CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/63/CO/7

10 décembre 2003

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DELA DISCRIMINATION RACIALESoixante‑troisième session4‑22 août 2003

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

LETTONIE

1.Le Comité a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques de la Lettonie (CERD/C/398/Add.2), attendus respectivement les 14 mai 1999 et 2001, soumis en un seul document, ainsi que les informations supplémentaires fournies (CERD/C/398/Add.2 (Suppl.)), à ses 1598e et 1599e séances (CERD/C/SR.1598 et 1599), tenues les 13 et 14 août 2003. À sa 1610e séance (CERD/C/SR.1610), tenue le 21 août 2003, le Comité a adopté les conclusions suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport et les informations supplémentaires soumises par l’État partie, ainsi que les renseignements complémentaires fournis par la délégation oralement et par écrit. Il se félicite de la qualité du rapport et du processus participatif auquel a donné lieu son élaboration. Le Comité est encouragé par la participation d’une délégation de haut rang et la remercie des réponses franches et constructives apportées à ses questions.

B. Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des efforts que l’État partie déploient actuellement pour réviser sa législation afin de la mettre en conformité avec les normes internationales. En particulier, le Comité prend note de l’amendement apporté à la loi relative à la Cour constitutionnelle, qui autorise les particuliers à saisir cette juridiction, du nouveau Code du travail, adopté en juin 2001, qui proclame l’égalité de droits sans distinction à but ou effet discriminatoire, et des amendements apportés au Code électoral, en mai 2002.

4.Le Comité se félicite également de l’adoption de la nouvelle loi sur les pièces d’identité supprimant la mention de l’origine ethnique du titulaire, conformément à une recommandation formulée par le Comité dans ses précédentes conclusions (CERD/C/304/Add.79, par. 24).

5.Le Comité est encouragé par les efforts entrepris par l’État partie pour soutenir et faciliter le processus de naturalisation moyennant des mesures d’ordre juridique et des projets ciblés.

6.Le Comité accueille avec satisfaction le Programme national pour l’intégration sociale en Lettonie, adopté en février 2001, ainsi que la création en 2002 du poste de ministre chargé des missions spéciales aux fins de l’intégration sociale, qui a pour tâche de coordonner les politiques relatives à la lutte contre la discrimination, aux minorités et à l’intégration sociale.

7.Le Comité se félicite de l’arrêt de la Cour suprême en date du 6 juin 2003 déclarant anticonstitutionnel le paragraphe 5 de l’article 19 de la loi sur l’audiovisuel prévoyant de restreindre le temps d’antenne consacré par les médias privés lettons à des émissions dans des langues parlées par des minorités.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

8.Le Comité note avec préoccupation que les dispositions législatives définissant la discrimination raciale ne sont pas totalement en conformité avec le paragraphe 1 de l’article premier de la Convention. Tout en sachant que des amendements au Code du travail de 2001 ayant pour objet de définir la discrimination indirecte sont en cours d’élaboration, le Comité note que fonder la détermination d’une discrimination indirecte sur un critère quantitatif n’est pas conforme à sa recommandation générale XIV. En outre, le Comité note que les dispositions pertinentes du Code du travail et du Code pénal ne mentionnent pas certains des motifs de discrimination visés dans la Convention, et que ces dispositions ne couvrent pas pleinement les sphères civile, politique, économique, sociale et culturelle de la vie publique, contrairement à ce que prescrit la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts portant sur l’élaboration d’une loi d’ensemble contre la discrimination et sur les amendements au Code du travail. Il demande instamment à l’État partie de reprendre intégralement dans sa législation la définition de la discrimination raciale figurant au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention.

9.Le Comité prend note de l’entrée en vigueur en septembre 2000 de la loi sur la langue nationale destinée à promouvoir la langue lettone et une meilleure intégration des membres des minorités ethniques dans la société lettone. Le Comité s’inquiète des éventuels effets négatifs d’une interprétation restrictive et rigoureuse de ce texte législatif. En outre, l’ampleur des exigences linguistiques énoncées dans la loi sur la langue nationale en matière d’emploi, en particulier dans le secteur privé, pourrait aboutir à une discrimination à l’égard des minorités.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que la loi sur la langue nationale ne se traduise pas par des restrictions inutiles susceptibles d’engendrer ou de perpétuer une discrimination ethnique. Le Comité appelle l’État partie à garantir aux groupes vulnérables, tels que les détenus, les malades et les pauvres et les populations ne parlant pas le letton, la possibilité de communiquer avec les autorités concernées en mettant, au besoin, à leur disposition des moyens de traduction.

10.Le Comité constate avec préoccupation que la législation de l’État partie ne répond pas totalement aux prescriptions de l’article 4 de la Convention. Le Comité note que l’État partie n’a pas expressément interdit les activités de propagande organisées et tout autre type d’activité de propagande ni fait de la participation à de telles activités une infraction punissable par la loi, malgré les dispositions de l’article 4 b) de la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie de réviser sa législation interne à la lumière de sa recommandation générale XV concernant l’application de l’article 4 de la Convention, et d’adopter un texte législatif spécifique contre les activités de propagande organisées et tout autre type d’activité de propagande qui incitent à la discrimination raciale et l’encouragent, sans considération du statut juridique de ce groupe ou de cette organisation.

11.Le Comité est préoccupé par la faiblesse du nombre d’instances engagées en rapport avec l’article 4 et recommande à l’État partie de s’attacher à déterminer si le petit nombre de plaintes n’est pas imputable à la méconnaissance de leurs droits par les victimes, à un manque de confiance de la population à l’égard de la police et de l’autorité judiciaire ou une inattention ou insensibilité des autorités aux affaires de discrimination raciale.

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements statistiques désagrégés sur les affaires signalées à la police, les poursuites engagées et les peines prononcées concernant des délits en rapport avec la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine, l’incitation à la discrimination raciale, la violence raciale et la participation à de tels actes, au sens de l’article 4 de la Convention.

12.Le Comité reconnaît que l’exercice des droits politiques peut légitimement être reconnu aux seuls nationaux. Néanmoins, notant que la plupart des non‑ressortissants résident depuis de nombreuses années en Lettonie et que certains y résident même depuis leur naissance, le Comité recommande vigoureusement que l’État partie envisage de faciliter le processus d’intégration en accordant la possibilité de participer aux élections locales à tous les non‑ressortissants résidant depuis longtemps à titre permanent dans le pays.

13.Tout en prenant note des mesures prises par l’État partie en vue d’accroître le rythme des naturalisations de non‑ressortissants, le Comité demeure préoccupé par le peu de résultats auxquels ont abouti ces efforts. Le Comité est préoccupé par le nombre croissant de personnes échouant à l’examen de langue lettone et se demande avec inquiétude si tous les moyens d’instruction nécessaires à l’apprentissage de cette langue sont disponibles ou accessibles pour toutes les personnes souhaitant en bénéficier.

Le Comité recommande à l’État partie d’étudier plus avant les causes profondes de la faiblesse du nombre des demandes de naturalisation en vue de définir des stratégies en direction de certains groupes de demandeurs potentiels. Le Comité souligne que des mesures positives devraient être mises en œuvre pour inciter les non‑ressortissants à engager cette démarche, tout en veillant à ce que les mesures prises n’influent pas de manière négative sur leur statut actuel. Le Comité appelle en outre vigoureusement l’État partie à veiller, dans la mesure du possible, à ce que toutes les personnes souhaitant apprendre la langue lettone en aient la possibilité.

14.Le Comité regrette que le rapport de l’État partie ne contiennent pas de données désagrégées sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels énumérées à l’article 5 e) de la Convention.

Le Comité invite l’État partie à fournir dans son prochain rapport périodique des données ventilées par ethnie et sexe relatives à l’exercice des droits énoncés à l’article 5 e) de la Convention compte tenu, entre autres, de ses recommandations générales XXV concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale et XXVII concernant la discrimination à l’égard des Roms.

15.Le Comité exprime sa préoccupation face aux restrictions imposées aux non‑ressortissants dans le domaine de l’emploi.

Le Comité engage l’État partie à réduire la liste des emplois réservés aux nationaux et à la garder à l’examen afin de veiller à ne pas restreindre indûment l’exercice du droit de travailler.

16.Tout en sachant que le système éducatif contribue grandement à instaurer une société cohérente, le Comité constate avec préoccupation que la réforme de l’éducation qui aboutira à l’introduction d’un enseignement bilingue dans toutes les écoles des minorités d’ici à septembre 2004 pourrait, au cas où elle serait appliquée selon l’échéancier proposé, susciter des problèmes dans le domaine éducatif pour les minorités linguistiques .

Le Comité encourage l’État partie à demeurer attentif aux besoins et aux aptitudes des personnes affectées et concernées au premier chef par la réforme et à faire preuve de souplesse à cet égard. Maintenir un dialogue étroit avec les écoles et les communautés locales, parents et enfants compris, revêt une importance déterminante pour ce processus. Le Comité engage en outre l’État partie à suivre de près le déroulement du processus de réforme dans le souci de maintenir à un niveau élevé la qualité de l’éducation dispensée, notamment en envisageant de prolonger la période de transition avant le passage à un enseignement bilingue et en s’employant à prévenir tous effets négatifs susceptibles de se manifester autrement.

17.Tout en ayant connaissance de la possibilité de créer des écoles privées dispensant, entre autres, une éducation en langue minoritaire, le Comité engage l’État partie à veiller à ce que le financement des écoles privées s’effectue en conformité avec la Convention.

18.Le Comité regrette l’absence de toute information se rapportant à l’article 5 f) de la Convention, relatif au droit d’accès à tous lieux et services destinés à l’usage du public.

Le Comité demande à l’État partie de fournir des informations sur l’application de l’article 5 f) de la Convention, comme il l’a prescrit dans sa recommandation générale XX. Le Comité recommande en outre à l’État de s’attacher à incorporer des dispositions pertinentes dans le nouveau texte législatif contre la discrimination en cours de rédaction.

19.Tout en notant que l’État partie est en train d’améliorer sa législation en vue d’assurer une protection et des recours efficaces contre tous actes de discrimination raciale, notamment le droit d’obtenir réparation en cas de discrimination, le Comité est préoccupé par la très faible connaissance que la population a de pareilles possibilités.

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier les efforts qu’ils consacrent à l’amélioration et à l’adoption de la législation améliorée en la matière. L’État partie est en outre encouragé à mener une action d’information, en particulier en direction des groupes les plus vulnérables de la société, sur l’existence de recours judiciaires.

20.Le Comité est préoccupé par la persistance de stéréotypes raciaux et ethniques négatifs et note que les activités d’éducation et de formation menées par l’État partie pourraient ne pas avoir été suffisantes pour combattre les pratiques et aptitudes discriminatoires.

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts tendant à combattre les préjugés et de promouvoir la compréhension et la tolérance par le canal d’un large éventail de mesures en direction tant des groupes professionnels qui travaillent avec les personnes appartenant à des groupes minoritaires et de ces personnes que du grand public. Le Comité encourage l’État partie à mener une action de sensibilisation aux divers problèmes en rapport avec la discrimination raciale, ce dans le cadre du processus participatif de grande envergure engagé en vue de l’élaboration du plan d’action national pour l’application de la Déclaration et du Plan d’action de Durban.

21.Le Comité encourage l’État partie à consulter un éventail élargie d’organisations de la société civile actives dans le domaine des droits de l’homme, plus particulièrement celles participant à la lutte contre la discrimination raciale, à l’occasion de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

22.Le Comité se félicite de l’information selon laquelle l’État partie envisage de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention et attend avec intérêt des renseignements complémentaires sur ce point dans le prochain rapport périodique.

23.Le Comité recommande instamment à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et entériné par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À ce propos, le Comité attire l’attention de l’État partie sur la résolution de l’Assemblée générale 57/194 du 18 décembre 2002, dans laquelle l’Assemblée demande instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement.

24.Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les progrès accomplis en ce qui concerne le plan d’action national en cours d’élaboration ainsi que sur les autres mesures qu’il pourrait avoir prises pour mettre en œuvre au niveau national la Déclaration et le Programme d’action de Durban.

25.Le Comité recommande à l’État partie de mettre à la disposition du grand public ses rapports périodiques dès leur soumission et de faire connaître de la même manière les conclusions correspondantes du Comité en letton ainsi qu’en russe et toute autre langue minoritaire, selon qu’il conviendra.

26.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses sixième, septième et huitième rapports périodiques en seul document, attendu le 14 mai 2007, et d’y traiter tous les points abordés dans les présentes conclusions.

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