour les enfants. Le Sous-Comité souligne qu’il est nécessaire de faire en sorte qu’il y ait davantage d’espaces, d’infrastructures, de matériel et de produits d’hygiène destinés spécialement aux enfants dans le centre pénitentiaire pour femmes avec enfants (no 9) et d’en améliorer l’état (règles 18 et 29 des Règles Nelson Mandela).

H.Séparation entre les personnes privées de liberté

76.D’après les informations reçues par le Sous-Comité, environ 70 % des personnes privées de liberté sont en détention provisoire, souvent pour des infractions mineures, ce qui constitue une cause directe de la surpopulation carcérale et va à l’encontre des garanties d’une procédure régulière dans le cadre du système accusatoire actuellement mis en place dans l’État partie.

77. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de mettre en œuvre des mesures de substitution à la détention provisoire et de réinsertion, parmi lesquelles le travail d’intérêt général, des activités éducatives, sportives ou récréatives, ainsi que l’utilisation de bracelets électroniques.

78.Au cours des visites qu’il a effectuées, le Sous-Comité a constaté que les personnes en attente de jugement et les condamnés purgeant leur peine étaient détenus dans les mêmes locaux en l’absence de quartiers distincts, contrairement à ce que prévoit la règle 11 des Règles Nelson Mandela.

79.De même, dans les prisons visitées, il n’y a pas de progression en grade, essentiellement en raison des lacunes tant de l’administration pénitentiaire que de l’administration judiciaire.

80. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de demander clairement à l’administration pénitentiaire de respecter la séparation entre les personnes en attente de jugement et celles qui purgent une peine afin que le principe de la présomption d’innocence des premières soit pleinement respecté, conformément aux règles 111 et 120 des Règles Nelson Mandela.

V.Santé

A.Système de santé dans les lieux de privation de liberté

81.D’après certains médecins interrogés, le transfert de services de santé aux établissements pénitentiaires a représenté une grande avancée, en permettant aux détenus d’avoir davantage accès aux soins d’urgence et aux consultations médicales. Cependant, le Sous-Comité a constaté qu’il restait difficile, pour la plupart des détenus, d’avoir accès aux services de santé dans tous les centres visités. De manière générale, le service médical assure quelques heures de consultations, un jour par semaine. Plusieurs médecins interrogés ont indiqué que des listes, contrôlées par des représentants des détenus ou des gardiens, accordaient des privilèges à certains détenus, qui pouvaient avoir accès au service médical à tout moment. Cette situation poussait certains des autres détenus, privés d’accès au service médical, à se mettre dans une situation d’urgence en s’automutilant pour recevoir des soins de santé. Le Sous-Comité est préoccupé par le fait que l’accès aux services médicaux est considéré comme un privilège et non comme un droit. En revanche, les prisonniers qui sont officiellement enregistrés comme ayant des problèmes de santé chroniques et les prisonniers âgés sont régulièrement examinés par un médecin. Les médecins reconnaissent qu’ils entrent rarement dans les unités où sont placés les détenus.

82. Les autorités pénitentiaires devraient mettre au point une procédure qui permette aux professionnels de santé d’avoir accès à tous les détenus malades, aussi bien ceux qui se plaignent de problèmes de santé physique ou mentale ou de blessures que ceux qui leurs sont signalés, et garantir aux détenus un accès rapide aux soins médicaux en cas d’urgence (règles 27 et 31 des Règles Nelson Mandela).

B.Difficultés rencontrées par le système de santé pénitentiaire

83.Le Sous-Comité a relevé que le système de santé dans les lieux de privation de liberté visités connaissait plusieurs problèmes systémiques. L’un d’entre eux tient au manque de coordination avec les services médicaux spécialisés en dehors des prisons, par exemple pour des interventions chirurgicales ou des traitements particuliers. Les médecins des établissements pénitentiaires interrogés ont reconnu qu’ils avaient observé que certains détenus subissaient une discrimination du fait qu’ils étaient contraints de se tourner vers des services privés. Ils se sont également plaints de la pression exercée par le syndicat de la santé publique dans le pays. Seuls deux des établissements pénitentiaires visités disposaient de suffisamment de médicaments. La plupart des établissements n’avaient ni médicaments ni matériel et lieu de stockage adaptés.

84. Le Sous-Comité recommande au Ministère de la santé publique de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les services de santé publique soient accessibles aux personnes privées de liberté. À cette fin, il lui recommande d’augmenter les ressources humaines, matérielles et financières allouées. L’État partie devrait veiller à ce que les lieux où des soins médicaux sont dispensés aux personnes privées de liberté soient dotés des infrastructures nécessaires et garantir la présence d’une équipe médicale et des conditions d’hygiène adéquates.

85.Le Sous-Comité a constaté de graves problèmes causés et aggravés par l’existence de deux systèmes de santé distincts en milieu carcéral, l’un relevant du Ministère de la santé publique (Administration des services de santé de l’État) l’autre du Ministère de l’intérieur (santé de la police). Au moment de la visite, le programme de l’Administration des services de santé de l’État ne couvrait que cinq établissements pénitentiaires sur les 29 que compte le pays. Par ailleurs, le Sous-Comité a constaté qu’il n’y avait ni coordination ni échange d’informations, que les conditions de travail étaient très mauvaises et qu’il n’y avait pas suffisamment d’infrastructures ni de moyens adaptés. L’exemple le plus criant est celui du service médical du centre pénitentiaire de Canelones (no 7), qui n’a ni eau et ni espace propre pour dispenser les soins et pour ranger les médicaments et les dossiers médicaux des détenus. Une pièce du service était condamnée en raison d’infiltrations et de la présence de champignons, de matières fécales et de rats. Ces problèmes concernaient également les sanitaires et une petite pièce où étaient rangés les médicaments. Le Sous-Comité note avec préoccupation que cette pièce est inondée de matières fécales lorsque la tuyauterie est obstruée. En outre, l’équipe médicale du centre pénitentiaire de Canelones (no 7) s’est plainte à plusieurs reprises, auprès de la direction de l’établissement pénitentiaire, des conditions dans lesquelles elle travaille et accueille les détenus. Ces plaintes sont restées sans suite. L’équipe médicale a également souligné qu’il n’y avait pas suffisamment d’agents et de gardiens pour accompagner les détenus et faciliter leur accès aux services de santé.

86. Le Sous-Comité recommande au Ministère de l’intérieur de fermer immédiatement le service médical du centre pénitentiaire de Canelones (n o  7) et de le déplacer dans un lieu adapté et propre.

C.Problèmes de santé particuliers des détenus

87.Le Sous-Comité est particulièrement préoccupé par le non-respect du paragraphe 1 de la règle 23 des Règles Nelson Mandela, qui dispose que les détenus doivent avoir une heure au moins par jour d’exercice physique en plein air. En effet, le temps que les détenus passent enfermés est excessif et inhumain, et certains ont fait savoir qu’ils n’étaient pas sortis de leur cellule pendant plusieurs mois. L’un d’eux a déclaré ne pas être sorti de sa cellule pendant un an.

88.Dans tous les centres pénitentiaires, le Sous-Comité a constaté qu’une grande majorité des personnes privées de liberté avaient de nombreuses cicatrices sur le corps, notamment aux bras, et disaient s’être volontairement blessées afin d’être conduites à l’infirmerie et de pouvoir ainsi quitter quelques temps leur cellule. D’autres détenus ont fait savoir qu’ils s’entaillaient les bras pour se « défouler », ce qui en dit long sur l’angoisse et le sentiment d’abandon qu’ils ressentent. D’autres encore s’automutilaient pour avoir accès à un traitement et à des soins de santé. Dans tous les centres visités, le Sous-Comité a constaté cette tendance regrettable, dans toutes les tranches d’âges, et chez les hommes aussi bien que les femmes. Les médecins interrogés ont confirmé que ces pratiques étaient des indicateurs directs de la santé psychologique ou mentale des détenus et qu’elles étaient liées, par exemple, à des problèmes d’ordre familial, au manque d’activités de loisir et de formation, ou encore à l’absence de sorties dans la cour, ce qu’a pu vérifier le Sous-Comité dans le centre pénitentiaire de Libertad (no 3) où des détenus dormaient dans leur cellule au moment de sa visite, signe d’un état dépressif découlant du manque d’activité.

89. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de garantir au plus vite à chaque détenu qui n ’ est pas occupé à un travail en plein air une heure au moins par jour d ’ exercice physique approprié en plein air, ainsi que l ’ accès à des activités physiques et récréatives, et de veiller à ce que le terrain, les installations et l ’ équipement nécessaires à cet effet soient disponibles (règle 23 des Règles Nelson Mandela).

90.Au cours de sa visite du centre pénitentiaire de Canelones (no 7), le Sous-Comité a vu un détenu qui s’était fait une entaille profonde au bras gauche arriver d’urgence au service médical. Le médecin a pu désinfecter la blessure mais il n’y avait même pas d’eau pour nettoyer le sang qui avait coulé sur le corps du détenu, sur la chaise où il était assis et sur le sol. Les médecins ont également exprimé leur préoccupation quant au fait que cela faisait des années qu’aucun psychologue ne s’était rendu dans cet établissement pour y rencontrer les détenus alors que nombre d’entre eux présentaient des troubles psychologiques graves.

91. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ accorder l ’ attention voulue au problème généralisé des mutilations que s ’ infligent les détenus, de réaliser une étude de la situation et de déterminer quelles sont les mesures à prendre d ’ urgence pour y remédier.

92.Le Sous-Comité a constaté que les détenus présentaient de nombreux problèmes de santé et maladies directement liés aux mauvaises conditions d’hygiène et à une mauvaise alimentation. Les affections courantes étaient la gastrite, les mycoses, les infections cutanées et chroniques, les maux de tête, les évanouissements, les maladies pulmonaires et les graves troubles psychosociaux (manque de sommeil, dépression, angoisse, comportement, tensions entre les détenus).

93.Le Sous-Comité a remarqué que les détenus qui présentaient de graves troubles psychiatriques étaient transférés à l’hôpital psychiatrique (hôpital Vilardebó) et dans son annexe, au Centre d’admission, de diagnostic et d’orientation de la zone métropolitaine de Montevideo, où les conditions de vie étaient mauvaises, ce qui aggravait encore leurs troubles.

94. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre d ’ urgence les mesures qui s ’ imposent pour garantir le droit à la santé des détenus en augmentant les moyens humains et financiers, notamment le nombre de médecins, d ’ infirmiers, de psychologues et de membres du personnel pénitentiaire.

95.Le Sous-Comité s’inquiète de l’augmentation progressive du nombre annuel de décès (imputables à des maladies, des homicides, des suicides et d’autres causes), qui est passé d’une vingtaine en 2006 à une cinquantaine en 2017. Il est également préoccupé par l’information selon laquelle certains décès et suicides survenus dans les centres de détention n’ont fait l’objet d’aucune enquête.

96. Le Sous-Comité recommande de prendre des dispositions afin d ’ évaluer l ’ ampleur du problème du suicide dans les centres de détention, l ’ objectif étant de déterminer quelles sont les mesures qui permettraient d ’ y remédier, et d ’ enquêter sur les cas de suicide.

D.Conditions de vie dans les centres de santé mentale

97.Les patients admis à l’hôpital Vilardebó viennent du système pénal mais aussi du système de santé général. Le Sous-Comité déplore l’absence d’un service adapté pour le traitement et la stabilisation des détenus qui présentent des troubles psychiatriques graves. Il a constaté avec préoccupation que la ventilation et l’hygiène des locaux était insuffisantes, qu’aucune activité récréative n’était proposée et que les personnes hospitalisées dans cet établissement étaient médicamentées sans aucune autre forme de traitement.

98.Lors de sa visite, le Sous-Comité a constaté que certaines personnes privées de liberté attendaient toujours qu’une décision soit rendue concernant leur responsabilité ou leur irresponsabilité pénale. En outre, les détenus présentant des troubles graves étaient transférés à l’hôpital avant d’être renvoyés en prison où, bien souvent, ils développaient les mêmes troubles psychiatriques, voire de nouveaux. Autre sujet de préoccupation, dans certains cas, des patients qui devaient attendre l’autorisation du juge pour quitter l’hôpital ont été privés de liberté pendant une longue période.

99. Le Sous-Comité encourage le pouvoir judiciaire à accorder une plus grande attention aux procédures concernant des détenus dont la responsabilité pénale doit être établie, notamment ceux qui présentent des troubles psychiatriques graves, et à faire accélérer celles-ci.

100.Le Sous-Comité a pris note du fait que la loi sur la santé mentale prévoyait la fermeture de tous les asiles et établissements psychiatriques en 2025. Toutefois, durant sa visite, il a relevé avec préoccupation qu’aucun plan n’avait été élaboré en vue de fermer l’hôpital Vilardebó, d’assurer la continuité des traitements et de trouver de nouvelles formes de prise en charge dans les communes. Il a également pris note du projet de résidences pour l’accueil des patients après leur traitement. Il a toutefois noté le manque de programmes de suivi de l’état de santé mentale des patients qui ont réintégré leur communauté, notamment des anciens détenus ayant des troubles psychiatriques chroniques et une dépendance à la drogue, qui sont particulièrement vulnérables et risquent de rechuter.

101. Le Sous-Comité encourage l ’ élaboration, l ’ adoption et la mise en œuvre d ’ un plan visant à donner rapidement effet à la nouvelle loi sur la santé mentale. Ce plan devrait contenir des orientations détaillées sur des programmes visant à assurer la continuité des traitements et à développer de nouvelles formes de traitement dans les régions mais aussi de manière décentralisée dans les communes. Le Ministère de la santé publique devrait veiller à ce qu ’ il soit effectivement mis en œuvre et fasse l ’ objet d ’ un suivi.

102.Le Sous-Comité a été informé du fait que l’hôpital avait mis en place un système de prise en charge communautaire (après hospitalisation) pour certains patients de longue durée. Toutefois, ce système ne s’appliquait qu’à un nombre très restreint de patients.

103. Il est important de continuer d ’ élargir ce système, nombre de patients de longue durée étant souvent en situation de risque puisqu ’ ils n ’ ont nulle part où aller après une hospitalisation de plusieurs mois.

VI.Femmes

104.Au cours de sa visite des centres pénitentiaires pour femmes, le Sous-Comité a reçu de nombreuses informations concordantes selon lesquelles les femmes privées de liberté n’avaient pas accès à suffisamment d’activités récréatives ou physiques, d’activités rémunérées et d’ateliers professionnels, et n’avaient que rarement la possibilité de s’instruire.

105. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour que les femmes privées de liberté aient la possibilité de travailler et de participer à des activités éducatives, sportives et récréatives dans des conditions d ’ égalité avec les hommes, conformément à la règle 42 des Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), et les règles 104 et 105 des Règles Nelson Mandela. Ayant à l ’ esprit son document sur la prévention de la torture et des mauvais traitements à l ’ égard des femmes privées de liberté (CAT/OP/27/1), le Sous-Comité encourage l ’ État partie à adopter une politique pénitentiaire qui tienne compte de la problématique femmes-hommes, conformément aux Règles de Bangkok.

VII.Mineurs et adolescents en conflit avec la loi

106.Le Sous-Comité déplore l’approche répressive du système de justice pour mineurs en Uruguay. Il note en particulier que la loi no 19551 portant modification de l’article 76 du Code de l’enfance et de l’adolescence (loi no 17823) exclut la possibilité d’une libération anticipée et que la privation de liberté revêt un caractère obligatoire pour les adolescents mais pas pour les adultes. En effet, cette nouvelle loi prévoit, entre autres mesures de sûreté pour les adolescents de 15 à 18 ans, le placement en détention pour une durée allant jusqu’à cent cinquante jours (contre quatre-vingt-dix jours auparavant) en cas d’infraction très grave et jusqu’à soixante jours en cas d’infraction grave. Le Sous-Comité estime que ces dispositions sont un retour en arrière étant donné que l’État à l’obligation de protéger les adolescents en infraction avec la loi, et qu’elles sont plus répressives encore que la législation pénale actuellement applicable aux adultes de plus de 18 ans. Il note avec satisfaction que l’initiative visant à abaisser l’âge de la responsabilité pénale des mineurs à 16 ans n’a pas abouti.

107. Le Sous-Comité prie instamment l ’ État partie de revoir sa législation pénale concernant les mineurs afin de la mettre en conformité avec les normes internationales relatives à la justice pour mineurs, en particulier les articles  37  b) et 40 de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les P rincipes directeurs des Nations  Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de R iyad) et les Règles des Nations  Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, ainsi que l ’ observation générale n o 10 (2007) du Comité des droits de l ’ enfant relative aux droits de l ’ enfant dans le système de justice pour mineurs.

108.Le Sous-Comité a visité le Centre d’admission, d’évaluation, de diagnostic et d’orientation de Montevideo, qui relève du système de responsabilité pénale des adolescents et dans lequel sont placés les mineurs en attente de jugement faisant l’objet de mesures de sûreté, et s’est dit vivement préoccupé par les conditions de vie dans cet établissement qui n’est pas adapté à sa mission. En effet, les adolescents y vivent dans des conditions similaires à celle d’une prison et on ne leur propose pas suffisamment d’activités en vue de leur réadaptation sociale. Le Sous-Comité a reçu des informations concordantes selon lesquelles le centre a engagé des poursuites contre l’entreprise adjudicataire des travaux de construction pour inadéquation des infrastructures.

109. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ augmenter le budget alloué aux centres de détention pour mineurs afin de renforcer les ressources humaines spécialisées ( personnel technique, avocats et psychiatres en particulier) ainsi que l ’ appui psychologique aux détenus mineurs, et d ’ élaborer et de mettre en œuvre des programmes de traitement des dépendances. Pour ce faire, l ’ État partie devra se doter d ’ une stratégie et d ’ un mécanisme de suivi.

110.Plusieurs des acteurs de la défense des droits de l’homme que le Sous-Comité a rencontrés ont également fait part de leur inquiétude face à cette « culture de la détention » et à l’emploi de la force comme mesure disciplinaire à l’égard des adolescents. De nombreux détenus ont déclaré avoir été torturés, en particulier par des membres de l’unité de police des « Grecos ». La majorité ont fait savoir qu’ils ne bénéficiaient pas d’une défense adéquate et, dans certains cas, qu’ils se trouvaient dans le centre depuis longtemps. Le Sous-Comité constate avec préoccupation que, dans ce centre, les adolescents condamnés et ceux sous le coup de mesures de sûreté sont mélangés.

111. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ organiser des séances de formation et de sensibilisation spécifiquement adaptées à l’intention du personnel qui, dans le cadre de ses fonctions, est amené à être en contact avec des mineurs privés de liberté, et d ’ ouvrir des enquêtes sur toutes les allégations d ’ actes de torture et de mauvais traitements faites par des mineurs, de juger les responsables et de prononcer des peines proportionnelles à la gravité des faits.

112.Dans ce centre, le Sous-Comité a rencontré des jeunes qui présentaient des troubles psychiatriques évidents et ne recevaient pas de soins de santé adaptés, et a constaté le manque d’hygiène et l’insalubrité des lieux. Les adolescents détenus n’avaient ni lumière ni matelas dans les chambres et ceux interrogés se sont tous plaints du manque de nourriture. En outre, ils ne sortaient que très peu souvent dans la cour et pour une durée très courte. Le Sous-Comité est particulièrement préoccupé par le fort taux de récidive des adolescents en conflit avec la loi, par l’absence d’activités de réadaptation visant à les préparer à leur sortie et par les cas de suicide qui lui ont été signalés.

113.Au cours de la visite du Sous-Comité en Uruguay, la presse nationale a publié de longs articles sur les mauvais traitements infligés par des fonctionnaires et des agents de sécurité du centre aux adolescents. Ces informations ont été corroborées par les jeunes détenus mais aussi par les différents acteurs de la défense des droits de l’homme que le Sous-Comité a rencontrés.

114. L ’ État partie doit immédiatement prendre des mesures concrètes pour protéger les mineurs qui se trouvent au Centre d ’ admission, d ’ évaluation, de diagnostic et d ’ orientation (qui dépend de l ’ Institut national pour l ’ insertion sociale des adolescents) et pour garantir qu ’ aucun mineur privé de liberté, dans ce centre ou dans d ’ autres, ne soit victime de torture ou de mauvais traitements, conformément à la règle 87 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté.

VIII.Étapes suivantes

115.Le Sous-Comité demande qu ’ une réponse lui soit communiquée dans les six mois à compter de la date de transmission du présent rapport à l ’ État partie. Dans ce document, l ’ État partie devrait répondre directement à toutes les recommandations et demandes de renseignements complémentaires formulées dans le rapport, et rendre compte en détail des mesures déjà prises ou prévues (en précisant le calendrier fixé pour la mise en œuvre des recommandations). Cette réponse devrait contenir des renseignements sur la suite donnée aux recommandations, notamment celles formulées à l ’ intention de chaque institution, et sur les politiques et les pratiques en général .

116. L ’ article 15 du Protocole facultatif interdit toutes les sanctions et représailles, quelles qu ’ en soient la forme et la source, visant une personne qui a été en contact ou tenté d ’ être en contact avec le Sous-Comité. Le Sous-Comité rappelle à l ’ État partie l ’ obligation qui lui incombe de prévenir de telles sanctions ou représailles et le prie de fournir, dans sa réponse, des renseignements détaillés sur les mesures qu ’ il aura prises pour s ’ acquitter de cette obligation.

117. Le Sous-Comité rappelle que la prévention de la torture et des mauvais traitements constitue une obligation continue et de large portée revenant à l ’ État partie . Il demande donc à l ’ État partie de l ’ informer de toute mesure législative, réglementaire ou politique et de tout fait nouveau pertinent touchant au traitement des personnes privées de liberté et aux travaux du mécanisme national de prévention.

118.Le Sous-Comité considère que sa visite et le présent rapport font partie d ’ un dialogue continu. Il sera heureux d ’ aider l ’ État partie à s ’ acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Protocole facultatif en lui fournissant de plus amples conseils et une assistance technique en vue d ’ atteindre leur objectif commun, qui est de prévenir la torture et les mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté. Il estime que le moyen le plus efficace de poursuivre le dialogue serait pour lui de rencontrer les autorités nationales chargées de la mise en œuvre de ses recommandations dans les six mois qui suivent la réception de la réponse au présent rapport.

119. Le Sous-Comité recommande que, conformément au paragraphe d) de l ’ article 12 du Protocole facultatif, les autorités nationales de l ’ État partie engagent le dialogue avec le Sous-Comité au sujet de la suite donnée à ses recommandations dans les six mois qui suivent la réception par le Sous-Comité de la réponse au présent rapport. Il recommande également à l ’ État partie d ’ entamer des discussions avec le Sous-Comité sur les modalités de ce dialogue au moment où il soumettra sa réponse au présent rapport .

Annexe I

[Espagnol seulement]

Lista de las personas con quienes se reunió el Subcomité

A.Autoridades

Ministerio de Relaciones Exteriores

Rodolfo Nin Novoa, Ministro Canciller de la República

Raúl Pollak, Embajador, Director General para Asuntos Políticos

Dianela Pi, Ministra, Directora, Dirección de Derechos Humanos y Derecho Humanitario

Fiorella Prado, Secretaria del Servicio Exterior, Dirección de Derechos Humanos y Derecho Humanitario

Ministerio del Interior

Eduardo Bonomi, Ministro

Rosario Burghi, asesora del Ministro en Asuntos Penitenciarios

Julio Del Río, Comisario General, Policía Nacional, Jefe de la Dirección de Planificación y Estrategia Policial

Gonzalo Larroa, Director del Instituto Nacional de Rehabilitación

Ana Juanche, Subdirectora Nacional Técnica

Ministerio de Defensa Nacional

María José Linare, Dirección de Asuntos Internacionales

Silvia Núñez, Dirección de Asuntos Internacionales

Secretaría de Derechos Humanos de Presidencia de la República

Nelson Villarreal, Secretario de Derechos Humanos

Alicia Saura, asesora

Cecilia Anandez, asesora

Comisión de Derechos Humanos del Parlamento

Mercedes Santalla, presidenta

Gloria Rodríguez, vicepresidenta

Cámara de Senadores

Ivonne Passada, senadora, Comisión Bicameral de Seguimiento del Sistema Carcelario

Fiscalía General de la Nación

Jorge Díaz, Fiscal de Corte y Procurador General de la Nación

Ariel Cancela, Fiscal Adjunto de Corte

Gabriela Aguirre, Directora de Cooperación Internacional

Administración de los Servicios de Salud del Estado

Héctor Suárez, Director Interino de Salud Mental y Poblaciones Vulnerables

Instituto Nacional de Inclusión Social Adolescente

Gabriela Fulco, presidenta

Silvana Bocage, asesora informática

Elena Vázquez, asesora en medidas no privativas

Eugenio Acosta Guillén, director general de seguridad

José Priore, director de salud

Diego Camaño, asesor jurídico

Gabriela Garbarino, directora de investigación y cooperación internacional

Cecilia Fernández, subdirectora de programas

Ana Laura Pizzolli, directora de comunicaciones

B.Institución Nacional de Derechos Humanos y Defensoría del Pueblo

Mariana Blengio Valdés, directora

Maria Josefina Pla, integrante del Consejo Directivo

Mariana Mota, presidente del Consejo Directivo

C.Mecanismo nacional de prevención

Ana Grassi, Sistema de Protección

Gianina Podestá, Sistema Penal Juvenil

Francisco José Ottonelli, Colaboración

Fernando Leguizamón, Sistema Penal Juvenil

Mariana Risso, Sistema de Adultos

Maria José Doyenart, Sistema de Protección

Soledad Pérez, Sistema de Protección

Maritza Ramos, Secretaria

Ariadna Cheroni, Sistema de Adultos

D.Comisionado Parlamentario Penitenciario

Juan Miguel Petit, Comisionado Parlamentario Penitenciario

Graciela Riephoff, asesora

Mariana Iglesias, asesora

E.Sistema de las Naciones Unidas

Mireia Villar Forner, Coordinadora Residente de las Naciones Unidas en el Uruguay

Graciela Dede, Asesora en Derechos Humanos, Oficina de la Coordinadora Residente de las Naciones Unidas en el Uruguay

Paolo Mefalopulos, representante del UNICEF

Giovanni Escalante, representante de la Organización Panamericana de la Salud (OPS)/Organización Mundial de la Salud (OMS) en el Uruguay

Alba Goycoechea, jefe de oficina, Organización Internacional para las Migraciones (OIM)

Virginia Varela, analista, Programa de las Naciones Unidas para el Desarrollo (PNUD)

F.Organismos de la sociedad civil

Consejo Nacional del Colegio Médico del Uruguay

Néstor Campos, médico, presidente

Juan Errandonea, abogado, consejero

Enrique Soto, médico, secretario

Aldeas Infantiles

Amnistía Internacional Uruguay

Asamblea Instituyente por salud mental, desmanicomialización y vida digna

Asociación Aire

Asociación Civil El Paso

Asociación de Personas Privadas de Libertad del Uruguay

Comité de América Latina y el Caribe de defensa de los derechos de las mujeres

Comité de los Derechos del Niño del Uruguay

Cotidiano Mujer

El Abrojo

Instituto de Estudios Legales y Sociales del Uruguay

Observatorio Luz Ibarburu

Proderechos

Representantes del grupo de 28 mujeres uruguayas víctimas de violencia sexual sufrida como prisioneras políticas durante la dictadura

Servicio Paz y Justicia Uruguay

Annexe II

[Espagnol seulement]

Lugares de privación de libertad visitados

A.Establecimientospenitenciarios

Unidad de mujeres (Rivera)

Unidadnúm. 3 (Libertad)

Unidadnúm. 4 (Montevideo)

Unidad núm. 5 de mujeres (Montevideo) (visita conjunta con el mecanismo nacional de prevención)

Unidadnúm. 7 (Canelones)

Unidad núm. 9 de mujeres con hijos (Montevideo) (visita conjunta con el mecanismo nacional de prevención)

Unidadnúm. 12 (Rivera)

B.Establecimientospoliciales

Centro de Ingreso, Diagnóstico y Derivación de Zona Metropolitana (Montevideo)

Seccional núm. 9 (Rivera)

Jefatura (Rivera)

Seccional núm. 1 (Rivera)

Departamento antidroga (Rivera)

C.Establecimientos de menores

Centro educativo para menores infractores dentro del Complejo Belloni (Montevideo) (visita conjunta con el mecanismo nacional de prevención)

Centro de Ingreso, Estudio, Diagnóstico y Derivación (Montevideo)

Centro de Internación de Adolescentes Femenino (Montevideo)

D.Institucionespsiquiátricas

Hospital Vilardebó (Montevideo)