Observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Kirghizistan *

Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique du Kirghizistan (CEDAW/C/KGZ/5) à ses 1833e et 1835e séances, (voir CEDAW/C/SR.1833 et CEDAW/C/SR.1835), les 2 et 3 novembre 2021. La liste des points et questions soulevés par le groupe de travail de présession figure dans le document CEDAW/C/KGZ/Q/5, et les réponses du Kirghizistan dans le document CEDAW/C/KGZ/RQ/5.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de l’État partie. Il remercie ce dernier de son rapport de suivi sur les précédentes observations finales du Comité (CEDAW/C/KGZ/CO/4/Add.1) et de ses réponses écrites apportées à la liste de points et questions soulevés par le groupe de travail de présession. Il remercie l’État partie, dont la délégation a présenté le rapport oralement, et qui a apporté des éclaircissements complémentaires aux questions posées oralement par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Vice-Ministre du travail et du développement social, Janyl Alybaeva. La délégation comprenait aussi des représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l’intérieur, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la santé, du Ministère du travail et du développement social, de la Cour suprême et de la Mission permanente du Kirghizistan auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

* Adoptées par le Comité à sa quatre-vingtième session (18 octobre-12 novembre 2021).

Le Comité salue les progrès réalisés depuis l’examen en 2015 du précédent rapport de l’État partie en ce qui concerne les réformes législatives, en particulier l’adoption de :

a)la loi sur la protection et la défense contre la violence domestique (loi no 63 du 27 avril 2017) ;

b)le Code pénal, qui criminalise l’enlèvement des jeunes filles, le mariage forcé et le mariage des enfants (articles 175, 177 et 178), en 2017.

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et stratégique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, notamment l’adoption des textes suivants :

a)le cinquième Plan d’action national pour l’égalité des sexes(2018-2020) ;

b)le plan d’action pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité ;

c)le plan d’action pour la mise en œuvre des observations finales du Comité sur le quatrième rapport périodique de l’État partie (ordonnance du Gouvernement no 123-r du 19 avril 2017).

Le Comité note avec satisfaction que, pendant la période ayant suivi l’examen du rapport précédent, l’État partie a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et appelle au respect de l ’ égalité des genres en droit et dans les faits, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il souligne l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l ’ État partie à reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite le Jogorkou Kenech à prendre, dans le cadre de son mandat, les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre législatif

Le Comité se félicite des progrès accomplis par l’État partie dans la mise en place d’un cadre législatif national progressiste visant à protéger les droits des femmes et à promouvoir l’égalité des sexes. Il note avec préoccupation :

a)que la loi sur les garanties publiques de l’égalité des droits et des chances pour les hommes et les femmes ne couvre pas les formes de discrimination croisée et que l’adoption d’une loi antidiscrimination complète a été retardée ;

b)que l’inventaire de la législation qui est en cours s’appuie sur la référence aux termes non définis juridiquement de moralité, d’éthique et de valeurs familiales traditionnelles, ce qui peut être utilisé pour compromettre les droits des femmes.

Rappelant ses recommandations précédentes ( CEDAW/C/KGZ/CO/4 , par. 10), le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une législation antidiscrimination exhaustive, qui contienne une définition de la discrimination à l ’ égard des femmes couvrant la discrimination directe et indirecte dans la sphère publique et dans la sphère privée, ainsi que les formes de discrimination croisée, conformément à l ’ article premier de la Convention. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de faire en sorte  :

a) que l ’ inventaire de la législation et les modifications législatives y afférentes aboutissent à l ’ abrogation de toutes les dispositions discriminatoires, y compris celles qui sont fondées sur les termes non définis juridiquement de moralité, d ’ éthique et de valeurs familiales traditionnelle  ;

b) que l ’ inventaire soit guidé par les obligations mises à la charge de l ’ État partie par la Convention et les autres traités relatifs aux droits humains et réalisé en concertation avec les organisations de la société civile, notamment les organisations de femmes.

Accès à la justice

Le Comité prend note de l’adoption de la loi sur l’aide juridique garantie par l’État (2016). Il prend toutefois note avec inquiétude des obstacles qui entravent l’accès des femmes et des filles à la justice, notamment la connaissance limitée que celles-ci ont de leurs droits et des recours disponibles pour les faire valoir, les critères restrictifs pour l’accès à l’aide juridique, le nombre limité de centres d’aide juridique dans les zones rurales et les zones reculées, la capacité insuffisante des membres du système judiciaire et des forces de l’ordre à appliquer la Convention, ainsi que les préjugés reposant sur le genre dans le système judiciaire et la persistance des stéréotypes liés au genre.

Rappelant sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ attaquer aux obstacles qui entravent l ’ accès des femmes et des filles à la justice, notamment  :

a) de s ’ employer plus activement à faire connaître aux femmes et aux filles, y compris dans les zones rurales, les recours juridiques dont elles disposent pour dénoncer les violations de leurs droits  ;

b) de veiller à ce que toutes les femmes et toutes les filles aient effectivement accès à une aide juridique abordable et, si nécessaire, gratuite, notamment en révisant la loi sur l ’ aide juridique garantie par l ’ État, en finançant de manière adéquate les centres d ’ aide juridique et en leur accordant des subventions pour les coûts liés aux locaux et aux services collectifs, et en augmentant le nombre de ces centres dans les zones rurales  ;

c) de sensibiliser les chefs religieux et les chefs communautaires au fait que les femmes qui font valoir leurs droits ne doivent pas être stigmatisées et d ’ organiser des cours de formation aux droits des femmes et à l ’ égalité des genres pour les membres de l ’ appareil judiciaire et de la police et les responsables de l ’ application des lois, afin de lutter contre les stéréotypes liés au genre et les préjugés dans le système judiciaire visant les femmes qui remettent en cause le patriarcat.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité note que le Ministère du travail et du développement social est le principal organisme d’État chargé de la coordination du mécanisme national de promotion des femmes. Il prend note avec préoccupation :

a)du manque de coordination et du manque de clarté des mandats des différentes composantes du mécanisme national de promotion des femmes que sont notamment le Ministère, le Conseil national pour le développement de l’égalité des sexes et le Conseil des droits de la femme et de la prévention de la violence fondée sur le genre du Jogorkou Keneсh ;

b)du manque de ressources humaines, techniques et financières et du fait que le mécanisme national n’a pas l’autorité suffisante pour remplir efficacement son mandat, et du changement fréquent d’organe chargé des questions de genre ;

c)de la coopération insuffisante avec la société civile.

Le Comité renouvelle sa recommandation précédente ( CEDAW/C/KGZ/CO/4 , par. 12) et recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ assurer une coordination efficace et une répartition claire des mandats entre les différentes composantes du mécanisme national  ;

b) de renforcer les ressources humaines, techniques et financières et l ’ autorité du mécanisme national aux niveaux national et régional et d ’ assurer la pérennité du mécanisme et son bon fonctionnement  ;

c) de renforcer la coopération avec la société civile et de reconnaître son rôle dans la promotion des droits des femmes et de l ’ égalité des sexes, et d ’ associer les organisations de la société civile à la mise en œuvre de la Stratégie nationale et du Plan d ’ action en lien avec l ’ intégration des questions de genre.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité note que des projets de modification législative ont été élaborés en vue de garantir la conformité du Bureau du médiateur avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (« Principes de Paris ») et que le Bureau a été accrédité avec le statut « B » en 2012. Il note avec préoccupation que le Bureau ne dispose pas d’un mandat explicite de protection et de promotion des droits des femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer l ’ adoption des projets de modification législative visant à garantir l ’ indépendance du Bureau du Médiateur, en toute conformité avec les Principes de Paris, et de doter le Bureau d ’ un mandat explicite de promotion et de protection des droits des femmes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité prend note des dispositions législatives selon lesquelles le Jogorkou Kenech, les partis politiques, les conseils locaux et les tribunaux ne doivent pas compter plus de 70 pour cent de membres de même sexe − le même pourcentage s’appliquant aux candidatures à des postes dans ces institutions −, ainsi que du quota de 30 pour cent de femmes dans les conseils locaux. Il constate toutefois avec préoccupation que la nature non discriminatoire des mesures temporaires spéciales et le caractère limité de leur utilisation dans la plupart des domaines relevant de la Convention où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées ne sont pas bien compris dans l’État partie, et que leur impact est limité sur la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes.

Le Comité renouvelle sa recommandation précédente ( CEDAW/C/KGZ/CO/4 , par. 14) et recommande à l ’ État partie  :

a) de faire mieux comprendre la nature non discriminatoire des mesures temporaires spéciales aux fonctionnaires concernés, aux parlementaires, aux décideurs politiques, aux employeurs et au grand public  ;

b) d ’ adopter des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales, en tant que stratégie nécessaire pour accélérer l ’ instauration de l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines relevant de la Convention où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, dans le secteur public et le secteur privé, en particulier au niveau de la prise de décisions, et en accordant une attention particulière aux femmes qui appartiennent à des groupes ethniques minoritaires, aux femmes handicapées et aux femmes âgées  ;

c) de créer un mécanisme chargé de suivre la mise en œuvre des mesures temporaires spéciales et d ’ évaluer leur impact sur la réalisation de l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Stéréotypes

Le Comité reste préoccupé :

a)par les attitudes patriarcales et les stéréotypes discriminatoires persistants concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société, exacerbés par l’influence croissante de la religion, et par l’absence d’une stratégie globale visant à lutter contre ces stéréotypes liés au genre ;

b)par la persistance de stéréotypes liés au genre et de représentations discriminatoires des femmes dans les médias.

Le Comité renouvelle sa recommandation précédente ( CEDAW/C/KGZ/CO/4 , par. 16) et recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ élaborer et de mettre en œuvre une stratégie globale, y compris en ligne, ciblant les chefs communautaires et les chefs religieux, les enseignants, les filles et les garçons et les femmes et les hommes, pour éliminer les stéréotypes discriminatoires sur les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, en tenant compte des conclusions de l ’ étude nationale sur le genre et sa perception dans la société (2016)  ;

b) de continuer à sensibiliser les professionnels des médias pour qu ’ ils s ’ attaquent aux stéréotypes liés au genre discriminatoires et à la chosification des femmes, d ’ encourager une représentation positive des femmes en tant que véritables actrices du développement dans les médias  ; et de réviser la loi sur les services de radiotélévision publique, afin de garantir la prise en compte des questions de genre dans l ’ examen et le contrôle du contenu des médias par les chaînes de télévision, y compris KTRK.

Violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et pratiques préjudiciables

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 63 du 27 avril 2017 sur la protection contre la violence familiale et de l’introduction de sanctions plus sévères pour l’enlèvement de femmes et de filles à des fins de mariage d’enfants ou de mariage forcé. Il demeure toutefois préoccupé par le grand nombre de cas de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes dans l’État partie, y compris la flambée de violence familiale pendant le confinement lié à la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), et par la persistance de la pratique préjudiciable consistant à enlever des jeunes filles en vue d’un mariage. Il prend note avec préoccupation :

a)de l’application et du suivi insuffisants de la loi sur la protection contre la violence familiale ;

b)de l’absence de dispositions criminalisant expressément certaines formes de violence fondée sur le genre, telles que le viol conjugal, et du fait que les infractions sexuelles donnent lieu à des poursuites sur plainte uniquement ;

c)de l’impunité dont jouissent les auteurs de tels actes, de l’application limitée des ordonnances de protection, du manque de mesures de soutien pour les victimes et des obstacles qui entravent l’accès à la justice des femmes et des filles victimes de violence fondée sur le genre, y compris la victimisation secondaire pendant la procédure pénale ;

d)des informations faisant état d’actes de violence fondée sur le genre à l’égard de femmes appartenant à des minorités religieuses ou ethniques et de femmes toxicomanes, et de cas de détention arbitraire et d’agression de femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres pendant les marches pacifiques de 2019 et 2020.

Rappelant sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o 19, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de réviser la loi sur la protection contre la violence familiale pour qu ’ elle couvre toutes les formes de violence fondée sur le genre et tienne compte des besoins particuliers des groupes de femmes défavorisées et marginalisées, dont les femmes handicapées, les femmes migrantes, les femmes vivant avec le VIH/sida, les femmes toxicomanes et les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres  ;

b) de poursuivre ses efforts pour prévenir les enlèvements de jeunes filles, protéger et aider les victimes, et pour poursuivre et punir comme il se doit les auteurs de tels actes, conformément aux recommandations formulées par le Comité dans son rapport d ’ enquête établi au titre de l ’ article 8 du Protocole facultatif à la Convention ( CEDAW/C/OP.8/KGZ/1 )  ;

c) de modifier le Code pénal afin de criminaliser expressément le viol conjugal, et le Code de procédure pénale pour que toutes les formes de violence fondée sur le genre fassent l ’ objet de poursuites d ’ office  ;

d) de veiller à ce que tous les cas de violence fondée sur le genre fassent l ’ objet d ’ enquêtes et de poursuites efficaces, à ce que les auteurs soient punis comme il se doit et à ce que les victimes ne soient pas renvoyées vers des procédures de réconciliation  ;

e) de garantir la délivrance puis l ’ application et le suivi effectifs des ordonnances de protection dans les affaires de violence familiale et d ’ imposer des sanctions suffisamment dissuasives en cas de non-respect de ces mesures  ;

f) de garantir l ’ accès des femmes et des filles à la justice et d ’ encourager le signalement des cas de violence fondée sur le genre aux organes chargés de faire appliquer la loi, notamment en assurant une aide juridique abordable ou, si nécessaire, gratuite, en allégeant la charge de la preuve et en permettant un accès abordable aux preuves scientifiques, et de continuer à renforcer les capacités des juges, des procureurs, de la police et des autres agents chargés de faire appliquer la loi en matière de méthodes d ’ enquête et d ’ interrogatoire tenant compte des questions de genre  ;

g) de renforcer les services d ’ aide aux victimes et la protection des victimes, notamment au moyen de lignes d ’ assistance téléphonique ouvertes 24 heures sur 24 et d ’ hébergements adaptés et par l ’ offre de traitements médicaux, de conseils psychosociaux et d ’ un soutien économique dans l ’ ensemble de l ’ État partie  ;

h) d ’ intensifier la sensibilisation du grand public au caractère criminel de toutes les formes de violence fondée sur le genre, y compris la violence familiale et la violence sexuelle, et à la nécessité pour les femmes de pouvoir signaler ces cas aux autorités chargées de faire appliquer la loi sans crainte de représailles, de stigmatisation ou de revictimisation  ;

i) de poursuivre et de punir comme il se doit les auteurs de violences fondées sur le genre, de détentions arbitraires et d ’ agressions contre des femmes appartenant à des minorités religieuses ou ethniques, des femmes toxicomanes, des lesbiennes, des bisexuelles et des transgenres.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité se félicite de l’adoption du programme d’État et du plan d’action visant à lutter contre la traite des êtres humains (2017-2020) et des directives approuvées par le Ministère de l’intérieur sur le repérage, l’identification et l’orientation des victimes de la traite et sur la confidentialité des informations personnelles des victimes ; de la création, en 2019, du mécanisme national d’orientation pour les victimes ; et des enquêtes menées dans les cas de suspicion de complicité d’agents de l’État. Il note toutefois avec préoccupation que l’État partie est un pays d’origine de la traite des femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation par le travail, y compris le travail domestique. Il prend note avec préoccupation :

a)de l’arrêt en 2021 des activités de l’organe de coordination de la lutte contre la traite, ce qui a empêché l’adoption de directives générales pour le mécanisme national d’orientation ;

b)des retards pris dans l’adoption du projet de plan d’action contre la traite pour la période 2021-2024 ;

c)des faibles taux de signalement et d’enquête, de poursuite et de condamnation dans les affaires de traite de femmes et de filles, malgré l’augmentation des recrutements en ligne des victimes pendant la pandémie de COVID-19, et de l’introduction de peines plus légères pour l’infraction pénale de traite ;

d)de la dépendance de l’État partie à l’égard des organisations intergouvernementales pour le repérage des victimes et la fourniture de services, et à l’égard des organisations non gouvernementales pour les services d’hébergement ;

e)du manque de mesures visant à réduire la demande de rapports sexuels rémunérés et du manque de données sur la traite des femmes et des filles en provenance, à l’intérieur et à destination de l’État partie ;

f)de la diffusion et de la mise en œuvre insuffisantes de l’arrêté no 946-r du 14 décembre 2017 du Ministère de l’intérieur, notamment en ce qui concerne la prévention du dépistage forcé du VIH chez les femmes qui se prostituent.

Rappelant sa recommandation générale n o 38 (2020) sur la traite des femmes et des filles dans le contexte des migrations internationales et ses observations finales précédentes ( CEDAW/C/KGZ/CO/4 , par. 22), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de désigner un organisme gouvernemental spécialement chargé de coordonner les mesures de lutte contre la traite menées par les différents ministères, d ’ adopter et mettre en œuvre des directives générales pour le mécanisme national d ’ orientation, et d ’ allouer des ressources suffisantes à ce mécanisme  ;

b) d ’ accélérer l ’ adoption du projet de plan d ’ action contre la traite (2021-2024)  ;

c) de renforcer les enquêtes et les poursuites visant les auteurs de traite des femmes et des filles et d ’ imposer des sanctions adéquates, et de veiller à ce que les personnes condamnées purgent leur peine  ; de continuer de s ’ attaquer aux causes profondes de la corruption et de la complicité des membres des forces  ;

d) d ’ assurer le repérage précoce des victimes de la traite, y compris parmi les groupes de femmes défavorisées, de s ’ attaquer au recrutement en ligne des victimes et de renforcer la formation des juges, des procureurs et des agents des forces de l ’ ordre en matière de repérage des victimes et de procédures d ’ enquête et d ’ interrogatoire tenant compte des questions de genre et des besoins des enfants  ;

e) de veiller à ce que les femmes et les filles victimes de la traite aient un accès suffisant à des services de soutien et à des programmes de réinsertion, y compris des refuges et des services de conseil, et de financer de manière adéquate les ONG qui gèrent des refuges et fournissent des services de soutien aux victimes ou de leur accorder des subventions pour les coûts liés aux locaux et aux services collectifs  ;

f) d ’ assurer la collecte et l ’ analyse systématiques de données sur la traite, ventilées par âge, sexe, nationalité des victimes et forme de traite  ;

g) de mener des campagnes de sensibilisation au risque d ’ être victime de la traite et d ’ assurer aux femmes et aux filles migrantes l ’ accès à des activités rémunératrices, à un soutien financier, à une aide juridique, à des lignes d ’ assistance téléphonique et à des informations avant le départ  ;

h) de décourager la demande de rapports sexuels rémunérés  ; de mettre en place des programmes visant à aider les femmes qui le souhaitent à sortir de la prostitution et à exercer d ’ autres types d ’ activités rémunératrices  ; et de diffuser et mettre effectivement en œuvre l ’ arrêté n o 946-r du 14 décembre 2017, notamment en surveillant les cas de violences policières et de mesures arbitraires visant les femmes qui se prostituent et en poursuivant et punissant les responsables, et en renforçant le rôle du Bureau du procureur à cet égard.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité prend note de l’instauration d’un quota d’au moins 30 pour cent de femmes dans les conseils locaux. Il est toutefois préoccupé :

a)par la faible représentation des femmes au Jogorkou Kenech (15 pour cent) et dans les conseils locaux, et par la mise en place d’un système électoral mixte, qui fera passer le quota de femmes candidates de 30 à 18 pour cent ;

b)par les actes de violence fondée sur le genre et les discours de haine visant les femmes candidates pendant les élections et les rassemblements politiques ;

c)par les restrictions imposées aux activités des défenseuses des droits humains et par le manque de protection assurée à ces femmes contre les représailles.

Rappelant sa recommandation générale n o 23 (1997) sur la participation des femmes à la vie politique et publique, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de revoir sa législation électorale en vue de parvenir à la parité des femmes et des hommes dans la vie politique et, à cet effet, de prendre des mesures ciblées, y compris des mesures temporaires spéciales, telles que l ’ augmentation des quotas, pour renforcer la représentation des femmes à tous les niveaux de l ’ administration, au Jogorkou Kenech et dans les conseils locaux, dans le système judiciaire et dans les universités, en particulier au niveau de la prise de décisions  ;

b) d ’ exiger des partis politiques qu ’ ils inscrivent un nombre égal de femmes et d ’ hommes sur leurs listes électorales, en alternant un candidat et une candidate (système d ’ alternance)  ;

c) de renforcer les capacités des femmes politiques et des candidates en matière de campagne politique, de leadership et de négociation, et de sensibiliser, en concertation avec les médias, les hommes politiques, les médias, les chefs religieux, les chefs communautaires et le grand public, à l ’ importance de la participation pleine, indépendante et démocratique des femmes, dans des conditions d ’ égalité avec les hommes, à la vie politique et publique, afin de garantir la mise en œuvre de la Convention  ;

d) de prendre des mesures efficaces pour protéger les candidates contre la violence fondée sur le genre et les discours de haine, y compris en ligne, pendant les élections  ;

e) de supprimer toute restriction aux activités des défenseuses des droits humains et de créer un environnement propice à la promotion de leur participation à la vie politique et publique, notamment en assurant leur protection contre la violence fondée sur le genre et les représailles.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité se félicite de l’adoption, en 2018, du plan d’action national pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité concernant les femmes et la paix et la sécurité. Il prend toutefois note avec préoccupation du manque d’informations sur la mise en œuvre du plan d’action et des rapports faisant état d’actes d’extrémisme violent dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes aux fins de l ’ application et du suivi efficaces du plan d ’ action visant à mettre en œuvre la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et de fournir des informations sur les résultats de l ’ application de ce plan dans son prochain rapport périodique  ;

b) de faire en sorte que les femmes participent véritablement à la prévention des conflits et aux processus de paix et de reconstruction après un conflit, y compris au niveau de la prise de décisions  ;

c) de mener des travaux de recherche sur les causes profondes de l ’ extrémisme violent dans l ’ État partie, en s ’ intéressant particulièrement à la situation des femmes qui ont participé à des conflits armés dans d ’ autres pays, et d ’ adopter une stratégie nationale de prévention de l ’ extrémisme violent qui tienne compte des questions de genre.

Nationalité

Le Comité note que la délégation a souligné au cours du dialogue que l’État partie était devenu en 2019 le premier pays à résoudre tous les cas connus d’apatridie sur son territoire et que la ratification de la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie était en cours. Il prend toutefois note avec inquiétude :

a)de l’existence d’obstacles à l’accès à l’enregistrement des naissances, en particulier pour les femmes apatrides, les femmes de nationalité indéterminée et les femmes Mugat ou Lyuli, et leurs enfants, surtout dans les zones rurales, et de l’absence de garanties visant à prévenir l’apatridie des enfants et l’apatridie en cas de renonciation volontaire à une nationalité ;

b)du fait que la procédure de détermination de l’apatridie en vigueur n’est pas applicable à tous les cas d’apatridie.

Rappelant sa recommandation générale n o 32 (2014) relatives aux aspects liés au genre des questions touchant les réfugiées, les demandeuses d ’ asile et la nationalité et l ’ apatridie des femmes, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de réviser la loi sur la nationalité et les autres lois et règlements pertinents, pour que les femmes apatrides, les femmes de nationalité indéterminée, les femmes Mugat ou Lyuli, et leurs enfants, aient un accès adéquat à l ’ enregistrement des naissances et à des documents d ’ identité, y compris dans les zones rurales, ainsi qu ’ à la nationalité kirghize  ;

b) de veiller à ce que les filles et les garçons nés sur le territoire de l ’ État partie soient enregistrés à la naissance et aient accès à la nationalité kirghize et à des documents d ’ identité, indépendamment du consentement ou de la nationalité de leurs parents, de leur résidence et de leur statut marital, et à ce que la perte d ’ une nationalité ou la renonciation à une nationalité soit subordonnée à la possession ou à l ’ acquisition d ’ une autre nationalité  ;

c) d ’ étendre la procédure de détermination de l ’ apatridie aux nouveaux arrivants et de fournir des documents d ’ identité aux personnes considérées comme apatrides  ;

d) de ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Éducation

Le Comité accueille avec satisfaction l’information fournie par la délégation au cours du dialogue, selon laquelle le droit à l’éducation préscolaire est inscrit dans la Constitution et que des efforts ont été faits pour assurer l’éducation en ligne dans le contexte de la pandémie de COVID-19, y compris dans les zones rurales. Il est toutefois préoccupé par :

a)l’insuffisance des informations sur les mesures prises pour garantir l’accès des filles à l’enseignement primaire et secondaire et pour lutter contre les causes de l’abandon scolaire chez les filles ;

b)la persistance des stéréotypes liés au genre tout au long de la scolarité, en l’absence d’éducation sur l’égalité des sexes ainsi que sur la santé sexuelle et reproductive et les droits connexes ;

c)le faible taux de scolarisation des filles et des femmes dans les filières d’enseignement non traditionnelles, comme les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques ainsi que les technologies de l’information et des communications.

Rappelant sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation et sa recommandation précédente ( CEDAW/C/KGZ/CO/4 , par. 26), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ assurer la scolarisation des filles dans l ’ enseignement primaire et secondaire, notamment par des campagnes d ’ information ciblant les parents et les chefs religieux et communautaires sur l ’ importance de l ’ éducation des filles à tous les niveaux aux fins de leur autonomisation, et par un soutien financier aux familles à faibles revenus pour couvrir les coûts indirects de l ’ éducation  ;

b) de lutter contre les causes de l ’ abandon scolaire chez les filles, notamment le mariage d ’ enfants, le mariage forcé et la grossesse précoce, et de veiller à ce que les jeunes mères puissent retourner à l ’ école après l ’ accouchement pour terminer leur scolarité, obtenir un diplôme et accéder à l ’ enseignement supérieur et à l ’ emploi  ;

c) d ’ élaborer et d ’ intégrer dans le cursus scolaire  : i) des programmes inclusifs et accessibles sur l ’ égalité des sexes, y compris les droits des femmes, les femmes dirigeantes dans la vie publique et les effets néfastes des stéréotypes liés au genre ainsi que de la violence et de la discrimination fondées sur le genre à l ’ égard des femmes et des filles  ; et ii) une éducation sexuelle adaptée à l ’ âge à tous les niveaux d ’ enseignement, en mettant l ’ accent sur les comportements sexuels responsables et la prévention des grossesses chez les adolescents et des maladies sexuellement transmissibles  ;

d) de dispenser une formation sur les droits des femmes et l ’ égalité des sexes aux enseignants à tous les niveaux du système éducatif, et de réviser les manuels scolaires, les programmes ainsi que le matériel pédagogique en vue d ’ éliminer les stéréotypes liés au genre discriminatoires  ;

e) d ’ encourager les femmes et les filles à choisir des filières d ’ enseignement et des parcours professionnels non traditionnels, tels que les sciences, la technologie, l ’ ingénierie et les mathématiques, ainsi que les technologies de l ’ information et des communications, notamment par le biais d ’ une orientation professionnelle et de bourses et subventions destinées à couvrir les coûts indirects de l ’ éducation.

Emploi

Le Comité félicite l’État partie d’avoir entrepris une révision de la liste des professions réservées aux femmes. Il reste toutefois préoccupé par :

a)le faible taux d’emploi des femmes (44 %) et l’écart de rémunération persistant entre les femmes et les hommes, ainsi que les obstacles à la promotion des femmes à des postes de direction, à des emplois mieux rémunérés et à des postes de décision, notamment dans les administrations nationales et locales ;

b)la concentration des femmes dans le secteur non structuré de l’économie (64 %), souvent dans des conditions d’exploitation et sans accès à la protection du travail et à la protection sociale, en particulier pendant la pandémie de COVID-19 ;

c)l’absence de législation visant à garantir l’application du principe d’un salaire égal pour un travail de valeur égale, consacré à l’article 20 du Code du travail et l’article 5 de la loi sur les garanties de l’État relatives à l’égalité des droits et des chances des femmes et des hommes, et pour lutter contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail ;

d)la discrimination dans la législation du travail qui incite à la migration de main d’œuvre et expose les femmes à la traite des personnes ;

e)l’absence de mesures visant à garantir la protection de la maternité et le partage égal des tâches ménagères et de l’éducation des enfants entre les femmes et les hommes ;

f)l’accès limité à un emploi décent pour les groupes de femmes défavorisées et marginalisées, notamment les femmes appartenant à des minorités ethniques, les femmes migrantes et les femmes handicapées.

Rappelant ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/KGZ/CO/4 , par. 28), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de prendre des mesures ciblées pour promouvoir l ’ accès des femmes à l ’ emploi formel, y compris à des postes de direction et des emplois mieux rémunérés dans les professions traditionnellement dominées par les hommes et à des postes de décision dans l ’ administration nationale et locale, par le biais de la formation professionnelle, d ’ incitations pour le recrutement préférentiel des femmes, de l ’ amélioration de la qualité des services de garde d ’ enfants et d ’ éducation préscolaire dans les zones urbaines et rurales et de l ’ augmentation du nombre de places, et de mesures visant à atténuer l ’ impact de la pandémie de COVID-19 sur l ’ emploi des femmes  ;

b) d ’ adopter et d ’ appliquer des lois et des règlements complets pour garantir l ’ application du principe d ’ un salaire égal pour un travail de valeur égale et pour lutter contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, qui comprennent une définition complète du harcèlement sexuel englobant un comportement ou un environnement de travail intimidant, hostile ou humiliant, et un mécanisme national fiable pour les femmes victimes de harcèlement sexuel  ;

c) d ’ augmenter le nombre d ’ inspections du travail pour vérifier que les employeurs respectent ces principes et d ’ offrir des recours utiles aux femmes en cas de violation de leurs droits du travail  ;

d) de garantir l ’ égalité des femmes et des hommes dans le domaine de l ’ emploi, notamment en révisant la législation du travail, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les femmes migrantes  ;

e) de modifier les articles 218 et 303 du Code du travail, qui limitent l ’ accès des femmes à certaines catégories d ’ emploi, et de réviser la liste des secteurs, des emplois, des professions et des postes associés à des conditions de travail nocives et dangereuses, où le travail des femmes est proscrit (décision gouvernementale n o 158 du 24 mars 2000)  ; de faciliter l ’ accès des femmes à ces secteurs, emplois, professions et postes  ; et de veiller à ce que les restrictions soient proportionnées et s ’ appliquent au cas par cas et non pas de manière générale à toutes les femmes  ;

f) de garantir la protection de la maternité pour les femmes travaillant dans le secteur non structuré de l ’ économie  ; de faciliter le retour au travail des jeunes mères  ; et de promouvoir le partage équitable des tâches ménagères et de l ’ éducation des enfants entre les hommes et les femmes, notamment en étendant le recours au congé de paternité  ;

g) de ratifier la Convention de 2000 sur la protection de la maternité ( n o 183), la Convention de 1981 sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales ( n o 156), et la Convention de 2019 sur la violence et le harcèlement ( n o 190) de l ’ Organisation internationale du travail  ;

h) d ’ améliorer l ’ accès aux possibilités d ’ emploi et de formation pour les groupes de femmes défavorisés et marginalisés, comme les femmes appartenant à des minorités ethniques, les femmes handicapées et les femmes migrantes, et de fournir aux femmes qui migrent une formation avant le départ.

Santé

Le Comité félicite l’État partie pour la baisse du taux de mortalité maternelle et la mise en place depuis 2015 d’une assurance maladie obligatoire financée par le budget de l’État en vertu de la loi sur les droits en matière de reproduction. Il prend toutefois note avec inquiétude :

a)des taux élevés de mortalité maternelle et infantile, en particulier chez les femmes migrantes et dans les zones reculées et rurales ;

b)de l’insuffisance des efforts déployés pour répondre aux préoccupations sanitaires des femmes migrantes, notamment en ce qui concerne leur santé sexuelle et reproductive et les droits connexes, et de l’incidence accrue de la tuberculose et du VIH/sida ;

c)du triplement du nombre de femmes vivant avec le VIH/sida au cours des dix dernières années dû au faible taux d’utilisation des préservatifs, des taux d’avortement élevés chez les adolescentes et des restrictions de l’accès à la santé sexuelle et reproductive et de l’exercice des droits connexes ;

d)de l’incidence accrue des cancers du sein et des cancers gynécologiques ;

e)de l’absence de couverture par l’assurance maladie pour les femmes et les filles migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile ;

f)de la malnutrition chez les femmes et des filles, en particulier dans les zones rurales, et de la forte prévalence de l’anémie chez les femmes enceintes ;

g)des informations limitées sur l’accès des femmes à la vaccination contre la COVID-19.

Rappelant sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de lutter contre les causes de la mortalité maternelle et infantile en garantissant l ’ accès à des services d ’ avortement médicalisé et post-avortement ainsi qu ’ à des soins obstétriques, en s ’ attaquant au nombre élevé de grossesses précoces et en augmentant le nombre de professionnels de l ’ accouchement, notamment dans les zones rurales et reculées  ;

b) de renforcer l ’ accès des femmes et des filles à des soins de santé adaptés et à un coût abordable en faisant en sorte qu ’ il y ait un nombre suffisant d ’ établissements de soins de santé dotés d ’ un personnel dûment formé, y compris dans les zones rurales et reculées  ;

c) de lutter contre la corruption dans le système de soins de santé et contre la violence et la discrimination fondées sur le genre exercées par le personnel de santé, notamment à l ’ égard des femmes toxicomanes, des femmes atteintes du VIH/sida et des femmes qui se prostituent  ;

d) d ’ intensifier les efforts pour améliorer l ’ accès des femmes migrantes à des soins de santé abordables et de qualité, notamment en les informant sur leur santé sexuelle et reproductive et leurs droits connexes et sur le risque de transmission du VIH/sida et de la tuberculose, et de renforcer la collecte systématique et l ’ analyse de données ventilées sur l ’ accès des femmes et des filles migrantes aux soins de santé  ;

e) de garantir un accès confidentiel à des méthodes contraceptives modernes et abordables, à des services de planification familiale et à des tests de dépistage du VIH dans l ’ ensemble de l ’ État partie, ainsi que l ’ accès à un traitement antirétroviral gratuit pour toutes les femmes et les filles vivant avec le VIH/sida, y compris les femmes qui se prostituent, et notamment dans les zones reculées et rurales  ;

f) de prévenir et de diagnostiquer les cancers du sein et les cancers gynécologiques, notamment en dispensant une formation professionnelle au personnel médical et en sensibilisant les femmes et les jeunes filles, et de garantir à tous les patients un accès abordable aux traitements, y compris la chimiothérapie et l ’ immunothérapie dans les hôpitaux publics  ;

g) d ’ étendre le système d ’ assurance maladie obligatoire aux femmes et aux filles migrantes, réfugiées et demandeuses d ’ asile et de réviser la loi sur l ’ assurance maladie (1999) en conséquence  ;

h) de veiller à ce que toutes les femmes aient accès gratuitement aux vaccins contre la COVID-19, en particulier les femmes âgées et les femmes souffrant de comorbidités, ainsi que les adolescentes, de sensibiliser aux avantages scientifiquement prouvés de la vaccination contre la COVID-19 et de lutter contre les fausses informations propagées par les opposants au vaccin.

Avantages économiques et sociaux

Le Comité note avec préoccupation :

a)la part disproportionnée du travail domestique et des soins non rémunérés assumée par les femmes ;

b)le taux de pauvreté élevé (38 %) dans l’État partie, qui touche de manière disproportionnée les femmes, en particulier les femmes rurales, les femmes chefs de famille monoparentale et les femmes effectuant des travaux de soins non rémunérés ;

c)la concentration de femmes entrepreneurs dans les secteurs à faible profit, tels que le commerce de gros et de détail et l’agriculture, et dans le travail à domicile.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ adopter une loi sur un système national de garde et des politiques et stratégies fiscales porteuses de transformation pour répondre aux besoins qu ’ impose le travail domestique, afin de réduire la charge du travail domestique non rémunéré sur les femmes, en particulier les femmes rurales  ; de faciliter l ’ accès à des services publics de qualité et abordables tenant compte des questions de genre dans des domaines tels que la santé, l ’ éducation, la garde d ’ enfants, les transports, l ’ eau, le logement et l ’ énergie  ; de produire des données sur le travail domestique non rémunéré et le monétiser, pour servir de base à sa prise en compte et son indemnisation  ;

b) de lutter contre la féminisation de la pauvreté en augmentant les pensions et les prestations sociales des femmes, en tenant compte des interruptions d ’ activité professionnelle dues aux périodes d ’ éducation des enfants, de leur concentration dans les emplois du secteur non structuré de l ’ économie et de leur participation aux soins et aux travaux domestiques non rémunérés  ;

c) de faciliter l ’ accès des femmes aux marchés pour leurs biens et produits et de protéger la propriété intellectuelle intergénérationnelle des femmes pour leur production textile et artisanale.

Femmes rurales

Le Comité note que 65 % des femmes de l’État partie vivent dans des zones rurales. Il prend note avec préoccupation :

a)de l’absence de prise en compte des questions de genre dans les lois et politiques agricoles ;

b)du taux de pauvreté anormalement élevé chez les femmes rurales, en particulier les femmes rurales chefs de famille ;

c)de l’accès limité des femmes et des filles rurales à des services adéquats d’approvisionnement en eau, notamment à des fins d’irrigation, et d’assainissement ;

d)de l’accès très limité des femmes rurales à la propriété foncière et aux biens agricoles et du faible pourcentage de femmes rurales dirigeant de petites entreprises agricoles et travaillant sous contrat dans l’agriculture ;

e)de la sous-représentation des femmes rurales dans les associations d’usagers de l’eau et de pâturages, notamment aux postes de direction.

Le Comité renouvelle sa précédente recommandation ( CEDAW/C/KGZ/CO/4 , par. 32) à l ’ État partie de lutter contre la pauvreté qui touche les femmes rurales en leur garantissant l ’ accès à l ’ éducation, à l ’ eau potable et à l ’ assainissement, à l ’ emploi dans le secteur structuré, à des prêts à faible taux d ’ intérêt sans garantie et à d ’ autres formes de crédit financier pour les entreprises agricoles, ainsi qu ’ à la propriété et à l ’ exploitation foncière. Le Comité recommande également à l ’ État partie  :

a) d ’ intégrer les questions de genre dans ses lois et politiques agricoles et de garantir la participation égale des femmes rurales à l ’ élaboration, à l ’ adoption et à la mise en œuvre de ces lois et politiques, y compris dans les associations d ’ utilisateurs d ’ eau et de pâturage  ;

b) de lutter contre les stéréotypes liés au genre discriminatoires portant atteinte à l ’ autonomie des femmes rurales, notamment par des campagnes médiatiques, en tenant compte des résultats de l ’ étude de 2018 sur la prévalence des stéréotypes liés au genre négatifs touchant les femmes rurales.

Groupes de femmes défavorisées et marginalisées

Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes âgées, les femmes handicapées, les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, les réfugiées et les demandeuses d’asile, les migrantes, les femmes vivant avec le VIH/sida, les femmes toxicomanes et les lesbiennes, bisexuelles et transgenres continuent de subir des formes de discrimination croisée dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures ciblées pour garantir l ’ accès à la justice, à l ’ emploi, aux soins de santé, y compris aux services de santé sexuelle et reproductive respectant le caractère confidentiel des informations relatives aux patients, à la protection sociale et à la sécurité alimentaire pour les groupes de femmes défavorisées, en tenant compte de leurs besoins spécifiques.

Femmes vivant avec le VIH/sida

Le Comité se félicite de la décision de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême du 27 janvier 2021 de déclarer inconstitutionnelles les dispositions empêchant les personnes vivant avec le VIH/sida d’adopter, d’exercer une curatelle et d’être parents d’accueil. Toutefois, le Comité est préoccupé par la criminalisation de la transmission du VIH/sida lors de relations sexuelles entre adultes consentants, les obstacles à l’accès aux soins de santé, la terminologie discriminatoire, l’éloignement signalé des enfants et les obstacles à l’accès aux structures de garde d’enfants pour les femmes vivant avec le VIH/sida.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de dépénaliser la transmission du VIH/sida (article 149 du Code pénal) par des relations sexuelles entre adultes consentants  ;

b) de garantir l ’ accès aux soins de santé, y compris à des tests de dépistage confidentiels, au traitement antirétroviral et au soutien psychologique, ainsi que la confidentialité des informations concernant le statut VIH des femmes, et d ’ imposer des sanctions dissuasives en cas de divulgation de ce statut  ;

c) d ’ éliminer les aspects répressifs de l ’ enquête épidémiologique et de réviser la formulation des codes de l ’ infection à VIH  ;

d) de veiller à ce que les femmes vivant avec le VIH/sida ne soient pas séparées de leurs enfants en raison de leur séropositivité et à ce qu ’ elles aient un accès adapté aux structures de garde d ’ enfants, sans stigmatisation  ;

e) d ’ interdire la pratique consistant pour les employeurs à exiger des certificats concernant le statut VIH pour l ’ accès à l ’ emploi et le maintien dans l ’ emploi.

Femmes toxicomanes

Le Comité est préoccupé par les projets de modification législative visant à criminaliser la possession de drogue pour consommation personnelle, la loi sur la famille prévoyant la privation des droits parentaux en cas de dépendance à la drogue des parents, et par le manque d’accès aux programmes et sites de réduction des risques pour les femmes toxicomanes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de veiller à ce que la possession de drogues pour consommation personnelle sans intention de les vendre ne soit pas criminalisée  ;

b) de modifier l ’ article 74 du Code de la famille, qui prévoit la perte automatique de la garde des enfants et la privation des droits parentaux en cas de dépendance à la drogue des parents  ;

c) d ’ améliorer l ’ accès des femmes toxicomanes aux programmes et sites de réduction des risques.

Femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres

Le Comité est préoccupé par la terminologie discriminatoire relative aux femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres dans le Code pénal, par la législation et les procédures qui empêchent les personnes transgenres, y compris les femmes, de modifier le marqueur genre sur leurs documents d’identité, par les crimes de haine et les agressions contre les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, et par l’absence de motifs de poursuites dans la législation.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de modifier le Code pénal (articles 162 - 164) afin d ’ en supprimer les références faites au « lesbianisme »  ;

b) d ’ adopter une définition du viol (article 161) reposant sur l ’ absence de libre consentement qui protège toutes les femmes contre le viol, y compris les lesbiennes, les bisexuelles et les transgenres  ;

c) de rétablir le droit des personnes transgenres, y compris les femmes, de changer le marqueur genre sur leur passeport et autres documents d ’ identité ainsi que leur numéro d ’ identification personnel, notamment en abrogeant les modifications du 1 er août 2020 apportées à la loi sur l ’ état civil et à la procédure d ’ attribution et de modification du numéro d ’ identification personnel  ;

d) de criminaliser les discours de haine et les agressions contre les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et de faire en sorte que l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre des victimes soient reconnues comme des circonstances aggravantes si elles constituent le motif pour commettre ces infractions pénales  ;

e) de veiller à ce que les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres puissent participer librement à la vie politique et à la vie publique en exerçant leur droit à la liberté de réunion pacifique sans intimidation ni représailles.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité note avec préoccupation :

a)que les femmes mariées par une cérémonie religieuse (nikah) sans enregistrement du mariage civil ne bénéficient pas de la protection du Code de la famille et sont privées de la protection économique en cas de dissolution du mariage ;

b)que la prévalence de l’enlèvement non consenti de jeunes filles en vue d’un mariage, des mariages d’enfants et des mariages forcés reste élevée, en particulier dans les zones rurales, malgré leur criminalisation en vertu des articles 175, 177 et 178 du Code pénal ;

c)la forte prévalence de la violence domestique ;

d)la persistance et la légitimation sociale de la polygamie ;

e)l’absence de données ventilées sur les unions civiles non enregistrées, la polygamie, les mariages d’enfants, les mariages forcés et l’enlèvement de jeunes filles.

Le Comité renouvelle ses recommandations précédentes ( CEDAW/C/KGZ/CO/4 , par. 16) et recommande à l ’ État partie  :

a) de veiller à ce que les mariages religieux ne puissent être consacrés qu ’ après l ’ enregistrement civil, notamment en révisant la loi sur les croyances et pratiques religieuses  ;

b) de protéger les droits des femmes dans le cas de la dissolution des mariages religieux et coutumiers, conformément à sa recommandation générale n o  29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution.

c) de poursuivre ses efforts pour lutter contre l ’ enlèvement des jeunes filles, le mariage des enfants et le mariage forcé, en particulier dans les zones rurales, notamment en s ’ attaquant à leurs causes profondes, en encourageant le signalement des cas, en punissant la complicité des membres de la famille, des chefs religieux et des chefs communautaires ou des agents de la force publique, en mettant en place des mécanismes pour repérer ces cas et en veillant à ce que les responsables soient poursuivis et dûment punis, conformément à la recommandation générale n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et l ’ observation générale n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques préjudiciables adoptées conjointement (2019) et aux recommandations formulées par le Comité dans son rapport sur l ’ enquête menée en application de l ’ article 8 du Protocole facultatif à la Convention  ;

d) de redoubler d ’ efforts pour lutter contre la violence domestique, conformément à la recommandation générale n o 35 (2017) du Comité  ;

e) de faire appliquer dans les faits l ’ interdiction de la polygamie en vertu de l ’ article 179 du Code pénal, d ’ exiger que l ’ enregistrement civil des mariages soit efficace, et de sensibiliser le public aux risques économiques encourus par les femmes dans les unions polygames et non enregistrées, notamment en cas de dissolution  ;

f) de collecter des données, ventilées par âge, sexe et région, afin d ’ évaluer l ’ ampleur du phénomène des unions polygames et religieuses non enregistrées, des mariages d ’ enfants, des mariages forcés et des enlèvements de jeunes filles  ;

g) de veiller à ce que les femmes et les hommes aient les mêmes droits et responsabilités dans le mariage et les rapports familiaux et en cas de dissolution, y compris les mêmes droits parentaux, quelle que soit leur situation matrimoniale, et les mêmes droits de choisir un nom de famille, une profession et un domicile, conformément à l ’ article 16 de la convention.

Amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l ’ État partie à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et à continuer d ’ évaluer la réalisation des droits consacrés par la Convention dans le contexte de l ’ examen, après 25 ans, de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing en vue de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans les langues officielles de l ’ État partie, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, au Jogorkou Kenech et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits humains contribuerait à promouvoir l ’ exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vi e . Il l ’ invite donc à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées à laquelle il n ’ est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 12 b), 18 b), 22 b) et 26 e) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son sixième rapport périodique en novembre 2025. Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).