Nations Unies

CRC/C/AZE/CO/5-6

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

22 février 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport de l’Azerbaïdjan valant cinquième et sixième rapports périodiques *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de l’Azerbaïdjan valant cinquième et sixième rapports périodiques à ses 2680e et 2681e séances, les 23 et 24 janvier 2023, et adopté les présentes observations finales à sa 2698e séance, le 3 février 2023.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’Azerbaïdjan valant cinquième et sixième rapports périodiques ainsi que les réponses écrites à la liste de points, qui lui ont permis de mieux appréhender la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

3.Le Comité salue les progrès accomplis par l’État partie dans divers domaines, notamment la ratification, en 2019, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels et les mesures prises pour réduire la mortalité maternelle et juvénile et le placement en institution, renforcer le système d’adoption et améliorer la situation des enfants handicapés.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4.Le Comité rappelle à l’État partie le caractère indivisible et interdépendant de tous les droits consacrés par la Convention et souligne l’importance de toutes les recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il appelle l’attention de l’État partie sur les recommandations concernant les domaines ci-après, dans lesquels il est urgent de prendre des mesures : non-discrimination (par. 17) ; respect de l’opinion de l’enfant (par. 21) ; violence à l’égard des enfants (par. 25) ; enfants privés de milieu familial (par. 30) ; enfants handicapés (par. 34) ; santé et services de santé (par. 36).

5. Le Comité recommande à l’État partie de garantir la réalisation des droits de l’enfant conformément à la Convention, au Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et au Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. De plus, il le prie instamment de faire en sorte que les enfants participent activement à la conception et à l’application des politiques et des programmes les concernant qui visent à atteindre les 17 objectifs de développement durable.

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6))

Législation

6. Le Comité prend note des objectifs liés à la législation énoncés dans la Stratégie nationale pour les enfants pour la période 2020-2030 et recommande à l’État partie :

a) D ’accélérer l’adoption de la législation en cours d’élaboration et de veiller à ce que celle-ci soit pleinement conforme aux dispositions de la Convention et de ses protocoles facultatifs ;

b) D ’établir des lignes directrices aux fins de l’application directe de la Convention et d’assurer la formation des fonctionnaires concernés, y compris des forces de l’ordre et des membres de l’appareil judiciaire.

Politique et stratégie globales

7. Le Comité accueille favorablement la Stratégie pour les enfants et le Plan d’action y relatif pour la période 2020-2025 et recommande à l’État partie d’y allouer des ressources suffisantes et de mettre en place un mécanisme assorti d’indicateurs et de critères clairs aux fins de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation.

Coordination

8. Le Comité renouvelle ses recommandations antérieures et recommande en outre à l’État partie :

a) D ’envisager l’établissement, au niveau ministériel, d’un mécanisme chargé de coordonner la mise en œuvre de la Convention à tous les niveaux et de le doter des ressources nécessaires à son fonctionnement efficace ;

b) D e renforcer, au niveau des districts, les mécanismes de coordination dirigés par les chefs des comités exécutifs de district, avec la participation des responsables sectoriels et des organisations non gouvernementales (ONG) locales partenaires.

Allocation de ressources

9. Si le Comité constate que les prestations sociales ont augmenté et que les efforts de lutte contre la corruption se sont intensifiés, il rappelle toutefois son observation générale n o  19 (2016) et la cible 16.5 associée aux objectifs de développement durable et recommande à l’État partie :

a) D ’augmenter considérablement les allocations budgétaires destinées aux services sociaux, notamment à la santé et à la nutrition, à l’éducation et à la protection de l’enfance ;

b) D e mettre en place un système de planification et de budgétisation axées sur les résultats, en particulier dans le cadre de ses programmes de développement de l’enfance ;

c) D e mettre en place un processus budgétaire tenant compte des questions liées à l’enfance, comme recommandé précédemment .

Collecte de données

10. Rappelant son observation générale n o  5 (2003), le Comité prie l’État partie d’améliorer ses systèmes informatiques de gestion sectorielle, de renforcer encore la banque de données sur les enfants et de veiller à ce qu’elle couvre tous les aspects de la Convention et permette la collecte, l’analyse et le suivi de données ventilées sur les droits de l’enfant, ainsi qu’il l’a déjà recommandé .

Mécanisme de suivi indépendant

11. Le Comité se félicite de la création, en 2021, du secteur de la protection des droits de l’enfant au sein du bureau de la Commissaire aux droits de l’homme et recommande à l’État partie :

a) D e doter le secteur des ressources voulues et de renforcer sa mission consistant à traiter les plaintes émanant d’enfants ou soumises en leur nom d’une manière qui tienne compte de leurs besoins ;

b) D e veiller à ce que le statut de la Commissaire aux droits de l’homme soit conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Diffusion, sensibilisation et formation

12.Le Comité recommande à l’État partie : d’intégrer la question des droits de l’homme et des droits de l’enfant dans les programmes scolaires et les programmes de formation professionnelle, en particulier ceux s’adressant aux membres de l’appareil judiciaire, des forces de l’ordre et des services sociaux ainsi qu’aux journalistes ; d’intensifier sa collaboration avec les médias afin de mieux faire connaître la Convention ; de mettre en place, à l’intention des médias, un mécanisme de suivi des cas de violation des droits de l’enfant.

Coopération avec la société civile

13. Le Comité, prenant note de la création d’un organisme en charge du soutien de l’État aux ONG, recommande à l’État partie de continuer d’accroître l’appui et la considération accordés aux ONG, afin de faciliter leur enregistrement et l’accès aux possibilités de financement, et d’associer systématiquement ces organisations et les milieux universitaires à l’élaboration des politiques, des programmes et des lois concernant les droits de l’enfant.

Droits de l’enfant et entreprises

14.À la lumière de son observation générale n o  16 (2013) et conformément aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, approuvés par le Conseil des droits de l’homme en 2011, le Comité recommande à l’État partie:

a) D ’adopter une réglementation propre à garantir que les entreprises respectent les normes internationales relatives aux droits de l’homme, aux droits de l’enfant, à la santé, au travail et à l’environnement, de la mettre en œuvre et d’en surveiller l’application ;

b) D e faire en sorte que sa politique actuelle d’atténuation des changements climatiques soit conforme à l’obligation qui lui incombe de protéger les droits des enfants, en particulier les droits à la santé, à l’alimentation et à un niveau de vie suffisant, tant sur son territoire qu’à l’étranger ;

c) D e tenir compte des incidences des changements climatiques sur les droits de l’enfant dans sa politique énergétique, notamment en ce qui concerne l’extraction des combustibles fossiles et les subventions accordées aux énergies fossiles.

B.Définition de l’enfant (art. 1er)

15. Le Comité, notant que l’article 10.1 du Code de la famille fixe l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les deux sexes, demande instamment à l’État partie de supprimer toutes les dispositions permettant de déroger à cette règle.

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

16.Le Comité prend note des mesures positives prises par l’État partie pour remédier à la discrimination dans le cadre législatif, mais reste préoccupé par le fait que les normes socioculturelles traditionnelles entraînent une discrimination à l’égard de certains groupes d’enfants et, en particulier :

a)Que les filles sont victimes de stéréotypes liés au sexe et au genre, qui se traduisent par une préférence pour les fils, des violences et une forte concentration dans les secteurs traditionnellement féminins ;

b)Que les enfants handicapés sont généralement considérés comme un groupe vulnérable, ce qui peut conduire à leur isolement social ;

c)Que les enfants placés en institution ou venant de familles défavorisées peuvent faire l’objet d’une stigmatisation ou avoir un moins bon accès aux soins de santé et à l’éducation.

17. Rappelant les cibles 5.1 et 10.3 associées aux objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) D e procéder à un examen complet des politiques et de la législation dans l’optique d’éliminer les pratiques discriminatoires à l’égard des enfants ;

b) D ’élaborer et de mettre en œuvre rapidement une stratégie volontariste et globale visant à éliminer la discrimination fondée sur le sexe, le genre, le handicap ou le statut socioéconomique ;

c) D e continuer de sensibiliser le public à l’égalité des droits et à la non ‑ discrimination, de s’attaquer aux normes sociales et aux stéréotypes négatifs et de promouvoir un changement d’attitude dans la société.

Intérêt supérieur de l’enfant

18. Le Comité rappelle son observation générale n o  14 (2013) ainsi que ses recommandations antérieures et prie instamment l’État partie :

a) D e veiller à ce que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant soit explicitement intégré à la législation et systématiquement appliqué dans le cadre de toutes les procédures administratives et judiciaires ainsi que des politiques et programmes qui ont une incidence sur les enfants ;

b) D ’organiser systématiquement des activités visant à renforcer la capacité des membres de l’appareil judiciaire, de la police et des services sociaux ainsi que du personnel de santé à appliquer ce principe, et d’élaborer et de diffuser des outils et des orientations à cet effet.

Droit à la vie, à la survie et au développement

19. Compte tenu du nombre élevé d’accidents de la route mortels et de l’insuffisance des mesures visant à garantir la sécurité routière des enfants, le Comité recommande que l’État partie redouble d’efforts pour améliorer la sécurité des enfants sur la route, notamment en rendant obligatoires les sièges et les ceintures de sécurité, en fonction de la taille et du poids de l’enfant, pour tous les déplacements en voiture.

Respect de l’opinion de l’enfant

20.Le Comité prend note des modifications apportées en 2019 à l’article 52 du Code de la famille et des diverses initiatives prises par les pouvoirs publics pour encourager la participation des enfants, dont le projet de Conseil des enfants ambassadeurs. Toutefois, il est préoccupé par :

a)La non-application du droit qu’ont les enfants d’être entendus ;

b)Le peu de possibilités qu’ont les enfants, en particulier les enfants handicapés et ceux vivant dans des zones reculées, de participer à la prise de décisions les concernant ;

c)Le fait que le Parlement de l’enfance ne fonctionne pas, que le projet d’« écoles amies des enfants » ait été abandonné, que l’accès aux « foyers de jeunes » soit sélectif et que les associations d’enfants, de même que les parlements scolaires, soient de moins en moins actifs.

21. Rappelant son observation générale n o  12 (2009), le Comité recommande à l’État partie :

a) D e garantir que le droit qu’ont les enfants d’être entendus soit effectivement appliqué dans le cadre des procédures judiciaires et administratives, notamment en établissant des directives à cet effet, en formant les juges et les travailleuses et travailleurs sociaux au respect de ce principe et en garantissant l’accès de tous les enfants, en particulier des plus vulnérables, à une aide juridictionnelle gratuite et de qualité ;

b) D e promouvoir et permettre la participation effective et autonome de tous les enfants, en particulier des filles, des enfants venant de zones rurales et isolées et des enfants handicapés, à tous les aspects de la vie familiale, scolaire et sociale qui les concernent et de veiller à ce que leurs opinions soient dûment prises en compte ;

c) D e redynamiser le Parlement de l’enfance et de créer d’autres plateformes, dotées de ressources humaines, financières et techniques adéquates, de sorte que les enfants soient associés au niveau systémique à la prise de décisions.

D.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances et nationalité

22. Le Comité se félicite des progrès réalisés en ce qui concerne l’enregistrement des naissances et accueille avec satisfaction la déclaration de l’État partie selon laquelle cet enregistrement est presque universel ; rappelant la cible 16.9 associée aux objectifs de développement durable, il recommande à l’État partie :

a) D e faciliter encore la procédure d’enregistrement des naissances, notamment en assurant la présence d’un officier ou d’une officière d’état civil dans les établissements de santé, en renforçant la coordination entre le Ministère de la santé et l’état civil, en rendant opérationnel le système d’enregistrement électronique des naissances et en veillant à la gratuité de l’enregistrement tardif des naissances, et de supprimer toute sanction administrative ou judiciaire à l’égard des parents qui procèdent à un enregistrement tardif ;

b) D ’envisager de ratifier la Convention européenne sur la nationalité de 1997 et la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention des cas d’apatridie en relation avec la succession d’États de 2009.

Accès à une information appropriée

23. Prenant note de l’adoption, en 2018, de la loi sur la protection des enfants contre les informations préjudiciables et de la mise en place d’un filtrage des contenus en ligne dans le cadre de l’Azerbaïdjan Education Network, le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un mécanisme d’exécution et un dispositif de suivi, de former les professionnels à la mise en œuvre de la loi, de continuer à la faire connaître et de sensibiliser les enfants et les parents aux risques encourus en ligne.

E.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 (al. a) et 39)

Violence à l’égard des enfants

24.Le Comité prend note des mesures prises pour faire face aux cas de violence à la maison et à l’école, notamment la création d’un centre d’appel et d’un centre de réadaptation des victimes de violence domestique ainsi que les projets « L’ami de l’écolier » et « Psychologue scolaire ». Il est toutefois vivement préoccupé par :

a)Le fait que les châtiments corporels ne soient pas explicitement interdits et restent socialement acceptés et que plusieurs formes de violence contre les enfants, notamment l’exploitation et les atteintes sexuelles ainsi que la sollicitation d’enfants sur Internet à des fins sexuelles (« grooming »), ne soient pas dûment reconnues et signalées et qu’elles ne fassent pas l’objet d’enquêtes suffisamment approfondies ;

b)La forte prévalence de toutes les formes de violence contre les enfants, qui a été exacerbée par la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), et l’absence de données permettant d’en mesurer l’ampleur ;

c)Le déficit de capacités professionnelles et l’absence de procédures visant à prévenir, détecter et signaler les cas de violence et à y répondre d’une manière tenant compte des besoins des enfants ;

d)Les difficultés d’accès à la justice pour les enfants victimes de violence et la priorité accordée aux procédures de réconciliation et de médiation au titre de la loi sur la prévention de la violence domestique ;

e)Le faible nombre de mesures de protection émises et la non-application de ces mesures ;

f)L’insuffisance des services de soutien aux victimes destinés aux enfants ;

g)La pratique consistant à abattre des animaux errants, à laquelle les enfants sont exposés.

25. Rappelant ses observations générales n os 8 (2006) et 13 (2011) , le Comité demande instamment à l’État partie :

a) D ’adopter une loi interdisant expressément d’infliger des châtiments corporels aux enfants, quel que soit le contexte, en particulier à la maison, à l’école, dans les garderies et dans les institutions de protection de remplacement ;

b) D e mettre en place des mécanismes et des procédures, y compris une infrastructure interinstitutionnelle adaptée aux enfants, aux fins du signalement obligatoire de tous les cas de violence concernant des enfants et de l’adoption de mesures interinstitutionnelles dans les affaires de ce type, de définir des lignes directrices à cet égard et de former le personnel enseignant, le personnel de santé et les travailleuses et travailleurs sociaux afin qu’ils soient à même de détecter les différentes formes de violence et d’orienter les victimes vers les services adaptés ;

c) D ’évaluer la prévalence, les causes et la nature de la violence à l’égard des enfants ainsi que les formes de cette violence (châtiments corporels, violence domestique, harcèlement, exploitation et atteintes sexuelles et sollicitation d’enfants à des fins sexuelles, y compris en ligne) et, sur la base des résultats, d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie globale de prévention et de lutte contre toutes les formes de violence à l’encontre des enfants, en y associant ces derniers ;

d) D e veiller à ce que l’exploitation et les atteintes sexuelles commises à l’égard des enfants, dans la famille comme à l’extérieur ou dans l’environnement numérique, fassent l’objet d’enquêtes approfondies menées selon une approche multisectorielle et tenant compte des besoins des enfants afin d’éviter toute victimisation secondaire ;

e) D e veiller à ce que les enfants aient accès à des mécanismes de plainte confidentiels et adaptés à leurs besoins et de les encourager à y recourir, notamment en leur fournissant une aide juridictionnelle gratuite et de qualité ;

f) D e faire en sorte que des enquêtes soient rapidement menées sur tous les actes de violence commis à l’égard d’enfants, selon une approche multisectorielle tenant compte des besoins des enfants, que les témoignages de ceux-ci fassent l’objet d’un enregistrement audiovisuel suivi sans délai d’un contre-interrogatoire et que cet enregistrement puisse servir de preuve dans le cadre des procédures judiciaires ;

g) D e veiller à ce que les auteurs d’actes de violence contre des enfants soient poursuivis et dûment sanctionnés et à ce qu’une réparation soit accordée aux victimes, le cas échéant ;

h) L orsque des enfants sont concernés par des cas de violence familiale, y compris de violence entre les parents, de veiller à ce que des mesures de protection soient prises et appliquées et à ce qu’elles fassent l’objet d’un suivi ;

i) D e fournir des services spécialisés, confidentiels et tenant compte des besoins des enfants et des questions de genre, notamment des services d’hébergement, des services psychosociaux et une aide juridictionnelle, ainsi qu’un accès aux informations sur les recours qui s’offrent aux enfants victimes, afin d’assurer leur rétablissement et leur réadaptation ;

j) D ’éliminer les traditions et les pratiques violentes, telles que l’abattage public des chiens, et de sensibiliser les pouvoirs publics, les médias et la population aux effets négatifs que l’exposition à de telles pratiques a sur les enfants.

Pratiques préjudiciables

26.Le Comité note avec inquiétude que, si les modifications apportées en 2011 au Code de la famille et au Code pénal afin de fixer l’âge du mariage à 18 ans pour les deux sexes (art . 10.1 du Code de la famille) et d’ériger le mariage forcé en infraction (ar t. 176 du Code pénal), les mariages d’enfants, en particulier les unions religieuses non enregistrées (kabin), restent fréquents, bien que leur nombre exact ne soit pas connu. Il recommande à l’État partie d’établir des mécanismes de détection des unions religieuses non enregistrées et de mettre en place des programmes de protection des victimes, de promouvoir un changement d’attitude, en particulier en organisant des campagnes d’information avec la participation des chefs religieux et des notables locaux, et d’intensifier encore ses efforts visant à prévenir et combattre les mariages d’enfants et les mariages forcés et à faire en sorte que les responsables soient traduits en justice, conformément à la recommandation générale n o  31 et l’observation générale n o  18 (2014) adoptées conjointement par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et par lui-même, à la cible 5.3 associée aux objectifs de développement durable et aux recommandations énoncées dans les observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes .

Service d’assistance téléphonique

27. Le Comité recommande à l’État partie d’allouer les ressources humaines, financières et techniques nécessaires au fonctionnement efficace, 24 heures sur 24, du service gratuit d’assistance téléphonique destiné aux enfants (« 116-111 ») et d’en promouvoir l’utilisation.

F.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Milieu familial

28. Le Comité, notant le nombre élevé de mères célibataires, l’approche punitive adoptée face aux parents, qui se traduit par des sanctions, et l’insuffisance des services sociaux professionnels, recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour promouvoir les valeurs familiales et le partage équitable des responsabilités parentales, consolider les compétences parentales, instaurer une médiation en cas de divorce et veiller au bon versement des pensions alimentaires.

Enfants privés de milieu familial

29.Le Comité constate que la mise en œuvre du programme de désinstitutionnalisation (2006-2015) a permis de réduire considérablement le nombre d’institutions d’accueil et d’enfants placés en institution. Il se félicite de ce qu’un département chargé de la politique en matière d’adoption et de protection de remplacement ait été créé au Ministère du travail et de la protection sociale, des initiatives de réintégration mises en œuvre en 2020 et 2021 et du nouveau dispositif de contrôle des mesures de protection de remplacement. Il note néanmoins avec une profonde préoccupation :

a)Qu’un grand nombre d’enfants sont placés en internat ou en institution, en particulier en raison de difficultés économiques, d’un divorce ou d’une situation de handicap ;

b)Que le programme de désinstitutionnalisation ne fait pas l’objet d’un suivi adéquat, notamment qu’il n’existe pas de stratégie globale visant à éviter que les enfants soient séparés de leur famille, d’infrastructure de services sociaux ni de services de proximité susceptibles d’aider les familles dans le besoin ;

c)Le manque d’informations concernant les cas signalés de violence contre des enfants placés en institutions et le suivi des soins ;

d)La mauvaise qualité des soins dans les institutions d’accueil, notamment l’insuffisance de l’offre éducative et des loisirs, la participation limitée à la prise de décisions, le manque d’informations et le non-respect de la vie privée ;

e)Qu’il est nécessaire de promouvoir le placement dans des familles, notamment grâce au recrutement et à la formation systématiques de parents d’accueil ;

f)Le fait qu’aucun soutien n’est apporté aux enfants qui quittent le système au moment d’entrer dans l’âge adulte.

30. Rappelant les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants et ses recommandations précédentes , le Comité prie instamment l’État partie :

a) D ’affecter des ressources humaines, financières et techniques suffisantes au suivi du programme de désinstitutionnalisation, de continuer à développer le système de contrôle en collaboration avec les mécanismes locaux de protection de l’enfance, de renforcer les services sociaux professionnels ainsi que les services d’aide aux familles et de proximité, y compris les garderies, afin d’éviter le placement en institution, et de donner la priorité au placement dans une famille plutôt qu’en résidence d’accueil ;

b) D e s’attacher à prévenir le placement des enfants en internat et de remédier aux causes profondes de ces placements ;

c) D e veiller à ce que le placement d’enfants dans une structure de protection de remplacement n’ait jamais pour seul motif la pauvreté, le handicap ou le divorce et de faire en sorte que les enfants ne soient séparés de leur famille que si cela sert leur intérêt supérieur, après une évaluation complète de leur situation ;

d) D e faire en sorte qu’il y ait suffisamment de solutions de prise en charge de type familial ou communautaire pour les enfants qui ne peuvent pas rester chez eux, notamment en allouant des ressources financières suffisantes au placement des enfants en famille d’accueil et au renforcement des capacités de ces familles avant et pendant la prise en charge, et en facilitant le retour des enfants dans leur famille, quand cela est possible ;

e) D ’améliorer la gestion des dossiers de prise en charge et de protection, notamment en établissant des plans de soins individuels, d’établir des normes de qualité concernant toutes les structures de protection de remplacement et de contrôler la qualité des soins à l’aune de ces normes et de procéder régulièrement à des examens approfondis des placements en structure d’accueil institutionnelle ou familiale ;

f) D e veiller à ce qu’il existe des mécanismes accessibles et adaptés aux enfants permettant de signaler et de suivre les cas de violence ou de maltraitance à l’égard d’enfants placés et d’y remédier, et de faire en sorte que tous les signalements fassent l’objet d’une enquête en bonne et due forme et que les responsables soient traduits en justice ;

g) D e renforcer l’accès des enfants faisant l’objet d’une protection de remplacement à une éducation et à des loisirs de qualité et de garantir le caractère privé de leurs effets personnels et de leur correspondance ;

h) D ’apporter l’appui nécessaire aux enfants qui quittent des structures d’accueil et de mettre en place des services de proximité afin de les aider à devenir autonomes et à s’insérer dans la société.

Adoption

31.Le Comité salue les modifications apportées en 2019 au Code de la famille, tendant notamment à ce que l’adoption d’un ou d’une enfant soit soumise à son consentement obligatoire, à partir de 10 ans, à la participation d’une travailleuse ou d’un travailleur social, à l’évaluation de la situation de l’enfant et de la famille adoptive et à la formation des parents adoptifs. En outre, il prend note de ce que les restrictions à l’adoption d’enfants handicapés ont été levées. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D e renforcer la capacité des autorités d’évaluer et de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant et de tenir compte de son avis et du développement de ses capacités dans le cadre des procédures d’adoption ;

b) D e fournir des services avant et après l’adoption, d’offrir des séances de formation et d’assurer un suivi, notamment en ce qui concerne l’éducation des enfants handicapés ;

c) D e veiller à ce que les enfants adoptés aient accès aux informations concernant leurs parents biologiques.

Enfants dont les parents sont incarcérés

32. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer des politiques et des programmes visant à apporter un soutien aux enfants dont les responsables sont incarcérés, notamment :

a) E n veillant à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant constitue le motif principal de toutes les décisions prises, y compris la détermination de la peine des personnes ayant la charge d’enfants, et à ce que des peines de substitution à l’incarcération soient envisagées ;

b) E n g arantissant les droits de visite des enfants dont les responsables sont incarcérés, dans des locaux adéquats et adaptés aux enfants ;

c) L orsque l’incarcération de personnes ayant la charge d’enfants est inévitable, en veillant à ce que les enfants concernés aient accès à une éducation préscolaire, une alimentation et des services de santé adéquats, jouissent du droit de jouer et reçoivent régulièrement la visite de travailleuses ou de travailleurs sociaux afin de garantir leur bon développement physique, mental et social.

G.Enfants handicapés (art. 23)

33.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi relative aux droits des personnes handicapées (2018), qui s’éloigne du modèle médical du handicap, le programme national de développement de l’éducation inclusive des personnes handicapées (2018-2024) et les mesures prises pour améliorer l’accès à des services de réadaptation et à un soutien social, lutter contre la stigmatisation des enfants handicapés et améliorer la collecte de données. Il note néanmoins avec préoccupation :

a)Que l’approche du handicap n’est pas fondée sur les droits de l’homme, comme en témoigne l’utilisation dans la législation de l’expression « enfants ayant des capacités de santé limitées », qui reflète l’approche médicale de la question ;

b)La non-synchronisation des données entre les ministères compétents ;

c)L’insuffisance du soutien apporté aux parents d’enfants handicapés et la stigmatisation persistante, qui contribuent à la surreprésentation de ces enfants dans les institutions d’accueil ;

d)Les difficultés d’accès à des soins de santé de qualité, notamment à des spécialistes, en particulier en dehors de la capitale ;

e)Que les enfants handicapés sont surreprésentés dans l’enseignement spécialisé et que les possibilités d’éducation inclusive sont rares, en particulier au niveau préscolaire.

34. Rappelant son observation générale n o 9 (2006), le Comité engage l’État partie :

a) E n ce qui concerne les enfants handicapés, à adopter une approche fondée sur les droits de l’homme et à revoir sa législation et ses politiques en conséquence ;

b) À renforcer la coordination entre les ministères compétents, afin de garantir une collecte et une analyse uniformes des données sur les enfants handicapés, et à mettre au point un système efficace et harmonisé d’évaluation des handicaps ;

c) À renforcer le soutien apporté aux parents d’enfants handicapés et à permettre à ces enfants d’exercer leur droit de grandir dans leur milieu familial, notamment en augmentant l’offre de services de proximité, y compris les services d’intervention précoce et les garderies, en intensifiant l’appui aux ONG qui fournissent de tels services et en apportant un soutien socioéconomique adéquat aux parents ;

d) À garantir l’accès rapide à des soins de santé abordables, notamment en mettant en place des programmes de détection, d’intervention et de réadaptation précoces, en créant un réseau de services de soins communautaires et ambulatoires et en formant en nombre suffisant des professionnels de santé, y compris des pédiatres et d’autres spécialistes, dans les zones urbaines et rurales ;

e) À veiller à ce que tous les enfants handicapés aient accès à une éducation inclusive dans des établissements scolaires ordinaires, à ce que les écoles soient dotées d’enseignants dûment formés, d’infrastructures accessibles et de matériel pédagogique adapté aux besoins des enfants handicapés et à ce que ces enfants aient accès aux mêmes possibilités de développement de la petite enfance et de préparation à l’école que les autres;

f) À intensifier encore les activités de sensibilisation afin de lutter contre la stigmatisation et de promouvoir une image positive des enfants handicapés en tant que titulaires de droits.

H.Santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Santé et services de santé

35.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption, en 2015, de la définition de la « naissance vivante » donnée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le programme sur l’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant (2014-2022) et la réforme du système de santé, qui a fait sensiblement baisser les taux de mortalité maternelle et infantile. Il note néanmoins avec une profonde préoccupation :

a)L’application insuffisante des critères relatifs aux naissances vivantes ;

b)Les taux élevés de mortalité néonatale, infantile, juvénile et maternelle, la faible disponibilité des soins de santé prénatals, néonatals et primaires ainsi que la piètre qualité de ces soins, et le nombre élevé de grossesses juvéniles lié à l’absence d’éducation sexuelle à l’école ;

c)La qualité limitée des services de santé et la persistance de disparités régionales dans l’offre de soins, la pénurie d’infirmiers et infirmières et de spécialistes formés ainsi que l’insuffisance des salaires, de la formation, de l’équipement et des infrastructures ;

d)Les obstacles qui entravent l’accès aux soins de santé, en particulier pour les familles démunies, comme le fait que l’assurance maladie ne soit pas obligatoire et que les dépenses restant à la charge des patients soient élevées ;

e)Les disparités régionales pour ce qui est de la couverture vaccinale ;

f)La prévalence de la faim, de la malnutrition et des maladies nutritionnelles qui en découlent, telles que le retard de croissance chez les enfants et l’anémie chez les femmes, ainsi que les faibles taux d’allaitement maternel exclusif et l’attention insuffisante accordée à la santé et à la nutrition des adolescentes et des adolescents ;

g)Le rapport élevé de masculinité à la naissance, qui résulte de la pratique de l’avortement basé sur le sexe du fœtus ;

h)L’augmentation du nombre de suicides, la stigmatisation généralisée associée aux troubles de santé mentale, tant parmi le public que chez les professionnels, le déficit de données fiables et l’absence de services de soutien à la santé mentale ainsi que d’une stratégie globale en la matière.

36. Rappelant son observation générale n o  15 (2013), les cibles 2.2, 3.1, 3.2 et 3.8 associées aux objectifs de développement durable et ses précédentes recommandations , le Comité prie instamment l’État partie :

a) D e veiller à ce que les critères de l’OMS concernant les naissances vivantes soient pleinement appliqués ;

b) D ’allouer des ressources suffisantes à la poursuite de la réforme du système de santé, en mettant l’accent sur la prévention, la promotion de la santé et la fourniture de soins primaires, en particulier dans les zones rurales, et de mettre en place un système de suivi pour en superviser la mise en œuvre ;

c) D e poursuivre ses efforts tendant à faire reculer davantage les taux de mortalité néonatale , infantile, juvénile et maternelle, notamment en améliorant la qualité des services et installations de soins prénatals et postnatals et des programmes de détection et d’intervention précoces ainsi que de dépistage, et l’accès à ces services, installations et programmes, de veiller à ce que toutes les femmes bénéficient au moins des quatre visites prénatales obligatoires et de mettre en place des services de visites à domicile par des médecins de famille et des infirmiers ou infirmières, dans le cadre desquels des soins à la petite enfance et des conseils nutritionnels pourront être dispensés ;

d) D ’intégrer l’éducation sexuelle et procréative aux programmes scolaires et de veiller à ce que les adolescentes et les adolescents sachent qu’il existe des moyens de contraception modernes et des tests confidentiels et à ce qu’ils y aient accès, l’objectif étant de prévenir les grossesses précoces ;

e) D ’améliorer la qualité des services de santé dans tout le pays et de les rendre plus abordables, en mettant l’accent sur la formation initiale et en cours d’emploi et le renforcement des capacités des médecins et des infirmiers et infirmières, sur les mesures visant à favoriser l’évolution professionnelle et sur l’amélioration de l’infrastructure et de l’équipement des établissements de santé ;

f) D e supprimer les obstacles qui entravent l’accès aux soins de santé et d’interdire les paiements officieux, comme le recommande le Comité des droits économiques, sociaux et culturels  ;

g) D e renforcer la couverture vaccinale au niveau régional et de mieux faire connaître les avantages de la vaccination, en sollicitant l’aide du Fonds des Nations  U nies pour l’enfance (UNICEF) ;

h) D e remédier aux causes de la malnutrition infantile et de l’anémie, d’adopter une loi rendant l’enrichissement de la farine de blé en fer et en acide folique obligatoire et de l’appliquer, et de contrôler la qualité des aliments pour nourrissons ainsi que la consommation alimentaire des enfants, notamment dans les écoles ;

i) D ’accroître les efforts tendant à promouvoir l’activité physique et des modes de vie sains par l’intermédiaire des écoles et des médias, en ciblant en particulier les adolescentes et les adolescents et en mettant l’accent sur le tabagisme, l’abus d’alcool et l’obésité ;

j) D e promouvoir, de défendre et de soutenir l’allaitement maternel, notamment en sensibilisant davantage les parents, les personnes ayant la charge d’enfants et le personnel de santé, en s’attaquant aux normes et croyances sociales, en assurant le suivi de l’initiative des hôpitaux « amis des bébés » et en facilitant l’allaitement sur le lieu de travail ;

k) D e remédier aux causes profondes qui motivent les avortements basés sur le sexe du fœtus et aux conséquences à long terme de cette pratique pour la société, d’élargir les services de planification familiale, de lutter contre la corruption dans le secteur de la santé, de mieux informer le public au sujet des effets néfastes liés à l’avortement sélectif et de faire comprendre que les filles valent autant que les garçons, le but étant d’éliminer totalement cette pratique ;

l) D ’améliorer la collecte de données relatives aux troubles de santé mentale, dont le suicide, chez les enfants et de s’attaquer aux causes sous-jacentes de ces troubles, telles que la violence dans la famille et à l’école, le mariage d’enfants et l’abandon de la scolarité ; de mettre en place des services et des programmes de santé mentale pour les enfants et les adolescents, notamment en veillant à ce que des pédopsychiatres et des pédopsychologues soient accessibles plus facilement et en plus grand nombre dans toutes les régions et en encourageant les enfants à recourir à des services de santé mentale sans que cela soit un motif de stigmatisation ; d’élaborer et de mettre en œuvre une politique et une stratégie en matière de santé mentale, en mettant l’accent sur la prévention, la mise en place de services ambulatoires et la prise en compte des nouveaux troubles de santé mentale touchant les enfants ainsi que les adolescentes et les adolescents.

Salubrité de l’environnement

37. Notant avec inquiétude la forte prévalence de la dégradation des terres, des épisodes de sécheresse, de la pénurie d’eau et de la pollution des sols, de l’eau et de l’air dans l’État partie, le Comité rappelle la cible 3.9 associée aux objectifs de développement durable et recommande à l’État partie de procéder à une évaluation des effets qu’ont la pollution de l’air, de l’eau et des sols ainsi que la pollution électromagnétique sur la santé des enfants et, sur la base des résultats, d’élaborer une stratégie dotée de ressources suffisantes pour remédier à la situation, de renforcer la surveillance de la santé environnementale des enfants et de moderniser les éléments des programmes scolaires et supports pédagogiques afférents à l’écologie.

Niveau de vie

38. Compte tenu du pourcentage croissant d’enfants exposés au risque de pauvreté, qui s’est encore aggravé dans le contexte de la pandémie de COVID-19, en particulier dans les zones rurales, le Comité recommande à l’État partie de définir une mesure multidimensionnelle de la pauvreté touchant les enfants de sorte que les données ainsi recueillies soient utilisées aux fins de la protection sociale et pour protéger comme il se doit les enfants en situation de vulnérabilité ainsi que leur famille, et d’allouer des fonds suffisants aux programmes d’assistance sociale destinés à toutes les familles avec enfants, y compris les familles déplacées. Notant qu’un pourcentage considérable de la population n’a pas accès à l’eau potable, le Comité recommande également à l’État partie d’augmenter les fonds destinés à assurer l’approvisionnement en eau potable et en services d’assainissement dans les zones urbaines et rurales.

I.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

39. Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises pour améliorer l’accès à l’éducation préscolaire, renforcer la qualité de l’enseignement professionnel et développer l’éducation inclusive et, rappelant les cibles 1 à 7, a et c associées à l’objectif de développement durable n o  4 ainsi que ses précédentes recommandations , il recommande à l’État partie :

a) D e renforcer les mesures visant à garantir l’accès de tous les enfants, sur un pied d’égalité, à une éducation de qualité, y compris à l’éducation préscolaire, en accordant une attention particulière aux filles, aux enfants issus de familles démunies ou venant de zones rurales ou isolées, aux enfants handicapés et aux enfants réfugiés ou demandeurs d’asile ;

b) D e veiller à ce que tous les enfants, et surtout les filles, achèvent leur scolarité, notamment en promouvant la valeur de l’apprentissage, en encourageant la fréquentation scolaire grâce à des mesures incitatives, en luttant contre les stéréotypes liés à l’accès des filles à l’éducation, en prenant des mesures visant à prévenir les mariages d’enfants et les grossesses précoces et en aidant les jeunes mères à retourner à l’école et à achever leur scolarité dans l’optique de favoriser leur insertion sur le marché du travail ;

c) D ’améliorer la qualité de l’enseignement scolaire, notamment en augmentant le nombre d’enseignants, en particulier dans les zones rurales, en leur offrant des salaires adéquats, en renforçant leur formation initiale et continue ainsi que leurs compétences numériques et en modernisant les programmes scolaires et l’enseignement des sciences, des nouvelles technologies et des langues, l’objectif étant de préparer les enfants à un marché de l’emploi dynamique et aux défis du monde moderne ;

d) D e renforcer encore l’offre et la qualité de la formation professionnelle afin de répondre aux besoins du marché du travail, conformément à la loi sur la formation et l’enseignement professionnels de 2018, et de veiller à ce que les programmes d’enseignement professionnel portent également sur les compétences sociocomportementales et générales, telles que la communication, les capacités d’encadrement et les compétences numériques et linguistiques ;

e) D ’améliorer les infrastructures scolaires et de faire en sorte que toutes les écoles soient équipées d’un système de chauffage et d’installations sanitaires adaptées et accessibles, y compris pour les enfants handicapés et dans les zones rurales ou reculées ;

f) D ’élargir l’accès aux ordinateurs et à la connectivité dans le cadre de l’apprentissage et de renforcer les compétences des élèves en informatique, en accordant une attention particulière aux enfants handicapés, aux filles et aux enfants déplacés ;

g) D ’améliorer encore l’enseignement préprimaire , notamment en ouvrant des centres d’éducation préscolaire à assise communautaire ou familiale et en renforçant les normes de qualité afférentes au suivi, aux capacités institutionnelles et à l’appui fourni aux enseignants ; d’augmenter les ressources financières allouées à l’éducation préscolaire et de rationaliser les dépenses ; de veiller à ce que le Ministère de l’éducation exerce un contrôle effectif sur tous les services d’éducation préscolaire ; de renforcer la coordination entre le Ministère de l’éducation, les autorités locales et les autres acteurs compétents ;

h) D e garantir le droit de tous les enfants aux loisirs et au jeu et de mettre à disposition des aires de jeu extérieures et des espaces verts publics qui soient sûrs et accessibles.

J.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 (al. b) à d)) et 38 à 40)

Enfants demandeurs d’asile ou réfugiés

40.Le Comité prend note de l’adoption du Code des migrations, en 2013, de la création d’un groupe de travail chargé d’assurer une prise en charge efficace des enfants migrants non accompagnés et de la déclaration de l’État partie selon laquelle quatre enfants non accompagnés ont été recensés en 2019. Il prend note également que la procédure applicable à l’examen des demandes de statut de réfugié (décret n o 1257 du 23 février 2017) a été modifiée de sorte que les enfants non accompagnés doivent être remis à un organisme de tutelle ou de curatelle. Rappelant les observations générales conjointes n os  3 et 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n os  22 et 23 (2017) qu’il a lui ‑ même adoptées, le Comité recommande à l’État partie :

a) D e prévoir, dans la législation, des formes complémentaires de protection, comme recommandé précédemment ;

b) D ’interdire la détention d’enfants, y compris d’enfants non accompagnés, pour des raisons liées à la migration et de privilégier leur transfert immédiat hors des centres de détention, tout en veillant à ce que les procédures d’identification soient rapides ;

c) D e garantir aux enfants demandeurs d’asile et réfugiés et aux enfants en situation de migration l’accès aux services essentiels, tels que l’enregistrement des naissances, l’alimentation, les soins de santé et l’éducation, ainsi qu’un niveau de vie adéquat, et de veiller à ce que les enfants migrants non accompagnés ou séparés de leur famille bénéficient d’un accès effectif à des dispositifs de tutelle ou de curatelle ;

d) D e faciliter l’accès des enfants ayant besoin d’une protection internationale au système d’asile et de veiller à ce que les procédures de détermination du statut tiennent compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, soient adaptées à ses besoins et respectent le droit international des réfugiés et le droit international des droits de l’homme ;

e) D e mettre en place des mécanismes judiciaires adaptés à l’âge et aux besoins des enfants ainsi que des voies de recours leur permettant de contester toutes décisions relatives à l’asile et au statut migratoire, et d’offrir une aide juridictionnelle gratuite et l’assistance voulue aux enfants concernés.

Exploitation économique, notamment le travail des enfants

41. Le Comité prend note des mesures prises pour faire reculer le travail des enfants et, rappelant la cible 8.7 associée aux objectifs de développement durable, recommande à l’État partie de reprendre les inspections du travail et d’intensifier la surveillance du secteur informel, la prévention auprès des familles et les activités de renforcement des capacités des employeurs, des agriculteurs, des autorités locales et des autres parties prenantes afin d’éliminer les pires formes de travail des enfants.

Enfants en situation de rue

42. Le Comité prend acte de la création du centre de réinsertion pour les enfants sans abri se trouvant dans une situation sociale à risque et, rappelant son observation générale n o  21 (2017) ainsi que ses précédentes recommandations , invite l’État partie :

a) À évaluer le nombre d’enfants en situation de rue ainsi que leurs conditions de vie ;

b) À fournir aux enfants une protection, une assistance, notamment un hébergement et des soins de santé, et des services de réadaptation et à former les travailleuses et travailleurs sociaux, les psychologues et d’autres professionnels compétents à la prise en charge des enfants en situation de rue ;

c) À renforcer les programmes de regroupement familial, lorsqu’ils sont dans l’intérêt supérieur de l’enfant ;

d) À mettre en place des mécanismes visant à éviter que les enfants en situation de rue ne deviennent victimes de la traite ou d’exploitation économique ou sexuelle, et les informer sur la façon de porter plainte.

Vente, traite et enlèvement

43. Le Comité prend note du Plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains pour la période 2020-2024, mais s’inquiète de ce que l’État partie est un pays à la fois d’origine et de destination de la traite des enfants, aux fins notamment du travail forcé, de la mendicité et de l’exploitation sexuelle, et souligne que les enfants en situation de rue sont particulièrement vulnérables face à ce phénomène. Rappelant la cible 8.7 associée aux objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) D e redoubler d’efforts pour détecter les victimes de la traite, en accordant une attention particulière aux enfants en situation de vulnérabilité ;

b) D ’élaborer et d’appliquer des procédures normalisées et des indicateurs aux fins de la détection des enfants victimes de la traite et de former les professionnels concernés, y compris les services d’inspection du travail, afin d’améliorer leur capacité de détecter ces enfants et de les orienter vers des services d’assistance et de protection ;

c) D e reprendre les inspections du travail ;

d) D e mener des enquêtes au sujet de tous les cas de traite d’enfants, y compris à des fins de mendicité forcée, d’en poursuivre systématiquement les auteurs et de former les enquêteurs, les procureurs et les juges à l’application, dans les affaires de traite, d’approches centrées sur les victimes qui soient adaptées aux enfants et tiennent compte des questions de genre ;

e) D e veiller à ce que les enfants victimes aient accès à l’appui et aux services nécessaires, notamment à un foyer dont ils peuvent aller et venir librement, à un soutien psychologique et à une aide juridictionnelle, qu’ils coopèrent ou non avec les autorités, et de renforcer l’appui apporté aux ONG qui gèrent les foyers et apportent un soutien aux victimes de la traite, y compris les enfants ;

f) D e mettre en place des procédures visant à protéger les victimes et les témoins dans le cadre des poursuites pénales, de veiller à ce que les enfants bénéficient de l’assistance d’un avocat ou d’une avocate et d’un ou d’une pédopsychologue tout au long de la procédure et soient informés de leur droit de demander réparation, et de former les procureurs et les juges à ce sujet.

Administration de la justice pour enfants

44. Prenant note des mesures prises pour réformer le système de justice pour enfants, en coopération avec l’UNICEF, et de la création d’un service de probation en 2017, le Comité rappelle ses précédentes recommandations , son observation générale n o  24 (2019) et l’étude mondiale sur les enfants privés de liberté, et engage l’État partie :

a) À mettre en place un système global de justice pour enfants, à nommer des juges et des procureurs spécialisés dans ces affaires ainsi que des pédopsychologues et à veiller à ce qu’une formation spécifique leur soit dispensée ;

b) À appliquer une approche centrée sur l’enfant plutôt que sur l’infraction pour déterminer l’âge minimum de la responsabilité pénale et à fixer à 16 ans l’âge en dessous duquel les enfants ne peuvent pas être tenus pénalement responsables, sans exception ;

c) À veiller à ce que le droit à un procès équitable soit respecté et à ce que les enfants bénéficient d’une aide juridictionnelle gratuite et de qualité, et ce dès l’étape de l’instruction ;

d) À promouvoir le recours à des mesures non judiciaires, telles que des mesures de déjudiciarisation, de médiation et d’accompagnement, pour les enfants accusés d’infractions pénales, chaque fois que cela est possible ;

e) À renforcer le système de probation et à recourir davantage à d’autres peines non privatives de liberté, telles que le travail d’intérêt général ;

f) À faire en sorte que la détention soit une mesure de dernier ressort et d’une durée aussi brève que possible, et que l’opportunité d’y mettre fin soit régulièrement examinée ;

g) D ans les cas où la privation de liberté se justifie en tant que mesure de dernier ressort, à veiller à ce que les enfants ne soient pas détenus avec des adultes et à ce que leurs conditions de détention et la façon dont ils sont traités soient conformes à la Convention et aux Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, y compris en ce qui concerne l’accès à l’éducation, aux sports et aux services de santé ;

h) À mettre en place des services sociaux pour les enfants n’ayant pas atteint l’âge de la responsabilité pénale et à les utiliser ;

i) À développer encore les services de proximité, de soutien aux familles et de réinsertion afin de prévenir la récidive chez les enfants, en accordant une attention particulière aux enfants venant de familles démunies, aux enfants en situation de rue et aux enfants privés de protection parentale.

Enfants victimes ou témoins d’infractions

45.Le Comité répète que l’État partie devrait mettre en place des procédures adaptées aux enfants qui sont victimes ou témoins d’infractions et veiller à ce que ces enfants soient promptement interrogés dans des locaux adéquats par des enquêteurs ou enquêtrices spécialisés et dûment formés, l’objectif étant d’éviter la revictimisation qui résulterait d’entretiens répétitifs, et qu’ils bénéficient d’une protection et des services voulus, compte tenu des Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels .

K.Suite donnée aux précédentes observations finales et recommandations du Comité portant sur les Protocoles facultatifs à la Convention

Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

46. Le Comité regrette qu’aucune information ne lui ait été fournie sur la suite donnée à ses observations finales concernant le rapport initial soumis par l’État partie au titre du Protocole facultatif et, rappelant ses lignes directrices de 2019 concernant l’application de ce Protocole, renouvelle ses observations finales, dans lesquelles il a exhorté l’État partie à définir explicitement et à incriminer les actes visés aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif.

Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

47. Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie sur les mesures prises pour soutenir les enfants et les familles touchés par les hostilités en 2020 et du fait que, ces trente dernières années, 357 enfants ont été tués par des mines terrestres dans la région. À cet égard, il demande instamment à l’État partie :

a) D e prendre des mesures supplémentaires pour prévenir les meurtres d’enfants, limiter autant que possible les effets des hostilités sur les enfants et fournir une assistance aux enfants victimes et à leur famille ;

b) D ’envisager d’adhérer dans les meilleurs délais à la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination ainsi qu’au Protocole II modifié et au Protocole V s’y rapportant et à la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.

Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

48. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

L.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

49.Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, afin de renforcer encore le respect des droits des enfants.

M.Coopération avec les organismes régionaux

50. Le Comité recommande à l’État partie de coopérer avec le Conseil de l’Europe en vue d’appliquer la Convention et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme, tant sur son territoire que dans d’autres États membres du Conseil de l’Europe.

IV.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

51. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement appliquées. Il recommande également que le rapport valant cinquième et sixième rapports périodiques, les réponses écrites de l’État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés dans les langues du pays.

B.Mécanisme national d’établissement des rapports et de suivi

52. Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place une structure permanente qui soit chargée de coordonner et d’élaborer les rapports devant être soumis aux mécanismes internationaux et régionaux des droits de l’homme et de nouer un dialogue avec ces mécanismes, et de coordonner et suivre l’exécution des obligations conventionnelles et l’application des recommandations et des décisions émanant desdits mécanismes. Le Comité souligne que cette structure devrait être appuyée de manière appropriée et en permanence par un personnel qui lui soit spécialement affecté et devrait être à même de consulter systématiquement le bureau de la Commissaire aux droits de l’homme et la société civile.

C.Prochain rapport

53.Le Comité fixera et communiquera la date à laquelle l’État partie devra soumettre son rapport valant septième et huitième rapports périodiques, selon le calendrier prévisible de soumission qui sera établi sur la base d’un cycle d’examen de huit ans, et adoptera, le cas échéant, une liste de points et de questions qui sera transmise à l’État partie avant la soumission du rapport. Ce rapport devra être conforme aux directives spécifiques à l’instrument concernant l’établissement de rapports et ne pas dépasser 21 200 mots . Si l’État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur de manière à se conformer à la résolution susmentionnée. S’il n’est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d’examen par le Comité ne pourra pas être garantie.