Nations Unies

CMW/C/SR.120

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

16 novembre 2009

Original: français

NATIONS UNIES Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Onzième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 120 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 13 octobre 2009, à 10 heures

Président: M. El Jamri

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 73 de la Convention (suite)

Rapport initial de Sri Lanka (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 73 de la Convention (point 3 de l ’ ordre du jour) (suite)

Rapport initial de Sri Lanka ( suite )

1.Le Président propose au Comité de poursuivre l’examen du rapport initial de Sri Lanka et invite les membres de la délégation sri-lankaise à prendre la parole.

2.M. Jauhar (Sri Lanka)donne lecture des réponses aux questions posées par les membres du Comité. Les autorités sri-lankaises ont créé un comité interministériel chargé de mettre en œuvre les dispositions de la politique nationale de migration de la main-d’œuvre et la loi sur le Bureau sri-lankais de la main-d’œuvre à l’étranger a été modifiée de façon à permettre une meilleure protection des droits des travailleurs migrants et à sanctionner ceux qui ne respectent pas ces droits. Des directives claires et complètes en matière de recrutement ont également été élaborées, obligeant par exemple les agences pour l’emploi à déclarer les droits qu’elles perçoivent des migrants et à faire signer à ceux-ci un contrat de travail en présence d’agents du Bureau sri-lankais de la main-d’œuvre à l’étranger. Si des irrégularités sont constatées, les agences concernées sont sanctionnées. À ce jour, le pays dispose de 28 agents des services sociaux de la main-d’œuvre à l’étranger et compte prochainement doubler ce nombre, sous réserve de l’accord du Ministère des finances. Actuellement, près de 80 % des travailleurs migrants sri-lankais (1,7 million) disposent de contrats de travail individuels homologués, Sri Lanka ne reconnaissant pas le principe des contrats-cadres ou des contrats groupés; il n’est donc pas exact, comme l’a déclaré un membre du Comité, que la majorité des travailleurs migrants se trouvant dans les pays du Golfe soient sans papiers.

3.Si la majorité des travailleurs migrants sri-lankais sont des femmes, on a constaté qu’en 2008 les hommes ont représenté l’essentiel des sorties de main-d’œuvre. Cette évolution s’explique, d’une part, par l’introduction de normes d’emploi minimales pour les femmes (dont des salaires minimaux plus élevés) qui ont fait chuter la demande de main-d’œuvre féminine peu qualifiée et, d’autre part, par l’identification de marchés du travail demandeurs de main-d’œuvre qualifiée (Corée du Sud, Malaisie, Lybie et Japon) qui ont drainé une majorité d’hommes. Au titre des programmes de rapatriement, le Bureau sri-lankais de la main-d’œuvre à l’étranger s’est occupé de faire revenir 808 travailleurs migrants en 2008 pour un coût supérieur à 200 000 dollars des États-Unis. Une enquête est en cours dans tout le pays afin de mieux cerner les besoins en la matière. Le Gouvernement sri-lankais tient à souligner que ces programmes s’adressent à tous les migrants, quelle que soit leur origine ethnique.

4.L’assistance juridique dont bénéficient les travailleurs migrants est financée par le fonds d’aide sociale aux travailleurs migrants du Bureau; depuis peu, les migrants bénéficient également d’une assurance que leur employeur a l’obligation de souscrire pour eux. Le système de retraite pour les travailleurs migrants n’est en vigueur que depuis deux ans et à ce jour aucun bénéficiaire n’a atteint l’âge de 60 ans à partir duquel il est possible de faire valoir ses droits. En ce qui concerne la question de savoir si les migrants sri-lankais perçoivent une pension des pays où ils ont travaillé, actuellement deux pays (l’Italie et Chypre) leur versent une pension; il appartient alors au Bureau sri-lankais de la main-d’œuvre à l’étranger d’intervenir pour faciliter le versement des fonds.

5.Si la société civile n’a pas participé à l’élaboration du rapport présenté au Comité, les autorités sri-lankaises entendent bien remédier à cela à l’avenir. Conscient des effets négatifs sur les enfants que la migration de leurs parents, essentiellement des mères, peut avoir, le Gouvernement sri-lankais a créé une unité de protection de la famille au sein du Bureau sri-lankais de la main-d’œuvre à l’étranger dont la mission est de soutenir ces enfants par tous les moyens, y compris en leur allouant des bourses ou en leur fournissant gratuitement du matériel scolaire.

6.Sri Lanka ne dispose pas de statistiques sur les migrants en situation irrégulière. L’immigration illégale et la traite de personnes constituent des infractions au regard de la loi sur l’immigration. Ce cadre juridique vient d’être renforcé par de nouvelles dispositions; en cas de traite, seuls les organisateurs sont sanctionnés, pas les victimes. Lorsqu’il s’agit d’enfants, des foyers spéciaux les accueillent.

7.Dans le pays, seuls les ressortissants sri-lankais jouissent du droit constitutionnel d’adhérer à un syndicat. Il n’y a pas de limite aux fonds que les travailleurs étrangers à Sri Lanka sont autorisés à transférer, pour autant qu’il s’agisse d’argent gagné légalement.

8.Pour pouvoir procéder à une arrestation, les agents du Bureau sri-lankais de la main-d’œuvre à l’étranger doivent avoir été nommés officiers de paix en vertu du Code de procédure pénale. Dans l’exercice de leurs fonctions exercées de bonne foi, ces agents jouissent d’une immunité.

9.Sri Lanka n’a pas encore ratifié la Convention no 97 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) mais espère être en mesure de le faire prochainement, grâce à l’assistance technique de l’OIT. L’Accord de réadmission négocié avec l’Union européenne prescrivant que des protocoles de mise en œuvre de cet accord doivent être signés avec les États membres, Sri Lanka finalise actuellement de tels instruments avec les Pays-Bas, la France et Malte.

10.M. Ruhunage (Sri Lanka) précise que les modifications apportées à la loi sur le Bureau sri-lankais de la main-d’œuvre à l’étranger visent essentiellement à protéger les droits des travailleurs migrants, notamment en sanctionnant les agences qui recruteraient illégalement des travailleurs sri-lankais, le montant des amendes ayant par exemple été multiplié par 20. Il faut insister sur le fait que l’exploitation commence dès que les agences imposent des droits exorbitants aux migrants. Dans le cadre du fonds d’aide sociale aux travailleurs migrants, les travailleurs migrants handicapés peuvent avoir accès gratuitement à des logements, en fonction du handicap dont ils sont atteints et pour autant que celui-ci soit dû à leur travail à l’étranger.

11.S’agissant des travailleurs migrants sri-lankais qui rentrent dans leur pays pour y recevoir des soins ou pour toute autre raison liée à leur état de santé, le Gouvernement sri-lankais a signé un accord avec un établissement hospitalier public afin qu’ils soient pris en charge dès leur retour. D’autres programmes sont mis en œuvre, notamment pour apporter, avec le concours d’organisations non gouvernementales, une aide psychologique et sociale aux migrantes victimes du harcèlement sexuel qui à leur retour découvrent qu’elles sont enceintes. En outre, une assistance funéraire est proposée aux familles des travailleurs migrants décédés à l’étranger.

12.Répondant aux observations faites au sujet des mémorandums d’accord conclus entre Sri Lanka et plusieurs pays, M. Ruhunage fait remarquer que ces accords dans le domaine de l’emploi ont été obtenus au prix de longues négociations et il en récapitule les principaux éléments. Les mémorandums sont généralement signés pour une période de trois ans renouvelable et portent sur les points suivants: les frais du voyage vers le pays de destination, qui ne doivent pas être à la charge du travailleur, de même que les frais du voyage de retour, à l’expiration du contrat de travail; le versement régulier d’un salaire; l’établissement d’un contrat de travail en bonne et due forme, éventuellement d’un contrat type (comme c’est le cas au Sultanat d’Oman et au Qatar), authentifié par les deux parties, à savoir le Bureau de la main-d’œuvre à l’étranger pour Sri Lanka et l’organisme compétent dans le pays d’accueil; le droit pour le travailleur d’envoyer une partie de son salaire dans son pays d’origine ou un autre pays de son choix; le règlement des litiges, par voie de conciliation ou dans le cadre d’une procédure engagée auprès d’un tribunal compétent dans le pays d’accueil; l’établissement d’un comité mixte, composé de représentants des deux parties, chargé d’examiner l’application du mémorandum; et l’échange de compétences entre les deux pays visés. Le Gouvernement sri-lankais a signé des mémorandums d’accord ou des accords bilatéraux avec le Qatar, les Émirats arabes unis, Bahreïn, la Libye, la Jordanie et la République de Corée, et il règle actuellement les derniers détails d’accords bilatéraux avec le Liban, le Sultanat d’Oman et le Koweït.

13.M me Fernando (Sri Lanka), présentant le Plan national d’action pour la promotion et la protection des droits de l’homme à Sri Lanka, explique que ce plan, actuellement en cours d’élaboration, a été conçu pour une période de cinq ans et bénéficie de l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Dans un premier temps, le Gouvernement sri-lankais a fait le point sur les recommandations des organes conventionnels et des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, ainsi que sur les recommandations découlant de l’Examen périodique universel. Il a ensuite défini, en concertation avec les administrations compétentes et un certain nombre d’organisations de la société civile, un cadre thématique comportant huit thèmes, à savoir la torture, les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels, les enfants, le travail, les migrants, les femmes et les déplacés internes. Actuellement, des comités mixtes composés de 6 à 10 experts représentant les pouvoirs publics et la société civile élaborent le contenu du plan pour chacun des thèmes retenus. Chaque comité prévoit des dispositions relatives au thème qui le concerne en suivant une structure commune qui comprend les principales questions pertinentes, les buts, les activités, les principaux indicateurs de résultats, les objectifs à atteindre pendant la durée du plan et l’autorité responsable. Chaque thème donne lieu à un examen du cadre juridique, des politiques et des pratiques.

14.En ce qui concerne les travailleurs migrants, plusieurs questions sont envisagées actuellement: au chapitre de la traite des êtres humains, ces questions sont la révision de la législation, l’adhésion aux normes internationales, la sensibilisation et l’information aux fins de la prévention, la poursuite des criminels, l’établissement de mécanismes de plainte, la réinsertion des victimes et la protection des victimes et des témoins. Sont également examinées les questions concernant le droit de vote des travailleurs migrants, le renforcement de leur protection, la formation et la sensibilisation, les migrations clandestines, les régimes de protection sociale et d’assurance, la situation sociale et les droits des familles des travailleurs et la situation des travailleurs migrants étrangers à Sri Lanka. Le plan, qui devrait être mis en œuvre dans les mois à venir, ne doit pas être considéré comme une liste exhaustive des questions à examiner, mais plutôt comme une liste de priorités.

15.M. Taghizade souhaiterait en savoir plus sur les fluctuations importantes des migrations entre 1986 et 2006, telles qu’elles sont présentées pour les hommes et les femmes dans le tableau 2 du rapport initial de Sri Lanka. Alors que le pourcentage de départs était nettement plus élevé pour les femmes que pour les hommes dans les années 90, les chiffres pour 2006 indiquent un pourcentage de 55,55 % pour les femmes contre 44,45 % pour les hommes.

16.En ce qui concerne les services proposés par le Gouvernement sri-lankais aux travailleurs migrants qui se préparent à partir, M. Taghizade a pris note des nouvelles structures mises en place, mais il souhaite savoir quelles ressources financières et autres sont allouées aux actions d’orientation et de formation. S’agissant des accords conclus avec les pays importateurs de main-d’œuvre, il fait remarquer qu’aux termes de la Convention, les travailleurs migrants ne doivent pas payer de frais liés à l’obtention d’un emploi, ni dans le pays d’origine ni dans le pays de destination, et demande des éclaircissements sur la position de Sri Lanka à ce sujet.

17.M. Sevim se félicite de l’élaboration du plan national d’action pour la promotion et la protection des droits de l’homme à Sri Lanka, notamment de la partie du plan concernant les travailleurs migrants, et espère pouvoir constater les résultats de sa mise en œuvre dans le prochain rapport de l’État partie.

18.En ce qui concerne la sécurité sociale, il souhaiterait obtenir des précisions sur les pays avec lesquels le Gouvernement sri-lankais a conclu des accords et sur le contenu de ces accords. S’agissant du statut de la Convention dans le droit national (question 21), il constate d’après la réponse donnée que les textes juridiques internationaux ne sont pas applicables directement en droit interne.

19.Pour ce qui est du droit d’organisation (question 24), il rappelle que Sri Lanka a signé la Convention n° 87 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur la liberté syndicale, qui reconnaît aux étrangers le droit de s’organiser. Or, d’après la réponse donnée, ce droit est garanti aux seuls citoyens sri-lankais, mais pas aux étrangers.

20.M. Sevim demande si les accords de réadmission qui ont été signés ou sont en cours d’élaboration contiennent des garanties de procédure telles qu’elles sont prévues à l’article 22 de la Convention. Tous les accords devraient comprendre des dispositions protégeant les travailleurs migrants contre les mesures d’expulsion. Or, d’après la réponse donnée, il existe des «arrangements», et non des garanties pour les ressortissants de Sri Lanka revenant d’autres pays.

21.M. Brill antes (Rapporteur pour Sri Lanka) aimerait savoir quand le Plan d’action national, déjà présenté lors de l’Examen périodique universel de l’État partie en 2008 mais toujours en cours d’élaboration, pourra commencer à être mis en œuvre. Il met dans le même temps l’État partie en garde contre la tentation de voir dans cet ambitieux projet une panacée pour résoudre tous les problèmes soulevés par le Comité.

22.M me  Cubias Medina demande si le fait de résider illégalement sur le territoire sri-lankais constitue un délit.

23.M. Ruhunage (Sri Lanka) explique qu’à l’inverse de ce qui s’est passé avant 2008, les hommes sont désormais majoritaires (52 %) parmi les travailleurs migrants. Il y a au moins deux raisons à cela: l’imposition de nouvelles conditions et notamment d’un salaire minimal pour les femmes, qui a sans doute poussé certains pays à se tourner vers des domestiques meilleur marché originaires d’autres pays, et l’ouverture de nouveaux marchés pour la main-d’œuvre masculine en République de Corée et en Malaisie notamment. Il ne faudrait en aucun cas y voir une volonté délibérée des autorités sri-lankaises de décourager l’emploi des femmes à l’étranger.

24.Tous les candidats à la migration peuvent trouver des renseignements sur les charges qu’ils auront à verser au titre du recrutement dans les systèmes d’information mis à leur disposition dans la capitale mais aussi dans 23 bureaux régionaux. Des messages d’information ont en outre été diffusés dans la presse pour faire connaître aux migrants potentiels le montant de ces charges. Les sessions d’orientation avant le départ sont obligatoires pour les femmes parce que celles-ci sont plus vulnérables et risquent davantage d’être victimes d’abus et d’exploitation. Des sessions ouvertes aux hommes ont néanmoins été organisées pour les personnes projetant de partir en République de Corée, au Japon, à Chypre, en Israël ou en Malaisie. Il est vrai que, selon les dernières statistiques, 10 % seulement des travailleurs migrants ont suivi de telles sessions d’orientation, mais le fait est qu’elles ne s’adressent en général qu’aux femmes et en tout état de cause uniquement aux personnes sans expérience préalable de la migration. Or, près de 40 % des femmes qui partent travailler à l’étranger l’ont déjà fait par le passé et elles ont donc déjà reçu cette formation.

25.Sri Lanka n’a pas encore conclu de protocole de réadmission. La délégation a bien pris note des avis et suggestions du Comité sur ce sujet et les autorités étudieront la possibilité de les intégrer dans les accords actuellement en cours de négociation avec trois pays. En matière de sécurité sociale, aucun accord autre que les mémorandums d’accord conclus avec certains pays d’emploi n’a été signé; c’est pourquoi Sri Lanka envisage d’introduire ses propres mesures de protection sociale dans le cadre d’un programme d’assurance sociale géré par le pays d’origine.

26.M me  Fernando (Sri Lanka) indique que six des huit volets du Plan d’action national sont à peu près achevés. Le processus est long car il implique de recenser toutes les dispositions du droit interne qui doivent être modifiées pour être mises en conformité avec les obligations internationales. Le premier projet finalisé devrait pouvoir être soumis à l’examen du Cabinet d’ici à la fin novembre et l’on peut raisonnablement espérer que le Plan sera mis en œuvre début 2010. Mme Fernando confirme par ailleurs que migration illégale et traite sont deux infractions distinctes et que les victimes de la traite ne sont pas considérées comme des délinquants.

27.M. Brillante s (Rapporteur pour Sri Lanka) remercie la délégation de ses réponses directes et franches, qui auraient néanmoins gagné à être illustrées par davantage de statistiques. Il fait observer que les questions migratoires sont désormais débattues par tous les organes conventionnels et forme le vœu que l’État partie continuera d’accorder un rang de priorité élevé à la Convention.

28.Le Président déclare pour conclure avoir apprécié la vision globale qu’a l’État partie de la politique migratoire, qu’illustre l’engagement de plusieurs acteurs publics, ainsi que sa prise en compte des différentes catégories de migrants, y compris en fonction de leur appartenance ethnique. Il se félicite de la création d’un nouveau Ministère chargé de la promotion et de la protection de la main‑d’œuvre à l’étranger et de la signature de plusieurs mémorandums d’accord avec des pays d’accueil et encourage Sri Lanka à poursuivre ces actions, même si l’impact ne s’en fera probablement sentir qu’à moyen terme. Rendant hommage au rôle actif joué par Sri Lanka dans le Processus de Colombo et le Dialogue d’Abou Dhabi, il l’invite à continuer de jouer un rôle moteur sur la scène régionale en matière de consultation sur les migrations. Il observe enfin que des efforts restent à faire, compte tenu notamment de la situation politique, économique et sociale de Sri Lanka et des pays d’accueil, pour améliorer l’exercice des droits des travailleurs migrants.

La première partie (publique ) de la séance prend fin à 11 h 50.