Nations Unies

CERD/C/AZE/CO/10-12

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

22 septembre 2022

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de l’Azerbaïdjan valant dixième à douzième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport de l’Azerbaïdjan valant dixième à douzième rapports périodiques,à ses 2903e et 2904e séances, les 15 et 16 août 2022. À sa 2920e séance, le 26 août 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant dixième à douzième rapports périodiques. Il se félicite également du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie et remercie la délégation pour les informations fournies pendant l’examen des rapports et après le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)La modification de la loi sur l’assurance médicale, le 3 décembre 2019, qui élargit la couverture de l’assurance aux réfugiés et aux apatrides ;

b)L’adoption du programme national de développement de la justice (2019‑2023), en décembre 2018 ;

c)La décision du Conseil des ministres du 21 juillet 2017, qui abroge l’obligation pour les parents de présenter des documents d’enregistrement du lieu de résidence en vue d’obtenir un certificat de naissance pour leur enfant ;

d)La décision du Conseil des ministres du 29 décembre 2017 sur les procédures de protection sociale des enfants, qui élimine la discrimination fondée sur la race, l’appartenance ethnique et l’origine, entre autres motifs, en ce qui concerne l’inscription des enfants dans les écoles maternelles.

C.Préoccupations et recommandations

Application de la Convention pendant et après les hostilités de 2020

4.À la lumière des hostilités qui ont éclaté dans et autour du Haut-Karabakh le 27 septembre 2020 et se sont terminées le 9 novembre 2020, et comme suite à la déclaration trilatérale qui prévoit un « cessez-le-feu complet », le Comité rappelle que, dans les situations d’hostilités armées, l’applicabilité du droit international humanitaire n’exclut pas l’application du droit international des droits de l’homme, dont la Convention, qui est indépendant. Le Comité rappelle également l’ordonnance en indication de mesures conservatoires, datée du 7 décembre 2021, que la Cour internationale de Justice a rendue en l’affaire Application de la Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Arménie c. Azerbaïdjan). Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie au cours du dialogue, en particulier : 11 cas de violations des articles 115.2, 115.4 et 254 du Code pénal par des militaires ont fait l’objet d’une enquête, depuis que les hostilités ont éclaté le 27 septembre 2020 ; les vidéos qui ont circulé sur les médias sociaux montrant des militaires soumettant des prisonniers de guerre à des mauvais traitements et à la torture ont fait l’objet d’enquêtes ; et quatre militaires ont été poursuivis en justice pour avoir profané les tombes ou les corps de soldats arméniens. Le Comité prend également note des informations fournies par la délégation selon lesquelles l’État partie accueille une mission de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Tout en notant les efforts que l’État partie déploie pour que les auteurs des violations répondent de leurs actes, y compris l’ouverture d’une enquête sur certains faits, le Comité est profondément préoccupé par :

a)Les allégations de violations graves et sévères des droits de l’homme commises pendant et après les hostilités de 2020 par les forces militaires azerbaïdjanaises à l’encontre de prisonniers de guerre et d’autres personnes protégées d’origine nationale ou ethnique arménienne − notamment des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et autres mauvais traitements et des détentions arbitraires, ainsi que la destruction de maisons, d’écoles et d’autres installations civiles ;

b)Les allégations de destruction du patrimoine culturel arménien et de dommages causés à ce patrimoine, notamment aux églises et autres lieux de culte, aux monuments, aux cimetières et aux objets d’art, et le manque d’informations sur les enquêtes menées sur ces allégations ;

c)L’incitation à la haine raciale et la propagation de stéréotypes racistes à l’encontre de personnes d’origine nationale ou ethnique arménienne, notamment sur Internet et dans les médias sociaux, ainsi que par des personnalités publiques et des hauts responsables, et le manque d’informations détaillées sur les enquêtes, les poursuites, les déclarations de culpabilité et les sanctions liées à de tels actes ;

d)L’absence de mécanisme indépendant et complet permettant d’enquêter sur les allégations de violations et d’offrir aux victimes réparation et soutien (art. 2, 5 et 6).

5. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’ efforts pour garantir l’établissement des responsabilités et mettre fin à l ’ impunité, notamment en menant des enquêtes efficaces, approfondies et impartiales sur les allégations de violations des droits humains de s prisonniers de guerre et d ’ autres personnes protégées d ’ origine ethnique ou nationale arménienne, y compris les informations concernant des exécutions sommaires, de s disparitions forcées, de s actes de torture et autres mauvais traitements et de s détentions arbitraires, ainsi que la destructions de maisons, d ’ écoles et d ’ autres installations civiles, perpétrées par les forces militaires azerbaïdjanaises pendant et après les hostilités de 2020, poursuivre les responsables et punir comme il se doit les personnes reconnues coupables ;

b) De prendre sans délai des mesures visant à apporter une aide médicale, psychologique, matérielle et autre aux victimes, et à leur assurer les réparations voulues, y compris la restitution, l’indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et des garanties de non-répétition ;

c) D’e nquêter sur les allégations de destruction du patrimoine culturel arménien et de dommages causés à ce patrimoine, notamment aux églises et autres lieux de culte, aux monuments, aux cimetières et aux objets d ’ art, adopter des mesures pour prévenir de tels actes, faciliter la mission que l ’ Organisation des Nations U nies pour l ’ éducation, la science et la culture propose afin de dresser un inventaire préliminaire des biens culturels importants, et de redoubler d’efforts pour préserver ces sites tout en assurant une consultation réelle et constructive des communautés de souche arménienne ;

d) D’a dopter des mesures pour surveiller et combattre les discours de haine et les actes d’ incitation à la haine raciale et à la discrimination et de promotion de ces phénomènes , y compris sur Internet et dans les médias sociaux ainsi que par l es fonctionnaires et l es institutions publiques, à l’encontre de personnes d ’ origine nationale ou ethnique arménienne, et de veiller à ce que ces actes fassent l ’ objet d ’ enquêtes efficaces, approfondies et impartiales et, selon qu’il convient , de poursuites et de sanctions proportionnelles aux infractions.

Statistiques

6.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation sur le recensement de la population effectué en 2019, et du fait que les données sont en cours de traitement et que les résultats seront publiés prochainement. Le Comité se déclare toutefois préoccupé par l’absence de statistiques complètes sur la structure démographique de la population, ventilées par origine ethnique ou nationale, qui l’empêche d’évaluer correctement la situation de ces groupes, y compris du point de vue socioéconomique, et tout progrès accompli grâce à la mise en œuvre de politiques et programmes ciblés (art. 1er, 2 et 5).

7. Rappelant ses directives concernant l ’ établissement des rapports au titre de la Convention , le Comité recommande à l ’ État partie de recueillir et de lui fournir des statistiques fiables, actualisées et complètes sur la structure démographique de la population, y compris l ’ origine ethnique, sur la base du principe d ’ auto-identification, et sur les non-ressortissants, notamment les réfugiés, les demandeurs d ’ asile, les migrants et les apatrides, ainsi que des indicateurs socioéconomiques, ventilés par origine ethnique, genre , âge et région, afin que le Comité puisse se fonder sur une base empirique pour évaluer l ’ exercice dans l ’ État partie des droits consacrés par la Convention.

Place de la Convention dans l’ordre juridique interne

8.Le Comité note que, selon l’article 148 de la Constitution, la Convention est une composante inaliénable du système juridique interne de l’État partie, mais il regrette l’information selon laquelle la Convention n’a pas été invoquée ni appliquée par les tribunaux nationaux (art. 2).

9. Rappelant sa précédente recommandation , le Comité recommande à l ’ État partie de mener des programmes de formation et des campagnes de sensibilisation à l ’ intention des juges, des procureurs, des avocats et des responsables de l ’ application des lois, ainsi que de la population en général, afin de s’assurer que les dispositions de la Convention sont invoquées par et devant les tribunaux nationaux. Il demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des exemples concrets montrant que la Convention a été appliquée par les tribunaux nationaux.

Définition de la discrimination raciale

10.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie sur le cadre législatif relatif à l’égalité et à l’interdiction de la discrimination raciale, ainsi que des informations sur l’élaboration d’un projet de loi sur la prévention et l’élimination de la discrimination raciale, en tant que législation antidiscrimination. Il est toutefois préoccupé par :

a)L’absence des critères de couleur, d’origine nationale et d’ascendance parmi les motifs de discrimination interdits dans la définition de la discrimination raciale figurant à l’article 25 (par. 3) de la Constitution ;

b)Les dispositions du Code pénal qui ne contiennent pas une définition expresse de la discrimination raciale pour tous les motifs visés à l’article premier de la Convention et qui n’interdisent pas expressément la discrimination raciale directe et indirecte dans les sphères publique et privée (art. 1er, 2 et 5).

11. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De r evoir et de modifier son cadre juridique, en particulier la Constitution et le Code pénal, afin de le mettre en conformité avec la Convention ;

b) D’a ccélérer l ’ adoption du projet de loi sur la prévention et l ’ élimination de la discrimination raciale , en suivant un calendrier précis et en garantissant la participation et la consultation réelles et constructives des organisations de la société civile et des membres des minorités ethniques, et de veiller à ce qu ’ il comprenne une définition de la discrimination raciale conforme à l ’ article premier de la C onvention et qu ’ il interdise expressément la discrimination raciale directe et indirecte dans les sphères publique et privée.

Mesures spéciales visant à remédier aux inégalités

12.Le Comité constate avec préoccupation que dans le cadre de la modification de la Constitution en septembre 2016, il n’a pas été procédé à la révision de l’article 25 (par. 4), qui est interprété par l’État partie comme interdisant l’octroi d’avantages ou de privilèges pour des motifs tels que la « race », l’« appartenance ethnique » ou l’« origine » (art. 1er et 2).

13. Rappelant la recommandation à ce sujet formulée dans ses précédentes observations finales et sa recommandation générale n o 32 (2009) sur le sens et la portée des mesures spéciales dans la Convention, le Comité recommande à l ’ État partie de revoir sa position en vue de permettre l’application de mesures spéciales comme moyen de remédier aux effets de la discrimination structurelle sur tous les groupes vulnérables dans l ’ État partie et d’améliorer comme il se doit l’amélioration de la situation de ces groupes, conformément à l ’ article premier (par. 4) et à l ’ article 2 (par. 2) de la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

14.Le Comité constate avec préoccupation que le bureau du Commissaire aux droits de l’homme de l’Azerbaïdjan a été rétrogradé au statut B par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme en mai 2018, en raison du manque d’indépendance de cette institution, en particulier parce qu’elle n’a pas examiné les allégations graves de violations des droits de l’homme commises par l’État partie, et de l’absence d’une procédure transparente, participative et fondée sur le mérite pour la sélection et la nomination du Commissaire (art. 2).

15. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures législatives et opérationnelles pour renforcer l ’ indépendance institutionnelle du bureau du Commissaire aux droits de l ’ homme de l ’ Azerbaïdjan et veiller à ce qu ’ il soit en mesure de s ’ acquitter de son mandat en pleine conformité avec les P rincipes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), notamment en élaborant et e n appliquant une procédure transparente, participative et fondée sur le mérite pour la sélection du Commissaire aux droits de l ’ homme.

Plaintes pour discrimination raciale

16.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie durant le dialogue sur les modalités de dépôt de plaintes et le délai d’examen des plaintes prévus dans la loi sur les recours des citoyens et sur l’élaboration en cours d’un projet de loi sur l’aide juridictionnelle gratuite. Le Comité reste pourtant préoccupé par :

a)Le faible nombre de plaintes pour discrimination raciale, puisque seules sept infractions liées à la discrimination raciale ont fait l’objet d’une enquête depuis 2020 et qu’une seule personne a été déclarée coupable entre 2016 et 2021 en application de l’article 283 du Code pénal pour incitation à la haine ou à l’hostilité ethnique, raciale, sociale ou religieuse ;

b)L’absence d’informations détaillées sur les plaintes pour discrimination raciale dont ont été saisis les tribunaux nationaux et d’autres institutions compétentes, et sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les déclarations de culpabilité prononcées, les sanctions prises et la réparation accordée aux victimes ;

c)L’absence de mesures adoptées pour réaliser des études visant à remédier au faible nombre de plaintes pour discrimination raciale, comme l’a recommandé le Comité dans ses précédentes observations finales (art. 6 et 7).

17. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa recommandation générale n o 31 (2005) concernant la prévention de la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale et rappelle que l ’ absence de plaintes et d ’ actions en justice relatives à la discrimination raciale peut révéler l ’ absence d ’ une législation appropriée, une mauvaise connaissance des voies de recours disponibles, un manque de confiance dans le système judiciaire, une crainte des représailles ou un manque de volonté de la part des autorités de poursuivre les auteurs de tels actes. Il recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter des mesures, assorties d ’ un calendrier précis, pour évaluer l ’ efficacité des recours offerts aux victimes de discrimination raciale, notamment en menant des enquêtes et en recueillant des informations sur les relations interethniques et la discrimination raciale, y compris les stéréotypes, et, ce faisant, de veiller à ce que les organisations de la société civile et les personnes appartenant à des groupes ethniques minoritaires soient consultées et participent de manière effective et constructive ;

b) D ’ organiser des programmes de formation à l’intention des polic i e rs , des procureurs et autres responsables de l ’ application de la loi sur le recensement et l ’ enregistrement des actes de discrimination raciale ;

c) De mener des campagnes d’information sur les droits consacrés par la Convention et sur la manière de porter plainte pour discrimination raciale, en particulier auprès des communautés roms, des apatrides et des travailleurs migrants ;

d) De renforcer le système d ’ assistance juridique ;

e) D ’ accélérer la finalisation et l ’ adoption du projet de loi sur l ’ aide juridictionnelle gratuite ;

f) De mettre en place un mécanisme de collecte de statistiques sur les plaintes pour discrimination raciale déposées auprès des tribunaux nationaux et des autres institutions compétentes, sur les enquêtes menées , les poursuites engagées , les déclarations de culpabilité prononcées et les sanctions imposées, ainsi que sur les réparations accordées aux victimes, ventilées par âge, genre et appartenance ethnique, et inclure ces données dans son prochain rapport périodique.

Discours et crimes de haine à caractère raciste

18.Le Comité apprécie les informations de la délégation sur les modifications apportées à l’article 283 du Code pénal en vue d’imposer des peines plus sévères pour l’incitation à la haine ou à l’hostilité ethnique, raciale, sociale ou religieuse, ainsi que sur la modification du 17 mars 2020 de la loi sur l’information, l’informatisation et la protection de l’information visant à interdire aux fournisseurs d’accès à Internet et aux particuliers de diffuser toute information faisant la promotion de la violence et de l’extrémisme religieux ou incitant à la haine et à l’hostilité nationale, raciale ou religieuse, y compris sur Internet et dans les médias sociaux. Toutefois, le Comité reste préoccupé par les éléments suivants :

a)Le cadre législatif national, y compris le Code pénal, la loi sur les organisations non gouvernementales et la loi sur l’information, l’informatisation et la protection de l’information, ne contient pas de dispositions qui incriminent expressément les discours et les crimes de haine à caractère raciste conformément à l’article 4 de la Convention et n’inclut pas tous les motifs prohibés de discrimination visés à l’article premier de la Convention ;

b)Le faible niveau de signalement des discours et des crimes de haine à caractère raciste et le manque d’informations détaillées, y compris de statistiques, sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les sanctions imposées aux personnes reconnues coupables ;

c)Le manque d’informations sur les mesures prises pour surveiller la propagation des discours de haine sur Internet et dans les médias sociaux (art. 4, 6 et 7).

19.Rappelant la recommandation sur ce point formulée dans ses précédentes observations finales et ses recommandations générales n o 7 (1985) relative à la mise en œuvre de l ’ article 4 de la Convention, n o 15 (1993) relative à l ’ article 4 de la Convention et n o 35 (2013) relative à la lutte contre les discours de haine raciale , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De réviser son cadre législatif, en particulier le C ode pénal, afin d’incriminer expressément les discours et les crimes de haine à caractère raciste, conformément à l ’ article 4 de la convention, et d ’ inclure tous les motifs prohibés de discrimination visés à l ’ article premier de la Convention ;

b) De prendre des mesures efficaces pour favoriser le signalement des discours et des crimes de haine à caractère raciste, y compris en ligne, pour garantir la disponibilité et l ’ accessibilité des canaux de signalement, et pour recueillir des données sur les plaintes déposées pour discours de haine raciste et crimes à motivation raciale, les poursuites engagées , les déclarations de culpabilité prononcées et les peines infligées pour de tels actes, et d’ inclure ces données dans son prochain rapport périodique ;

c) D’organiser des formations à l’intention des policiers, des procureurs et des juges sur les méthodes à suivre pour repérer et recenser les crimes et les discours de haine à caractère raciste, enquêter sur les faits et en poursuivre les auteurs.

Organisations de la société civile

20.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles l’État partie a refusé d’enregistrer de nombreuses nouvelles organisations de la société civile, notamment celles qui s’occupent des droits des minorités ethniques, ainsi que par la complexité des règlements et procédures administratifs relatifs à l’enregistrement des organisations de la société civile et par l’impossibilité pour celles-ci de fonctionner librement en raison des restrictions imposées, telles que l’interdiction de voyager et le gel des avoirs (art. 5).

21. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures, notamment législatives, pour que les organisations de la société civile, en particulier celles qui s ’ occupent des droits des minorités ethniques, puissent fonctionner librement et de supprimer les règlements et procédures administratives complexes relatifs à l ’ enregistrement des organisations de la société civile.

Liberté d’expression

22.Le Comité constate toujours avec préoccupation que les dispositions de l’article 283 du Code pénal réprimant toute « atteinte à la dignité nationale » peuvent faire l’objet d’interprétations arbitraires et entraîner une ingérence disproportionnée dans le droit à la liberté d’expression, bien que la délégation de l’État partie ait indiqué qu’une seule personne avait été condamnée entre 2016 et 2021 sur le fondement de cet article. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les défenseurs des droits de l’homme, les membres d’organisations de la société civile et les journalistes sont de plus en plus souvent la cible d’actes d’intimidation, de surveillance et de harcèlement, de menaces et de représailles, en raison de leur travail de promotion et de protection des droits des personnes appartenant à des groupes vulnérables à la discrimination raciale (art. 5).

23. Rappelant la recommandation sur ce point formulée dans ses précédentes observations finales , le Comité recommande à l ’ État partie de revoir et de modifier l ’ article 283 du Code pénal afin de prévenir les interprétations arbitraires et les interférences disproportionnées avec le droit à la liberté d ’ expression des défenseurs des droits de l ’ homme, des membres d ’ organisations de la société civile et des journalistes. Il lui recommande également de mener des enquêtes efficaces, approfondies et impartiales sur tous les cas signalés de détention arbitraire, d ’ intimidation et de harcèlement, ainsi que de menaces et de représailles à l ’ encontre de défenseurs des droits de l ’ homme, de journalistes et de membres d ’ organisations de la société civile.

Participation des minorités à la vie politique et à la conduite des affaires publiques

24.Le Comité constate avec préoccupation que seuls quelques membres de minorités ethniques font partie de l’appareil judiciaire de l’État partie. Il est également préoccupé par le manque d’informations détaillées sur la présence des membres de minorités ethniques, en particulier des femmes, dans le secteur public, les organes élus et les postes de décision et de haut niveau (art. 1er à 7).

25. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures pour assurer une représentation juste et équitable des membres de minorités ethniques, y compris des femmes, dans le secteur public, les organes élus et les postes de décision et de haut niveau, notamment au moyen de mesures spéciales et en déterminant et en supprimant les obstacles auxquels les membres de minorités ethniques se heurtent à cet égard.

Langues des minorités ethniques

26.Le Comité prend note des informations relatives aux articles 21 et 45 de la Constitution, qui garantissent le libre usage et le développement des langues autres que l’azéri et promeuvent le droit d’être élevé et de recevoir une instruction dans sa langue maternelle, ainsi que de l’article 7 de la loi sur l’éducation, qui autorise l’enseignement dans des langues autres que l’azéri. Le Comité note également que le russe et le géorgien sont proposés dans les établissements du secondaire comme langues d’enseignement. Cependant, le Comité est préoccupé par les informations suivantes :

a)L’enseignement des langues des minorités ethniques dans les programmes scolaires est réduit à quelques heures par semaine ou relégué à des cours extrascolaires, et les écoles ne disposent pas de ressources humaines et financières suffisantes pour enseigner ces langues, ni de manuels scolaires ;

b)Les langues de certaines minorités ethniques risquent de disparaître en raison de leur marginalisation dans les médias, le système éducatif et la vie publique et politique (art. 1er à 7).

27. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer et d ’ adopter des mesures législatives et politiques, y compris des mesures spéciales, avec une consultation effective et significative des minorités ethniques et des organisations de la société civile, pour protéger et préserver les langues des minorités ethniques. Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ adopter des mesures pour renforcer l ’ accès à l ’ enseignement dans la langue maternelle dans les écoles pour les enfants appartenant à des minorités ethniques, et d ’ augmenter les ressources humaines, techniques et financières pour un enseignement de qualité dans les langues des minorités ethniques.

Situation des communautés rom et dom

28.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations détaillées et de statistiques officielles sur la situation des communautés rom et dom dans l’État partie, en particulier du point de vue économique et social. Il est également préoccupé par la stigmatisation, le harcèlement et la discrimination dont sont victimes les communautés rom et dom, qui seraient touchées par l’extrême pauvreté, des taux de chômage élevés et un faible niveau d’instruction des enfants, et dont les membres, en particulier les femmes roms, se heurtent à des obstacles pour obtenir des documents d’identité et avoir accès à des soins de santé et des services médicaux (art. 2 et 5).

29. Rappelant sa recommandation générale n o 27 (2000) concernant la discrimination à l ’ égard des Roms et sa recommandation générale n o 36 (2020) sur la prévention et l ’ élimination du recours au profilage racial par les représentants de la loi , le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter et de mettre en œuvre une politique globale pour remédier à la discrimination structurelle à laquelle se heurtent les communautés rom et dom, afin de garantir leur accès à l ’ éducation, à l ’ emploi, aux soins de santé et au logement, et de veiller à ce que tous les membres des communautés rom et dom obtiennent des documents d ’ identité officiels. Il lui recommande également de prendre des mesures pour lutter contre la stigmatisation et les stéréotypes négatifs dont sont victimes les Roms et l es Dom s , notamment en adoptant des mesures législatives et opérationnelles contre le profilage racial. Il recommande en outre à l ’ État partie d ’ inclure, dans son prochain rapport périodique, des statistiques sur les communautés rom et dom, notamment en ce qui concerne leur situation économique, sociale et culturelle.

Réfugiés, demandeurs d’asile et apatrides

30.Le Comité prend note de l’information sur l’abrogation de l’obligation pour les parents de présenter des papiers d’enregistrement du lieu de résidence afin de pouvoir obtenir un certificat de naissance pour leur enfant, conformément à la décision du Conseil des ministres du 21 juillet 2017. Néanmoins, le Comité est préoccupé par les informations fournies par la délégation durant le dialogue, selon lesquelles l’obligation de posséder des documents d’identité demeure un obstacle pour les femmes apatrides, les demandeurs d’asile et les migrants sans papiers qui souhaitent enregistrer leurs enfants et obtenir un certificat de naissance pour eux. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les réfugiés, les demandeurs d’asile et les apatrides rencontrent toujours des difficultés pour accéder à l’éducation et aux services de santé (art. 2 et 5).

31. Rappelant la recommandation sur ce point formulée dans ses précédentes observations finales , le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à élaborer des mesures efficaces pour garantir l ’ enregistrement des naissances et délivrer des certificats de naissance à tous les enfants, sans discrimination, et indépendamment de la possession de documents d ’ identité par leur mère, y compris les demandeu se s d ’ asile ou les migrant e s sans papiers. Il lui recommande également de redoubler d’ efforts pour résoudre les cas d ’ apatridie en suspens , notamment en élaborant et en adoptant un cadre législatif en matière de détermination de l ’ apatridie afin de permettre à tous les apatrides, sans discrimination, de faire vérifier leur statut et d ’ obtenir des documents d ’ identité. Il recommande en outre à l ’ État partie d ’ adopter des mesures visant à garantir que les réfugiés, les demandeurs d ’ asile et les apatrides puissent jouir de leurs droits économiques et sociaux sans discrimination, en particulier de leur accès à l ’ éducation et aux services de santé.

Travailleurs migrants

32.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les travailleurs migrants font face à des conditions de travail difficiles, à des abus et à l’exploitation, sont victimes de discrimination, notamment en matière de rémunération, et sont vulnérables face à la traite. Il est également préoccupé par les obstacles qui empêchent les travailleurs migrants − en particulier les sans-papiers − d’accéder à la justice et à des voies de recours (art. 5).

33. Rappelant la recommandation sur ce point formulée dans ses précédentes observations finales , le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures pour lutter contre les abus et l ’ exploitation dont sont victimes les travailleurs migrants, notamment en évaluant et en révisant le cadre d ’ emploi des travailleurs migrants afin de réduire leur vulnérabilité face à l ’ exploitation et aux abus, en particulier de la part de leurs employeurs. Il recommande également à l ’ État partie d ’ adopter des mesures visant à garantir l ’ accès des travailleurs migrants à la justice, quel que soit leur statut, y compris à l ’ aide juridictionnelle gratuite, et de mener des campagnes de sensibilisation des travailleurs migrants à leurs droits et aux voies de recours disponibles . Le Comité recommande à l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur le nombre d ’ enquêtes menées sur la traite, ainsi que sur le nombre de poursuites engagées et de déclarations de culpabilité prononcées contre des trafiquants , en particulier dans d es affaires concernant d es travailleurs migrants.

Formation, éducation et autres mesures visant à combattre les préjugés et l’intolérance

34.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation durant le dialogue selon lesquelles le Ministère de l’éducation et des sciences révise les manuels scolaires tous les quatre ans, dans le but d’aborder les questions relatives aux droits de l’homme et d’améliorer les connaissances des enseignants et des enfants. Néanmoins, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les manuels scolaires alimentent les préjugés et incitent à la haine raciale, en particulier contre les Arméniens de souche, et les minorités ethniques sont marginalisées dans l’enseignement de l’histoire dans l’État partie. Il s’inquiète également de l’absence d’informations détaillées sur les mesures que l’État partie a prises pour lutter contre les préjugés et l’intolérance et pour intégrer les principes des droits de l’homme dans les programmes scolaires et universitaires (art. 7).

35. Compte tenu du caractère multiethnique, multiculturel et multiconfessionnel de la population de l ’ État partie, et de ses différences de vécu tout au long de l’histoire , le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d’ efforts pour sensibiliser l’opinion publique à l ’ importance de la diversité ethnique et culturelle et à la lutte contre la discrimination raciale. Il lui recommande également d ’ adopter des mesures pour intensifier la révision des manuels scolaires afin d ’ intégrer les notions de diversité ethnique et culturelle et de lutte contre la haine et la discrimination raciales à tous les niveaux de l ’ enseignement. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie d ’ adopter des mesures pour veiller à ce que l ’ histoire soit enseignée de manière à éviter un récit dominant et une hiérarchisation ethnique, tout en garantissant la participation réelle et constructive des minorités ethniques.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

36. Compte tenu du caractère indissociable de tous les droits de l’homme, le Comité engage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, notamment la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention ( n o 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, de l’Organisation internationale du Travail.

Amendement à l’article 8 de la Convention

37. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement à l’article 8 (par. 6) de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

38.À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

39. À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme adapté de mesures et de politiques. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

40. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et d ’ élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l ’ homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale et notamment les organisations représentatives des groupes les plus exposés à la discrimination raciale , dans le cadre de l ’ élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Diffusion de l’information

41. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent auprès de tous les organes de l’État chargés de la mise en œuvre de la Convention, y compris les municipalités, dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

Document de base commun

42. Le Comité engage l’État partie à mettre à jour son document de base commun, qui date de 2018, conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme tenue en juin 2006 . À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité exhorte l’État partie à respecter la limite de 42 400 mots fixée pour ce document.

Suite donnée aux présentes observations finales

43. Conformément à l’article 9 (par. 1) de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 19 b) et c), 23 et 31 .

Paragraphes d’importance particulière

44. Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 5 (application de la Convention pendant et après les hostilités de 2020), 7 (statistiques) et 33 (travailleurs migrants) , et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

45. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant treizième et quatorzième rapports périodiques, d’ici au 15 septembre 2025 , en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité exhorte l’État partie à respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.