CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/63/CO/2

10 décembre 2003

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DELA DISCRIMINATION RACIALESoixante‑troisième session4‑22 août 2003

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

BOLIVIE

1.Le Comité a examiné les quatorzième à seizième rapports périodiques de la Bolivie, qui auraient dû être présentés entre 1997 et 2001, réunis en un seul document (CERD/C/409/Add.3), à ses 1594e et 1595e séances (CERD/C/SR.1594 et 1595), tenues les 11 et 12 août 2003. À sa 1610e séance (CERD/C/SR.1610), tenue le 21 août 2003, le Comité a adopté les conclusions suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par l’État partie et les informations complémentaires orales et écrites fournies par la délégation bolivienne. Il regrette cependant que les informations complémentaires écrites aient été présentées tardivement, ce qui n’a pas permis aux membres du Comité de les examiner avant d’engager le dialogue avec la délégation.

3.Le Comité sait gré à la délégation de l’État partie des réponses utiles qu’elle lui a fournies et de sa volonté d’engager un dialogue constructif avec le Comité. En outre, le Comité note avec satisfaction le fait que la délégation de l’État partie ait été dirigée par le Vice-Ministre des affaires autochtones.

B. Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

4.Le Comité note qu’en dépit des progrès considérables et des efforts remarquables de l’État partie, la Bolivie demeure l’un des pays les plus pauvres et les moins avancés d’Amérique latine. D’après les indicateurs de pauvreté pour 2002, 64,3 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (53,3 % de la population des zones urbaines et 82,1 % de la population des zones rurales). Le Comité est particulièrement préoccupé par ces données et souligne que l’écart entre les zones urbaines et les zones rurales touche particulièrement les peuples autochtones et leurs conditions de vie quotidiennes.

C. Aspects positifs

5.Le Comité considère que le rapport approfondi et détaillé de l’État partie est, dans l’ensemble, conforme aux principes directeurs relatifs à l’établissement des rapports périodiques et répond à certaines des préoccupations et recommandations exprimées par le Comité à l’issue de l’examen du rapport précédent.

6.Le Comité note avec satisfaction que la Bolivie est partie à une vaste gamme d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment à la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants et à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

7.Le Comité prend note avec satisfaction des nombreuses mesures qui sont prises pour assurer la promotion et la protection des droits de l’homme, notamment la disposition de la nouvelle Constitution de 1995 reconnaissant que la Bolivie est un État multiethnique et multiculturel, l’institution récente du Médiateur (Défenseur du peuple), l’entrée en vigueur en 1999 du nouveau Code de procédure pénale et l’adoption du Plan pour l’égalité entre les hommes et les femmes pour la période 2003‑2007. Le Comité prend note également avec satisfaction de l’institution dans chaque municipalité d’un médiateur pour les enfants et les adolescents.

8.Pour ce qui est de l’article 2 de la Convention, le Comité prend note avec satisfaction de l’information selon laquelle des bureaux locaux relevant du Ministère de la justice et des droits de l’homme ont été ouverts pour recevoir les plaintes pour violation des droits de l’homme.

9.Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour veiller à ce que les membres des peuples autochtones qui, d’après le recensement de 2001, représentent 61,8 % de la population, soient libres et égaux en dignité et en droits aux autres Boliviens et ne fassent l’objet d’aucune discrimination, notamment les dispositions légales visant à reconnaître les titres de propriété foncière des autochtones en tant que groupes ou individus ainsi que leur droit à la jouissance exclusive des ressources naturelles renouvelables situées sur leurs terres. À cet égard, le Comité salue particulièrement la création du Tribunal des affaires agricoles.

10.Le Comité, gravement préoccupé par l’information selon laquelle une réunion «néonazie» devait se tenir en avril 2001 et par l’existence d’un tel phénomène dans le pays, note avec satisfaction les mesures prises par l’État partie qui a su empêcher la tenue de ce rassemblement, conformément à l’article 4 b) de la Convention.

11.Le Comité prend note également avec satisfaction des mesures qui ont été prises pour reconnaître les langues autochtones de façon adéquate.

D. Sujets de préoccupation et recommandations

12.Le Comité regrette le peu d’informations se rapportant à l’article 4 de la Convention et note avec préoccupation l’absence de dispositions législatives punissant la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciales ainsi que les actes de violence ou l’incitation à de tels actes, et les organisations prônant la discrimination raciale, ainsi que l’exige l’article 4 de la Convention.

À cet égard, le Comité réitère sa recommandation précédente dans laquelle il a invité instamment l’État partie à s’acquitter de ses obligations de déclarer délits punissables par la loi toutes les formes de discrimination raciale, ainsi qu’il est stipulé à l’article 4 de la Convention.

13.Tout en saluant les efforts faits par l’État partie pour assurer la jouissance et l’exercice des droits des peuples autochtones en adoptant des réformes constitutionnelles, juridiques et institutionnelles, le Comité note avec préoccupation l’information selon laquelle des terres autochtones seraient attribuées à des sociétés privées, en particulier dans les communautés de Chiquitano, Beni et Santa Cruz.

Le Comité invite l’État partie à mettre en œuvre de façon cohérente dans la pratique la législation remarquable qu’il a adoptée afin de reconnaître les droits fondamentaux des peuples autochtones et d’améliorer leurs conditions de vie. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale XXIII demandant, notamment, aux États parties de reconnaître et de protéger les droits des populations autochtones de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d’utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux et, lorsqu’elles ont été privées des terres et territoires qui, traditionnellement, leur appartenaient ou, sinon, qu’elles habitaient ou utilisaient, sans leur libre consentement donné en connaissance de cause, de prendre des mesures pour que ces terres et ces territoires leur soient rendus.

14.Le Comité est également préoccupé par des informations selon lesquelles les défenseurs des droits de l’homme qui aident des membres de groupes autochtones parties à des différends fonciers, continuent d’être menacés et harcelés par des policiers, en particulier dans la région de Chapare.

Le Comité recommande instamment à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des défenseurs des droits de l’homme contre toutes violences, menaces, représailles, discriminations de fait, pressions ou mesures arbitraires exercées au motif de leurs activités. À cet égard, le Comité rappelle sa recommandation générale XIII concernant la formation des responsables de l’application des lois à la protection des droits de l’homme et encourage l’État partie à améliorer la formation de ces responsables, en particulier celle des fonctionnaires de police, afin de permettre que les dispositions de la Convention soient pleinement appliquées.

15.Le Comité prend note de l’insuffisance des informations relatives à la communauté afro‑bolivienne qui, selon les informations qu’il a reçues, compterait quelque 31 000 personnes qui vivent au niveau le plus bas de l’échelle socioéconomique et subissent des inégalités considérables en ce qui concerne la santé, l’espérance de vie, l’éducation, le revenu, l’alphabétisation, l’emploi et le logement. Le Comité note en outre que la législation interne ne contient aucune disposition particulière concernant ce groupe.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures visant à ce que les membres de la communauté afro‑bolivienne exercent pleinement les droits énoncés à l’article 5 de la Convention et de lui fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique, en particulier sur le niveau de vie ainsi que l’éducation et la situation sociale de ces personnes.

16.Quoiqu’il comprenne la nécessité d’adopter des mesures visant à réduire la production illicite et le trafic de coca, le Comité est préoccupé par les conséquences négatives possibles de ces mesures, en particulier pour les membres des communautés autochtones.

À cet égard, le Comité recommande que l’État partie fasse figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements complémentaires et plus précis sur la superficie des terres sur lesquelles la production de coca a été supprimée, les méthodes alternatives de culture ou d’utilisation de ces terres, la superficie qui reste consacrée à la culture de la coca, le nombre de personnes touchées et leur origine ethnique ainsi que les incidences des mesures prises par l’État partie sur leur niveau de vie.

17.Le Comité constate l’insuffisance des informations concernant les mesures législatives, judiciaires, administratives ou autres qui donnent effet à la disposition énoncée à l’article 6 de la Convention. Il rappelle à l’État partie que l’absence de plaintes et de poursuites judiciaires émanant de victimes d’actes de discrimination raciale peuvent indiquer principalement l’absence de législation spécifique ou l’ignorance des recours judiciaires disponibles, ou encore la volonté insuffisante des autorités d’engager des poursuites.

Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que des dispositions appropriées soient prévues dans la législation nationale et de fournir au public des informations adéquates sur tous les recours juridiques prévus en cas de discrimination raciale. Le Comité demande en outre à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations statistiques sur les poursuites engagées et les peines imposées pour des infractions relatives à la discrimination raciale ayant donné lieu à l’application de dispositions pertinentes de la législation interne en vigueur.

18.Concernant l’article 7 de la Convention, le Comité encourage l’État partie à faire des efforts supplémentaires pour diffuser la Convention et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dans les principales langues du pays.

19.Le Comité encourage l’État partie à consulter les organisations de la société civile qui participent à la lutte contre la discrimination raciale lorsqu’il établira son prochain rapport périodique.

20.Le Comité note que l’État partie n’a pas fait la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention et lui demande instamment d’envisager la possibilité de la faire.

21.Le Comité recommande vivement à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvée par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité renvoie à la résolution 57/194 de l’Assemblée générale en date du 18 décembre 2002, dans laquelle l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement.

22.Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il applique dans son ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, et d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plans d’action ou autres mesures adoptés pour appliquer cette déclaration et ce plan d’action au niveau national.

23.Le Comité recommande à l’État partie de rendre ses rapports périodiques aisément accessibles au public dès qu’ils sont soumis et de publier de la même manière les conclusions du Comité.

24.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son septième rapport périodique en même temps que le huitième, attendu le 21 octobre 2005, en un seul document, et d’y répondre à tous les points soulevés dans les présentes conclusions.

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