Nations Unies

CAT/C/NOR/CO/8

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

5 juin 2018

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le huitième rapport périodique de la Norvège *

1.Le Comité contre la torture a examiné le huitième rapport périodique de la Norvège (CAT/C/NOR/8) à ses 1617e et 1620e séances (voir CAT/C/SR.1617 et 1620), les 24 et 25 avril 2018, et a adopté les présentes observations finales à ses 1646e et 1647e séances, les 14 et 15 mai 2018.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie ainsi que des réponses orales et des informations écrites qui lui ont été fournies en réaction à ses préoccupations.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 3 juin 2013 ;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 27 juin 2013 ;

c)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), le 5 juillet 2017.

4.Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)La modification du Code pénal pour que les mineurs ne puissent être placés en détention provisoire que dans des « circonstances tout à fait exceptionnelles », en 2012 ;

b)L’instauration de peines non privatives de liberté pour les mineurs ayant commis des infractions graves et/ou répétées et de sanctions de suivi d’une durée maximale d’un an, sous la direction du service de médiation et non de l’administration pénitentiaire, en juillet 2014 ;

c)La modification du Code pénal (2005) pour que les mineurs ne puissent être placés en détention que lorsque cela est « strictement nécessaire », le 1er octobre 2015 ;

d)La modification de la loi relative aux droits des patients et des usagers pour que la violence domestique soit prise en considération et reconnue comme un facteur à part entière, le 1er novembre 2015 ;

e)La modification de la loi relative aux soins de santé mentale pour que les patients ayant un handicap psychosocial aient le droit de prendre des décisions concernant leur propre santé et bénéficient de cinq heures d’aide juridique gratuite concernant le dépôt de plaintes pour traitement forcé, en 2017.

5.Le Comité salue en outre l’action menée par l’État partie pour modifier ses politiques, programmes et mesures administratives en vue de donner effet à la Convention, notamment :

a)La création d’une nouvelle institution nationale des droits de l’homme, en vertu de la loi no 33 relative à l’Institution norvégienne des droits de l’homme, le 22 mai 2015 ;

b)La désignation du Médiateur du Parlement comme mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitementscruels, inhumains ou dégradants, au sens du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, et la création d’un mécanisme autonome dans le Bureau du Médiateur, en juin 2013 ;

c)La présentation d’un livre blanc sur la violence faite aux femmes et la violence domestique en mars 2013, après l’adoption d’un nouveau plan national d’action composé de 45 mesures pour 2014‑2017, le lancement d’un programme quinquennal d’étude de la violence domestique et la mise en place d’un nouveau système de financement des mesures visant à prévenir et à combattre la violence domestique par le Ministère de la justice et de la sécurité publique, en 2014 ;

d)Le lancement par le Gouvernement d’un nouveau plan d’action contre la violence faite aux enfants, intitulé « Une enfance heureuse dure toute la vie » et consistant en 43 mesures, en novembre 2015, et le lancement par le Parlement d’un nouveau plan visant à combattre la violence domestique et à améliorer la prise en charge des enfants exposés à la violence et aux agressions sexuelles, en octobre 2016 ;

e)Le lancement par le Gouvernement d’un nouveau portail Web sur la violence domestique et le viol, et la publication par le Procureur général du rapport sur la qualité des enquêtes de police dans les affaires de viol, en 2016 ;

f)La nomination par le Gouvernement d’une commission législative officielle, chargée d’examiner l’ensemble des textes qui régissent l’utilisation des méthodes de contrainte dans les services de santé, y compris la thérapie électroconvulsive, compte tenu des obligations internationales de l’État partie dans le domaine des droits de l’homme, en juin 2016.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

6.Au paragraphe 28 de ses précédentes observations finales (CAT/C/NOR/CO/6-7), le Comité a demandé à la Norvège de lui apporter des précisions sur certaines questions particulièrement préoccupantes, qui avaient été abordées aux paragraphes 11 (isolement cellulaire), 15 (détention d’étrangers), 16 (garanties offertes par la loi aux demandeurs d’asile et aux étrangers en attente d’expulsion) et 22 (mineurs non accompagnés ayant disparu de centres pour demandeurs d’asile). Le Comité remercie l’État partie des réponses à ces questions et des informations de fond qu’il a fournies le 22 novembre 2013 (CAT/C/NOR/CO/6-7/Add.1). Au vu de ces informations, le Comité considère que les recommandations faites aux paragraphes 11, 15, 16 et 22 de ses précédentes observations finales ont été partiellement appliquées (voir par. 17, 18, 25, 26, 27 et 28).

Définition de la torture

7.Le Comité demeure préoccupé par le fait que la définition de la torture qui figure dans le Code pénal n’est pas pleinement conforme à l’article premier de la Convention, en ce qu’elle ne contient pas la formule « une forme de discrimination quelle qu’elle soit » et continue d’énumérer des actes relevant de certaines formes de discrimination particulières (art. 1er).

8. Le Comité prend note des explications de l ’ État partie, mais l ’ invite à reconsidérer la possibilité de modifier la définition de la torture qui figure actuellement dans la législation nationale pour la rendre pleinement conforme à celle qui est énoncée à l ’ a rticle premier de la Convention. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 2 (2007) relative à l ’ application de l ’ article 2, selon laquelle, si la définition de la torture en droit interne est trop éloignée de celle énoncée dans la Convention, le vide juridique réel ou potentiel qui en découle peut ouvrir la voie à l ’ impunité.

Incorporation de la Convention dans le droit interne

9.Le Comité regrette que l’État partie maintienne sa position concernant l’incorporation explicite des dispositions de la Convention dans le droit interne (art. 2).

10. Le Comité réitère sa recommandation (voir CAT/C/NOR/CO/6-7, par. 6) invitant l ’ État partie à reconsidérer la possibilité d ’ incorporer toutes les dispositions de la Convention dans le droit interne pour que celles-ci puissent être invoquées directement devant les tribunaux.

Garanties juridiques fondamentales

11.Le Comité constate avec préoccupation que les personnes privées de liberté dans les locaux de détention de la police, en particulier dans l’attente de leur procès, ne peuvent pas jouir de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur détention, par exemple être informées de leur droit de déposer des plaintes concernant leur traitement et les conditions de détention, eu égard à la procédure de plainte en vigueur et à l’accès à une aide juridictionnelle soumise à conditions de ressources (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

12. L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté bénéficient, en droit et dans la pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur détention, conformément aux normes internationales, à savoir le droit d ’ être informées de leurs droits, de subir à leur demande un examen médical, de préférence par le médecin de leur choix, d ’ avoir accès à un avocat ou à une aide juridique gratuite dans tous les cas où l ’ intérêt de la justice l ’ exige, en particulier pendant l ’ enquête et les interrogatoires, d ’ être informées de leur droit de porter plainte et de la procédure de plainte en vigueur, et d ’ être présentées à un juge dans les quarante-huit heures suivant leur arrestation.

Détention prolongée dans les cellules de la police

13.Le Comité prend note de la réduction du nombre de violations, mais se déclare à nouveau préoccupé par le fait que des personnes continuent d’être placées en détention provisoire dans des cellules de garde à vue de la police au-delà des délais prévus par la loi (quarante-huit heures pour les adultes, vingt-quatre heures pour les mineurs) en raison des capacités d’accueil insuffisantes des établissements pénitentiaires, ce qui peut entraîner une mise à l’isolement par défaut des détenus. Le Comité est également préoccupé par le fait que les conditions de détention dans certains postes de police ne respectent pas les normes internationales, comme cela a été signalé pour le commissariat de police de Bergen, où les détenus sont placés dans des cellules sans fenêtres et sont privés de produits d’hygiène personnelle, d’accès à des douches et de possibilités d’exercice en plein air (art. 2, 11 et 16).

14. Le Comité réitère sa recommandation (voir CAT/C/NOR/CO/6-7, par. 10) invitant l ’ État partie à mettre fin au maintien de personnes en détention dans des cellules de garde à vue au-delà du délai légal de quarante-huit  heures. L ’ État partie devrait appliquer rigoureusement les nouvelles directives relatives à l ’ utilisation des structures de garde à vue, élaborées en juillet 2015 par la Direction nationale de la police, en vue de réduire au minimum le nombre de personnes qui passent plus de quarante-huit  heures en garde à vue après leur arrestation. Il faudrait que le placement de mineurs en détention provisoire soit une mesure de dernier recours et respecte des directives claires, qu ’ aucun enfant ne reste en garde à vue plus de vingt ‑quatre  heures sans être présenté à un juge, conformément au Code de procédure pénale, et que des mesures substitutives à la garde à vue soient trouvées. L ’ État partie devrait agrandir ou rénover les cellules de garde à vue impropres à la détention et transférer toutes les personnes qui y sont détenues dans des établissements pénitentiaires à l ’ expiration du délai légal.

Isolement en détention provisoire

15.Le Comité est préoccupé par le recours fréquent à l’isolement systématique, que n’exige souvent aucune raison liée à l’enquête, lors de la détention provisoire dans des cellules de garde à vue, et qui repose en grande partie sur une appréciation discrétionnaire rarement susceptible d’être contestée en droit. Une telle mesure, qui peut être assimilée à un régime d’isolement de fait, est la conséquence du nombre insuffisant de places dans les établissements pénitentiaires et d’agents pénitentiaires dans les établissements de détention ordinaires. Le Comité est aussi préoccupé par le taux de suicide parmi les personnes placées en détention provisoire et par les problèmes de santé mentale et autres problèmes de santé qui peuvent résulter de la mise à l’isolement et pour lesquels un traitement n’est peut-être pas toujours disponible (art. 2, 11 et 16).

16. L ’ État partie devrait respecter strictement le délai de quarante-huit  heures applicable à la garde à vue et faire en sorte que les personnes en attente de jugement qui sont détenues dans des cellules de la police soient transférées dès que possible dans des établissements pénitentiaires, de manière à leur éviter un isolement inutile, assimilable à un régime d ’ isolement cellulaire de fait et susceptible de provoquer des problèmes de santé mentale. L ’ État partie devrait subordonner le placement à l ’ isolement à des critères rigoureux et offrir aux détenus des garanties légales et procédurales propres à empêcher toute appréciation arbitraire ainsi que des soins de santé mentale et autres prestations de soins de santé appropriées, en particulier en cas de mise à l ’ isolement. Il devrait veiller à ce que les établissements pénitentiaires disposent de places et de personnel en nombre suffisant, et offrent des conditions matérielles adéquates pour accueillir tous les détenus en attente de procès et répondre à leurs besoins.

Isolement cellulaire

17.Le Comité est préoccupé par :

a)La persistance de taux élevés d’isolement prolongé et l’accroissement du nombre de cas de privation complète de contacts humains, d’isolement partiel ou total, et de régimes restrictifs comparables recensés parmi les personnes détenues en attente de jugement ou condamnées, qui sont assimilables à un placement à l’isolement et qui s’expliquent en grande partie par l’état des infrastructures et les pénuries d’effectifs, comme il ressort par exemple de l’article paru le 24 mars 2018 dans le quotidien Bergens Tidende et selon lequel un détenu de la prison de Bergen avait été soumis à l’isolement dans une cellule de sécurité pendant près de mille sept cents heures au cours des deux années précédentes (neuf cent soixante-dix-neuf heures en 2016 et sept cents heures en 2017) ;

b)Le fait que des conditions comparables à une mise à l’isolement ne peuvent pas faire l’objet d’une contestation ou d’un recours, en ce qu’elles ne reposent pas sur une décision administrative spécifique et juridiquement fondée ;

c)Le fait que le maintien à l’isolement total n’est pas limité à un certain nombre de jours et que les modifications de la loi relative à l’exécution des peines, en vertu desquelles le placement à l’isolement ne peut plus être utilisé comme mesure disciplinaire dans le cas de mineurs et doit avoir une durée maximale de sept jours lorsqu’il est employé à titre de mesure préventive, ne sont pas encore entrées en vigueur ;

d)Le manque de précision des dispositions juridiques qui régissent le placement en isolement et sa durée et les décisions discrétionnaires peu respectueuses des principes de proportionnalité qui sont susceptibles d’en découler, avec le risque d’empêcher un contrôle administratif ou juridictionnel et de donner lieu à des violations de la Convention (art. 2, 11, 12, 13, 14 et 16).

18. Le Comité réitère sa recommandation (voir CAT/C/NOR/CO/6-7, par. 11) invitant l ’ État partie à respecter pleinement les dispositions de la Convention et l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) adopté en 2015, et le prie :

a) D ’ appliquer effectivement les nouvelles directives adoptées par le Gouvernement en mars 2017, qui établissent des critères précis pour le recours à l ’ isolement, et veiller à ce que les questions relatives aux infrastructures et aux effectifs ne servent pas de prétexte au placement à l ’ isolement ;

b) De réduire au strict nécessaire le placement à l ’ isolement et de modifier le cadre législatif pour que celui-ci ne soit décidé que dans des circonstances exceptionnelles ;

c) De faire en sorte que les personnes soumises à l ’ isolement bénéficient quotidiennement d ’ un suivi médical, soient soustraites à ce régime s ’ il est constaté que celui-ci compromet leur santé, bénéficient de garanties procédurales, aient le droit de porter plainte et de soumettre leur cas à un contrôle juridictionnel ;

d) De déterminer et d ’ évaluer les effets de l ’ isolement ou de la privation complète de contacts humains sur la santé mentale et physique des détenus, en vue de les réduire, et recourir autant que possible à des mesures de remplacement et à des mesures moins intrusives ;

e) De faire en sorte que l ’ isolement de fait assimilable à un placement à l ’ isolement, tel que la privation complète de contacts humains, repose sur des principes, des dispositions légales et des directives, et de définir le nombre maximal de jours pendant lesquels un détenu peut être maintenu à l ’ isolement total ;

f) D ’ informer les détenus de leurs droits et de prolonger le délai, actuellement fixé à quarante-huit  heures, qui leur est accordé pour contester leur placement à l ’ isolement devant les juridictions administratives ;

g) D ’ examiner les mécanismes de contrôle et les voies de recours existants, d ’ établir des statistiques détaillées sur le recours à l ’ isolement et la privation complète de contacts humains, de les communiquer au Comité et de les rendre publiques ;

h) De déroger à la réforme de l ’ administration qui, depuis 2014, impose des compressions budgétaires annuelles à tous les organismes publics dans une optique de débureaucratisation et d ’ accroissement de l ’ efficacité, et de s ’ abstenir d ’ appliquer ces mesures dans tous les lieux de privation de liberté afin que la santé et la vie des personnes détenues ne soient pas mises en péril à cause d ’ un manque de moyens, de structures et de personnel.

Soins de santé mentale pour les détenus

19.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles un pourcentage très élevé de détenus ont des problèmes de santé mentale et ne bénéficient pas toujours de soins psychiatriques appropriés. Le grave déficit de services de soins de santé mentale et de capacités d’accueil des services psychiatriques conduit souvent à placer à l’isolement des détenus ayant des troubles mentaux graves, notamment dans des cellules de sécurité, ce qui aggrave leur état de santé. Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles, dans les établissements pénitentiaires d’Ila, d’Ullersmo et d’Alna, des personnes présentant des symptômes de graves maladies mentales ne reçoivent pas de soins appropriés (art. 2, 11, 12, 13, 14 et 16).

20. Le Comité répète sa recommandation (voir CAT/C/NOR/CO/6-7, par. 13) invitant l ’ État partie à prendre toutes les mesures voulues pour que les détenus ayant des handicaps psychosociaux et des problèmes graves de santé mentale reçoivent des soins adaptés, en augmentant les capacités des services d ’ hospitalisation en psychiatrie, y compris les départements de sécurité, et en rendant les services de santé mentale pleinement accessibles dans toutes les prisons. L ’ État partie devrait cesser de soumettre les personnes ayant des handicaps mentaux et psychosociaux à un isolement total, en particulier lorsque leur état s ’ en trouverait aggravé.

Utilisation de mesures de contrainte dans les établissements de soins psychiatriques

21.Le Comité prend note des modifications apportées en 2017 à la loi relative aux soins de santé mentale et relève la nomination d’une commission législative chargée d’examiner l’utilisation des mesures de contrainte dans les services de santé, qui doit rendre son rapport au Gouvernement en juin 2019, mais il est préoccupé par ce qui suit :

a)L’utilisation toujours généralisée dans les établissements de santé mentale et les services psychiatriques de moyens de contention et d’autres méthodes de contrainte qui peuvent avoir des conséquences préjudiciables, d’ordre physique et mental, durables et irréversibles, comme l’administration sans consentement de neuroleptiques et d’autres médicaments psychotropes, et la pratique de la thérapie électroconvulsive sans consentement ;

b)La faiblesse des garanties procédurales offertes aux patients et le fait de ne pas privilégier en première intention des mesures moins intrusives pour éviter que les patients ne soient soumis sans leur consentement à un traitement, en particulier à la thérapie électroconvulsive ; l’insuffisance de l’information et des possibilités pour les patients de déposer une plainte pour dénoncer leur traitement, ainsi que la crainte des représailles qu’ils éprouvent s’ils le font ;

c)L’absence de renseignements clairs concernant la fréquence de l’utilisation de la thérapie électroconvulsive et les cas dans lesquels ce traitement coercitif est appliqué dans les différents établissements de santé mentale, et l’existence de différences géographiques dans l’utilisation des mesures de contrainte sans consentement, ainsi que l’absence d’un registre pour consigner systématiquement chaque mesure sans consentement et le fait que les patients n’en soient pas avisés par écrit ;

d)Le fait que l’application de la thérapie électroconvulsive soit régie par des directives et non par des dispositions à caractère législatif ;

e)Le fait qu’un deuxième avis donné par un professionnel de la santé indépendant ne soit pas obligatoire ;

f)Le fait que la mise en œuvre de la stratégie nationale visant à promouvoir les traitements volontaires dans les services de santé mentale (2012-2015) n’ait pas fait diminuer l’utilisation des mesures de contrainte (art. 2, 11, 12, 13, 14 et 16).

22. Le Comité réitère sa recommandation (voir CAT/C/NOR/CO/6-7, par. 14) invitant l ’ État partie à :

a) Faire en sorte que tout patient compétent, hospitalisé avec ou sans son consentement, soit pleinement informé du traitement qui doit lui être prescrit, y compris d ’ une mesure d ’ isolement, et puisse refuser l ’ isolement, le traitement ou toute autre intervention médicale, comme l ’ administration de neuroleptiques et la thérapie électroconvulsive ;

b) Promouvoir des soins psychiatriques qui permettent de préserver la dignité des patients, adultes et mineurs, et poursuivre ses efforts en vue de mettre fin à l ’ application injustifiée de mesures de contrainte, notamment en apportant de nouvelles modifications à sa législation ;

c) Faire en sorte que les mesures de contrainte en psychiatrie ne soient appliquées que dans le strict respect des normes relatives aux droits de l ’ homme, et fixer dans un texte législatif les cas dans lesquels il peut être dérogé à la règle du consentement libre et éclairé, qui doivent correspondre uniquement à des circonstances exceptionnelles, clairement et strictement définies ;

d) Faire en sorte que toute mesure de contrainte sans consentement soit consignée dans un registre officiel et à ce que le patient en soit informé par écrit ;

e) Faire en sorte qu ’ un traitement psychiatrique sans consentement, s ’ il doit être appliqué, soit seulement administré dans des cas exceptionnels, en dernier recours, pour une durée aussi courte que possible, dans les cas où il est absolument nécessaire pour protéger la santé ou la vie du patient, uniquement si le patient n ’ est pas capable de donner son consentement, et sous réserve d ’ un contrôle indépendant ;

f) Élaborer des règles claires et détaillées concernant l ’ utilisation des instruments de contention, des lits de contention et d ’ autres moyens de contrainte dans les établissements psychiatriques, afin de réduire sensiblement la fréquence et la durée de leur utilisation et d ’ éviter les différences géographiques dans leur application ;

g) Établir des garanties procédurales claires et efficaces, qui prévoient notamment, dans un texte législatif, la possibilité pour le patient de prendre des décisions avec l ’ assistance d ’ un représentant et la mise en place de dispositifs effectifs de plainte, qui garantissent l ’ accès du patient à des conseils juridiques, y compris au bénéfice de l ’ aide juridictionnelle, qui obligent à informer les patients de ce droit, lequel peut être exercé aussi longtemps que nécessaire, et qui assurent que le patient qui utilise le dispositif de plainte ne sera pas l ’ objet de représailles de la part du personnel ;

h) Renforcer le cadre réglementaire et énoncer dans un texte législatif les circonstances dans lesquelles une utilisation limitée de la thérapie électroconvulsive est autorisée, et mettre en place un système pour rassembler et rendre publiques des données statistiques uniformisées concernant l ’ utilisation des moyens de contention et d ’ autres méthodes de contrainte, y compris de la thérapie électroconvulsive ; chaque utilisation de ces méthodes devrait être consignée dans un registre officiel et faire l ’ objet d ’ un examen rigoureux de la part des commissions de contrôle ;

i) Envisager d ’ introduire dans la loi une disposition prévoyant la suppression de l ’ administration forcée de traitements intrusifs ayant des effets irréversibles, tels que la thérapie électroconvulsive ;

j) Assurer une réparation et des moyens de réadaptation aux personnes qui ont été soumises de façon arbitraire à des traitements psychiatriques violents, sans leur consentement et sans garanties procédurales ni contrôle indépendant.

Violence à l’égard des femmes

23.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie, mais est préoccupé par les actes ou les omissions survenus avec l’acceptation explicite ou tacite des représentants de l’État, dans un contexte où la violence à l’égard des femmes est très répandue. En particulier, il est préoccupé par :

a)Le fait que l’article 291 du Code pénal n’a pas été modifié de façon à placer l’absence de consentement libre au centre de la définition du viol, alors que tout acte sexuel sans consentement constitue une infraction établie à l’article 297 du Code pénal et emporte une peine plus légère ;

b)Le fait que les enquêtes dans les affaires de viol seraient inefficaces ou inappropriées, le petit nombre de condamnations pénales prononcées pour viol et le taux élevé d’acquittements dans les affaires de viol par rapport aux autres infractions violentes ;

c)L’incidence élevée de la violence, y compris des agressions sexuelles, dont sont victimes les femmes et les jeunes filles sâmes, et le manque de confiance que les communautés sâmes manifesteraient à l’égard des autorités publiques (art. 2, 12, 13, 14 et 16).

24. L ’ État partie devrait :

a) Modifier l ’ article 291 du Code pénal de façon que l ’ absence de consentement libre soit au centre de la définition du viol, conformément aux normes internationales et aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention d ’ Istanbul, afin que les viols ne relevant pas de la définition étroite actuelle ne soient pas traités comme une infraction sexuelle mineure et que les affaires ne soient pas closes au motif que « l ’ acte criminel n ’ est pas établi » ;

b) Renforcer les capacités et la formation des membres de la police, des procureurs et des juges afin de permettre des enquêtes plus diligentes et des poursuites plus efficaces dans les affaires de violence à l ’ égard des femmes, y compris de violence sexuelle, comme le viol ;

c) Faire une étude pour déterminer les causes profondes de la violence dans la communauté sâme et élaborer, en consultation avec celle-ci, un plan d ’ action comportant des mesures de prévention et de protection, et accroître les efforts visant à bâtir la confiance de la communaut é dans les autorités publiques.

Situation des mineurs demandeurs d’asile

25.Le Comité est préoccupé par le fait qu’un grand nombre de mineurs demandeurs d’asile non accompagnés, âgés de 15 à 18 ans, disparaissent des centres d’accueil, en particulier lorsqu’ils approchent de l’âge de 18 ans, parce que la plupart des mineurs reçoivent un permis de séjour temporaire qui expire quand ils ont 18 ans et qu’ils risquent alors d’être renvoyés dans leur pays d’origine ou de transit. Il note aussi avec préoccupation que les soins qui leur sont dispensés ne sont pas de même qualité que ceux dont bénéficient les mineurs pris en charge par les services de protection de l’enfance. Il note également avec préoccupation que les mesures de protection ne sont pas suffisantes et que les enquêtes menées sur les cas de disparition n’ont pas donné de résultats concluants, ce qui expose les mineurs au risque de tomber entre les mains de trafiquants et de criminels (art. 2, 11 et 16).

26. L ’ État partie devrait veiller à ce que les mineurs demandeurs d ’ asile non accompagnés âgés de 15 à 18 ans bénéficient de la même qualité de soins que les enfants qui sont pris en charge par les services de protection de l ’ enfance, et devrait renforcer leur protection. Il devrait prendre des mesures de prévention efficaces et quand il se produit une disparition procéder à des enquêtes approfondies, y compris à des enquêtes de police et à l ’ ouverture de poursuites dans les cas de trafic.

Situation dans les centres de détention pour migrants

27.Le Comité note que la réglementation du centre de rétention de Trandum a été révisée et que de nouveaux centres ont été établis, mais il s’inquiète du traitement réservé aux demandeurs d’asile qui s’y trouvent, comportant par exemple des fouilles corporelles qui ont été qualifiées d’humiliantes et d’attentatoires à la dignité et à l’intégrité de la personne, et dans certains cas le port de menottes pendant le transfert. Il note également avec préoccupation que tous les centres de détention ne proposent pas, comme ils le devraient, un examen médical aux migrants à leur arrivée et, en particulier, que certaines des municipalités qui accueillent ces centres refusent de fournir des soins de santé aux demandeurs d’asile ou le font très tardivement, en invoquant des difficultés linguistiques et culturelles, leur manque de compétences et l’incertitude quant à la régularité du séjour. Faute d’examen médical il est impossible de déceler des signes de torture et d’assurer le traitement nécessaire aux personnes qui ont subi des tortures (art. 3, 11 et 16).

28. Le Comité réitère ses observations précédentes (voir CAT/C/NOR/CO/6-7, par. 15) et recommande à l ’ État partie de veiller à ce que toutes les personnes placées dans le centre de rétention de Trandum, ainsi que dans les autres centres de détention pour migrants, soient traitées dans le respect de la loi et n ’ y restent que pendant la durée fixée par la loi, et soient soumises à des conditions et à un traitement conformes aux normes internationales, notamment aux Règles Nelson Mandela. Ces personnes devraient également bénéficier de toutes les garanties de non-refoulement. L ’ État partie devrait en outre faire en sorte que toute personne arrivant dans un centre se voit proposer d ’ être examinée sans délai par un médecin, et mettre en place des procédures permettant de repérer les demandeurs d ’ asile qui ont été victimes de torture et d ’ évaluer le risque de torture encouru en cas d ’ expulsion.

Formation

29.Le Comité prend note des programmes d’enseignement et de formation dispensés aux responsables de l’application des lois et aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, ainsi que des mesures prises pour élaborer des techniques d’enquête non coercitives, mais il est préoccupé par les constatations des organismes publics de surveillance selon lesquelles le personnel de la prison de Norgerhaven (Pays-Bas), louée par la Norvège pour une période de trois ans jusqu’au 31 août 2018, n’a pas une grande connaissance du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) et par le fait que le personnel médical et les autres professionnels en contact avec des personnes privées de liberté ne reçoivent pas forcément une formation aux dispositions de la Convention et du Protocole d’Istanbul (art. 2, 10, 11 et 16).

30. L ’ État partie devrait :

a) Faire en sorte que le Protocole d ’ Istanbul soit une composante essentielle de la formation dispensée à tous les professionnels de la santé et fonctionnaires qui s ’ occupent des personnes privées de liberté ;

b) Rendre obligatoire la formation aux dispositions de la Convention et au principe de l ’ interdiction absolue de la torture pour les responsables de l ’ application des lois et les fonctionnaires de l ’ administration pénitentiaire, ainsi que pour les juges, les procureurs et les avocats ;

c) Élaborer et mettre en œuvre des méthodes spécifiques pour analyser l ’ efficacité et l ’ impact des programmes d ’ enseignement et de formation aux dispositions de la Convention qui sont dispensés aux fonctionnaires concernés, pour ce qui est de réduire le nombre de cas de torture.

Surveillance des lieux de privation de liberté

31.Le Comité est préoccupé par le fait que la location par l’État partie de la prison de Norgerhaven aux Pays-Bas limite les possibilités de contrôle du traitement des détenus. Il est aussi préoccupé par le fait que la majorité des détenus qui ont été transférés dans cette prison sont des étrangers (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

32. L ’ État partie devrait :

a) S ’ abstenir de prendre en location des centres de détention situés à l ’ extérieur de son territoire et faire en sorte que ses fonctionnaires et ses organismes publics de surveillance, y compris le mécanisme national de prévention et l ’ institution nationale des droits de l ’ homme, puissent s ’ acquitter pleinement de leurs obligations découlant de la Convention et, par exemple, surveiller régulièrement les conditions de détention dans tous les établissements pénitentiaires et lieux de privation de liberté ;

b) Faire en sorte que le personnel pénitentiaire soit suffisamment nombreux et compétent ;

c) S ’ abstenir de toute mesure de détention discriminatoire à l ’ égard des étrangers dans les centres de détention situés à l ’ extérieur de son territoire.

Procédure de suivi

33. Le Comité demande à l ’ État partie de lui faire parvenir, au plus tard le 18 mai 2019, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée à ses recommandations concernant la détention prolongée dans les cellules de la police, les soins de santé mentale pour les détenus et la situation dans les centres de détention pour migrants (voir par.  14, 20 et 28). Dans ce contexte, l ’ État partie est invité à informer le Comité des mesures qu ’ il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d ’ ici la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

34. Le Comité invite l ’ État partie à ratifier les pri ncipaux instruments des Nations  Unies relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie.

35. L ’ État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l ’ intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

36. Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le neuvième, le 18 mai 2022 au plus tard. À cette fin, et compte tenu du fait que l ’ État partie a accepté d ’ établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui adressera en temps voulu une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constitueront le neuvième rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 19 de la Convention.