Quarante-neuvième session

11-29 juillet 2011

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

République de Corée

Le Comité a examiné le septième rapport périodique de la République de Corée (CEDAW/C/KOR/7) à ses 987e et 988e séances le 19 juillet 2011 (voir CEDAW/C/SR.987 et 988). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document paru sous la cote CEDAW/C/KOR/Q/7 et les réponses de la République de Corée dans CEDAW/C/KOR/Q/7/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie de son septième rapport périodique, qui suit d’une manière générale ses principes directeurs concernant l’établissement des rapports et contient une section donnant des informations sur l’application des recommandations contenues dans ses précédentes observations finales (CEDAW/C/KOR/CO/6. Il le remercie aussi de son exposé oral, de ses réponses écrites à la liste des points et questions soulevés oralement par le groupe de travail d’avant-session et des précisions qu’il a fournies en réponse aux questions posées oralement par le Comité, encore que les réponses à certaines des questions n’aient pas entièrement satisfait.

Le Comité félicite l’État partie de la qualité de sa délégation, dirigée par la Ministre de l’égalité des sexes et de la famille, qui comprenait les représentants de divers ministères et directions ainsi que des représentantes de l’Assemblée nationale. Il se félicite du dialogue constructif qui a eu lieu entre la délégation et les membres du Comité.

Aspects positifs

Le Comité se plait à noter que, depuis la présentation de son sixième rapport périodique (CEDAW/C/KOR/6) en 2007, l’État partie a adopté et revu diverses lois et dispositions législatives qui visent à éliminer la discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité des sexes afin de s’acquitter des obligations que lui fait la Convention. Il se félicite en particulier des amendements apportés à :

a)La Loi sur l’état civil (décembre 2007), fixant à 18 ans l’âge minimum au mariage pour les deux sexes;

b)La Loi sur la protection des enfants et des jeunes contre les violences sexuelles (avril 2010), qui prévoit des poursuites d’office pour infractions sexuelles contre enfants;

c)La loi sur la morale et la sécurité de la vie (2008) portant obligation d’un consentement en connaissance de cause et écrit dans les cas de don ou de port d’ovules aux fins de reproduction et limitant la fréquence et le nombre de dons par femme.

Le Comité accueille avec satisfaction le lancement d’un plan global de lutte contre la violence conjugale (2011), qui vise à renforcer l’action initiale contre ce type de violence et à mieux protéger les victimes.

Le Comité se félicite des efforts de l’État partie pour intégrer un souci d’égalité des sexes dans ses programmes de coopération au développement et pour promouvoir les droits humains de la femme à l’intérieur de ce cadre.

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie, le 11 décembre 2008, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité rappelle à l’État partie qu’il a pour obligation d’appliquer systématiquement et de manière continue toutes les dispositions de la Convention et considère que les préoccupations et recommandations dont il est fait état dans les présentes observations finales exigent son attention prioritaire entre maintenant et la présentation du prochain rapport périodique. C’est pourquoi il le prie instamment de se focaliser sur ces domaines et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, sur l’action qu’il aura menée et les résultats qu’il aura obtenus. Il lui demande de communiquer les présentes observations finales à tous les ministères compétents, à l’Assemblée nationale et au personnel judiciaire afin d’en assurer la pleine application.

Assemblée nationale

Tout en réaffirmant que le Gouvernement est principalement responsable et particulièrement comptable du plein respect des obligations que la Convention fait à l’État partie, le Comité tient à souligner que la Convention lie tous les services de l’État et il invite l’État partie à encourager l’Assemblée nationale à prendre, conformément à ses procédures et dans les cas appropriés, les mesures nécessaires en ce qui concerne l’application des présentes observations finales et l’établissement du prochain rapport que prévoit la Convention.

Réserves

Si le Comité prend acte des informations qu’il a reçues concernant les consultations actuellement menées par l’État partie au sujet de sa réserve à l’article 16 1 g) de la Convention, en application duquel les États parties sont tenus d’assurer les mêmes droits personnels au mari et à la femme, y compris en ce qui concerne les choix du nom de famille, d’une profession et d’une occupation, il se déclare néanmoins préoccupé qu’aucune échéance précise n’ait été posée pour mener à bien lesdites consultations et, de ce fait, retirer la réserve.

Le Comité réitère sa recommandation précédente et demande instamment à l’État partie d’examiner séparément les questions liées à l’article 16 1 g) de la Convention et celles qui relèvent de l’article 16 1 d) et ainsi de redoubler d’efforts pour fixer un délai précis au retrait de sa réserve à l’article 16 1 g) de la Convention.

Importance de la Convention et du Protocole facultatif

Le Comité prend note des informations fournies durant les consultations élargies relatives à la transmission de ses précédentes observations finales aux autorités administratives et judiciaires, aux organisations non gouvernementales et à l’Institut coréen pour l’épanouissement de la femme. Il prend également acte des efforts déployés par l’État partie pour communiquer la Convention et le Protocole facultatif qui s’y rapporte à l’Assemblée nationale, aux médias et aux professionnels du droit. Il est toutefois préoccupé par le fait que ces initiatives n’ont pas visé le personnel de justice et de police. Surtout, il craint que les femmes ne soient pas informées des droits qui leur sont garantis par la Convention ni de la procédure de recours prévue par le Protocole facultatif et qu’elles soient donc privées des moyens d’exiger que leurs droits soient protégés, garantis et respectés au même titre que ceux des hommes.

Le Comité recommande à l’État partie de continuer à faire mieux connaitre la Convention et d’assurer une diffusion adéquate de celle-ci, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité à toutes les parties concernées, notamment les fonctionnaires des ministères, les parlementaires et le personnel des services de police et de justice, afin de renforcer la prise de conscience des droits fondamentaux des femmes. Il demande instamment à l’État partie de lancer des campagnes d’information et de sensibilisation à l’intention des femmes et des pouvoirs judiciaires afin que les femmes soient mieux informées des dispositions qui protègent leurs droits fondamentaux et puissent user des procédures et recours prévus par le Protocole facultatif en cas de violation des droits qui leur sont garantis par la Convention.

Lois discriminatoires

Si le comité note que les consultations relatives à l’adoption de la loi antidiscrimination et à l’efficacité des quelque 90 lois qui existent déjà en la matière, menées par le Sous-Comité spécial sur les lois antidiscrimination se sont achevées à la fin de 2010, il déplore le manque d’informations concernant leur issue et la lenteur des progrès réalisés par l’État partie dans l’adoption de la loi antidiscrimination, suspendue depuis mai 2008.

Le Comité demande à l’État partie de prendre d’urgence des mesures en vue d’adopter une loi antidiscrimination exhaustive, conformément aux articles 1 et 2 de la Convention et à la recommandation no28 du Comité (2010), interdisant expressément toutes les formes de discrimination directe et indirecte, et prend note des dispositions de l’article 2 4) de la loi sur la Commission nationale des droits de l’homme (Corée, 2005), qui interdit la discrimination au motif d’orientation sexuelle.

Mécanisme national de promotion des droits de la femme

Le comité prend note de l’augmentation des ressources humaines et financières allouées au Ministère de l’égalité des sexes et de la famille depuis le renouvellement de son mandat, en mars 2010, en tant qu’organe chargé de contrôler toutes les politiques relatives aux femmes, à la jeunesse et à la famille. Il craint toutefois que le fait de confier les affaires familiales et la question de l’égalité de sexes au même organe ne contribue directement ou indirectement à renforcer les traditions patriarcales, ce qui compromettrait la réalisation de l’objectif d’égalité des sexes. En outre, s’il note que l’égalité des sexes est garantie compte tenu des études menées par le Ministère de l’égalité des sexes et de la famille sur l’impact par sexe des politiques et programmes appliqués à tous les niveaux de gouvernement, il constate avec préoccupation que ces études sont réalisées en aval plutôt qu’en amont, de sorte que le Ministère n’a guère d’influence sur la formulation, la conception et la mise en œuvre desdits politiques et programmes. Il fait de surcroit observer qu’il n’existe pas de mécanisme de coordination formel permettant de garantir la mise en œuvre cohérente des programmes d’égalité des sexes sur les plans tant latéral que vertical. Il est également préoccupé par le fait que, si la loi fiscale nationale impose à tous les organes gouvernementaux d’adopter une budgétisation axée sur l’égalité des sexes, la part du budget de l’État allouée au renforcement du pouvoir d’action des femmes reste très réduite.

Rappelant sa recommandation générale no 6 et les orientations contenues dans le Programme d’action de Beijing, notamment en ce qui concerne les conditions nécessaires au fonctionnement efficace des mécanismes nationaux, le Comité recommande à l’État partie :

a)De délimiter clairement les fonctions, les responsabilités, et les ressources financières et humaines attribuées au Ministère de l’égalité des sexes et de la famille au regard de chacun des trois dossiers dont il est chargé (femmes, jeunesse et famille) et de mettre en place un mécanisme de coordination formel permettant de garantir la cohérence latérale et verticale des travaux du Ministère;

b)De renforcer les moyens dont dispose le Ministère de l’égalité des sexes et de la famille pour utiliser les études d’impact par sexe pour la formulation et la mise en œuvre de lois et mesures dans le domaine de l’égalité des sexes ainsi que pour la budgétisation axée sur l’égalité des sexes à tous les niveaux du Gouvernement, et d’orienter, de coordonner et de contrôler les mesures prises à cet effet.

Le comité prend note de l’adoption du troisième Plan-cadre relatif aux politiques en faveur des femmes (2008-2012), qui définit notamment deux objectifs, à savoir la participation active des femmes au gouvernement du pays et le renforcement de leurs moyens économiques. Il s’inquiète cependant des conséquences négatives que la suppression des groupes chargés des questions féminines et des postes de responsable de la promotion de l’égalité des sexes dans certains ministères et organes de l’État pourraient avoir sur sa mise en œuvre.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre intégralement le Troisième Plan-cadre relatif aux politiques en faveur des femmes (2008-2012), et notamment de rétablir les groupes chargés des questions féminines et les postes de responsable de la promotion de l’égalité des sexes.

Violence à l’égard des femmes

Tout en prenant note des différentes mesures adoptées pour protéger les victimes de violence sexuelle et conjugale, comme la mise en place d’un numéro d’appel d’urgence et l’ouverture de centres publics d’accompagnement psychologique et de foyers d’accueil, dont certains sont expressément destinés aux épouses étrangères victimes de violences conjugales, le Comité craint que le petit nombre de cas de violence sexuelle signalés ne reflète pas la réalité de la situation dans l’État partie, et ceci bien que l’article 4 de la loi de procédure spéciale sur la répression de la violence domestique fasse obligation aux professionnels de l’éducation et de la santé et aux travailleurs sociaux de porter pareils cas à l’attention des autorités. Il est également préoccupé par le fait que le Code pénal impose aux adultes victimes de violence sexuelle de déposer une plainte avant d’engager une action en justice, ce qui décourage les procès et signifie que les auteurs de violences sexuelles sont rarement jugés ou déclarés coupables. Il s’inquiète par ailleurs de ce que seul un petit nombre de policières soient chargées des affaires de violence sexuelle et conjugale. Il déplore de nouveau que le viol conjugal ne soit pas pénalisé dans l’État partie, même s’il est reconnu dans sa jurisprudence.

Le Comité demande à l’État partie :

a)De prendre les mesures nécessaires pour encourager le signalement des cas de violence conjugale et sexuelle, notamment en s’assurant que les professionnels de l’éducation et de la santé et les travailleurs sociaux sont parfaitement au fait des dispositions juridiques pertinentes, qu’ils sont sensibilisés à toutes les formes de violence à l’égard des femmes et qu’ils sont à même de s’acquitter de l’obligation qui leur incombe de signaler tout cas de violence;

b)D’envisager d’examiner et de modifier le Code pénal et les autres lois pertinentes pour en supprimer les dispositions qui imposent aux adultes victimes de violence sexuelle de déposer une plainte avant de pouvoir engager une action en justice;

c)De prendre des dispositions en vue d’accroitre le nombre de femmes dans la police et de renforcer les moyens dont elles disposent pour s’occuper des cas de violence sexuelle en tenant compte des besoins particuliers des femmes;

d)De mener des campagnes de sensibilisation à l’intention des femmes, y compris des étrangères, afin de les informer des droits et moyens de recours qui sont les leurs, et notamment des mesures mises en place pour protéger et prévenir la violence conjugale;

e)De prendre toutes les mesures législatives qui s’imposent pour pénaliser le viol conjugal, défini comme l’absence de consentement de la part de la femme;

f)De recueillir des données et d’effectuer des recherches sur la prévalence, les causes et les conséquences de toutes les formes de violence à l’égard des femmes, notamment la violence conjugale, conformément à la recommandation générale no19 du Comité, et d’utiliser ces données pour prendre d’autres dispositions générales et mener des interventions ciblées. Le Comité invite l’État partie à faire figurer des données statistiques et les résultats des mesures prises dans son prochain rapport périodique.

Traite des personnes et exploitation de la prostitution

Constatant avec inquiétude que l’État partie ne dispose pas d’une législation générale concernant la traite d’êtres humains, le Comité se déclare de nouveau préoccupé par la persistance et la traite des personnes et de l’exploitation de la prostitution et le manque de données sur ces phénomènes. Il s’inquiète particulièrement du sort des travailleuses migrantes, qui entrent dans le pays au titre d’un visa E-6 (délivré aux employés de l’industrie du spectacle) et de celui des épouses étrangères, dont l’immigration a été organisée par des agences matrimoniales, les renseignements obtenus indiquant que bon nombre de ces femmes sont victimes de la traite des personnes et de la prostitution. Par ailleurs, bien que les femmes qui pratiquent la prostitution dans l’État partie aient accès à des centres d’assistance, le Comité note avec préoccupation qu’elles sont tenues de prouver qu’elles sont victimes pour ne pas être poursuivies pour prostitution. Le Comité déplore que l’État partie n’ait pas ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

Le Comité demande à nouveau à l’État partie d’appliquer pleinement l’article 6 de la Convention et l’invite instamment à :

a)Adopter une législation générale concernant la traite des personnes et modifier les lois pertinentes pour ériger en infraction la traite des personnes;

b)Prendre des mesures pour améliorer la procédure relative au contrôle initial des sociétés du spectacle qui engagent des étrangères et mettre en place un mécanisme efficace pour exercer une surveillance in situ des établissements où travaillent des femmes munies d’un visa E-6 afin de s’assurer qu’elles ne sont pas exploitées à des fins de prostitution;

c)Adopter des mesures législatives et autres pour garantir l’application effective de la loi sur la surveillance des agences matrimoniales de manière à protéger les étrangères de l’exploitation et de la maltraitance par les agences et par leurs époux;

d)Réviser ses politiques et sa législation en matière de prostitution, y compris le code pénal, pour dépénaliser l’implication de femmes dans la prostitution et veiller à ce que celles qui se livrent au commerce du sexe ne soient pas punies;

e)Prendre de nouvelles mesures afin de protéger et d’aider les femmes et les filles qui sont victimes de la traite des personnes et de s’attaquer aux causes profondes du phénomène;

f)Adopter des mesures appropriées pour éliminer l’exploitation des femmes aux fins de prostitution, notamment en décourageant la demande en la matière, favoriser la réintégration sociale des prostituées et mettre en place des programmes pour renforcer le pouvoir économique des femmes et des filles touchées;

g)Ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

Participation à la vie politique et aux affaires publiques

Le Comité exprime son inquiétude devant la lenteur des progrès réalisés en matière de participation des femmes à la vie politique et publique, particulièrement en ce qui concerne les postes de direction dans le Gouvernement et le Parlement, dans le service diplomatique, dans le secteur privé et dans le monde académique (postes de proviseur de lycée et de professeur d’université), malgré les mesures qui ont été prises pour renforcer le rôle des femmes dans ces domaines, comme l’Initiative pour le recrutement de cadres féminins dans la fonction publique.

Le Comité demande instamment à l’État partie de redoubler d’efforts pour renforcer la présence des femmes dans la vie politique et la sphère publique, grâce notamment à la mise en œuvre de mesures spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale no25 du Comité, en vue d’accélérer la réalisation de l’égalité réelle des sexes. Il engage l’État partie à envisager le recours à une série de mesures telles que quotas, indicateurs, objectifs et mesures d’incitation, particulièrement en ce qui concerne l’accélération de la mise en œuvre des articles 7, 8, 10, 11, 12 et 14 de la Convention. Il demande à l’État partie de lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des données et des renseignements sur la représentation des femmes dans la vie politique et les affaires publiques, le secteur privé, le monde académique et le service diplomatique.

Nationalité

Le Comité prend acte des renseignements qui lui ont été communiqués par écrit et oralement au sujet des conditions à remplir pour acquérir la nationalité coréenne. Il est toutefois inquiet des obstacles que doivent surmonter les femmes mariées à des Coréens pour obtenir la nationalité coréenne si elles n’ont pas obtenu l’obligatoire consentement préalable de leur mari à leur demande de naturalisation et si elles n’ont pas d’enfants.

Le Comité recommande à l’État partie de modifier sa législation sur la nationalité de manière à supprimer toutes les dispositions discriminatoires concernant les conditions à remplir pour acquérir la nationalité coréenne, conformément à l’article 9 de la Convention.

Éducation

Prenant acte des mesures qui ont d’ores et déjà été mises en œuvre pour favoriser la participation des femmes à des activités traditionnellement réservées aux hommes, notamment l’adoption de la loi sur le rôle des femmes dans les domaines scientifique et technique, le Comité déplore cependant la persistance d’une ségrégation entre hommes et femmes dans les études supérieures et la formation professionnelle, qu’on retrouve in fine sur le marché du travail. Il trouve particulièrement inquiétant que cette ségrégation s’explique par le maintien d’attitudes patriarcales et de stéréotypes relatifs au rôle et aux responsabilités attribués aux femmes et aux hommes dans le cadre familial et social. Il déplore également la faible quantité de renseignements qui lui ont été fournis lors du dialogue en ce qui concerne le respect par les écoles de la disposition relative aux 10 heures d’éducation sexuelle qui doivent être dispensées aux élèves.

Le Comité recommande à l’État partie de mieux respecter les dispositions de l’article 10 de la Convention et de promouvoir l’importance de l’éducation dans le renforcement du pouvoir économique des femmes. Il l’invite à adopter des mesures pour réviser les manuels scolaires utilisés à tous les niveaux afin d’éliminer les stéréotypes sexistes et de dispenser aux enseignants un programme obligatoire de formation antisexiste en vue de mettre fin aux attitudes patriarcales et aux conceptions stéréotypées du rôle de la femme qui font obstacle à l’éducation des filles et des femmes. Le Comité recommande à l’État partie d’encourager activement les filles et les femmes à choisir des formations et des métiers non traditionnels. Il lui recommande également de créer un mécanisme de surveillance efficace pour veiller à ce que les élèves suivent les 10 heures de cours d’éducation sexuelle obligatoire et d’envisager de faire inscrire aux programmes des écoles primaires et secondaires un enseignement d’éducation sexuelle plus exhaustif et adapté à l’âge des garçons et des filles auxquels il est destiné.

Emploi

Le Comité est préoccupé par l’absence de données ventilées pertinentes permettant de déterminer avec précision la place des femmes sur le marché du travail dans les secteurs formel et informel. Il s’inquiète de la situation désavantagée qui est la leur dans le domaine de l’emploi, notamment de leur concentration dans certains secteurs à bas salaire, de l’absence concomitante de sécurité de l’emploi et d’avantages sociaux, en particulier dans les emplois non permanents (à temps partiel ou de courte durée), ainsi que des écarts de salaire considérables entre les hommes et les femmes. Il demeure préoccupé par l’absence de mécanismes de contrôle et de procédures de recours efficaces permettant aux femmes de faire valoir leurs droits et par la réticence qu’elles peuvent de ce fait éprouver à demander réparation en cas de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail.

Le Comité engage l’État partie à présenter, dans son prochain rapport périodique, des données ventilées sur les indicateurs du marché du travail. Il l’engage également à suivre avec diligence la situation des femmes sur le marché du travail et à favoriser une augmentation du nombre de femmes occupant des emplois réguliers en veillant à ce que les entreprises leur offrent de meilleures chances d’accéder à des emplois permanents et à plein temps; il l’invite instamment à fournir une protection aux travailleurs temporaires en accordant des avantages sociaux, notamment des congés de maternité, aux travailleurs à temps partiel et à temps réduit, dont la majorité sont des femmes. Le Comité demande à l’État partie d’appliquer les dispositions de la loi sur l’égalité en matière d’emploi en ce qui concerne le principe « à travail égal, salaire égal ». Il l’invite à s’assurer que des mécanismes de contrôle efficaces sont en place pour faire respecter la législation existante, ainsi que des procédures pour permettre aux femmes qui travaillent de porter plainte en cas de violation de leurs droits, surtout lorsqu’il s’agit de harcèlement sexuel.

Tout en notant les mesures législatives et politiques prises par l’État partie, telles que la loi sur l’égalité des sexes dans l’emploi et sur la manière de concilier famille et travail et le plan-cadre qui s’y rapporte (2008), ainsi que d’autres mesures visant à mieux équilibrer famille et travail, le Comité s’inquiète du fait que les responsabilités domestiques et familiales continuent d’être principalement assumées par les femmes, comme le montre l’une des conclusions attendues du plan-cadre où il apparait que la faiblesse du taux de fécondité s’accentue rapidement et que les femmes interrompent leur carrière ou leur emploi à temps partiel pour s’occuper de leur famille. Il s’inquiète aussi du petit nombre d’hommes qui prennent un congé parental. Il s’inquiète en outre des incidences négatives, en matière d’avantages sociaux, de la transformation des contrats féminins qui, d’une manière accrue et persistante, voit des emplois permanents devenir des emplois temporaires, à temps partiel ou à temps réduit. Il s’inquiète par ailleurs du nombre limité de crèches publiques, de la tendance à privatiser ces établissements et des frais d’inscription élevés dans les crèches privées, ce qui les rend inaccessibles à de nombreuses travailleuses, surtout pour les femmes chefs de famille à faible revenu.

Le Comité engage l’État partie à promouvoir le partage des responsabilités au foyer et à accroitre ses efforts en vue d’aider les femmes et les hommes à trouver un équilibre entre les responsabilités familiales et professionnelles, en lançant notamment de nouvelles mesures de sensibilisation et des initiatives pédagogiques qui incitent femmes et hommes à assumer à part égale le soin des enfants et les tâches domestiques, ainsi qu’en veillant à ce que les emplois à temps partiel ne soient pas exclusivement le lot des femmes. Le Comité invite l’État partie à intensifier son action pour faire qu’il y ait des crèches en nombre suffisant et à des tarifs abordables pour les enfants de différentes catégories d’âge, en particulier ceux de familles dirigées par une femme, et il encourage les hommes à profiter en plus grand nombre du congé parental.

Santé

Le Comité s’inquiète de l’absence d’informations détaillées sur les mesures en place pour lutter contre la détérioration de la santé mentale des femmes, notamment la dépression. Il est particulièrement préoccupé par l’augmentation des suicides, qui sont la deuxième cause de mortalité chez les femmes dans l’État partie. Il s’inquiète du fait que les taux de morbidité sont plus élevés, et l’état de santé plus précaire, chez les femmes dont le niveau de revenu est plus faible, par rapport à celles qui ont un bon salaire, malgré la couverture universelle des soins. Le Comité s’inquiète également du fait que l’avortement, bien qu’il soit autorisé dans certaines circonstances, dont le viol et l’inceste, conformément aux articles 14 et 15 de la loi relative à la santé maternelle et infantile dans le cas des enfants sans père, constitue toujours un délit puni par la loi, en vertu des articles 269 et 270 du Code pénal de l’État partie.

Le Comité prie instamment l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour remédier à la détérioration de la santé mentale, en particulier de la dépression. Il l’engage à mettre en œuvre dans leur totalité ses politiques de prévention du suicide (2009-2013) et à fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur les politiques elles-mêmes et les résultats qu’elles ont produits. Il lui recommande de veiller tout particulièrement à la situation des femmes âgées à faible revenu, pour s’assurer qu’elles ont un libre accès aux services médicaux et sociaux. Par ailleurs, il lui demande instamment d’envisager une révision de la loi sur l’avortement, en particulier du code pénal, en vue d’en éliminer les dispositions punitives imposées aux femmes qui subissent un avortement, et de procurer à celles-ci un accès à des services de qualité en mesure de traiter les complications consécutives à des avortements non médicalisés, conformément à la recommandation générale no24 du Comité.

Femmes rurales

Le Comité relève que les femmes représentent 53,3 % des travailleurs agricoles dans l’État partie et que des mesures sont en place pour permettre aux femmes rurales de parvenir à une égalité réelle avec les hommes, notamment le deuxième plan quinquennal d’encouragement de l’activité agricole des femmes. Il prend note de la politique en place selon laquelle le programme de l’initiative des jeunes agriculteurs réserve un quota de 20 % aux femmes. Cependant, il est préoccupé par le fait que 70,3 % des exploitations familiales appartiennent à des hommes, alors que 26,3 % seulement d’entre elles sont la propriété de veuves âgées, ce qui témoigne des difficultés rencontrées par les femmes pour posséder des terres ou des biens. Il s’inquiète de voir que le soutien financier et l’assistance de l’État à l’agriculture sont destinés aux chefs de famille, qui sont principalement des hommes, les femmes étant ainsi dépendantes de leur mari ou d’autres membres de leur famille pour avoir accès à cette assistance.

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts en vue d’améliorer la situation des femmes rurales grâce à des mesures tant législatives que pratiques et de veiller à ce que toutes les politiques et tous les programmes visant à promouvoir l’égalité des sexes s’étendent aux zones rurales et soient pleinement mis en œuvre, notamment pour faciliter l’accès des femmes à la propriété foncière et immobilière ainsi qu’au soutien financier et à l’assistance. Il lui recommande aussi de mettre en œuvre des stratégies et des programmes de développement rural favorisant l’égalité des sexes ainsi que d’accélérer l’adoption de mesures destinées à promouvoir l’agriculture auprès des jeunes femmes, en s’assurant de la pleine participation des femmes rurales à la formulation et à la mise en œuvre de ces mesures.

Mariage et relations familiales

Tout en prenant note de l’amendement au code civil de décembre 2007, qui vise à garantir les droits de l’époux à la restitution des biens matrimoniaux lorsque l’autre époux a disposé de ces biens avant qu’intervienne une décision de justice quant à leur répartition, le Comité est préoccupé par le fait que, dans l’État partie, en cas de divorce, le partage des biens du ménage dans des conditions d’égalité se limite aux biens corporels (meubles et immeubles) et que les biens incorporels tels que pensions et fonds d’épargne sont exclus, regrettant par ailleurs que le partage à égalité des biens corporels repose sur la jurisprudence et ne soit pas juridiquement contraignant. Il regrette en outre que le « tort » d’une partie ou de l’autre dans l’échec du mariage puisse être considéré comme un facteur à prendre en compte dans la répartition des biens dans les affaires de divorce.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaires en cas de dissolution du mariage pour que soient pris en compte à la fois les biens corporels et les biens incorporels, tels que pensions et fonds d’épargne, dans les biens matrimoniaux et d’incorporer au dispositif législatif une règle imposant la répartition sur une base d’égalité des biens du ménage en cas de divorce, conformément à l’article 16 et la Convention et à la recommandation générale no21 (1994) du Comité sur l’égalité dans le mariage et les relations familiales. Il lui recommande également d’adopter des mesures législatives pour éliminer la prise en considération de la notion de « tort » dans la répartition des biens en cas de divorce.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

Tout en appréciant la contribution de la Commission nationale des droits de l’homme de Corée à l’établissement des rapports et des données sur le nombre de violations des droits de l’homme et de pétitions pour discrimination déposées chaque année auprès de la Commission, le Comité se dit préoccupé, comme le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (voir E/C.12/KOR/CO/3), par la réduction de 21 % des effectifs de la Commission alors que, dans les autres ministères, elle a été de 2 % au plus, et par le fait que l’évolution récente des choses dans l’État partie met en danger l’indépendance de la Commission.

Le Comité rappelle à l’État partie qu’il lui incombe de s’assurer que la Commission nationale des droits de l’homme de Corée demeure conforme aux Principes de Paris, en ce qui concerne en particulier son indépendance. Il le prie d’allouer à la Commission des ressources humaines et financières suffisantes et de mettre notamment à sa disposition des experts des droits de l’homme conformément à la loi relative à la Commission nationale des droits de l’homme, ainsi que de renforcer ses fonctions de contrôle, notamment dans le domaine de la problématique hommes-femmes et des droits des femmes, afin qu’elle retrouve sa crédibilité et regagne la confiance de l’opinion publique et sa légitimité.

Déclaration et programme d’action de Beijing

Le Comité prie instamment l’État partie d’utiliser pleinement, pour s’acquitter entièrement des obligations que lui fait la Convention, la Déclaration et le programme d’action de Beijing, qui renforce les dispositions de la Convention, et lui demande d’en faire état dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le Développement

Le Comité souligne qu’une application pleine et entière de la Convention est indispensable pour réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement. Il demande l’intégration du souci d’égalité des sexes et la prise en compte explicite des dispositions de la Convention dans tous les efforts déployés pour réaliser ces objectifs et il prie l’État partie d’en faire état dans son prochain rapport périodique.

Diffusion de la mise en œuvre des observations finales du Comité

Le Comité demande qu’une large diffusion soit assurée en République de Corée aux présentes observations finales afin de faire prendre conscience à la population, aux fonctionnaires, à la classe politique, aux parlementaires et aux organisations de femmes et de droits de l’homme des mesures qui ont été prises pour assurer l’égalité en droit et en fait des femmes ainsi que de celles qui seront prises à cet égard. Il recommande que cette diffusion se fasse aussi au niveau des populations locales. On encourage l’État partie à organiser une série de réunions pour débattre des progrès réalisés dans la mise en œuvre des observations. Le Comité prie l’État partie de continuer à diffuser largement, notamment auprès des organisations de femmes et de droits de l’homme, ses recommandations générales, la Déclaration et le programme d’action de Beijing et le document issu de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale sur le thème : Les femmes en l’an 2000 : égalité des sexes, développement et paix pour le vingt-et-unième siècle »

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme permettrait aux femmes de mieux jouir de leurs droits d’êtres humains et des libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. C’est pourquoi il encourage le Gouvernement de la République de Corée à envisager de ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale relative à la protection des droits des migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale relative à la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans les deux ans, une information écrite sur les mesures entreprises pour appliquer les recommandations énoncées dans les paragraphes 15 et 21 ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité prie l’État partie d’assurer la large participation de tous les ministères et organismes publics à l’établissement du prochain rapport et de consulter, durant cette phase, tout un ensemble d’organisations de femmes et de droits de l’homme.

Le Comité prie l’État partie de répondre, dans le prochain rapport périodique à remettre en application de l’article 18 de la Convention, aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales. Il l’invite à remettre son huitième rapport périodique en juillet 2015.

Le Comité invite l’État partie à suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument, approuvées en juin 2006 lors de la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (voir HRI/MC/2006/3 et Corr.1). Les directives concernant l’établissement de rapports pour chaque instrument que le Comité a adoptées à sa quarantième session en janvier 2008 doivent être appliquées concurremment avec les directives harmonisées pour l’établissement de rapports sur un document de base commun. Ensemble, elles constituent les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le document relatif à chaque document ne devrait pas dépasser 40 pages et le document de base commun actualisé 80.