CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/63/Dec.1

10 décembre 2003

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DELA DISCRIMINATION RACIALESoixante‑troisième session4‑22 août 2003

PRÉVENTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, Y COMPRIS MESURES D’ALERTE RAPIDE ET PROCÉDURE D’ACTION URGENTE

Décision 1 (63)

Situation en République démocratique populaire lao

Le Comité constate avec préoccupation que la République démocratique populaire lao, qui a ratifié la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale en 1974, accuse un retard de 18 ans dans la soumission de ses rapports au Comité.

Le Comité a examiné en 1992 et 1996 la situation de ce pays au titre de sa procédure de bilan (procédure d’examen sans rapport). En 2001, un nouvel examen au titre de cette procédure a été programmé, puis remis à plus tard sur demande des autorités de la République démocratique populaire lao, qui ont promis la soumission d’un rapport. Néanmoins, en août 2003, les sixième à quinzième rapports périodiques de l’État partie, dus pour les années 1985 à 2003, n’étaient toujours pas parvenus au Comité. Le Comité a alors décidé, à nouveau, d’examiner la situation en République démocratique populaire lao à sa session d’août 2003.

Le Comité, au vu des informations particulièrement préoccupantes qui lui ont été présentées sur la situation des droits de l’homme en République démocratique populaire lao, n’a pas accédé à la nouvelle demande des autorités de reporter cet examen, sur promesse d’un rapport pour 2004, et a décidé, à sa 1593e séance, le 11 août 2003, qu’il adopterait une décision au titre de sa procédure d’alerte rapide et d’intervention d’urgence:

1.Le Comité regrette profondément que la République démocratique populaire lao ait négligé ses obligations découlant de l’article 9 de la Convention. Un tel retard dans la soumission des rapports périodiques constitue un obstacle à un examen approfondi des mesures qui doivent être prises par l’État partie pour assurer une application satisfaisante de la Convention.

2.Le Comité exprime sa forte préoccupation face aux informations dont il dispose, et qui font état de violations graves et répétées des droits de l’homme en République démocratique populaire lao, en particulier d’atteintes aux droits à la vie, à l’intégrité physique et à la sécurité, et aux libertés d’expression, d’association et de religion, ainsi que des discriminations sur les plans économique, social et culturel envers les membres de la minorité hmong, laquelle constitue environ 7,4 % de la population.

3.Le Comité est extrêmement préoccupé d’apprendre qu’une partie de la minorité hmong, qui a trouvé refuge dans la jungle ou certaines régions montagneuses du Laos depuis la fin de la guerre, en 1975, serait l’objet de graves exactions. Des actes de violence extrême, tels que des bombardements de villages, l’utilisation d’armes chimiques et de mines terrestres, des exécutions extrajudiciaires et des tortures, seraient actuellement commis par les forces armées au cours de campagnes militaires contre les habitants de villages retirés des provinces de Xiengkhuang, Nord Vientiane‑Vang Vieng, Bolikhamsai et Sainyabuli et de la zone spéciale de Saisombun. Selon certaines informations, des hommes, des femmes et des enfants de la communauté des Hmongs vivent dans de terribles conditions de pauvreté, souffrent de malnutrition et d’un manque total d’accès aux soins médicaux.

4.Le Comité déplore les mesures prises par les autorités laotiennes pour empêcher toute information sur la situation dans laquelle se trouvent les Hmongs qui ont trouvé refuge dans la jungle ou les montagnes. Il s’inquiète en particulier de l’arrestation, puis la condamnation à 15 ans de prison, en juin 2003, de deux journalistes étrangers et de leurs assistants, alors qu’ils enquêtaient sur cette question. Le Comité, tout en se félicitant de la libération des deux journalistes et de leur interprète, reste préoccupé par le sort réservé aux assistants hmongs jugés en même temps qu’eux, et qui seraient encore maintenus en détention dans des conditions très dures.

5.Le Comité souligne qu’en l’absence de délégation étatique lors de l’examen de la situation en République démocratique populaire lao, il n’a pas été en mesure de procéder à un échange de vues avec l’État partie.

6.Au vu des informations qui précèdent, le Comité:

a)Exhorte l’État partie à cesser immédiatement les actes de violence commis à l’encontre de la population hmong qui a trouvé refuge dans la jungle ou certaines régions montagneuses de la République démocratique populaire lao;

b)Demande instamment à l’État partie d’assurer la libre circulation et l’accès de ces personnes à une nourriture suffisante et à des soins médicaux;

c)Prie l’État partie de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que soient libérés au plus vite les assistants hmongs qui ont contribué au reportage effectué par les deux journalistes étrangers sur la situation de la minorité hmong, dès lors que ces journalistes ont eux‑mêmes été libérés;

d)Demande aux autorités laotiennes de faire parvenir de toute urgence au Comité un rapport spécial contenant des informations sur les questions soulevées ci‑dessus et sur les mesures prises pour prévenir la discrimination raciale, et en tout état de cause, les rapports périodiques dus en application de l’article 9 de la Convention.

7.Le Comité prie instamment le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies:

a)D’attirer l’attention des organes compétents des Nations Unies sur le caractère particulièrement préoccupant de la situation des droits de l’homme en République démocratique populaire lao, et de leur demander de prendre toutes les mesures appropriées à cet égard, y compris l’envoi d’une mission en République démocratique populaire lao, en vue d’assister l’État partie dans l’exécution de son obligation de respecter les droits de l’homme et d’éliminer toutes les formes de discrimination raciale. À ce propos, le Comité attire l’attention du Secrétaire général sur la disponibilité de ses membres pour participer à une telle mission;

b)De prier les organismes, fonds, programmes et institutions spécialisées des Nations Unies, dans le cadre de leurs compétences respectives, de prendre les mesures d’assistance humanitaire appropriées en faveur de la population hmong qui a trouvé refuge dans la jungle ou certaines régions montagneuses de la République démocratique populaire lao, particulièrement dans les domaines de l’alimentation et de l’accès aux soins médicaux.

1609 e séance 21 août 2003

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