Nations Unies

CERD/C/ZWE/CO/5-11

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

16 septembre 2022

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport du Zimbabwe valant cinquième à onzième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport du Zimbabwe valant cinquième à onzième rapports périodiques à ses 2907e et 2908e séances, les 17 et 18 août 2022. À sa 2921e séance, le 26 août 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport du Zimbabwe valant cinquième à onzième rapports périodiques, mais il regrette qu’il ait été soumis avec plus de vingt et un ans de retard et demande à l’État partie de respecter à l’avenir le cycle ordinaire d’établissement des rapports. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie et la remercie des informations qu’elle a fournies pendant l’examen du rapport et après le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme suivants :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2013 ;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapée, en 2013 ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2013 ;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2012 ;

4.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)L’adoption de la nouvelle Constitution, en 2013, qui contient une déclaration des droits digne d’éloges et de nombreuses dispositions progressistes qui répondent aux préoccupations soulevées dans les précédentes observations finales du Comité ;

b)La mise en place du mécanisme national d’orientation pour les migrants vulnérables, en 2019 ;

c)L’adoption de la loi sur la traite des personnes, en 2014.

C.Préoccupations et recommandations

Statistiques

5.Le Comité prend note de la réticence de l’État partie à recueillir des informations sur la base de l’appartenance ethnique, mais il constate avec préoccupation que l’absence de statistiques complètes sur la structure démographique de la population de l’État partie, notamment sur les groupes ethnolinguistiques, les peuples autochtones et les non‑ressortissants, empêche à la fois d’effectuer une évaluation précise de la situation en ce qui concerne l’égalité raciale dans l’État partie et d’élaborer des politiques efficaces contre la discrimination raciale, conformément aux articles 1er et 2 de la Convention (art. 1er et 2).

6. Le Comité recommande à l ’ État partie de recueillir des informations statistiques complètes sur la structure démographique de sa population, notamment sur les groupes ethnolinguistiques, les peuples autochtones, les migrants, les réfugiés, les demandeurs d ’ asile, les apatrides et les personnes menacées d ’ apatridie, ainsi que des indicateurs socioéconomiques , ventilés par identité ethnolinguistique, genre, région d ’ origine et langues parlées, et de les lui communiquer .

Législation antidiscrimination

7.Le Comité constate avec préoccupation que la législation antidiscrimination de l’État partie n’englobe pas la discrimination indirecte et n’établit pas la responsabilité pénale pour les actes de discrimination raciale commis dans tous les domaines de la vie publique. Il constate également avec préoccupation que les définitions de la discrimination raciale figurant dans la Constitution et la loi sur la prévention de la discrimination ne reprennent pas le motif d’ascendance visé à l’article premier de la Convention (art. 1er et 2).

8. Le Comité recommande à l’État partie de se doter d’une législation antidiscrimination complète, englobant et définissant la discrimination directe et indirecte, en pleine conformité avec l’article premier de la Convention . Il lui recommande également de veiller à ce que la définition de la discrimination raciale figurant dans sa Constitution inclue la discrimination fondée sur l ’ ascendance .

Place de la Convention dans l’ordre juridique interne

9.Le Comité regrette le manque d’informations sur les lois qui portent atteinte au droit à la non-discrimination tel que consacré par la Convention et sur les cas où la Convention a été invoquée devant les tribunaux nationaux ou appliquée directement par eux (art. 2).

10. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures urgentes pour mettre toute la législation en conformité avec la Convention et de veiller à ce que les membres du corps législatif, les juges, les magistrats, les avocats et les autres fonctionnaires concernés soient formés aux dispositions de la Convention, afin que celle ‑ ci puisse être invoquée devant les tribunaux nationaux ou appliquée par eux .

Institution nationale des droits de l’homme

11.Le Comité constate avec préoccupation que la Commission des droits de l’homme n’est pas totalement indépendante, en particulier parce qu’elle doit recevoir l’approbation du Gouvernement avant de pouvoir recevoir des fonds de donateurs, qu’elle est tenue de soumettre ses rapports au Parlement par l’intermédiaire de l’exécutif et qu’elle n’applique pas une procédure de sélection claire, transparente et participative (art. 2).

12. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir l ’ indépendance de la Commission des droits de l ’ homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), en définissant et en appliquant une procédure de sélection et de nomination claire, transparente et participative pour tous les membres de la Commission, en donnant à la Commission le pouvoir exprès de soumettre ses rapports directement au Parlement et en faisant en sorte que la Commission puisse recevoir des fonds de donateurs sans avoir besoin de l ’ approbation préalable du Gouvernement .

Crimes et discours de haine à caractère raciste

13.Le Comité constate avec préoccupation que l’article 42 (par. 2) de la loi portant codification et réforme du droit pénal pose des conditions à l’interdiction des déclarations racistes, à savoir que l’auteur de l’infraction doit avoir agi de manière intentionnelle, ou avoir eu conscience du risque réel ou de la possibilité d’offenser autrui, et que les infractions incriminées doivent avoir été commises publiquement. Rappelant ses précédentes observations finales, le Comité constate avec préoccupation que l’article 6 (par. 1) de la loi sur la prévention de la discrimination pose également une condition à l’interdiction des déclarations racistes et affaiblit ainsi le texte. Le Comité constate également avec préoccupation que la motivation raciale d’un acte criminel ne constitue pas une circonstance aggravante (art. 4).

14.À la lumière de sa recommandation générale n o 35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter et de faire appliquer des dispositions législatives qui incriminent expressément les discours et les crimes de haine à caractère raciste et de veiller à ce que ces dispositions ne soient pas assorties de limitations ni de conditions qui ne sont pas conformes à l ’ article 4 de la Convention . Le Comité recommande également à l’État partie de faire de la motivation raciale une circonstance aggravante pour tous les actes visés par la loi portant codification et réforme du droit pénal .

Organisations de la société civile

15.Le Comité constate avec préoccupation que le projet de loi portant modification de la loi sur les organisations bénévoles privées, dont est actuellement saisi le Parlement, compromettrait encore davantage la capacité des défenseurs des droits de l’homme et des organisations de la société civile de mener leurs activités de manière indépendante et augmenterait le risque qu’ils soient victimes de représailles, d’actes d’intimidation ou d’ingérence (art. 5).

16. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures, notamment législatives, pour que les défenseurs des droits de l ’ homme et les organisations de la société civile, y compris celles qui travaillent sur des questions liées à la discrimination raciale, puissent mener à bien leur travail de manière efficace et sans crainte de représailles .

Atrocités perpétrées par les forces gouvernementales dans les années 1980

17.Le Comité note qu’une amnistie générale a été accordée aux auteurs des atrocités commises dans les années 1980, à savoir l’assassinat par les forces gouvernementales d’environ 20 000 personnes parlant principalement le ndébélé et d’autres actes de violence perpétrés dans les provinces du Matabeleland du Nord et du Sud et des Midlands, et que les chefs traditionnels ont été chargés de régler un certain nombre de questions pratiques connexes et non résolues, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles les atrocités restent une source de tension ethnique et l’on est encore loin de la réconciliation et de l’apaisement pour les victimes. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles nombre de victimes restent traumatisées et des agents de l’État les empêchent, elles et leurs proches, de participer à des activités de deuil et de commémoration. Il constate en outre avec inquiétude que la Commission nationale pour la paix et la réconciliation ne s’acquitte pas de la responsabilité qui lui incombe au titre de la Constitution, à savoir mettre en place une plateforme pour dire publiquement la vérité sur les événements survenus au cours de la période considérée (art. 5).

18. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures efficaces pour que les victimes des atrocités perpétrées par les forces gouvernementales dans les années 1980 puissent parvenir à la réconciliation et à la guérison, notamment en consultant les victimes et en les faisant participer à la prise de décisions, et de fournir une réadaptation et un soutien à toutes les victimes qui en ont besoin ;

b) De veiller à ce que les activités de deuil et de commémoration pour les victimes puissent être menées sans restrictions ni menaces et d’enquêter sur les informations selon lesquelles des agents de l’État auraient entravé ces activités ;

c) De veiller à ce que la Commission nationale pour la paix et la réconciliation s’acquitte de ses responsabilités, telles qu’elles sont définies à l’article 252 de la Constitution, notamment en ce qui concerne la mise en place d’une plateforme pour dire publiquement la vérité après le conflit ;

d) De veiller à ce que les victimes qui souhaitent porter plainte devant les tribunaux aient accès à des recours juridiques efficaces, à ce que toutes les plaintes fassent l ’ objet d ’ une enquête indépendante sur la base d ’ un dossier factuel bien documenté et à ce qu ’ une indemnisation juste soit accordée .

Représentation politique des groupes ethnolinguistiques minoritaires

19.Le Comité salue les efforts que l’État partie a déployés pour parvenir à un équilibre entre les régions et les sexes dans les organes de décision politique, tels que le Parlement, mais il craint que l’absence de données statistiques sur les groupes ethnolinguistiques dans le cadre de l’examen de la question de la représentation équitable dans la vie politique n’ait entraîné la marginalisation des groupes minoritaires et la discrimination à leur égard (art. 5).

20. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour assurer une représentation juste et équitable de tous les groupes ethnolinguistiques dans la vie politique et les organes de décision à tous les niveaux, y compris au sein du Gouvernement, au Parlement, dans la fonction publique et au niveau régional . En outre, il recommande au Gouvernement de veiller à ce que les fonctionnaires soient prêts à fournir des services dans les langues de ceux qu ’ ils servent dans chaque région du pays .

Développement économique

21.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles l’absence de représentation de locuteurs de ndébélé aux postes de pouvoir dans le Gouvernement a contribué à des décennies de marginalisation des régions traditionnellement associées aux locuteurs de cette langue du point de vue de l’aide au développement social et économique (art. 5).

22. L ’ État partie n ’ ayant pas fourni les données demandées qui pourraient réfuter ces informations, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour assurer la répartition égale des projets de développement social et économique entre toutes les régions, de rendre compte très clairement des efforts consentis et de publier les données utiles .

Réforme agraire

23.Le Comité se félicite de l’information selon laquelle plus de 360 000 familles zimbabwéennes ont bénéficié du programme de réforme agraire mis en œuvre dans l’État partie, mais il est préoccupé par le fait qu’en l’absence de données statistiques ventilées par race et par groupe ethnolinguistique, il reste difficile de déterminer si le programme a été mis en œuvre de manière non discriminatoire et équitable. Le Comité est également préoccupé par les inégalités que pourraient subir les personnes autochtones et les personnes de « couleur » (« métisses ») en ce qui concerne la redistribution des terres (art. 5).

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir ses lois et politiques relatives à la réforme agraire et à la redistribution des terres et de veiller à ce que ces lois et politiques ne soient pas discriminatoires et à ce qu ’ elles incluent tous les groupes et personnes . Il lui recommande également de recueillir des données ventilées, notamment par race, groupe ethnolinguistique et genre, concernant les bénéficiaires des politiques de réforme agraire et de fournir ces données dans son prochain rapport périodique .

Peuples autochtones

25.Le Comité prend note de l’assistance fournie aux groupes minoritaires par l’État partie, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles les communautés autochtones sont néanmoins touchées par des niveaux élevés de pauvreté et des difficultés d’accès aux services sociaux. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les moyens de subsistance des peuples autochtones et le mode de vie traditionnel de leurs communautés sont menacés en raison des interdictions de chasse et de la confiscation des terres qu’ils utilisent traditionnellement. Le Comité est en outre préoccupé par le manque d’informations sur les mesures visant à préserver les langues autochtones menacées d’extinction et par les stéréotypes discriminatoires dont font l’objet certaines communautés autochtones. Le Comité regrette que, bien que l’État partie ait officiellement souscrit à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, il n’ait pas encore reconnu le statut et les droits des peuples autochtones sur son territoire et ne soit pas partie à la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (no 169) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) (art. 5).

26. À la lumière de sa recommandation générale n o 23 (1997) sur les droits des peuples autochtones, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’intensifier les mesures visant à réduire la pauvreté et d’améliorer l’accès des peuples autochtones aux services sociaux ;

b) De reconnaître et de protéger les droits des peuples autochtones de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d’utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux et de prendre des mesures pour que les terres et territoires dont ils ont été privés sans leur consentement libre, préalable et éclairé leur soient rendus ;

c) De recenser d’urgence les langues autochtones menacées d’extinction, de concevoir et de mettre en œuvre des mesures pour les préserver et de prendre des mesures pour contrer les stéréotypes négatifs concernant les peuples autochtones ;

d) De reconnaître par sa législation le statut et les droits des peuples autochtones sur son territoire, conformément à la Déclaration des Nations U nies sur les droits des peuples autochtones, et de ratifier la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux ( n o 169) de l ’ OIT .

Éducation

27.Le Comité constate que les 16 langues officielles de l’État partie sont enseignées dans les écoles, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles les enfants de certaines communautés minoritaires ne peuvent, dans la pratique, recevoir un enseignement dans leur langue. Il est également préoccupé par le manque d’informations sur la manière dont les questions de discrimination raciale et de diversité ethnique sont enseignées dans les écoles (art. 5).

28. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour qu ’ il soit possible dans la pratique de recevoir un enseignement dans l ’ une quelconque des 16 langues officielles . Il lui recommande également de prendre des mesures pour que tous les programmes scolaires incluent la promotion de la tolérance, du respect de la diversité et de la compréhension entre les différents groupes qui vivent sur le territoire de l ’ État partie .

Discrimination dans le secteur privé

29.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur les bénéficiaires de la loi sur l’indigénisation et l’émancipation économique et sur les personnes qui occupent des postes de responsabilité dans le secteur privé, ventilées par race et par groupe ethnolinguistique (art. 5).

30. Le Comité recommande à l ’ État partie de recueillir et de diffuser des informations statistiques, ventilées par race et par groupe ethnolinguistique, sur les personnes qui ont bénéficié de la loi sur l ’ indigénisation et l ’ émancipation économique et sur les personnes qui occupent des postes de responsabilité dans le secteur privé .

Employés de maison et secteur informel

31.Le Comité constate avec préoccupation que la législation visant à protéger les droits des travailleurs et à prévenir la discrimination ne couvre pas expressément le secteur informel et le travail domestique, deux secteurs où les femmes noires sont majoritaires et font face à de faibles salaires, à de mauvaises conditions de travail et à un traitement raciste et déshumanisant de la part des employeurs et des clients de différentes identités raciales ou ethnolinguistiques, ce qui rappelle l’époque d’avant l’indépendance (art. 5).

32. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De modifier sa législation interdisant la discrimination et son droit du travail pour couvrir expressément le secteur informel et le travail domestique ;

b) De prendre des mesures pour remédier à la discrimination intersectionnelle fondée sur la race, la classe sociale et le genre dans tous les domaines de l’emploi, notamment en sensibilisant les domestiques à leurs droits du travail et en mettant à leur disposition des mécanismes pour qu’ils puissent faire valoir leurs droits par l’organisation collective ;

c) D’inclure expressément les domestiques dans sa réglementation sur le salaire minimum et de leur garantir un salaire décent égal à celui des autres travailleurs ;

d) De ratifier la Convention de l’OIT sur les travailleurs domestiques, 2011 ( n o 189) .

Discrimination dans les entreprises étrangères opérant dans l’État partie

33.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les travailleurs zimbabwéens employés par des sociétés étrangères opérant sur le territoire, en particulier des sociétés appartenant à des Chinois, sont victimes de toute sorte de violations liées à des attitudes discriminatoires du point de vue racial, notamment des violences physiques et des logements et des repas de qualité inférieure à ceux fournis à leurs collègues étrangers. Le Comité est également préoccupé d’apprendre que l’État partie n’a pas pris de mesures efficaces pour enquêter sur toutes ces allégations (art. 5).

34. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que toutes ses lois sur le travail et ses lois interdisant la discrimination soient pleinement appliquées à toutes les entreprises étrangères opérant sur son territoire, y compris les entreprises à capitaux chinois, d ’ enquêter rapidement et efficacement sur toute allégation d’actes de discrimination raciale ou d ’ autres violations fondées sur des attitudes de discrimination raciale en lien avec des entreprises étrangères et, le cas échéant, de punir les auteurs de ces actes comme le prévoit la loi . Le Comité recommande également à l ’ État partie de bien faire appliquer les dispositions de la Convention de l ’ OIT concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 ( n o 111) .

Migrants

35.À la lumière de ses précédentes observations finales, le Comité regrette le manque d’informations sur la situation des réfugiés, des migrants et des autres non-ressortissants qui vivent dans l’État partie. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles :

a)Des ressortissants étrangers sont pris pour cible lors des expulsions et des nettoyages de bidonvilles et des travailleurs agricoles migrants rencontrent des obstacles particuliers pour exercer leurs droits économiques et sociaux ;

b)Les femmes et les filles migrantes sans papiers sont victimes de discrimination fondée sur la race, le genre et le statut au regard de l’immigration, y compris d’actes de violence et de harcèlement sexuels de la part des autorités publiques dans des centres de détention et d’autres lieux ;

c)Les migrants sans papiers, y compris les mineurs, sont placés dans des centres de détention avec des criminels condamnés, souvent pour des périodes prolongées et dans de mauvaises conditions de vie (art. 5).

36.Le Comité recommande à l ’ État partie de recueillir et de publier des renseignements sur les violations des droits fondamentaux des réfugiés, des migrants et des autres non- ressortissants qui vivent au Zimbabwe. Il lui recommande également :

a) De veiller à ce que tous les travailleurs migrants, quel que soit leur statut, bénéficient des normes minimales en matière de droits économiques, sociaux et culturels, y compris le logement ;

b) De prendre des mesures pour prévenir et sanctionner les discriminations dont sont victimes les femmes et les filles migrantes sans papiers ;

c) De prendre des mesures pour élaborer des alternatives à la détention des migrants sans papiers, en particulier des enfants, et de veiller à ce que les conditions de vie dans les lieux de détention soient conformes aux normes internationales .

Nationalité

37.Le Comité note que les descendants de migrants originaires d’États de la Communauté de développement de l’Afrique australe nés dans l’État partie peuvent prétendre à la citoyenneté zimbabwéenne de naissance sur la base de l’article 43 (par. 2 a)) de la Constitution et que des équipes mobiles ont été envoyées pour faciliter l’enregistrement de ces personnes, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles nombre d’entre elles courent toujours le risque d’être apatrides. Le Comité note également que la législation de l’État partie doit être interprétée à la lumière de la Constitution, mais il est néanmoins préoccupé par le fait que la loi sur la citoyennetédu Zimbabwe et la loi sur l’immigration n’ont pas encore été alignées sur les droits en matière de citoyenneté garantis par la Constitution (art. 5).

38. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d’ efforts pour informer de leurs droits les personnes qui remplissent les conditions requises pour obtenir la citoyenneté de naissance sur la base de l ’ article 43 (par . 2 a) ) de la Constitution et pour les aider à obtenir la citoyenneté . Le Comité lui recommande également de veiller à ce que les dispositions de la Constitution qui prévoient une protection contre l ’ apatridie soient pleinement et rapidement intégrées dans la législation, notamment dans la loi sur la citoyenneté du Zimbabwe et la loi sur l ’ immigration .

Absence de pièces d’identité

39.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles, malgré la procédure d’enregistrement simplifiée mise en place par l’État partie, les survivants et les descendants des victimes des atrocités perpétrées par les forces gouvernementales dans les années 1980 sont souvent dans l’impossibilité de demander des certificats de naissance et des pièces d’identité parce qu’ils ne peuvent pas produire les certificats de naissance ou autres documents d’identité de leurs parents décédés. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les membres des groupes ethnolinguistiques minoritaires ont des difficultés particulières à obtenir des documents d’état civil, en raison des niveaux élevés d’analphabétisme et de pauvreté, des obstacles linguistiques, de la méconnaissance de l’importance de l’enregistrement et du taux élevé de naissances à domicile dans ces groupes, ainsi que des longues distances et des coûts de déplacement vers les bureaux généraux du Département de l’état civil. Le Comité constate en outre avec préoccupation que les personnes dépourvues de documents d’identité ne peuvent exercer les droits que leur reconnaît l’article 5 de la Convention, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation, aux soins de santé maternelle et autres et au programme gouvernemental de vaccination contre la maladie à coronavirus (COVID-19) (art. 5).

40. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d’ efforts pour que les victimes des atrocités perpétrées par les forces gouvernementales dans les années 1980, ainsi que leurs descendants, puissent obtenir des certificats de naissance et des documents d ’ identité selon une procédure simplifiée . Il lui recommande également d ’ élaborer et d ’ appliquer des mesures visant à faciliter l ’ accès des personnes appartenant à des groupes minoritaires aux documents d ’ état civil, y compris à l ’ enregistrement des naissances, notamment en développant l ’ enregistrement mobile des naissances dans les zones reculées, en sensibilisant les groupes minoritaires à l ’ importance de l ’ enregistrement et en veillant à ce que toutes les dispositions relatives à la délivrance de s documents d’identité soient appliquées de manière non discriminatoire . Le Comité recommande en outre à l ’ État partie d ’ élaborer et de mettre en œuvre des politiques visant à garantir que les personnes dépourvues de documents d ’ identité puissent exercer les droits fondamentaux que leur reconnaît l ’ article 5 de la Convention, notamment en matière d ’ éducation, de soins de santé maternelle et autre et d ’ emploi .

Réfugiés

41.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie a procédé au renvoi forcé de réfugiés de la République démocratique du Congo en 2021. Il constate également avec préoccupation que les réfugiés n’ont pas le droit de travailler, qu’ils ne sont pas autorisés à quitter le camp de Tongogara, sauf autorisation écrite d’un responsable du camp, et qu’ils ne peuvent pas acquérir la citoyenneté zimbabwéenne. Le Comité est en outre préoccupé par la pratique de l’État partie consistant à expulser les réfugiés et les demandeurs d’asile lorsqu’ils sont reconnus coupables d’une infraction (art. 5).

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller au plein respect du principe de non-refoulement en droit et en pratique et de garantir des procédures de recours judiciaire pour tous les réfugiés et demandeurs d ’ asile . Il recommande également à l ’ État partie d ’ élaborer et de mettre en œuvre une stratégie à long terme qui offre une solution durable pour l ’ intégration locale des réfugiés, notamment en ce qui concerne l ’ emploi, la liberté de circulation à l ’ intérieur de l ’ État partie et la possibilité d ’ obtenir la citoyenneté zimbabwéenne . Le Comité demande à l ’ État partie de s’assurer qu’il n’est procédé à l’expulsion de réfugiés et de demandeurs d ’ asile reconnus coupables d’infractions qu ’ en cas de condamnation pour des infractions graves, au moyen d ’ une procédure régulière, et qu ’ aucune expulsion ne soit effectuée lorsque le réfugié ou le demandeur d ’ asile risque de subir des violations graves de ses droits, conformément aux protections juridiques internationales des réfugiés .

Accès à la justice

43.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur les plaintes ou les cas de discrimination raciale, de crimes ou de discours de haine dans l’État partie, sur le nombre de cas qui ont fait l’objet de poursuites, sur les décisions rendues par les tribunaux nationaux ou d’autres organes concernant ces plaintes et ces affaires, ainsi que sur les déclarations de culpabilité prononcées ou les peines imposées. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les « lois sur le vagabondage » sont utilisées pour justifier la pratique du profilage racial par la police et que l’application des règlements contre la COVID-19 a parfois donné lieu à des abus de la part de la police (art. 6).

44. À la lumière de sa recommandation générale n o  31 (2005) sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale et de sa recommandation générale n o 36 (2020) sur la prévention et l’élimination du recours au profilage racial par les représentants de la loi, le Comité rappelle à l’État partie que l’absence ou le petit nombre de plaintes et d’actions en justice pour actes de discrimination raciale et crimes ou discours de haine peut révéler une mauvaise connaissance des recours juridiques existants, un manque de confiance dans le système judiciaire, la peur de représailles ou une volonté insuffisante des autorités à poursuivre les auteurs de tels actes . Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faciliter le système de dépôt de plaintes pour discrimination raciale et crimes ou discours de haine et de veiller à ce que les victimes aient facilement accès au système ;

b) De continuer à mener des campagnes d’information sur les droits consacrés par la Convention, y compris auprès des communautés reculées, sur la manière dont ces droits peuvent être invoqués devant les tribunaux et sur les voies de recours disponibles ;

c) De prendre des mesures énergiques, y compris des mesures spéciales, pour recruter des Zimbabwéens issus de tous les groupes ethnolinguistiques et de toutes les régions, afin de garantir une représentation équitable dans les forces de police et à tous les niveaux du système judiciaire ;

d) D’organiser, à l’intention des agents de la force publique, des procureurs, des juges et autres fonctionnaires, des programmes de formation à la détection et à l’enregistrement des cas de discrimination raciale et des crimes ou discours de haine ;

e) De prendre des mesures disciplinaires efficaces à l’encontre des policiers qui se livrent au profilage racial et à d’autres activités injustifiées de surveillance ;

f) De veiller à ce qu’une aide juridictionnelle gratuite soit largement disponible pour les victimes de discrimination raciale et de crimes ou de discours de haine ;

g) De fournir des statistiques sur les plaintes pour discrimination raciale et crimes ou discours de haine, ainsi que sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les déclarations de culpabilité prononcées et les sanctions imposées, ainsi que les réparations accordées aux victimes, ventilées par âge, genre et groupe ethnolinguistique ;

h) D’é tablir un mécanisme de plainte indépendant pour garantir la responsabili sation de la police et des forces de sécurité .

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

45. Compte tenu du caractère indissociable de tous les droits de l’homme, le Comité engage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l ’ objet de discrimination raciale, comme la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et les c onvention s de l’OIT n o 189 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( 2011 ) et n o 169 relative aux peuples indigènes et tribaux ( 1989 ) . Le Comité engage l ’ État partie à adhérer à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie .

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

46. Le Comité se félicite que l ’ État partie ait accepté l ’ amendement à l ’ article 8 de la Convention et l’engage à envisager de faire la déclaration facultative visée à l’article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers .

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

47.À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention . Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national .

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

48. À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme adapté de mesures et de politiques en collaboration avec les organisations et les personnes d ’ ascendance africaine . Le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine .

Consultations avec la société civile

49. Le Comité recommande à l’État partie d ’ établir et de mettre en œuvre de s consultations régulières avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales .

Diffusion de l’information

50. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission, de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent auprès de tous les organes de l’État chargés de la mise en œuvre de la Convention, y compris les municipalités, et de les publier sur le site Web du Ministère des affaires étrangères dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra .

Suite donnée aux présentes observations finales

51. Conformément à l’article 9 (par . 1) de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 12 (institution nationale des droits de l ’ homme) et 40 (absence de pièces d ’ identité) .

Paragraphes d’importance particulière

52. Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 18 (atrocités perpétrées par les forces gouvernementales dans les années 1980), 24 (réforme agraire), 32 (employés de maison et secteur informel) et 44 (accès à la justice), et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite .

Élaboration du prochain rapport périodique

53. Le Comité recommande à l ’ État partie de soumettre son rapport valant douzième et treizième rapports périodiques, d ’ ici au 12 juin 202 6 , en tenant compte des directives pour l ’ établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales . À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité exhorte l’État partie à respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques .