Convention relative aux droits de l'enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/15/Add.121

28 février 2000

FRANÇAIS

Original : ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT

Vingt‑troisième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES

EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Grenade

1. Le Comité des droits de l'enfant a examiné le rapport initial de la Grenade (CRC/C/3/Add.55), présenté le 24 septembre 1997, à ses 607ème et 608ème séances (voir CRC/C/SR.607 et 608), tenues le 24 janvier 2000, et adopté les observations finales ci ‑après.

A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de l'État partie, qui obéit aux directives établies et fournit une évaluation critique de la situation des enfants. Il regrette toutefois que les réponses écrites à la liste des points à traiter (CRC/C/Q/GREN/1) ne lui aient pas été soumises avant le débat. Le Comité juge encourageant le dialogue constructif et ouvert qu'il a eu avec l'État partie, et se félicite de sa réaction favorable aux suggestions et recommandations qu'il a formulées au cours du débat. Il reconnaît que la présence d'une délégation de haut niveau intervenant directement dans la mise en œuvre de la Convention a permis une meilleure évaluation de la situation des droits de l'enfant dans l'État partie.

B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite de la constitution de la Coalition nationale pour les droits de l'enfant chargée de coordonner, de suivre et d'évaluer l'application des principes et des dispositions de la Convention. Il note avec satisfaction que la Coalition nationale a joué un rôle essentiel dans la mise en œuvre d'un certain nombre de programmes visant à améliorer la situation des enfants et à sensibiliser davantage le public à la Convention, notamment par la création, en 1994, du Conseil de la Grenade pour l'adoption, l'élaboration et la rédaction de la loi relative à la protection de l'enfant.

4. Le Comité prend note des efforts accomplis par l'État partie dans le domaine des services de soins de santé primaires, qui se traduisent en particulier par un taux de vaccination élevé et un faible taux de malnutrition. À cet égard, il se félicite également de l'entrée en vigueur de la loi relative à la vaccination des écoliers ( School Children Immunization Act ), qui facilite la vaccination de tous les enfants d'âge préscolaire et ceux des écoles primaires.

5. Le Comité apprécie les mesures prises par l'État partie dans le domaine scolaire. Il se félicite de la mise en place d'un programme de nutrition destiné aux enfants fréquentant les écoles maternelles et les écoles primaires, ainsi que du programme relatif aux manuels scolaires, qui vise à aider les enfants de milieux défavorisés à acquérir des livres et d'autres matériels pédagogiques susceptibles de les aider à améliorer leurs résultats scolaires. Le Comité note également avec satisfaction la mise en place du Programme en faveur des mères adolescentes (Programme for Adolescent Mothers), qui propose des programmes éducatifs et des services de formation professionnelle et de garderie aux adolescentes enceintes et aux mères adolescentes qui ont quitté le système scolaire. Le Comité constate avec satisfaction que l'éducation sanitaire et familiale figure parmi les principaux sujets inscrits au programme des écoles primaires.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

6. Le Comité reconnaît que les difficultés socioéconomiques que connaît l'État partie ont eu des incidences néfastes sur la situation des enfants, et ont entravé la mise en œuvre intégrale de la Convention. Il prend note en particulier de l'incidence du programme d'ajustement structurel et des taux de chômage et de pauvreté en augmentation. Le Comité observe également que l'État partie est sujet aux catastrophes naturelles, en particulier aux cyclones, ce qui a entravé la mise en œuvre intégrale de la Convention. Il constate en outre que l'insuffisance des ressources humaines qualifiées, aggravée par un taux d'émigration élevé, fait aussi obstacle à l'application intégrale de la Convention.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations du Comité

D.1. Mesures d'application générale

Législation

7. Le Comité prend note des récents efforts de l'État partie pour promulguer de nouvelles lois visant à mettre la législation nationale davantage en conformité avec la Convention. À cet égard, il prend note de la promulgation de la loi de 1991 sur le statut de l'enfant ( Status of the Child Act , de la loi No 54 de 1991 portant modification de la loi sur la pension alimentaire ( Maintenance Amendment Act ), de la loi No 7 de 1992 sur la prévention de la toxicomanie et la lutte contre l'abus des drogues [ Drug Abuse (Prevention and Control) Act ], de la loi No 16 de 1993 portant modification du Code pénal [ Criminal Code (Amendment) Act ], de la loi No 17 de 1994 portant modification des procédures relatives à l'adoption ( Adoption Amendment Act ), et de la loi de 1998 relative à la protection de l'enfant ( Child Protection Act ). Le Comité prend note également de l'intention de l'État partie de revoir l'ensemble de la législation applicable à l'enfant, en vue de l'adoption d'un code de l'enfance complet. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que les principes et dispositions de la Convention n'ont pas encore été pleinement transposés en droit interne. Il note avec inquiétude que la loi sur le Tribunal des affaires familiales a été abrogée et que les efforts qui ont été faits pour adopter des mesures de substitution adaptées visant à protéger et à renforcer les relations familiales sont insuffisants. Le Comité recommande à l'État partie de réaliser, au plus tôt, son projet de révision de la législation afin de mettre celle-ci en conformité avec les principes et les dispositions de la Convention, et de faciliter l'adoption d'un code complet concernant les droits de l'enfant. Il recommande en outre à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires afin de remettre en vigueur la loi sur le Tribunal des affaires familiales ou d'adopter des mesures juridiques de substitution visant à protéger et à renforcer les relations familiales. À cet égard, le Comité recommande également à l'État partie de solliciter l'assistance technique du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et de l'UNICEF, notamment.

Collecte de données

8. Le Comité observe que l'État partie a participé à une initiative régionale financée par la Banque de développement des Caraïbes visant à rassembler, comparer et publier des données, en se fondant sur des indicateurs de développement social, parmi les pays membres de l'Organisation des États des Caraïbes orientales. Il prend note également de l'intention de l'État partie de créer un registre central pour la collecte de données au Ministère des finances. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que l'État partie ne dispose pas de mécanisme qui permette la collecte systématique et complète de données quantitatives et qualitatives désagrégées dans tous les domaines couverts par la Convention, se rapportant à tous les groupes d'enfants, de manière à pouvoir suivre et mesurer les progrès réalisés et à évaluer l'incidence des politiques adoptées sur la situation des enfants. Le Comité recommande à l'État partie de s'attacher à mettre en place un registre central pour la collecte des données, et d'adopter un système global de collecte des données dans tous les domaines sur lesquels porte la Convention. Ce système devrait se rapporter à tous les enfants jusqu'à l'âge de 18 ans, et s'intéresser en priorité à ceux qui sont particulièrement vulnérables, notamment les handicapés, les enfants vivant dans la pauvreté, les enfants ayant affaire à la justice pour mineurs, ceux vivant dans une famille monoparentale, les enfants victimes de sévices sexuels, et les enfants en institution.

Structures de suivi indépendantes

9. Le Comité observe que l'État partie a l'intention de désigner un médiateur. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des dispositions pour désigner un médiateur indépendant, chargé d'examiner les plaintes relatives à des violations des droits de l'enfant et de proposer des recours en cas de violation. Il suggère également à l'État partie de mener une campagne de sensibilisation qui inciterait les enfants à faire effectivement appel au médiateur.

Affectation de ressources budgétaires

10. Le Comité note que l'État partie a l'intention d'apporter une aide, notamment financière, à la Coalition nationale pour les droits de l'enfant, et d'accroître les crédits budgétaires alloués à un certain nombre de programmes relatifs aux enfants, compte tenu de la croissance économique. Toutefois, le Comité regrette qu'on n'ait pas accordé l'attention voulue à la nécessité d'allouer des crédits budgétaires en faveur des enfants "dans toutes les limites des ressources" disponibles, comme le prévoit l'article 4 de la Convention. Compte tenu des articles 2, 3 et 6 de la Convention, le Comité encourage l'État partie à accorder une attention particulière à la pleine application de l'article 4 de la Convention en établissant un ordre de priorité dans les dotations budgétaires de façon à mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels des enfants dans toutes les limites des ressources dont il dispose et, le cas échéant, dans le cadre de la coopération internationale.

Diffusion de la Convention

11. Tout en reconnaissant les efforts déployés par l'État partie pour sensibiliser la population aux principes et aux dispositions de la Convention, par le biais notamment de la formation des enseignants et des magistrats, la production de programmes tels que le film vidéo intitulé "Olivia's plight" (Le calvaire d'Olivia), la publication du manuel "Child Abuse - What Can I Do?" (Enfance maltraitée - Que puis ‑je faire ?), l'impression et la distribution d'affiches et de tracts, ainsi que la production et la diffusion de programmes de radio et de télévision à l'intention et au sujet des enfants, le Comité continue de regretter que les groupes professionnels, les enfants, les parents, et le grand public ne soient pas suffisamment informés, en règle générale, de l'existence de la Convention et des droits qui y sont consacrés. Le Comité recommande que davantage d'efforts soient faits pour garantir que les dispositions et les principes de la Convention soient largement diffusés et compris par les adultes comme par les enfants. Il recommande en outre d'intensifier les activités de sensibilisation et de formation adaptées et systématiques à l'intention des groupes professionnels travaillant avec et pour les enfants, tels que les juges, les avocats, les responsables de l'application des lois, les enseignants, les administrateurs scolaires, le personnel sanitaire, y compris les psychologues et les travailleurs sociaux, ainsi que le personnel des centres de soins pour enfants. Il encourage l'État partie à renforcer son action pour sensibiliser les médias aux droits de l'enfant, et lui recommande de veiller à ce que la Convention soit pleinement prise en compte dans les programmes scolaires à tous les niveaux. À cet égard, le Comité engage l'État partie à solliciter la coopération technique du Haut ‑Commissariat aux droits de l'homme, de l'UNICEF et de l'UNESCO, entre autres.

D.2. Définition de l'enfant

Responsabilité pénale

12. Le Comité est préoccupé de ce que la responsabilité pénale d'un enfant puisse être engagée très tôt (dès 7 ans). Le Comité recommande à l'État partie de relever l'âge minimum légal de la responsabilité pénale, afin de le rendre plus acceptable sur le plan international, en révisant sa législation dans ce domaine.

D.3. Principes généraux

Non ‑discrimination

13. Tout en reconnaissant les difficultés auxquelles les filles continuent d'être confrontées dans maints domaines, le Comité est également préoccupé par la situation des garçons, qui ont généralement une piètre opinion d'eux ‑mêmes et dont les résultats scolaires sont mauvais au regard de ceux des filles. Le Comité recommande à l'État partie de réaliser une étude sur les méthodes d'éducation des enfants et la manière dont elles affectent les garçons et les filles. Il recommande en outre à l'État partie de mettre en œuvre des programmes conçus pour valoriser les garçons et de lutter contre la discrimination liée aux rôles rigides qui sont dévolus par la société aux garçons et aux filles, rigidité qui conditionne les comportements familiaux et sociaux à l'égard des enfants.

14. Le Comité s'inquiète de ce que le Code pénal n'offre pas la même protection juridique contre les abus et l'exploitation sexuels aux garçons qu'aux filles. À cet égard, le Comité note que le Code ne fait référence qu'à la protection des "enfants de sexe féminin". Le Comité recommande à l'État partie de modifier sa législation afin qu'une protection égale et suffisante contre les abus et l'exploitation sexuels soit accordée aux garçons.

Respect de l'opinion de l'enfant

15. Le Comité prend note de l'intention de l'État partie de réintroduire les conseils d'élèves dans les écoles, première étape d'une démarche visant à promouvoir l'acceptation du droit de participation des enfants. Toutefois, il s'inquiète de ce que les dispositions de l'article 12 de la Convention ne puissent être pleinement mises en œuvre en raison des pratiques, de la culture et des attitudes traditionnelles qui véhiculent l'idée que "les enfants peuvent être vus mais ils doivent se taire" et que "les enfants sont la propriété de leurs parents". Le Comité recommande à l'État partie de renforcer l'infrastructure nécessaire et d'adopter une démarche systématique visant à sensibiliser davantage le public au droit de participation des enfants, et à favoriser le respect de l'opinion de l'enfant dans la famille, les collectivités, l'école, les services de prise en charge, l'administration et le système judiciaire.

D.4. Libertés et droits civils

Enregistrement des naissances

16. Le Comité observe que l'État partie a adopté une loi garantissant l'enregistrement des enfants à la naissance ( Registration of Births and Deaths Act ), mais s'inquiète de ce que certains enfants ne sont toujours pas enregistrés à la naissance et ne se voient attribuer un nom que lorsqu'ils sont baptisés, c'est ‑à-dire parfois trois ou quatre mois après leur naissance. Compte tenu des articles 7 et 8 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment en sensibilisant les fonctionnaires, les responsables communautaires et religieux, ainsi que les parents eux ‑mêmes, pour faire en sorte que tous les enfants soient déclarés et qu'un nom leur soit attribué dès la naissance.

D.5. Milieu familial et protection de remplacement

Responsabilités parentales

17.Le Comité partage les préoccupations de l'État partie en ce qui concerne les difficultés auxquelles sont confrontés les enfants du fait des bouleversements des structures sociales et familiales qui ont engendré une augmentation du nombre de ménages monoparentaux et une diminution du soutien offert auparavant par la famille étendue. Il est également préoccupé par l'apparente absence de protection juridique des droits, notamment alimentaires et successoraux, des enfants naturels nés de parents entretenant des relations épisodiques ou vivant en union libre. Le Comité s'inquiète en outre des conséquences financières et psychologiques de ce type de relations pour les enfants. Le manque d'aide et de conseils en matière d'orientation et de responsabilités parentales sont également des sujets de préoccupation. L'État partie est encouragé à intensifier son action d'éducation et de sensibilisation de la famille, par le biais notamment de services d'appui, y compris en dispensant une formation aux parents, en particulier ceux entretenant des relations épisodiques ou vivant en union libre, en matière d'orientation parentale et de responsabilité conjointe des parents, dans l'optique de l'article 18 de la Convention. Le Comité recommande également à l'État partie d'effectuer une étude sur l'incidence (tant financière que psychologique) des "relations de passage" sur les enfants. Il lui recommande en outre de prendre toutes les mesures voulues, notamment de nature juridique, pour assurer la protection des droits des enfants nés de parents entretenant des relations épisodiques ou vivant en union libre.

Protection des enfants privés de milieu familial

18.Le Comité s'inquiète de ce que l'État partie n'a pas élaboré et mis en application un ensemble de normes pour les institutions chargées d'offrir une protection de remplacement aux enfants. Il est également préoccupé par l'inexistence d'un mécanisme indépendant d'enregistrement des plaintes des enfants confiés à ces institutions, l'absence de suivi systématique des placements, ainsi que le manque de personnel formé dans ce domaine. Il est recommandé à l'État partie d'élaborer un ensemble de normes afin d'assurer aux enfants privés de milieu familial des soins et une protection adéquats. Le Comité recommande à l'État partie d'améliorer la formation, notamment en matière de droits de l'enfant, des travailleurs sociaux et des agents des services sociaux, de veiller à ce que les placements en institution fassent l'objet d'un examen périodique, et de mettre en place un mécanisme indépendant d'enregistrement des plaintes d'enfants placés en institution.

Adoptions aux niveaux national et international

19.Le Comité prend note de la récente promulgation de la loi portant modification de la loi sur l'adoption (Adoption Amendment Act), et de la mise en place du Conseil pour l'adoption, mais il demeure préoccupé par le fait que les adoptions, tant au niveau national qu'international, ne font pas l'objet d'une surveillance. Le Comité s'inquiète également du nombre élevé d'adoptions internationales, eu égard en particulier à la faible superficie de l'État partie, ainsi que de l'apparent parti pris en faveur des filles. Compte tenu de l'article 21 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie d'introduire des procédures de surveillance adéquates des adoptions, tant au niveau national qu'international. Il recommande également à l'État partie d'effectuer une étude pour évaluer la situation en matière d'adoptions internationales, déterminer l'incidence de ce phénomène et comprendre pourquoi les filles sont préférées aux garçons. En outre, le Comité engage l'État partie à envisager d'adhérer à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale (1993).

Sévices, abandons, maltraitance, violence

20.Le Comité se félicite des récentes mesures prises par l'État partie pour s'attaquer au problème des sévices à enfant et de la violence familiale, notamment par la mise en place d'un service d'assistance téléphonique d'urgence et l'ouverture d'un foyer provisoire pour les femmes battues et leurs enfants. En outre, le Comité prend note des efforts de l'État partie pour dispenser une formation appropriée aux enseignants et aux officiers de police, ainsi que pour sensibiliser les médias et le grand public à la question des sévices à enfant. Il prend note également de l'intention de l'État partie d'introduire une rubrique relative aux sévices à enfant dans l'enquête socioéconomique qui devrait commencer en janvier 2000. Le Comité demeure préoccupé par le manque de sensibilisation et d'information en matière de violence familiale, de maltraitance et de sévices à enfant, notamment de sévices sexuels, ainsi que par l'insuffisance des ressources financières et humaines et l'inadéquation des programmes prévus pour lutter contre ces phénomènes. Le Comité s'inquiète également de ce que les mesures prises pour protéger la vie privée des enfants victimes de sévices sont insuffisantes. Compte tenu de l'article 19, le Comité recommande à l'État partie d'entreprendre des études sur la violence dans la famille, la maltraitance et les sévices sexuels, afin d'adopter des politiques appropriées pour contribuer à modifier les comportements traditionnels. Il recommande également que les cas de violence dans la famille, de maltraitance et d'exploitation sexuelle des enfants fassent l'objet d'enquêtes appropriées dans le cadre d'une procédure judiciaire adaptée aux enfants et que des sanctions soient imposées aux auteurs de sévices, y compris l'obligation de subir un traitement, compte dûment tenu du droit de l'enfant au respect de sa vie privée. Des mesures devraient également être prises pour veiller à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale des victimes de sévices, conformément à l'article 39 de la Convention, afin d'éviter qu'elles ne soient rejetées et tombent dans la délinquance. Le Comité recommande à l'État partie de solliciter une aide technique, notamment auprès de l'UNICEF.

Châtiments corporels

21.Le Comité est gravement préoccupé par le fait que les châtiments corporels sont toujours largement infligés dans l'État partie, et que la législation nationale ne les prohibe pas. À cet égard, le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les dispositions appropriées, notamment sur le plan législatif, pour interdire les châtiments corporels dans la famille, à l'école, dans les systèmes de justice pour mineurs et de protection de remplacement, et dans la société en général. Il propose également que des campagnes de sensibilisation soient menées pour promouvoir d'autres formes de sanctions disciplinaires, conformes à la dignité humaine de l'enfant et aux dispositions de la Convention, en particulier son article 28.2.

D.6.  Santé et bien‑être

Droit à la santé et accès aux services de santé

22.Le Comité est préoccupé par le nombre limité de programmes et de services spécialisés et le manque de données précises en ce qui concerne la santé des adolescents, notamment les accidents, la violence, le suicide, la santé mentale, l'avortement, le VIH/sida et les maladies sexuellement transmissibles (MST). Il est particulièrement préoccupé par le nombre élevé de grossesses chez les adolescentes et la situation des mères adolescentes, en particulier en ce qui concerne leur prise en charge tardive par les dispensaires de soins prénatals, et leurs méthodes d'allaitement au sein généralement peu satisfaisantes. Le Comité s'inquiète de ce que la plupart des cas actuels de mortalité infantile et maternelle sont liés à des mères adolescentes. Le Comité recommande à l'État partie de s'attacher à promouvoir des politiques sanitaires et des services consultatifs répondant aux besoins des adolescents, et à améliorer l'éducation en matière de santé génésique, notamment en encourageant les garçons à utiliser des préservatifs. Il propose également qu'une étude approfondie et pluridisciplinaire soit réalisée afin de cerner l'ampleur des problèmes sanitaires des adolescents, notamment la situation particulière des enfants contaminés ou affectés par le VIH/sida et les MST, ou vulnérables à ces maladies. En outre, il est recommandé à l'État partie de prendre des mesures supplémentaires, notamment l'allocation de ressources humaines et financières suffisantes et l'augmentation du nombre de travailleurs sociaux et de psychologues, pour mettre en place des centres d'accueil, de conseil et de réadaptation destinés aux adolescents. Le Comité encourage également l'État partie à élaborer des politiques et programmes globaux visant à réduire l'incidence de la mortalité infantile et maternelle, et à promouvoir des méthodes d'allaitement au sein et de sevrage appropriées chez les mères adolescentes. À cet égard, le Comité recommande à l'État partie de solliciter l'assistance technique de l'UNICEF et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), notamment, pour la mise en œuvre du Programme de prise en charge intégrée des maladies de l'enfant et d'autres initiatives visant à améliorer la santé des enfants.

Enfants handicapés

23.Le Comité prend acte de la récente nomination d'un psychopraticien chargé de la santé mentale des enfants, mais il demeure préoccupé par la situation en la matière. Il s'inquiète de l'absence de protection juridique des enfants handicapés, ainsi que du manque d'installations et de services spécialisés. Il s'inquiète également de ce que les mesures prises par l'État partie pour faciliter l'intégration des enfants handicapés dans le système éducatif, et dans la société en général, demeurent insuffisantes. Il observe avec préoccupation que le manque de ressources humaines et financières a compromis l'efficacité du Programme d'intervention immédiate au bénéfice des enfants handicapés. Compte tenu des Règles pour l'égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l'Assemblée générale) et des recommandations adoptées par le Comité lors de sa journée de débat général sur "les droits des enfants handicapés" (CRC/C/69), le Comité recommande à l'État partie de mettre au point des programmes de diagnostic précoce pour prévenir les handicaps, de rechercher des solutions de substitution au placement en institution des enfants handicapés, d'élaborer des programmes d'enseignement spécialisé à l'intention des enfants handicapés et d'encourager l'intégration de ces enfants dans la société. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures propres à garantir que des ressources suffisantes sont consacrées à la mise en œuvre effective du Programme d'intervention immédiate au bénéfice des enfants handicapés. Il recommande en outre à l'État partie de réaliser une étude sur la situation des enfants souffrant de troubles mentaux, afin de remédier à ce problème de plus en plus fréquent. En outre, il recommande à l'État partie de sensibiliser le public aux droits et aux besoins particuliers des enfants handicapés, et des enfants ayant des problèmes de santé mentale. Il recommande également à l'État partie de solliciter une aide technique, notamment auprès de l'UNICEF et de l'OMS, pour la formation du personnel professionnel travaillant avec et pour les enfants handicapés.

Hygiène de l'environnement

24.Tout en notant que l'État partie entend améliorer les services d'hygiène de l'environnement, notamment en mettant en place un organisme chargé de la gestion des déchets solides et en généralisant la collecte des déchets (les zones couvertes passant de 55 % à 95 % environ), le Comité demeure préoccupé par la situation insatisfaisante en matière d'hygiène de l'environnement. À cet égard, il note que les latrines à fosses continuent d'être largement utilisées, ce qui contribue à accroître la pollution marine, et que le programme d'élimination des déchets solides est insuffisant. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures pour faire face aux problèmes d'hygiène de l'environnement, en particulier en ce qui concerne la gestion des déchets solides.

D. 7. Éducation, loisirs et activités culturelles

Droit à l'éducation et objectifs de l'éducation

25.Tout en étant conscient des efforts accomplis par l'État partie dans le domaine de l'éducation, le Comité demeure préoccupé par le niveau élevé de l'absentéisme scolaire (en particulier chez les garçons), l'accès limité à l'éducation secondaire, le manque de documents pédagogiques pertinents, le nombre insuffisant des enseignants qualifiés et formés, et la tendance à utiliser des méthodes pédagogiques presque exclusivement axées sur les examens. L'augmentation de la violence parmi les élèves est également un phénomène inquiétant. Le Comité note avec préoccupation que les ressources allouées au programme d'alimentation scolaire sont insuffisantes pour permettre son maintien. Il est également préoccupé par l'absence de services sanitaires et consultatifs dans les écoles. Le Comité recommande à l'État partie d'examiner son programme éducatif en vue d'en améliorer la qualité et la pertinence, et de s'assurer que les élèves reçoivent une formation alliant à la fois les connaissances scolaires et les compétences utiles à la vie courante, notamment en matière de communication, de prise de décisions et de règlement des conflits. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures propres à améliorer l'accès à l'enseignement secondaire. Il recommande en outre à l'État partie de prendre des mesures supplémentaires afin d'encourager les enfants, en particulier les garçons, à rester à l'école, surtout pendant la période de scolarité obligatoire. À cet égard, le Comité engage vivement l'État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour que des ressources suffisantes soient allouées au programme d'alimentation scolaire et que des services sanitaires et consultatifs appropriés soient disponibles dans les écoles. Il est également recommandé à l'État partie de renforcer son système éducatif grâce à une coopération plus étroite avec l'UNICEF et l'UNESCO.

D.8. Mesures spéciales de protection

Exploitation économique

26.Le Comité se félicite que l'État partie soit disposé à ratifier la Convention No 138 de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, et à porter de 14 à 15 ans l'âge minimum légal pour occuper un emploi. Compte tenu de la situation économique actuelle dans l'État partie et du niveau élevé d'absentéisme et d'abandon scolaires, en particulier parmi les garçons, le Comité est préoccupé par l'absence d'informations et de données pertinentes relatives au travail et à l'exploitation économique des enfants. Le Comité encourage l'État partie à mettre en place des mécanismes de surveillance pour garantir l'application effective de la législation du travail et protéger les enfants de l'exploitation économique, en particulier dans le secteur non structuré. Il est en outre recommandé à l'État partie de réaliser une étude complète afin d'évaluer la situation en ce qui concerne le travail des enfants. Le Comité engage l'État partie à envisager de ratifier la Convention No 138 de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, ainsi que la Convention No 182 de l'OIT concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants.

Abus de drogues

27.Le Comité prend note des efforts de l'État partie, tant au niveau national que régional, pour réduire la demande de drogues et lutter contre le trafic de stupéfiants. Toutefois, il demeure préoccupé par la forte incidence de l'alcoolisme et de la toxicomanie parmi les jeunes, et l'insuffisance des services et programmes de prise en charge psychologique, sociale et médicale existants dans ces domaines. Compte tenu de l'article 33 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées, y compris dans les domaines administratif, social et éducatif, pour protéger les enfants contre l'usage illicite d'alcool, de drogues et de substances psychotropes et pour empêcher qu'ils ne soient utilisés dans la production et le trafic illicites de ces substances. Le Comité encourage l'État partie à appuyer les programmes de réadaptation à l'intention des enfants victimes d'abus d'alcool, de drogues et de substances toxiques. À cet égard, il engage l'État partie à envisager de solliciter l'assistance technique de l'UNICEF et de l'OMS, notamment.

Administration de la justice pour mineurs

28.Le Comité prend note de l'intention de l'État partie de mettre en place un système de justice pour mineurs, mais il demeure préoccupé par :

a) L'absence d'un système efficace et efficient d'administration de la justice pour mineurs, et en particulier le fait que le système existant ne soit pas compatible avec la Convention et d'autres normes pertinentes des Nations Unies;

b)La longueur des délais avant que les affaires impliquant des mineurs ne soient jugées, et le manque de confidentialité qui semble caractériser ces affaires;

c)La détention de mineurs dans des établissements pénitentiaires pour adultes, le manque d'installations adéquates réservées aux enfants délinquants, et le manque de personnel formé pour travailler avec ces enfants.

Le Comité recommande à l'État partie :

a) De prendre des mesures supplémentaires pour mettre en place un système de justice pour mineurs qui soit conforme à la Convention, en particulier à ses articles 37, 40 et 39, et à d'autres normes des Nations Unies applicables en la matière, notamment l'Ensemble de règles minima concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de leur liberté;

  b) De ne recourir aux mesures privatives de liberté qu'en dernier ressort et pour la période la plus courte possible, de protéger les droits des enfants privés de leur liberté, y compris leur droit à l'intimité, de faire en sorte que les enfants restent en contact avec leurs familles lorsqu'ils relèvent des services de la justice pour mineurs et d'interdire et d'éliminer les châtiments corporels (fouet) dans le système de justice pour mineurs;

c) D'organiser des programmes de formation sur les normes internationales applicables en la matière, à l'intention de tous les professionnels concernés par le système de justice pour mineurs;

d) D'envisager de solliciter une assistance technique, notamment auprès du Haut ‑Commissariat aux droits de l'homme, du Centre de la prévention de la criminalité internationale, du Réseau international en matière de justice pour mineurs et de l'UNICEF, par l'intermédiaire du Groupe de coordination des services consultatifs et de l'assistance technique dans le domaine de la justice pour mineurs.

D.9.  Diffusion du présent rapport

29.Enfin, le Comité recommande que, conformément au paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, l'État partie assure à son rapport initial et à ses réponses écrites une large diffusion auprès du public et envisage la possibilité de publier ledit rapport ainsi que le compte rendu des séances consacrées à son examen et les observations finales adoptées par le Comité. Le document ainsi produit devrait être largement diffusé pour susciter des débats et contribuer à faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi auprès des pouvoirs publics et de la société civile, notamment des organisations non gouvernementales.

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