* Nouveau tirage pour raisons techniques (5 décembre 2013).

** Adoptées par le Comité à sa cinquante-sixième session (30 septembre - 18 octobre 2013).

Conclusions sur les quatrième et cinquième rapports périodiques combinés du Cambodge * *

Le Comité a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques combinés du Cambodge (CEDAW/C/KHM/4-5) à ses 1169e et 1170e séances, le 8 octobre 2013 (voir CEDAW/C/SR.1169 et 1170). La liste des questions et problèmes soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/KHM/Q/4-5, et les réponses du Gouvernement du Cambodge, dans le document CEDAW/C/KHM/Q/4-5/Add.1.

A.Introduction

Le Comité se félicite de la présentation par l’État partie de ses quatrième et cinquième rapports périodiques combinés, qui tiennent compte des précédentes conclusions du Comité. Le Comité tient à exprimer sa gratitude à l’État partie pour son exposé oral, ses réponses écrites à la liste de points soulevés par le groupe de travail lors de sa réunion pré-session, la clarification donnée en réponse aux questions posées oralement par le Comité et pour un dialogue ouvert et constructif.

Le Comité félicite l’État partie de sa délégation de haut niveau, conduite par le Ministre des affaires féminines et Président du Conseil national cambodgien pour la femme, MmeKantha Phavi et qui comprenait plusieurs représentants des ministères et organismes compétents, tels que le Ministère de l’intérieur, le Ministère de l’éducation, de la jeunesse et des sports, le Ministère de la gestion foncière, le Ministère du travail et de la formation professionnelle et l’Autorité nationale du sida. Le Comité est sensible au dialogue qui s’est ouvert entre lui et la délégation.

Le Comité se félicite de la reconnaissance par l’État partie de la contribution positive et de la poursuite de la coopération du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et des institutions des Nations Unies au Cambodge ainsi que des organisations non gouvernementales traitant des problèmes de droits de l’homme et des organisations féminines concernant la mise en œuvre de la Convention.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des mesures législatives suivantes :

a)Adoption de la loi relative à la suppression de la traite et de l’exploitation sexuelle des personnes en février 2008;

b)Révision de la loi relative à la suppression de la traite et de l’exploitation sexuelle des personnes le 15 février 2008;

c)Révision de la loi sur le mariage et la famille en décembre 2007;

d)Adoption de la loi sur la monogamie en septembre 2006;

e)Révision de la loi relative à la prévention de la violence familiale et à la protection des victimes en octobre 2005.

Le Comité se félicite de l’adhésion de l’État partie aux traités suivants ou de sa ratification de ces traités depuis l’examen de son précédent rapport :

a)Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 27 juin 2013;

b)Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 20 décembre 2012;

c)Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 13 octobre 2010;

d)Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 30mars 2007.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

Tout en réaffirmant que le Gouvernement est responsable au premier chef et est particulièrement tenu de veiller à la pleine exécution des obligations incombant à l ’ État partie en vertu de la Convention, le Comité souligne que la Convention a force exécutoire pour tous les services de l ’ administration et invite l ’ État partie à encourager son parlement, conformément à ses procédures selon qu ’ il convient, à prendre les mesures nécessaires en vue de l ’ application des présentes observations finales entre maintenant et la période qui sera couverte par le prochain rapport aux termes de la Convention.

Situation juridique de la Convention

Le Comité se réfère aux paragraphes 9 et 10 de ses précédentes observations finales (CEDAW/C/KHM/CO/3) et, tout en notant la réponse de la délégation concernant le fait que l’État partie n’a pas publié la Convention au Journal officiel, s’inquiète du fait que la Convention n’est pas pleinement incorporée au régime juridique national. Le Comité se préoccupe également du fait que l’État partie n’a pas publié le Protocole facultatif à la Convention au Journal officiel après y avoir adhéré en octobre 2010.

Le Comité réitère ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/KHM/CO/3 , par. 10) et recommande que l ’ État partie publie sans plus tarder la Convention et son Protocole facultatif au Journal officiel et continue de revoir sa législation en vue d ’ incorporer toutes les dispositions de la Convention à la législation nationale.

Cadre juridique et application de la Convention

Le Comité s’inquiète de la réponse de la délégation selon laquelle l’État partie ne juge pas nécessaire d’amender sa législation en adoptant une définition globale de la discrimination interdisant à la fois la discrimination directe et indirecte. Le Comité s’inquiète également de l’absence de cas de discrimination à l’égard des femmes devant les tribunaux de l’État partie.

Le Comité réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/KHM/CO/3 , par. 12) et recommande que l ’ État partie envisage d ’ adopter une législation d ’ ensemble régissant l ’ égalité entre les sexes, qui comprenne une définition de la discrimination à l ’ égard des femmes englobant à la fois les formes directes et indirectes de discrimination, conformément à l ’ article premier de la Convention. Il encourage l ’ État partie à solliciter l ’ assistance technique du service local du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme et des institutions pertinentes des Nations Unies pour élaborer une telle législation. Le Comité réitère également sa précédente recommandation ( CEDAW/C/KHM/CO/3 , par. 10) que l ’ État partie renforce ses mesures de sensibilisation des juges, procureurs et avocats à la Convention et au Protocole facultatif, et continue d ’ inclure des cours sur la Convention dans les programmes pertinents à l ’ intention des fonctionnaires et du personnel de justice et dans les autres programmes du système d ’ éducation.

Aide juridique et accès à la justice

Le Comité s’inquiète des informations selon lesquelles l’État partie ne dispose pas d’un système d’aide juridique d’ensemble, ce qui nuit à l’accès des femmes à la justice, et du fait que les femmes s’exposent à des frais de justice supplémentaires dues à la corruption lorsqu’elles intentent des poursuites. Il regrette également que l’aide juridique soit principalement dispensée par des organisations non gouvernementales et que les fonds fournis à cette fin au Barreau par l’État partie soient insuffisants.

Le Comité engage vivement l ’ État partie :

a) À élaborer un programme exhaustif d ’ aide juridique afin d ’ assurer aux femmes un accès effectif aux tribunaux conformément aux Principes et lignes directrices des Nations Unies concernant l ’ accès à l ’ assistance juridique dans le système de justice pénale (résolution 67/187, annexe de l ’ Assemblée générale), en particulier à la ligne directrice n o 9 sur l ’ application du droit des femmes à l ’ accès à l ’ assistance juridique;

b) À prévoir un financement suffisant au Barreau et aux organisations de femmes offrant des conseils juridiques gratuits afin d ’ assurer aux femmes un accès effectif à la justice;

c) À continuer les enquêtes et poursuites sur les allégations de corruption dans l ’ administration de la justice et, s ’ il y a lieu, à punir les coupables.

Le Comité se déclare préoccupé de ce que les Tribunaux extraordinaires du Cambodge n’aient pas traité pas convenablement les affaires de violence sexiste, en particulier de violence sexuelle, à l’égard des femmes commises sous le régime des Khmers rouges. Le Comité s’inquiète de ce que l’État partie ne dispose pas d’autres mécanismes, y compris de programmes non-judiciaires, pour dispenser une réparation effective aux victimes d’autres actes de violence sexiste commis sous le régime des Khmers rouges. Il regrette également que l’État partie n’ait pas incorporé efficacement les dispositions de la Convention et de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité dans ses programmes post-conflit.

Le Comité engage vivement l ’ État partie  :

a) À offrir une réparation effective aux victimes d ’ actes de violence sexiste, en particulier de violence sexuelle, commis contre les femmes sous le régime des Khmers rouges, et à élaborer des programmes non judiciaires efficaces de justice transitionnelle, y compris des réparations adéquates et un appui psychologique et autre approprié;

b) À tirer profit du processus de rédaction du deuxième Plan d ’ action national pour mettre fin à la violence à l ’ égard des femmes afin d ’ y incorporer pleinement les dispositions de la Convention et de la résolution  1325 (2000) du Conseil de sécurité .

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité se félicite de l’évaluation de la capacité du mécanisme national de promotion de la femme et de la création de groupes d’action pour la prise en compte des problèmes liés à la condition féminine dans divers ministères, en tant que mécanismes de mise en œuvre et de suivi des engagements à l’égard de l’égalité des sexes sur la base du Plan stratégique national de développement 2006-2010. Toutefois, le Comité se déclare préoccupé par le manque de synergies entre le mécanisme national de promotion de la femme et ces groupes d’action. Il estime également que le budget alloué au mécanisme national de promotion de la femme est insuffisant, compte tenu du caractère exhaustif de son mandat.

Le Comité invite également l ’ État partie à poursuivre l ’ harmonisation et le renforcement du mécanisme national de promotion de la femme. En outre, il recommande à l ’ État partie d ’ accroître le budget alloué à ce mécanisme et de veiller à ce que les ressources soient à la hauteur de son mandat et de ses activités. L ’ État partie doit également veiller à ce que ce budget soit revu annuellement et ajusté en tant que de besoin.

Stéréotypes

Tout en félicitant l’État partie de ses efforts en vue de réviser ses programmes et manuels scolaires de manière à en éliminer les stéréotypes sexistes, le Comité reste préoccupé par le fait que le Chbab Srey, le code traditionnel de conduite des femmes reste profondément enraciné dans la culture cambodgienne et continue à définir la vie quotidienne sur la base des rôles stéréotypés attribués aux femmes et aux hommes dans la famille et la société.

Le Comité réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/KHM/CO/3 , par. 18) et recommande que l ’ État partie  :

a) Incorpore au Neary Rattanak IV une stratégie d ’ ensemble efficace visant à modifier ou à éliminer les comportements patriarcaux et les stéréotypes discriminatoires à l ’ égard des femmes, y compris ceux fondés sur le Chbab Srey ;

b) Organise des campagnes nationales d ’ information et de sensibilisation et encourage un débat public plus large afin de combattre les attitudes et les stéréotypes discriminatoires à l ’ égard des femmes, en collaboration avec la société civile, les dirigeants communautaires et les médias;

c) Explore l ’ utilisation des technologies de l ’ information et de la communication, y compris les médias sociaux, pour diffuser l ’ information sur les droits de la femme et l ’ égalité des sexes;

d) Établisse un mécanisme efficace de suivi et d ’ évaluation afin de mesurer les progrès réalisés vers l ’ élimination des stéréotypes sexistes existants.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie pour élaborer un deuxième plan d’action national de prévention de la violence à l’égard des femmes, qui s’inspire des leçons tirées du premier plan, qui portait sur les années 2009-2012. Le Comité regrette toutefois le peu de progrès réalisés pour la prévention et l’élimination de la violence à l’égard des femmes pendant la période du premier rapport. Il reste préoccupé par le manque de confiance du public dans la justice et par les comportements négatifs des spécialistes des affaires judiciaires et des agents de la force publique envers les femmes victimes de violence qui continuent de faire obstacle aux poursuites des coupables. Le Comité, tout en prenant note des explications de l’État partie concernant le fait qu’il tranche les affaires de violence à l’égard des femmes par la médiation, craint que cette pratique ne décourage les femmes d’intenter des poursuites contre les coupables, même lorsque cela serait justifié. Le Comité regrette également l’insuffisance de données sur le nombre d’ordres de protection délivrés pendant la période couverte par le rapport et d’abris ouverts aux femmes victimes de violence.

Rappelant sa recommandation générale n o 19 sur la violence à l ’ égard des femmes et sa recommandation précédente ( CEDAW/C/KHM/CO/3 , par. 16), le Comité engage vivement l ’ État partie  :

a) À intensifier ses efforts en vue de former les fonctionnaires de justice et les agents de la force publique à la stricte application de la Loi sur la prévention de la violence familiale et la protection des victimes, afin de faire en sorte que les cas de violence à l ’ égard des femmes, y compris la violence familiale et la violence sexuelle, soient efficacement réprimés et ne soient pas systématiquement soumis à médiation;

b) À encourager les femmes à déposer des plaintes formelles pour violence familiale et violence sexuelle, en dé-stigmatisant les victimes et en suscitant une sensibilisation au caractère pénal de tels actes;

c) À poursuivre les campagnes de sensibilisation à toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes, en particulier dans les zones rurales;

d) À fournir des informations dans le prochain rapport périodique sur le nombre d ’ ordres de protection délivrés pendant la période du rapport et le nombre d ’ abris accessibles aux victimes de la violence.

Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour instaurer des mesures pour que tous les examens médico-légaux des victimes de viol soient effectués gratuitement. Il reste néanmoins préoccupé par l’arrivée constante de plaintes pour corruption dans l’administration de la justice et par le coût élevé des certificats médicaux établis en cas de viol et d’agression sexuelle, qui continuent de bloquer l’accès des femmes à la justice et aux poursuites pour violence sexuelle.

Le Comité recommande que l ’ État partie accentue ses efforts en vue de sensibiliser la profession médicale à la façon de traiter les cas de violence à l ’ égard des femmes, et à la politique gouvernementale de gratuité de tous les examens médico-légaux des victimes de violence et d ’ agression sexuelle.

Traite de personnes et exploitation de la prostitution

Le Comité prend note de l’évaluation de l’efficacité des mesures prises pour combattre la traite de personnes en vertu de la Loi sur la répression de la traite de personnes et l’exploitation sexuelle et de la création d’un groupe de travail spécial chargé de suivre et d’évaluer l’application de cette loi et la mise en œuvre du plan d’action national sur la traite de personnes. Toutefois, le Comité s’inquiète de ce que l’application de cette loi reste en grande partie inefficace. Il déplore particulièrement le fait que la traite d’êtres humains continue d’être aggravée par les pratiques d’organismes trompeurs qui recrutent des femmes et des filles aux fins d’exploitation sexuelle et d’asservissement domestique dans les pays voisins, ainsi que l’absence de données sur les travailleurs domestiques migrants victimes de la traite. Le Comité regrette également le manque d’informations sur tout mécanisme national d’information sur la détection précoce de la traite et l’identification des victimes, ainsi que sur l’assistance apportée à ces dernières.

Le Comité engage vivement l ’ État partie  :

a) À renforcer l ’ application de la Loi sur la répression de la traite de personnes et l ’ exploitation sexuelle;

b) À accroître la diffusion d ’ informations sur la migration de main d ’ œuvre et à fournir des renseignements sur les organismes de recrutement engagés dans la traite de personnes;

c) À faire en sorte que les responsables de la traite de personnes et de l ’ exploitation sexuelle des femmes et des filles soient poursuivis et punis avec toute la rigueur de la loi;

d) À renforcer la coopération bilatérale et multilatérale en matière de lutte contre la traite de personnes aux fins d ’ asservissement domestique et d ’ exploitation sexuelle;

e) À inclure dans son prochain rapport périodique des données sur les travailleuses domestiques migrantes qui sont victimes de la traite, et des informations sur le mécanisme national d ’ information, le cas échéant, et à veiller à ce que les victimes de la traite soient convenablement identifiées et reçoivent une aide et une protection adéquate contre toute récidive de la traite.

Le Comité se déclare préoccupé par le fait que les mesures prises par l’État partie pour combattre les causes profondes de la prostitution restent inefficaces. Il déplore également les plaintes selon lesquelles des agents de la force publique agressent les femmes arrêtées pour prostitution.

Le Comité recommande que l ’ État partie prenne des mesures efficaces pour combattre les causes profondes de la prostitution, et prévoit notamment des programmes de réinsertion dans la société pour les femmes qui veulent quitter la prostitution. Par ailleurs, l ’ État partie devrait enquêter et réprimer les cas d ’ agression sexuelle commise des agents de la force publique contre des femmes engagées dans la prostitution et frapper les auteurs de ces agressions de sanctions appropriées. Le Comité recommande également que l ’ État partie adopte une politique globale pour combattre la demande de prostitution et qu ’ il envisage d ’ imposer à des sanctions aux personnes qui achètent des services sexuels.

Participation à la vie politique et publique

Tout en prenant acte des efforts consacrés par l’État partie à accroître la participation des femmes au niveau des provinces et au sein du pouvoir judiciaire, le Comité reste préoccupé par la sous-représentation persistante des femmes à tous les niveaux de la vie politique et publique ainsi que dans les services extérieurs et le corps diplomatique. Le Comité est particulièrement préoccupé par la baisse du nombre de femmes siégeant à l’Assemblée nationale au lendemain des élections de juillet 2013.

Le Comité réitère ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/KHM/CO/3 , par. 14) et engage vivement l ’ État partie à veiller à ce que le Neary Rattanak IV prévoit des stratégie efficace, y compris des mesures temporaires spéciales en vue d ’ accroître la représentation des femmes aux postes de décision, en particulier dans la politique, le pouvoir judiciaire et les services extérieurs et le corps diplomatique .

Nationalité

Le Comité regrette que les femmes d’origine vietnamienne se heurtent à de graves difficultés lors de l’enregistrement des naissances et de l’acquisition de la nationalité cambodgienne, qui les expose au risque d’apatridie.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie  :

a) D ’ intensifier ses efforts en vue de faciliter l ’ enregistrement des enfants nés de mères vietnamiennes et leur acquisition de la nationalité cambodgienne;

b) D ’ envisager d ’ adhérer à la Convention de 1954 relative au Statut des personnes apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Éducation

Le Comité prend note des efforts déployés pour accroître l’alphabétisation des femmes, dispenser une éducation bilingue et accorder des bourses aux filles. Il se déclare toutefois préoccupé par la qualité de l’éducation dans l’État partie et par le taux d’attrition élevé entre les niveaux primaire et secondaire, en particulier dans les zones rurales et reculées, en raison de la capacité limité des établissements secondaires. Il regrette donc qu’un grand nombre de communes n’aient pas d’écoles secondaires en raison de facteurs géographiques et démographiques, ce qui oblige les filles à mettre fin à leur scolarité, faute de pouvoir migrer vers des zones urbaines pour avoir accès à ce niveau d’éducation. Il s’inquiète également que même lorsque les filles peuvent accéder à un établissement secondaire, leur taux d’abandon, bien qu’en baisse, reste sensible lors de leur passage du primaire au secondaire, ce que l’État partie attribue à la pauvreté, à une scolarisation tardive et aux grossesses chez les adolescentes.

Le Comité recommande que l ’ État partie  :

a) Prenne des mesures efficaces afin d ’ accroître l ’ accès des filles à l ’ éducation, notamment en renforçant l ’ infrastructure scolaire et en augmentant le nombre de places disponibles dans les établissements secondaires, en particulier dans les communes;

b) Prenne des mesures visant à assurer la rétention effective des femmes et des filles dans les écoles, en particulier lors du passage du primaire au secondaire et aux niveaux supérieurs de l ’ enseignement;

c) Intensifie l ’ enseignement adapté à l ’ âge dans les écoles sur les droits sexuels et génésiques, les relations entre les sexes et un comportement sexuel responsable, afin de combattre les grossesses chez les adolescentes;

d) Améliore la qualité de l ’ enseignement en formant des enseignants et en veillant à ce qu ’ ils soient convenablement rémunérés.

Emploi et habilitation économique

Le Comité se réfère à ses précédentes observations finales (CEDAW/C/KHM/CO/3, par. 27) et reste préoccupé par le maintien de la ségrégation professionnelle et la concentration des femmes dans les secteurs à faible niveau de salaire et de qualifications, ainsi que par la persistance de l’écart de salaires entre hommes et femmes. Il déplore en particulier les mauvaises conditions de travail des femmes dans l’industrie du vêtement et des travailleuses domestiques, y compris des migrantes.

Le Comité recommande que l ’ État partie  :

a) Continue de prendre des mesures synergiques spécifiques afin d ’ éliminer la ségrégation professionnelle et de réduire l ’ écart de salaires entre hommes et femmes;

b) Prenne des mesures propres à assurer la bonne application de la législation du travail et à accroître le nombre d ’ inspecteurs du travail convenablement équipés pour pouvoir surveiller efficacement les conditions de travail des femmes, notamment dans l ’ industrie du vêtement et d ’ autres secteurs à faible rémunération;

c) Envisager d ’ adhérer à la Convention n o 189 de 2011 de l ’ Organisation internationale du travail sur les travailleurs domestiques et à la Convention sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Santé

Tout en prenant acte des efforts consacrés par l’État partie à réduire la mortalité maternelle et infantile, le Comité s’inquiète de l’indisponibilité des formes modernes de contraception et de la prévalence d’avortements pratiqués dans des conditions dangereuses, qui contribuent à accroître les cas de mortalité maternelle. Le Comité reste préoccupé par le fait que malgré les progrès réalisés dans la réduction de la transmission du VIH de la mère à l’enfant, de nouveaux cas de cette transmission sont enregistrés, en plus des nouveaux cas observés parmi les populations vulnérables, telles que les femmes engagées dans la prostitution. Le Comité déplore également la discrimination qui frappe les femmes enceintes vivant avec le VIH/sida et la pression exercée sur ces femmes par la profession médicale pour qu’elles acceptent l’avortement. Le Comité est en outre préoccupé par l’accès limité aux services de santé sexuelle et procréative, notamment pour les femmes des régions rurales.

Le Comité engage vivement l ’ État partie  :

a) À faire en sorte que les méthodes modernes d ’ avortement médicalement sûr soient accessibles, conformément à la recommandation n o 24 sur les femmes et la santé;

b) À offrir un traitement anti-rétrovirus gratuit aux femmes et aux hommes vivant avec le VIH/sida, y compris aux femmes qui pratiquent la prostitution et aux femmes enceintes, afin d ’ éviter la transmission de la mère à l ’ enfant;

c) À combattre toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes enceintes séropositives ou atteintes du sida; et

d) À intensifier la fourniture d ’ informations et de services de santé sexuelle et procréative aux femmes, y compris des méthodes modernes de contraception, en particulier aux femmes des régions rurales.

Tout en notant l’introduction de cartes d’identité pour assurer l’accès aux services de santé aux personnes indigentes, le Comité déplore le fait que les femmes pauvres, les travailleuses domestiques migrantes, les femmes handicapées et les femmes âgées se heurtent à des difficultés d’accès aux services de santé.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De renforcer l ’ application de programmes et de politiques visant à offrir un accès abordable aux soins de santé pour les femmes, en particulier pour les femmes pauvres, handicapées ou âgées;

b) D ’ accorder une attention particulière aux besoins de santé des femmes handicapées et de leur assurer l ’ accès aux soins prénatals et aux services de santé génésique.

Les femmes rurales, les catastrophes naturelles et le changementclimatique

Tout en prenant note des efforts consacrés par l’État partie à améliorer la subsistance des femmes et des hommes vivant dans les régions rurales, entre autres par ses programmes d’assainissement et d’électrification rurale, le Comité s’inquiète de l’accès limité des femmes vivant dans les régions rurales à certains services essentiels, à des latrines, à une eau salubre et potable, à l’éducation, à l’emploi, à des services de santé et à des mécanismes de crédit et de prêt. Le Comité note également que les impacts du changement climatique et des catastrophes naturelles frappent les femmes et les enfants, surtout ceux des régions rurales, de façon disproportionnée.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ accentuer ses efforts afin de faciliter l ’ accès des femmes des régions rurales aux services essentiels, à des latrines, à une eau salubre et potable, à l ’ éducation, à l ’ emploi, à des services de santé et à des mécanismes de crédit et de prêt. À cet égard, l ’ État partie devrait envisager d ’ inclure les technologies de l ’ information et de la communication dans ses stratégies de diffusion de l ’ information des programmes d ’ habilitation économique des femmes des régions rurales;

b) De concevoir des indicateurs reflétant mieux les variables régionales et socioéconomiques dans le cadre de ses efforts en vue d ’ améliorer les programmes de santé, d ’ éducation et d ’ emploi à l ’ intention des femmes des régions rurales;

c) De veiller en outre à ce que les femmes participent activement à la prise de décisions concernant les politiques et programmes de prévention et de gestion des catastrophes, en particulier ceux qui sont liés à l ’ atténuation des effets du changement climatique.

Accès à la terre

Tout en prenant acte des efforts consacrés par l’État partie à améliorer l’accès à la terre, notamment de la publication de l’arrêté reclassant certaines parcelles domaniales comme terrains privés et du déminage des terres dans le nord de l’État partie, le Comité regrette que l’accès des femmes à la terre et à la sécurité foncière reste limité. Il est particulièrement préoccupé par le fait que les femmes sont soumises à des déplacements et évictions en raison de l’ampleur des concessions foncières et de l’urbanisme. Il regrette également que les sites de réimplantation prévus pour les victimes d’évictions manquent souvent de l’infrastructure de base et de l’accès aux services essentiels tels que l’eau, l’assainissement et les soins de santé de base, ce qui pénalise particulièrement les femmes. Il regrette également que les défenseurs des droits fondamentaux des femmes qui font campagne pour la reconnaissance des leurs droits fonciers soient souvent soumis à intimidation et harcèlement par les agents de la force publique.

Le Comité exhorte l ’ État partie  :

a) À améliorer l ’ accès des femmes à la terre et à la sécurité foncière et à faire en sorte que les acquisitions de terres aux fins de concessions économiques et autres se fassent dans les règles et qu ’ une indemnisation adéquate soit accordée à l ’ issue de processus de consultation suffisants;

b) À reconnaître que l ’ éviction forcée n ’ est pas un phénomène qui touche indifféremment hommes et femmes, mais qui frappe ces dernières de façon disproportionnée, et à prendre immédiatement des mesures pour protéger les femmes et les filles de nouvelles évictions;

c) À enquêter promptement et, s ’ il y a lieu, à engager des poursuite pour intimidation et harcèlement par les agents de la force publique contre les défenseurs des droits fondamentaux des femmes qui font campagne pour la reconnaissance des droits fonciers des femmes;

d) À veiller à ce que les communautés frappées d ’ éviction soient réinstallées sur des emplacements qui permettent aux femmes d ’ avoir accès à leur lieu de travail, aux écoles, aux centres de soins de santé (y compris de soins sexuels et génésiques), aux centres communautaires et aux autres services et bienfaits nécessaires à la réalisation des droits que leur reconnaît la Convention.

Groupes de femmes défavorisées

Le Comité est préoccupé par l’absence de données ventilées par âge et par sexes à utiliser pour évaluer l’ampleur de la discrimination dont sont victimes les femmes âgées, en particulier en ce qui concerne l’accès aux soins de santé et à la sécurité sociale.

Le Comité recommande que l ’ État partie recueille et analyse des données ventilées par âge et par sexe pour étayer ses décisions et adopte une approche fondée sur le cycle de vie afin de combattre la discrimination à l ’ égard des femmes âgées.

Mariage et relations familiales

Le Comité regrette que l’État partie maintienne une disposition de l’article 9 de la loi sur le mariage et la famille qui prolonge le statut de femme mariée pendant 120 jours après le décès du mari ou après un jugement accordant le divorce, officiellement pour aider à établir la paternité des enfants. Le Comité estime cette disposition discriminatoire, parce qu’elle ne s’applique pas aux hommes. Il craint également que les couples mariés en vertu du droit coutumier aient des difficultés à officialiser leur mariage.

Le Comité exhorte l ’ État partie à abroger l ’ article 9 de la loi sur le mariage et la famille, qui est discriminatoire et limite indûment le droit des femmes au remariage, étant donné que la paternité peut facilement être établie par d ’ autres moyens moins restrictifs du ressort de la médecine. Le Comité recommande également que l ’ État partie prenne des mesures afin de faciliter l ’ officialisation des mariages contractés en vertu du droit coutumier en veillant à ce que leur enregistrement soit abordable et sans complications.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ utiliser la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing pour la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Objectifs du Millénaire pour le développement et cadrede développement pour l’après-2015

Le Comité recommande l ’ intégration d ’ une perspective hommes-femmes conforme aux dispositions de la Convention dans tous les efforts visant à réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement et à mettre en place le cadre de développement pour l ’ après-2015.

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l ’ État partie de présenter dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant dans les paragraphes 15 et 21 a), b) et c) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son sixième rapport périodique en octobre 2017.

Le Comité demande à l ’ État partie de suivre les directives harmonisées sur l ’ établissement de rapports conformément aux traités internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, y compris les directives relatives à l ’ établissement d ’ un document de base commun et de documents spécifiques aux traités ( HRI/MC/2006/3 et Corr.1).