Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/15/Add.182

13 juin 2002

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trentième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESEN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l’enfant: Suisse

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Suisse (CRC/C/78/Add.3) à ses 790e et 791e séances (voir CRC/C/SR.790 et 791), tenues le 29 mai 2002, et a adopté les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de l’État partie, qui a été établi selon ses directives. Il prend note également de la présentation dans les délais des réponses écrites aux questions de la liste des points à traiter (CRC/C/Q/SWI/1), qui ont permis de mieux comprendre la situation des enfants dans l’État partie, et indique qu’il a eu un dialogue fructueux avec la délégation de l’État partie. La haute compétence de ses membres, directement impliqués dans l’application de la Convention, a permis de se faire une meilleure idée des droits de l’enfant dans l’État partie.

B. Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de l’adoption des textes suivants:

a)La nouvelle Constitution de 1999 qui contient des dispositions relatives aux droits de l’enfant, en particulier l’article 11;

b)La nouvelle loi sur le divorce et la filiation (entrée en vigueur en 2000);

c)Les amendements au Code pénal qui rendent punissable la simple possession de pornographie dure, notamment de pornographie enfantine (entrés en vigueur en 2002);

d)La révision de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (entrée en vigueur en 2002);

e)La loi sur la procréation médicalement assistée (entrée en vigueur en 2001).

4.Le Comité se félicite également du fait que la Convention peut être directement invoquée devant les tribunaux et que le Tribunal fédéral s’est référé aux dispositions et aux principes de la Convention en plusieurs occasions.

5.Le Comité se félicite que l’État partie coopère étroitement avec la société civile en ce qui concerne les droits de l’enfant.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d’application générales

Réserves

6.Le Comité est préoccupé par les réserves émises par l’État partie concernant les articles 5, 7, 10 et 37 de la Convention ainsi que par celles qu’il a formulées au sujet de l’article 40, qui sont au nombre de quatre, mais il se félicite d’apprendre que l’État partie envisage de retirer la plupart de ces réserves, selon un calendrier préliminaire présenté lors du dialogue, grâce aux révisions, en cours ou déjà effectuées, de la Constitution et d’autres lois pertinentes. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par la lenteur du processus de retrait et encore plus par le fait que certaines réserves ne seront peut‑être pas levées du tout ou, seulement dans un avenir lointain.

7. À la lumière de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne de 1993, le Comité recommande à l’État partie:

a) D’accélérer autant que possible le processus de retrait des réserves concernant la gratuité de l’assistance d’un interprète [par. 2 de l’article 40, alinéa b vi)] et de retirer également dans les meilleurs délais la réserve portant sur l’article 5, étant donné que celle ‑ci n’est, selon l’État partie, qu’une déclaration interprétative qui ne met pas en cause le sens de l’article 5;

b) D’accélérer la révision de la loi sur la naturalisation et de retirer au plus vite, après approbation de cette révision, la réserve concernant l’article 7;

c) D’accélérer la révision de la loi sur les ressortissants étrangers (anciennement loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers) et de retirer dès que possible, après approbation de la révision, la réserve portant sur le paragraphe 1 de l’article 10 concernant la réunification familiale;

d) D’accélérer l’approbation et l’adoption de la nouvelle loi régissant la condition pénale des mineurs pour pouvoir entamer au plus vite la procédure de retrait de la réserve au paragraphe 2 de l’article 40, alinéa b ii) concernant l’assistance juridique ainsi qu’à l’alinéa c de l’article 37 concernant la nécessité de séparer les enfants privés de liberté des adultes;

e) De réexaminer la réserve portant sur la possibilité pour un même juge dans le cadre de la justice pour mineurs d’exercer les fonctions d’instruction et de jugement car la clause stipulant que la cause de l’enfant doit être entendue par une autorité ou une instance judiciaire indépendante et impartiale [par. 2 de l’article 40, alinéa b iii)] ne signifie pas nécessairement et en toutes circonstances que les fonctions d’instruction et de jugement ne puissent être confiées à un seul et même juge;

f) Accélérer la réforme juridique en cours visant à abolir la compétence du Tribunal fédéral en tant que tribunal de première instance et retirer dans les meilleurs délais, après approbation de la réforme, la réserve portant sur l’alinéa b v) du paragraphe 2 de l’article 40.

8. Le Comité invite instamment l’État partie à procéder au retrait complet de toutes les réserves qu’il a formulées avant la présentation de son prochain rapport.

Législation

9.Le Comité est conscient que de nombreuses lois concernant les enfants, telles que la loi fédérale sur les procédures pénales applicables aux mineurs, la loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs et la loi sur les ressortissants étrangers sont en cours de révision dans l’État partie, y compris dans les cantons.

10. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De faire en sorte, par l’intermédiaire d’un mécanisme approprié, que les lois nationales et cantonales soient conformes à la Convention pour éviter les discriminations auxquelles sont susceptibles de donner lieu les disparités existantes dans l’État partie;

b) De s’assurer avec soin que ces lois et d’autres lois concernant les enfants ainsi que les règlements administratifs, tant au niveau fédéral qu’au niveau cantonal, garantissent le respect de leurs droits et sont conformes à la Convention, ainsi qu’à d’autres normes et instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme;

c) De veiller à ce que des dispositions suffisantes soient prises notamment en termes d’allocation budgétaire, pour garantir leur application effective; et

d) De veiller à ce qu’elles soient promulguées rapidement et sans contretemps.

Coordination

11.Le Comité note que le Conseil fédéral a spécifié dans sa résolution du 15 octobre 1997 que le Département fédéral de l’intérieur était chargé de coordonner la mise en œuvre de la Convention et qu’il existait des mécanismes de coordination entre les cantons et entre les cantons et le Gouvernement fédéral. Toutefois, le Comité demeure préoccupé par le fait que l’absence d’un mécanisme central pour coordonner la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie rend difficile de mettre sur pied une politique globale et cohérente dans le domaine des droits de l’enfant.

12. Le Comité recommande à l’État partie de créer un mécanisme national permanent adéquat pour coordonner la mise en œuvre de la Convention au niveau fédéral, entre les niveaux fédéral et cantonal, et entre les cantons.

13.Le Comité note que le Département fédéral de l’intérieur a formulé des éléments d’une politique suisse de l’enfance et de la jeunesse, mais il demeure préoccupé par le fait que cette politique ne couvre pas tous les droits des enfants, en particulier les plus jeunes, reconnus dans la Convention.

14. Le Comité recommande à l’État partie d’établir et d’appliquer un plan d’action national global pour la mise en œuvre de la Convention, dans le cadre d’un processus ouvert de consultation et de participation. Ce plan d’action devrait suivre une approche fondée sur les droits et ne pas être axé uniquement sur la protection et le bien ‑être. En outre, le Comité recommande d’accorder une égale attention aux petits et aux grands enfants. Enfin, le Comité recommande à l’État partie de se fonder sur des évaluations d’impact sur les enfants pour formuler les lois et les politiques et établir les budgets.

Structures de suivi

15.Le Comité prend note de la création de postes de médiateur dans plusieurs cantons et de mécanismes spécialisés dans les questions relatives aux enfants dans plusieurs cantons et villes. Il note également que plusieurs motions parlementaires ont été présentées en vue de créer une institution fédérale des droits de l’homme. Toutefois, le Comité est préoccupé de constater qu’il n’existe pas de mécanisme central indépendant chargé de surveiller l’application de la Convention et habilité à recevoir et à examiner des plaintes individuelles émanant d’enfants aux niveaux cantonal et fédéral.

16. Le Comité recommande à l’État partie de créer une institution fédérale des droits de l’homme indépendante, conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale) concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, chargée de surveiller et d’évaluer les progrès dans le domaine de la mise en œuvre de la Convention. Elle devrait être accessible aux enfants, habilitée à recevoir des plaintes relatives à la violation des droits de l’enfant, à procéder à des enquêtes en ménageant la sensibilité des enfants et à traiter les plaintes dans de bonnes conditions d’efficacité.

Collecte de données

17.Le Comité prend note des mesures prises en vue d’améliorer la collecte des données, essentiellement par le biais du Programme national de recherche. Toutefois, il demeure préoccupé par le fait que les fourchettes d’âge utilisées dans les statistiques, en particulier dans le recensement national, ne sont pas conformes à la définition de l’enfant telle qu’elle figure dans la Convention et par le fait que tous les domaines visés dans la Convention ne sont pas couverts.

18. Le Comité recommande à l’État partie de rassembler des données désagrégées sur toutes les personnes de moins de 18 ans pour tous les domaines visés dans la Convention, notamment en ce qui concerne les groupes les plus vulnérables et sur les domaines qui ne sont pas couverts par les données actuelles, et d’utiliser ces données pour évaluer les progrès réalisés et élaborer des politiques de mise en œuvre de la Convention.

Formation/diffusion de la Convention

19.Le Comité se félicite que l’État partie ait l’intention de publier son rapport initial avec les observations finales et un résumé du rapport. Il constate toutefois avec préoccupation que la Convention n’a pas été traduite dans la quatrième langue nationale de l’État partie, à savoir le romanche, et que des activités de diffusion, de sensibilisation et de formation n’ont pas toujours été entreprises de manière systématique et ciblée.

20. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De renforcer et de poursuivre son programme pour la diffusion d’informations sur la Convention et sa mise en œuvre parmi les enfants et les parents, au sein de la société civile et dans tous les secteurs ainsi qu’à tous les niveaux des pouvoirs publics, notamment en prenant des mesures pour atteindre les groupes vulnérables, en particulier les enfants migrants et demandeurs d’asile;

b) De traduire la Convention en romanche;

c) D’élaborer et de diffuser des programmes de formation systématiques et permanents dans le domaine des droits de l’homme, y compris les droits de l’enfant, à l’intention de tous les groupes professionnels travaillant pour et avec des enfants (par exemple les parlementaires aux échelons fédéral et cantonal, les juges, les avocats, les responsables de l’application des lois, les fonctionnaires, les agents des administrations locales, le personnel des établissements et des lieux de détention pour enfants, les enseignants et le personnel de santé).

2. Principes généraux

Non‑discrimination

21.Tout en notant que la discrimination est interdite par la Constitution (art. 8), le Comité est préoccupé par la discrimination de facto dont les enfants étrangers sont victimes et par les incidents de haine raciale et de xénophobie qui se produisent et ont un effet négatif sur le développement des enfants. Il constate en outre avec préoccupation que certaines disparités au niveau cantonal en ce qui concerne les pratiques et services fournis ainsi que la jouissance de leurs droits par les enfants peuvent être considérées comme étant discriminatoires.

22. À la lumière de l’article 2 et d’autres articles connexes de la Convention, le Comité recommande à l’État partie d’évaluer soigneusement et régulièrement les disparités qui existent en ce qui concerne l’exercice par les enfants de leurs droits et de prendre ensuite les mesures qui s’imposent pour prévenir et combattre les disparités discriminatoires. Il lui recommande en outre de renforcer les mesures administratives visant à prévenir et à éliminer la discrimination de facto exercée à l’égard des enfants étrangers ou des enfants appartenant à des minorités.

23. Le Comité demande que dans le prochain rapport périodique figurent des renseignements précis sur les mesures et programmes en relation avec la Convention relative aux droits de l’enfant, entrepris par l’État partie pour donner effet à la Déclaration et au Programme d’action adoptés en 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, compte tenu de l’observation générale n o  1 sur le paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (buts de l’éducation).

Intérêt supérieur de l’enfant

24.Le Comité constate avec préoccupation que le principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3) n’est pas pleinement appliqué et dûment intégré dans la mise en œuvre des politiques et des programmes de l’État partie.

25. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour s’assurer que le principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant soit incorporé de façon appropriée dans toutes les lois et budgets, ainsi que dans les décisions judiciaires et administratives et les projets, programmes et services qui ont des incidences sur les enfants.

Respect des opinions de l’enfant

26.Tout en se félicitant du paragraphe 2 de l’article 11 de la Constitution qui reconnaît que l’enfant peut exercer lui‑même ses droits dans la mesure où il a la maturité voulue ainsi que des nombreuses dispositions juridiques qui garantissent le droit de l’enfant à exprimer ses opinions et notant que divers parlements de jeunes ont été créés au niveau cantonal ou municipal, le Comité est préoccupé de constater que le principe général énoncé à l’article 12 de la Convention n’est pas pleinement appliqué et dûment intégré concrètement dans la mise en œuvre des politiques et des programmes de l’État partie.

27. Le Comité recommande de poursuivre les efforts destinés à assurer l’application du principe du respect des opinions de l’enfant. À cet égard, il conviendrait de mettre tout particulièrement l’accent sur le droit de l’enfant à participer aux activités au sein de la famille, à l’école, dans d’autres institutions et organismes et au sein de la société en général, une attention particulière étant accordée aux groupes vulnérables. Ce principe général devrait aussi trouver son expression dans l’ensemble des politiques et des programmes concernant les enfants. Il conviendrait de renforcer les campagnes de sensibilisation du public ainsi que l’éducation et la formation des professionnels quant à l’application de ce principe.

3. Droits et libertés civils

Droit de connaître sa propre identité

28.Le Comité note que l’article 27 sur la loi sur la procréation médicalement assistée prévoit que l’enfant ne peut être informé de l’identité de son père que s’il peut faire valoir un «intérêt légitime» et il s’interroge sur le sens de cette expression dans ce contexte.

29. À la lumière de l’article 7 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de garantir, autant que possible, à l’enfant le respect de son droit de connaître l’identité de ses parents.

Torture et maltraitance

30.Le Comité est vivement préoccupé d’apprendre que des enfants étrangers auraient été maltraités par des agents de la force publique et que des cas de sévices ont été signalés.

31. Le Comité fait siennes les recommandations formulées à cet égard par le Comité contre la torture (A/53/44, par. 94) et recommande à l’État partie, à la lumière de l’article 37 de la Convention:

a) De créer des mécanismes adaptés aux enfants dans tous les cantons, chargés de recevoir les plaintes dirigées contre des agents de la force publique pour mauvais traitement au cours d’arrestations, d’interrogatoires et de gardes à vue; et

b) De former systématiquement les forces de police aux droits fondamentaux des enfants.

Châtiments corporels

32.Le Comité note que les châtiments corporels sont interdits dans les écoles mais constate avec préoccupation que, d’après la jurisprudence du Tribunal fédéral, ces châtiments ne sont pas considérés comme des violences physiques s’ils ne dépassent pas le niveau généralement accepté par la société. Il est en outre préoccupé par le fait que les châtiments corporels dans la famille ne sont pas interdits par la loi.

33. Le Comité recommande à l’État partie d’interdire explicitement toutes les pratiques de châtiment corporel au sein de la famille, à l’école et dans les établissements et de mener des campagnes d’information destinées, entre autres, aux parents, aux enfants, aux responsables de la police et de la justice et aux enseignants, pour expliquer les droits des enfants à cet égard et encourager le recours à d’autres moyens de discipline compatibles avec la dignité humaine de l’enfant et conformes à la Convention, en particulier à l’article 19 et au deuxième paragraphe de l’article 28.

4. Milieu familial et protection de remplacement

Service de garde d’enfants pour les enfants dont les parents travaillent

34.Tout en se félicitant de l’initiative parlementaire visant à accroître le nombre d’établissements de garde d’enfants, le Comité note toutefois avec préoccupation que, d’après les renseignements fournis par l’État partie (CRC/C/78/Add.3, par. 481), l’offre existante en matière de garde d’enfants est loin de couvrir les besoins.

35. À la lumière du paragraphe 3 de l’article 18 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre des mesures pour créer des services de garde d’enfants supplémentaires afin de répondre aux besoins des parents qui travaillent; et

b) De faire en sorte que les services de garde d’enfants fournis favorisent le développement des jeunes enfants, compte tenu des principes et dispositions de la Convention.

Adoption

36.Le Comité se félicite de l’entrée en vigueur de l’article 268 c) du Code civil qui permettra aux enfants adoptés de connaître leurs parents biologiques et du processus de ratification de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, en date du 29 mai 1993, qui est en cours et qui devrait s’achever en 2003. Toutefois, il demeure préoccupé par le fait que les enfants adoptés à l’étranger doivent attendre deux ans pour que leur adoption soit officielle, ce qui peut être source de discrimination et mener à l’apatridie. En outre, le Comité est préoccupé par les cas de maltraitance d’enfants par leurs parents adoptifs, dus à un suivi insuffisant, qui ont été signalés.

37. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour éviter que les enfants adoptés à l’étranger ne deviennent apatrides ou ne soient victimes de discrimination à cause du délai s’écoulant entre leur arrivée dans l’État partie et leur adoption officielle. Il lui suggère en outre de contrôler systématiquement la situation de ces enfants par des mesures de suivi adéquates en vue d’éliminer la maltraitance et la violation d’autres droits les concernant.

Sévices et négligence/violence

38.Tout en se félicitant des nombreuses initiatives qui ont été prises pour résoudre le problème de la violence contre les enfants au sein de la famille, à l’école et dans le cadre des activités sportives, le Comité reste préoccupé par le manque de données et de renseignements sur les sévices et/ou la négligence dont ils sont l’objet.

39. Compte tenu de l’article 19, le Comité recommande à l’État partie:

a) D’entreprendre des études sur la violence, la maltraitance et les sévices dont les enfants sont victimes, en particulier ceux qui font partie de groupes vulnérables, y compris les sévices sexuels, perpétrés notamment au sein de la famille, ainsi que sur les brimades à l’école, afin de déterminer l’étendue, l’ampleur et la nature de ces pratiques;

b) De lancer des campagnes de sensibilisation avec la participation d’enfants afin de prévenir et de combattre la violence dont ils sont la cible;

c) D’évaluer le travail des structures existantes et d’assurer la formation des personnes appelées à traiter ce type de cas dans le cadre de leurs fonctions; et

d) D’enquêter de manière appropriée sur les cas de violence familiale, de mauvais traitements et de sévices, y compris sexuels, infligés aux enfants au sein de la famille, dans le cadre de procédures d’enquête et de jugement respectueuses des enfants, propres à assurer une meilleure protection des victimes, y compris en ce qui concerne leur droit à l’intimité.

5. Santé et bien ‑être

Santé des adolescents

40.Tout en tenant compte du haut niveau du système des soins de santé, du très faible taux de mortalité infantile et du recul du nombre de cas de VIH/sida, le Comité est néanmoins préoccupé par le nombre élevé de suicides parmi les adolescents et par le nombre limité de mesures visant à prévenir ce phénomène, ainsi que par l’insuffisance de l’accès des adolescents à des services d’aide psychopédagogique, notamment en dehors du cadre scolaire. En outre, le Comité est préoccupé par le taux élevé et croissant de la consommation d’alcool et de l’usage du tabac, parmi les adolescents, et notamment les filles. Par ailleurs, tout en notant que le taux d’accidents mortels est en baisse, le Comité est néanmoins préoccupé par le nombre élevé d’enfants qui meurent ou sont blessés dans des accidents de la circulation. Enfin, le Comité est préoccupé par les cas de mutilation génitale féminine pratiqués à l’étranger.

41. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De poursuivre ses efforts pour faire régresser le nombre de cas de VIH/sida et de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre le suicide des adolescents, notamment par la collecte et l’analyse de données, le lancement de campagnes de sensibilisation et la mise en place de programmes spécifiques et de services d’aide psychopédagogique;

b) D’intensifier ses efforts en vue de promouvoir des politiques axées sur la santé des adolescents, notamment en ce qui concerne la consommation d’alcool et l’usage du tabac;

c) De poursuivre ses efforts pour faire baisser le nombre d’enfants victimes d’accidents de la circulation; et

d) De lancer des campagnes de sensibilisation à l’intention des groupes concernés pour mettre fin à la pratique des mutilations génitales féminines et de faire une étude approfondie sur ce sujet.

Enfants handicapés

42.Tout en se félicitant du fait que la Constitution interdit la discrimination fondée sur les handicaps (art. 8 de la Constitution), le Comité reste préoccupé par le manque de statistiques sur les enfants handicapés et l’absence de pratiques uniformes visant à les intégrer dans le système éducatif ordinaire dans les divers cantons. Par ailleurs, le Comité juge préoccupante la distinction qui est faite entre les enfants qui naissent handicapés et ceux qui le deviennent pour ce qui est des soins à domicile (ibid. par. 39).

43. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’intensifier la collecte de données concernant les enfants handicapés;

b) D’entreprendre une évaluation des disparités existantes en ce qui concerne l’intégration des enfants handicapés dans l’enseignement ordinaire dans l’ensemble du pays et de prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer ces différences susceptibles de générer des discriminations;

c) De revoir son système de soins à domicile afin d’éliminer la discrimination de facto existant entre les enfants handicapés de naissance et ceux qui le sont devenus à la suite d’une maladie ou d’un accident.

Assurance maladie

44.Le Comité note qu’une réforme du système de sécurité sociale est en cours mais il demeure préoccupé par le fait que les coûts des assurances sociales et de la santé sont très élevés, ce qui peut défavoriser les familles à faible revenu.

45. Le Comité fait siennes les observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/1/Add.30, par. 36) et recommande à l’État partie de revoir son système d’assurance maladie afin d’abaisser les coûts des services de santé, par exemple en abaissant le montant des primes.

Niveau de vie/protection sociale

46.Tout en prenant note de la richesse économique et du niveau de vie élevé de l’État partie, le Comité note avec préoccupation que 5,6 % de la population est touchée par la pauvreté et que, selon des renseignements fournis par l’État partie (Éléments d’une politique suisse de l’enfance et de la jeunesse), les familles jeunes, les familles monoparentales et les familles nombreuses sont les plus touchées. Le Comité est préoccupé également de constater que les allocations familiales varient d’un canton à l’autre et selon que le bénéficiaire exerce ou non un emploi rémunéré.

47. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour enrayer la pauvreté compte tenu des principes et des dispositions de la Convention, en particulier les articles 2, 3, 6, 26 et 27, et de revoir son système d’allocations et de prestations familiales en tenant dûment compte du système de contrôle du niveau des ressources, en particulier pour les familles sans emploi rémunéré et les familles non salariées.

6. Éducation

48.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur la façon dont les buts de l’éducation, en particulier l’éducation relative aux droits de l’homme, sont pris en compte dans les programmes scolaires de tous les cantons de l’État partie, compte tenu de l’article 29 de la Convention et de l’observation générale no 1 du Comité sur les buts de l’éducation.

49. Le Comité recommande à l’État partie de fournir des informations dans son prochain rapport sur la façon dont les buts de l’éducation sont pris en compte dans les programmes scolaires au niveau des cantons.

7. Mesures spéciales de protection

Enfants réfugiés, demandeurs d’asile et non accompagnés

50.Tout en se félicitant de l’entrée en vigueur, le 1er octobre 1999, de la législation fédérale en matière d’asile (loi fédérale sur l’asile et ordonnance 1 sur l’asile relative à la procédure), le Comité demeure préoccupé de constater que la procédure applicable dans le cas des mineurs non accompagnés ne sert pas toujours leurs intérêts supérieurs et n’est pas pleinement conforme aux dispositions pertinentes de la Convention. À propos de la réserve à l’article 10 de la Convention, le Comité constate avec préoccupation que le droit à la réunification familiale est trop limité.

51. Le Comité recommande à l’État partie de simplifier la procédure de demande d’asile et de prendre toutes les mesures nécessaires pour l’accélérer et faire en sorte qu’elle tienne compte des besoins particuliers des enfants, notamment les enfants non accompagnés. Ces mesures devraient inclure la désignation d’un représentant légal, le placement des enfants non accompagnés dans des centres et l’accès pour eux aux soins de santé et à l’éducation. En outre, le Comité recommande à l’État partie de revoir son système de réunification familiale, notamment pour les réfugiés en séjour prolongé dans l’État partie.

Exploitation et sévices sexuels

52.Tout en se félicitant des amendements au Code pénal, en vertu desquels la possession de pornographie dure, notamment de pornographie enfantine, est interdite, et de la création d’un nouveau centre contre le cybercrime en 2003, le Comité demeure préoccupé par le manque de données sur l’étendue de l’exploitation sexuelle des enfants, notamment ceux qui appartiennent à des groupes vulnérables, dans l’État partie.

53. Compte tenu de l’article 34 et d’autres articles connexes de la Convention, le Comité recommande à l’État partie d’entreprendre des études visant à évaluer l’ampleur de l’exploitation sexuelle et de la traite des enfants, notamment la prostitution et la pornographie impliquant des enfants (notamment sur l’Internet) et de mettre en œuvre des politiques et des programmes appropriés de prévention, de réadaptation et de réinsertion des enfants qui en sont victimes, conformément à la Déclaration et au Programme d’action de 1996 et à l’Engagement mondial de 2001, adopté lors des congrès mondiaux contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

Toxicomanie

54.Tout en prenant note de la politique actuelle menée par l’État partie pour enrayer et combattre la toxicomanie chez les adolescents, le Comité juge préoccupante la hausse de la consommation et de la vente de drogues parmi les adolescents.

55. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses programmes de prévention et de sensibilisation, notamment au danger de la drogue à l’école. Il lui recommande en outre d’allouer davantage de ressources au système de services de protection sociale de l’enfance à des fins de prévention, de traitement et de services conçus spécifiquement pour les enfants et les adolescents et visant à leur réadaptation ainsi qu’à leur réinsertion.

Administration de la justice pour mineurs

56.Le Comité se félicite de la discussion qui a été engagée sur la loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, la loi fédérale sur la procédure pénale relative aux mineurs ainsi que sur les amendements à la loi fédérale d’organisation judiciaire mais il demeure préoccupé par le fait que l’âge de la responsabilité pénale est très bas (7 ans) et considère que 10 ans, âge auquel il est proposé de porter la limite pénale, est toujours trop bas. En outre, le Comité est préoccupé par l’absence de dispositions relatives à l’assistance juridique durant la détention provisoire dans certains cantons et par la non‑séparation des enfants et des adultes en garde à vue et en prison.

57. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures complémentaires pour réformer la législation et le système de justice pour mineurs conformément à la Convention, notamment aux articles 37, 40 et 39 de cet instrument, et à d’autres normes des Nations Unies en vigueur dans le domaine de la justice pour mineurs, telles que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté et les Directives de Vienne relatives aux enfants dans le système de justice pénale.

58. Dans le cadre de cette réforme, le Comité recommande particulièrement à l’État partie:

a) De relever l’âge minimum de la responsabilité pénale au ‑dessus de 10 ans et de modifier en conséquence la loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs;

b) De rendre systématique la fourniture d’une assistance juridique à tous les enfants en détention provisoire;

c) De séparer les enfants des adultes en garde à vue ou en détention;

d) De mettre en place des systèmes de formation systématiques portant sur les normes internationales pertinentes à l’intention de tous les professionnels qui travaillent dans le système de justice pour mineurs;

e) De prendre en considération les délibérations qui ont eu lieu au Comité lors de la journée de débat général sur l’administration de la justice pour mineurs (CRC/C/46, par. 203 à 238).

Enfants appartenant à un groupe minoritaire

59.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les Roms et les gens du voyage et leurs enfants dans l’État partie et par l’absence de politique concernant ces enfants.

60. Le Comité recommande à l’État partie d’entreprendre une étude sur les enfants appartenant à la minorité rom et à celle des gens du voyage afin d’évaluer leur situation et de mettre au point des politiques et des programmes visant à éviter l’exclusion sociale et la discrimination à leur égard, et leur permettre de jouir pleinement de leurs droits, notamment en matière d’accès à l’éducation et aux soins de santé.

8. Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention

61. Le Comité encourage l’État partie à ratifier et à mettre en œuvre les Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant, d’une part, la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants et, d’autre part, la participation d’enfants aux conflits armés.

9. Diffusion de la documentation

62. Enfin, le Comité recommande que, conformément au paragraphe 6 de l’article 44 de la Convention, l’État partie assure à son rapport initial et à ses réponses écrites une large diffusion auprès du public et envisage de publier ledit rapport ainsi que le compte rendu des séances consacrées à son examen et les observations finales adoptées par le Comité. En outre, le Comité recommande à l’État partie de diffuser aussi largement le résumé de son rapport. Ce document devrait être largement diffusé de façon à susciter un débat et à faire connaître la Convention, son application et sa surveillance au sein du Gouvernement et du grand public, y compris dans les organisations non gouvernementales.

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