Nations Unies

CCPR/C/SWE/CO/7

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

28 avril 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le septième rapportpériodique de la Suède *

Le Comité a examiné le septième rapport périodique de la Suède (CCPR/C/SWE/7) à ses 3238e et 3239e séances (voir CCPR/C/SR.3238 et 3239), tenues les 9 et 10 mars 2016. À sa 3258e séance, tenue le 23 mars 2016, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée de présentation des rapports et d’avoir soumis son septième rapport périodique en réponse à la liste de points établie avant la soumission des rapports (CCPR/C/SWE/QPR/7), prévue par cette procédure. Il se félicite d’avoir eu l’occasion de renouveler un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures que celui-ci a prises durant la période à l’examen pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie pour les réponses fournies oralement par la délégation, ainsi que pour les informations complémentaires qui lui ont été transmises par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives et autres ci-après adoptées par l’État partie :

a)L’entrée en vigueur, le 1er janvier 2011, des modifications à la Constitution suédoise (l’Instrument de gouvernement), qui prévoient notamment la protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ;

b)Le lancement, en décembre 2015, du plan d’action du Service diplomatique suédois pour une politique étrangère féministe pour la période 2015-2018 ;

c)L’entrée en vigueur, le 1er juillet 2014, des modifications législatives visant à renforcer la protection contre le mariage forcé et le mariage des enfants, notamment l’introduction d’une nouvelle infraction, la contrainte au mariage ;

d)L’entrée en vigueur, le 1er juillet 2014, de la loi sur la responsabilité pénale en matière de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre (2014:406) ;

e)L’adoption, en décembre 2013, de la première stratégie globale pour l’égalité des droits et des chances indépendamment de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou de l’expression du genre.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Place du Pacte dans l’ordre juridique interne

Le Comité constate que le Pacte n’a pas été intégré dans l’ordre juridique interne et, par conséquent : a) que certains domaines du droit interne ne sont pas pleinement conformes au Pacte ; et b) que les juridictions internes, bien qu’étant en principe à même d’appliquer le Pacte par le biais de la présomption d’interprétation, en invoquent rarement les dispositions. Le Comité note également que les municipalités et d’autres collectivités territoriales semblent ne pas connaître suffisamment le Pacte (art. 2).

Le Comité réitère sa recommandation (voir CCPR/C/SWE/CO/6, par. 5) selon laquelle l’État partie devrait veiller à donner plein effet à tous les droits protégés en vertu du Pacte dans son droit interne et, à cette fin, revoir sa législation interne afin de l’aligner pleinement sur le Pacte. Il devrait également redoubler d’efforts pour sensibiliser les juges, les avocats, les procureurs et les fonctionnaires, notamment ceux qui exercent dans les municipalités et autres collectivités territoriales, au Pacte, afin de s’assurer que ses dispositions soient prises en compte et respectées par toutes les branches du Gouvernement.

Réserves au Pacte

Le Comité note que l’État partie maintient ses réserves aux articles 10 ( par. 3), 14 (par. 7) et 20 ( par. 1) du Pacte. Il note aussi qu’un examen de ces réserves sera entrepris dans le cadre de la future stratégie relative aux droits de l’homme (art. 2).

Le Comité renouvelle sa recommandation (voir CCPR/C/SWE/CO/6, par. 6), tendant à ce que l’État partie reconsidère les motifs justifiant ses réserves aux articles 10, 14 et 20 du Pacte, ainsi que la nécessité de les maintenir, en vue de les retirer.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité observe que plusieurs organes, tels que le Médiateur parlementaire, le Chancelier de justice et le Médiateur pour l’égalité, ont pour mandat de promouvoir et de protéger les droits de l’homme ; toutefois, leurs compétences demeurent limitées à des instruments spécifiques et n’incluent pas les normes internationales, notamment le Pacte. Tout en prenant acte des efforts constants de l’État partie en vue de créer une institution nationale indépendante des droits de l’homme, le Comité demeure préoccupé (voir CCPR/C/SWE/CO/6, par. 4) par la lenteur des progrès réalisés à cet égard (art. 2).

Le Comité renouvelle sa recommandation (voir CCPR/C/SWE CO/6, par. 4), visant à ce que l’État partie mette en place, sans retard indu, une institution nationale indépendante des droits de l’homme dotée d’un mandat étendu dans le domaine des droits de l’homme, et disposant de ressources financières et humaines suffisantes, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Cadre de la lutte contre la discrimination

Le Comité prend note des réformes législatives et institutionnelles en matière de non-discrimination, notamment l’adoption de la loi contre la discrimination de 2009 (2008:567) et les amendements qui lui avaient été ultérieurement apportés en janvier 2013 et en 2015, mais il demeure préoccupé par sa portée limitée et les insuffisances existantes en matière de protection, dues au fait que les lois et règlements en vigueur en matière de lutte contre la discrimination ne protègent pas contre toutes les formes de discrimination fondées sur le statut et ne couvrent pas la discrimination dans tous les domaines de la vie publique. Le Comité est en outre préoccupé par : a) le fait que le Médiateur pour l’égalité n’est pas compétent pour invoquer les normes internationales, notamment la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme) qui fait partie du droit suédois, et qu’il ne peut être saisi d’affaires de discrimination impliquant certaines institutions publiques telles que la police, les services pénitentiaires, les procureurs et les tribunaux, lorsqu’ils exercent l’autorité publique, dans la mesure où la loi relative à la discrimination ne couvre pas ce type de discrimination ; et b) par le fait que les critères applicables pour bénéficier de l’aide juridictionnelle peuvent limiter, dans la pratique, l’accès des victimes de discrimination aux recours judiciaires. Le Comité note qu’une enquête est en cours afin de déterminer si le cadre existant de la lutte contre la discrimination est adéquat (art. 2, 3 et 26).

Dans le cadre de l’examen en cours de sa législation visant à lutter contre la discrimination, l’État partie devrait envisager d’élargir le champ de la protection contre la discrimination en droit interne, notamment en introduisant une interdiction de la discrimination dans toutes les sphères et tous les secteurs, qui soit pleinement conforme aux dispositions du Pacte en la matière. L’État partie devrait également améliorer l’accessibilité des recours utiles contre toute forme de discrimination, notamment en envisageant d’élargir le mandat du Médiateur pour l’égalité à toutes les formes de discrimination et de renforcer les critères de l’aide juridictionnelle afin de permettre aux victimes de discrimination de saisir la justice.

Droits des personnes handicapées

Le Comité prend note des efforts engagés pour promouvoir les droits des personnes handicapées et des mesures adoptées à cet égard, notamment la mise en place d’un nouveau mécanisme de coordination interministériel et les travaux concernant une nouvelle politique en matière de handicap qui doit prendre effet en 2017, mais il est préoccupé par un certain nombre de lacunes persistantes, en particulier s’agissant de l’égalité d’accès des personnes handicapées à l’emploi, à l’éducation, aux soins de santé, à la justice et aux services publics, sans discrimination (art. 2 et 26).

L’État partie devrait renforcer les mesures prises pour améliorer l’égalité d’accès des personnes handicapées à l’emploi, à l’éducation, aux soins de santé, à la justice et aux services publics, sans aucune discrimination.

Les Roms

Le Comité se félicite de l’adoption, en février 2012, de la stratégie à long terme pour l’intégration des Roms pour la période 2012-2032 et prend acte des autres mesures adoptées pour remédier à la situation des Roms, mais il demeure préoccupé par les informations rendant compte de l’accès limité des Roms à l’éducation, au logement et aux soins de santé. La situation de vulnérabilité des citoyens d’autres pays de l’Union européenne d’origine rom qui, parce qu’ils n’ont pas un statut de résident officiel dans l’État partie, ont un accès limité aux prestations sociales, aux soins de santé subventionnés et à l’éducation est également un sujet de préoccupation (art. 2 et 26).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’égalité d’accès des Roms à différents services et possibilités, notamment l’éducation, l’emploi, le logement et les soins de santé, sans discrimination. Il devrait également veiller à ce que toutes les personnes se trouvant sur son territoire, notamment les citoyens roms d’autres pays de l’Union européenne en situation vulnérable, jouissent de droits égaux sans discrimination, et déterminer les moyens propres à faciliter leur accès aux services d’assistance et de soutien, notamment aux prestations sociales, en prenant en considération leur situation de jure et de facto.

Racisme et discours de haine

Le Comité prend acte des mesures adoptées pour lutter contre les discours de haine, notamment la création d’un centre sur la cybercriminalité afin d’enquêter sur les discours de haine en ligne, et du futur plan national contre le racisme et autres formes d’intolérance, mais il demeure préoccupé (voir CCPR/C/SWE/CO/6, par. 19) par les informations qui continuent de faire état de discours de haine, notamment sur l’Internet, de violences racistes et xénophobes contre les musulmans, les Afro-Suédois, les Roms et les juifs, ainsi que par la représentation négative systématique des musulmans dans les médias. Il s’inquiète également du nombre élevé d’incidents liés à l’intolérance religieuse, notamment les agressions physiques contre des personnes appartenant à des minorités religieuses, telles que les musulmans et les juifs, et les attaques contre leurs lieux de culte, ainsi que du fait que ces incidents sont insufisamment dénoncés (art. 2, 7, 18, 20 et 26).

L’État partie devrait redoubler d’efforts, à la fois en s’attachant à faire appliquer la loi et en menant des campagnes de sensibilisation, pour lutter contre les discours de haine, notamment sur l’Internet, la violence raciste et xénophobe dirigée contre des minorités ethniques ou religieuses, ainsi que les représentations et les stéréotypes négatifs qui l’accompagnent, conformément aux articles 19 et 20 du Pacte et à l’observation générale n o  34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression. L’État partie devrait notamment : a) mener de nouvelles campagnes de sensibilisation visant à promouvoir le respect des droits de l’homme et la tolérance pour la diversité, et destinées à remettre en cause et à éliminer les stéréotypes à l’égard de différentes minorités ethniques ou religieuses ; et b) mettre effectivement en œuvre l’ensemble des cadres juridiques et stratégiques pour faire échec à toutes les manifestations de racisme, de haine et de xénophobie, notamment en enquêtant de manière approfondie sur de tels incidents, en en poursuivant les auteurs présumés, le cas échéant et, s’ils sont reconnus coupables, en les sanctionnant et en ouvrant aux victimes des recours adéquats.

Égalité entre les sexes

Le Comité se félicite des mesures prises pour assurer l’égalité des droits et des chances des femmes et des hommes ainsi que des progrès réalisés à cet égard, mais il demeure préoccupé (CCPR/C/SWE/CO/6, par. 7) par les obstacles que doivent surmonter les femmes pour obtenir un emploi à plein temps, et par les écarts de salaire persistants entre les sexes, malgré une légère diminution ces dernières années (art. 2, 3 et 26).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour promouvoir l’égalité d’accès des femmes à l’emploi à plein temps et éliminer les écarts de salaire entre les sexes en s’attaquant à la ségrégation verticale et horizontale en matière d’emploi et en luttant contre les différences de salaire entre hommes et femmes pour un même travail.

Violence à l’égard des femmes et des enfants

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et des enfants, notamment la nomination, en avril 2012, d’un coordonnateur national contre la violence commise par des proches, et un certain nombre de mesures législatives destinées à renforcer, sur le plan pénal, la protection contre la violence, les crimes sexuels et le harcèlement. Il constate également qu’une nouvelle loi contre le harcèlement en ligne a été récemment proposée, qu’une stratégie sur la violence exercée par les hommes est en voie d’adoption et que, dans le cadre de l’examen des dispositions du Code pénal relatives au viol, il est envisagé de modifier les éléments constitutifs de cette infraction. Toutefois, le Comité demeure préoccupé par le fait que la violence familiale et sexuelle à l’égard des femmes, notamment le viol, et les atteintes sexuelles sur les enfants, demeurent fréquentes. Il s’inquiète également de ce que de tels actes soient sous-déclarés, en particulier les cas de violence sexuelle à l’égard des femmes handicapées, et que le taux de poursuites et de condamnations comparé au nombre de cas signalés soit faible (art. 2, 3, 7, 24 et 26).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et des enfants, sous toutes ses formes et manifestations, notamment en :

a) Étoffant les mesures de prévention, y compris en renforçant les activités destinées à sensibiliser le grand public au caractère inacceptable de la violence à l’égard des femmes et des enfants et aux incidences néfastes de celle-ci ;

b) Encourageant le signalement de tels cas, entre autres, en informant systématiquement les femmes et les enfants de leurs droits et des moyens juridiques à leur disposition pour solliciter une protection ;

c) Veillant à ce que les autorités chargées de faire appliquer la loi, ainsi que les travailleurs du secteur médico-social, continuent à recevoir une formation appropriée pour traiter correctement les cas de violence familiale ;

d) Envisageant de revoir la définition du viol afin que l’absence de consentement véritable de la victime en soit un élément fondamental ;

e) Faisant effectivement appliquer les dispositions pénales pertinentes et en veillant à ce que tous les cas de violence à l’égard des femmes et des enfants donnent lieu à des enquêtes immédiates et approfondies, que les auteurs de tels actes soient traduits en justice et que les victimes aient accès à une réparation intégrale et à des moyens de protection.

Lutte contre le terrorisme

Le Comité prend acte des principes directeurs mentionnés dans les communications gouvernementales 2011/12:73 et 2014/15:146, relatives à la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme, et de l’intention de l’État partie d’entreprendre une évaluation approfondie des dispositions du droit pénal relatives au terrorisme, mais il est préoccupé par le décalage qui existerait entre le nombre d’arrestations et le nombre de condamnations en vertu de la loi sur le terrorisme, ainsi que par les allégations relatives à la pratique de facto consistant à « cataloguer » les personnes d’origine étrangère ou appartenant à une minorité, et à cibler de façon abusive les musulmans dans les enquêtes et procédures policières en matière de lutte contre le terrorisme (art. 2, 9 et 26).

L’État partie devrait poursuivre ses projets destinés à revoir de manière approfondie la législation destinée à lutter contre le terrorisme et veiller à ce que toutes les lois et pratiques actuelles et futures en la matière soient pleinement conformes aux obligations qui incombent à l’État partie au titre du Pacte, notamment le principe de non-discrimination et le droit à la liberté et à la sécurité. Il devrait notamment veiller à ce que les principes de nécessité et de proportionnalité soient scrupuleusement respectés en ce qui concerne l’application des pouvoirs d’arrestation prévus par la loi contre le terrorisme, et prendre des mesures efficaces pour éviter que les autorités judiciaires appliquent un traitement différent aux suspects au motif de la religion et/ou de l’origine ethnique, y compris en dispensant une formation appropriée à la sensibilisation culturelle et au caractère inacceptable du profilage racial.

Usage excessif de la force par la police

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de l’usage excessif de la force par la police et, notamment, de l’utilisation des balles expansibles. Il est également préoccupé par la réponse apparemment inadéquate de l’État partie à de tels actes, étant donné l’écart qui existe entre le nombre d’incidents signalés et le nombre de procédures et poursuites engagées, ainsi que la légèreté des peines généralement imposées, y compris des amendes, contre les auteurs de tels actes. Le Comité constate aussi avec inquiétude que le nouveau Département des enquêtes spéciales chargé d’enquêter sur toutes les allégations d’usage excessif de la force et autres actes répréhensibles par la police n’est pas perçu comme un organe indépendant par l’ensemble de la population, du fait qu’il agit sous l’autorité de la Direction de la police suédoise (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait :

a) Passer régulièrement en revue les moyens utilisés dans les opérations des forces de l’ordre, y compris les catégories d’armes à feu et de munitions, pour garantir l’application des moyens les moins dommageables en toutes circonstances ;

b) Veiller à ce que les agents des forces de l’ordre reçoivent la formation professionnelle voulue, notamment sur les moyens à employer pour éviter l’usage excessif de la force et la manière de gérer les personnes présentant des handicaps mentaux ;

c) Revoir sa position en ce qui concerne le fonctionnement du Département des enquêtes spéciales, qui relève, sur le plan administratif, de la Direction de la police suédoise, pour faire en sorte que cet organe, qui est chargé d’enquêter sur les plaintes contre la police, soit véritablement indépendant de la police et perçu comme tel ;

d) Faire en sorte que tout signalement d’usage excessif de la force fasse l’objet d’une enquête indépendante et efficace, que les auteurs présumés de tels actes soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, dûment sanctionnés, et que les victimes ou leur famille obtiennent réparation, notamment sous la forme de l’indemnisation voulue.

Torture

Le Comité note que l’État partie étudie actuellement la recommandation établie à l’issue, en septembre 2015, de l’enquête demandée par le Gouvernement, visant à ce que soit introduite dans le droit pénal l’incrimination spécifique de torture, mais il trouve préoccupant qu’aucune proposition législative concrète concernant cette question n’ait été soumise au Parlement à ce jour (art. 7).

L’État partie devrait prendre des mesures promptes pour inclure dans son Code pénal une définition de la torture totalement conforme aux dispositions de l’article 7 du Pacte et aux normes internationales en la matière, y compris un délai de prescription approprié compte tenu de la gravité de l’infraction de torture.

Détention avant jugement

Le Comité regrette que, malgré les récentes réformes menées, dont la promulgation, en avril 2015, des nouvelles règles et orientations du ministère public en ce qui concerne la détention provisoire et les mesures restrictives concernant les prévenus, le cadre juridique régissant la détention avant jugement reste lacunaire à un certain nombre d’égards et que, notamment, il ne fixe pas de limite légale à la durée de la détention avant jugement. Il est préoccupé par les informations reçues, selon lesquelles : a) l’accès au conseil n’est pas prévu dès le début de la privation de liberté ; et b) les prévenus sont soumis à des restrictions strictes en ce qui concerne les contacts avec le monde extérieur. Le Comité note à cet égard qu’en juillet 2015 les autorités ont demandé que soit menée une enquête publique destinée à évaluer les mesures à prendre pour limiter la détention avant jugement, à en déterminer la durée, et à fixer les conditions du recours aux restrictions et de l’allégement des mesures d’isolement des prévenus (art. 2, 7, 9 et 10).

L’État partie devrait rendre sa législation et sa pratique conformes aux dispositions de l’article 9 du Pacte, en tenant compte de l’observation générale n o  35 (2014) du Comité sur la liberté et la sécurité de la personne. L’État partie devrait notamment :

a) Fixer une limite légale à la durée de la détention avant jugement et faire en sorte que celle-ci constitue une mesure exceptionnelle et que, dans la pratique, la priorité soit accordée aux mesures autres que la détention ;

b) Veiller à ce que chacun ait, dans la pratique, le droit d’avoir accès à un conseil dès le début de la privation de liberté ;

c) Veiller à ce que toutes les mesures restreignant les contacts pour les prévenus soient limitées dans le temps et soient, compte tenu des circonstances particulières, justifiées comme étant nécessaires et proportionnées ; faire également en sorte que la portée et la mesure de leur application soient soumises à un examen régulier et que des mesures appropriées soient prises pour alléger l’isolement, en particulier des jeunes détenus.

Traite des êtres humains

Le Comité accueille avec intérêt les mesures législatives, institutionnelles et autres adoptées pour lutter contre la traite des êtres humains, mais il est préoccupé de constater que la traite, y compris à des fins d’exploitation sexuelle d’enfants, notamment dans le cyberespace, demeure un problème (art. 8 et 24).

L’État partie devrait renforcer davantage l’action qu’il mène pour prévenir et réprimer efficacement la traite des personnes, entre autres aux fins d’exploitation sexuelle, en prenant notamment les mesures suivantes :

a) Vérifier les effets de l’application des dispositions modifiées du Code pénal sur la lutte contre la traite et renforcer la coopération internationale dans ce domaine ;

b) Faire en sorte que les peines appliquées pour l’exploitation sexuelle d’enfants (y compris dans le cyberespace) soient adaptées à la gravité de ces infractions ;

c) Veiller à ce que les affaires de traite, y compris l’exploitation sexuelle d’enfants, fassent promptement l’objet d’enquêtes approfondies, que les auteurs de telles pratiques soient traduits en justice et que les victimes aient accès à des moyens efficaces de protection et à des services d’assistance ainsi qu’à une réparation complète, y compris des mesures de réadaptation, et l’indemnisation voulue.

Droits des étrangers, y compris des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile

Le Comité est conscient du grand nombre de migrants qui arrivent sur le territoire de l’État partie, des difficultés que cette situation provoque et des efforts importants faits pour répondre à leurs besoins, notamment par l’adoption de la nouvelle loi relative à l’accueil des migrants, entrée en vigueur le 1er mars 2016, et les mesures destinées à faciliter leur intégration sur le marché du travail. Néanmoins, il est préoccupé par l’utilisation limitée des solutions de rechange à la détention des migrants et des demandeurs d’asile. Il est également préoccupé par les conséquences pratiques qu’entraîne le fait de désigner des demandes d’asile sous l’expression « cas intéressant la sécurité » dans la loi relative aux étrangers (2005:716) ou « cas intéressant la sécurité - degré élevé » dans la loi relative au contrôle des étrangers (Dispositions spéciales) (1921:572) (art. 2, 6, 7, 9, 13 et 26).

L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que ses politiques et ses pratiques relatives au renvoi et à l’expulsion de migrants et de demandeurs d’asile offrent des garanties suffisantes de respect du principe de non-refoulement, en particulier pour les migrants et les demandeurs d’asile concernés par les nouvelles mesures temporaires d’adaptation de la législation relative aux demandes d’asile qui sont actuellement en cours d’élaboration dans les services gouvernementaux, et pour ceux qui sont désignés comme des « cas intéressant la sécurité » ou « cas intéressant la sécurité − degré élevé » ;

b) Faire en sorte que la détention de migrants et de demandeurs d’asile soit une mesure prise en dernier ressort et pour la période la plus brève possible, qu’elle soit nécessaire et proportionnée, compte tenu des circonstances, et que les mesures de substitution à la détention soient utilisées dans la pratique.

Mineurs non accompagnés

Le Comité note le grand nombre de mineurs non accompagnés qui demandent l’asile dans l’État partie et est préoccupé par l’incapacité de l’État partie de donner des explications sur le sort du grand nombre de mineurs non accompagnés entrés dans l’État partie et portés disparus ces dernières années, et par l’éventualité de la traite de ces mineurs (art. 7, 13, 17, 23 et 24).

L’État partie devrait veiller à ce que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale dans toute décision concernant les mineurs non accompagnés, y compris pour ce qui est de leur accueil, de leur intégration et de leur renvoi dans leur pays d’origine ou ailleurs. Il devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et le bien-être des mineurs non accompagnés, veiller à leur placement adéquat et leur garantir une prise en charge et un appui fondés sur l’évaluation individuelle de leur situation. L’État partie devrait renforcer les garanties mises en place contre le refoulement, prendre des mesures énergiques pour enquêter sur le phénomène des mineurs non accompagnés manquants, lutter contre les causes sous-jacentes de ce phénomène et mener une action concertée pour empêcher que de tels faits se reproduisent.

Droit à la vie privée et surveillance

Le Comité sait qu’un certain nombre de garanties sont en place pour prévenir tout abus s’agissant de la mise en œuvre de la loi sur l’interception des signaux (2008:717), mais il demeure préoccupé par le degré limité de transparence quant à la portée de ces pouvoirs de surveillance et aux garanties concernant leur application. Il est également préoccupé par l’absence de garanties suffisantes contre les atteintes arbitraires au droit à la vie privée en ce qui concerne l’échange de données brutes avec d’autres agences de renseignement (art. 2 et 17).

L’État partie devrait accroître la transparence des pouvoirs de l’Office de radiocommunication de la défense nationale, du Tribunal de surveillance du renseignement extérieur et du Conseil d’inspection des données, et des garanties relatives à ces organismes, en envisageant de rendre leurs lignes directrices et leurs décisions totalement ou partiellement publiques, en fonction de considérations de sécurité nationale et des intérêts des personnes visées par ces décisions en ce qui concerne leur vie privée. Il devrait faire en sorte que : a) toutes les lois et toutes les politiques réglementant l’échange de renseignements personnels soient pleinement conformes aux obligations qui lui incombent en vertu du Pacte, en particulier l’ article  17, notamment les principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité ; b) des mécanismes de surveillance indépendants et efficaces de l’échange de données personnelles soient mis en place ; et c) que les personnes concernées aient accès comme il convient à des voies de recours utiles en cas d’abus.

Droits des peuples autochtones

Le Comité accueille avec satisfaction l’engagement de l’État partie de promouvoir davantage les intérêts du peuple sâme et de réaliser son droit à l’autodétermination, et prend note des changements apportés à la Constitution et au cadre légal à cet égard, notamment les modifications à la Constitution suédoise (l’Instrument de gouvernement) entrées en vigueur le 1er janvier 2011, selon lesquelles les Sâmes sont explicitement reconnus en tant que peuple. Néanmoins, il demeure préoccupé par : a) la lenteur des progrès des négociations engagées en vue de l’adoption de la Convention sâme nordique ; b) les ressources limitées allouées au Parlement sâme ; c) la portée du devoir de concertation avec les représentants du peuple sâme concernant les projets d’activités d’extraction et de développement, notamment ceux qui sont régis, par exemple, par la loi relative aux minerais telle que modifiée ; d) les difficultés auxquelles font face les Sâmes pour garantir leurs droits sur leurs terres et leurs ressources, notamment les exigences élevées en matière de preuve imposées aux plaignants sâmes qui doivent démontrer qu’ils sont propriétaires des terres et le fait que les villages sâmes ne peuvent pas obtenir une aide juridictionnelle au titre de la loi relative à l’aide juridictionnelle et ce, bien qu’ils soient les seules entités habilitées à intenter une action dans le cadre des différends fonciers portant sur les droits fonciers et les droits de pacage des Sâmes (art. 1, 2, 14,26 et 27 ).

L’État partie devrait prendre des mesures pour :

a) Contribuer efficacement à l’adoption, sans retard excessif, de la Convention sâme nordique ;

b) Veiller à ce que le Parlement sâme dispose des ressources voulues pour pouvoir s’acquitter efficacement de son mandat ;

c) Passer en revue la législation, les politiques et les pratiques existantes concernant les activités qui peuvent avoir des conséquences sur les droits et les intérêts du peuple sâme, notamment les projets de développement et les opérations des entreprises d’extraction, afin de garantir une concertation réelle avec les communautés autochtones concernées, visant à tenter d’obtenir leur consentement libre, préalable et informé ;

d) Conformément à la recommandation antérieure du Comité (voir CCPR/C/SWE/CO/6, par. 21), accorder l’aide juridictionnelle voulue aux villages sâmes parties à un procès concernant leurs droits fonciers et leurs droits de pacage et veiller à l’équilibre concernant la charge de la preuve dans les procédures relatives aux droits fonciers et aux droits de pacage des Sâmes. En outre, le Comité engage l’État partie à commencer, comme indiqué, les travaux préparatoires à la ratification de la Convention n o  169 (1989) de l’Organisation internationale du Travail concernant les peuples indigènes et tribaux.

D.Diffusion d’informations concernant le Pacte

L’État partie devrait diffuser largement le Pacte et les deux protocoles facultatifs s’y rapportant, le septième rapport périodique et les présentes observations finales afin de susciter une plus grande prise de conscience des droits consacrés par le Pacte parmi les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays, et la population en général. Il devrait aussi veiller à ce que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans sa langue officielle.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 17 (racisme et discours de haine) et 33 (droits des étrangers, y compris des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile) ci-dessus.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 31 mars 2023, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations faites dans les présentes observations finales et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Il lui demande aussi de consulter largement la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays lorsqu’il établira son prochain rapport périodique.

L’État partie ayant accepté d’utiliser la procédure simplifiée de présentation des rapports, le Comité lui communiquera en temps voulu une liste de points à traiter établie avant la soumission du rapport. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront son huitième rapport périodique. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, la limite du nombre de mots pour le rapport périodique est de 21 200 mots.