Nations Unies

CMW/C/SR.330

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

14 septembre 2016

Original : français

NATIONS UNIES Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Vingt- cinquième session

Compte rendu analytique de la 330 e séance

Tenue Palais Wilson, à Genève, le mercredi 31 août 2016, à 10 heures

Président (e): M. Brillantes

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 73de la Convention (suite)

Rapport initial du Niger (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 73de la Convention (suite)

Rapport initial du Niger (CMW/C/NER/QPR/1 ; CMW/C/NER/1 ; HRI/CORE/NER/2013) (suite)

Sur l ’ invitation du Président, la délégation nigérienne reprend place à la table du Comité.

M. Soly (Niger) dit que le Système d’information sur la migration et d’analyse de données (MIDAS) de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a été mis en place au Niger et est actuellement utilisé à titre expérimental à l’aéroport international de Niamey ainsi que dans un certain nombre de postes frontière, dont ceux de Makalondi et de Yassane, qui se situent à la frontière avec le Burkina Faso et avec le Mali, respectivement. Sur la quarantaine de postes frontière prévus, une vingtaine sont actuellement opérationnels. D’autres mesures sont envisagées aux fins de la gestion des frontières, telles que la création d’unités de police spécialisées dans le domaine migratoire. Le Niger n’a pas de politique migratoire nationale qui traite expressément de la question des travailleurs migrants, mais une stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière est en gestation. Il n’y a pas de centres de rétention pour migrants dans le pays, seulement quatre centres de transit gérés par l’OIM à Dirkou, Arlit, Agadez et Niamey. En matière d’expulsion, 2 cas ont été enregistrés en 2015 et 1 en 2016. Le Niger fait partie − avec le Mali, le Sénégal, la Gambie et l’Éthiopie − des pays bénéficiaires d’un projet de l’Union européenne (UE) doté d’un budget de quelque 110 millions d’euros, portant notamment sur la gestion des migrations et des frontières. En ce qui concerne la réunion du G5 du Sahel, elle visait à convenir d’une approche commune qui permette d’améliorer la gestion des zones frontières dans le Sahel.

M. Dounama (Niger) explique que la législation nigérienne fixe à 20 % de la masse salariale des travailleurs recrutés le montant dû aux agences de placement privées par les entreprises faisant appel à leurs services. Les agences qui ne se conforment pas à la loi peuvent se voir retirer leur agrément. Le Code du travail du 25 septembre 2012 tient compte des dispositions de certaines normes de l’Organisation internationale du Travail (OIT) ratifiées après 2012, telles que la convention (no 150) sur l’administration du travail, 1978, la convention (no 181) sur les agences d’emploi privées, 1997, et le Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé.

La lutte contre le travail forcé figure au nombre des préoccupations premières des autorités, et le Niger a été l’un des premiers pays du monde à ratifier le Protocole de 2014 de l’OIT relatif à la convention sur le travail forcé, 1930. Le Niger s’est doté d’une commission nationale de lutte contre le travail forcé et la discrimination, qui a notamment été chargée de promouvoir le travail décent en sensibilisant la population au problème du travail forcé et de la discrimination, ainsi que d’assurer l’élaboration et le suivi de la mise en œuvre du Plan d’action national de lutte contre les survivances du travail forcé et la discrimination. Cette commission bénéficie de l’assistance du Bureau international du Travail dans le cadre du projet d’appui à la lutte contre le travail forcé et la discrimination (PACTRAD), dont les objectifs sont les suivants : renforcer la prise de conscience au sein de la population des phénomènes du travail forcé et de la discrimination ; dynamiser le cadre institutionnel de coordination, de pilotage et de suivi de leur élimination ; et améliorer les capacités des organisations locales qui viennent en aide aux victimes.

Les travailleurs migrants bénéficient de l’égalité de traitement en matière de sécurité sociale. Les prestations de sécurité sociale sont assurées par deux organismes, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la Caisse autonome de retraite du Niger. La première couvre les travailleurs des secteurs privé et parapublic et les auxiliaires de l’administration publique, la seconde, les fonctionnaires. L’extension de la sécurité sociale aux travailleurs du secteur informel fait partie des questions prises en compte dans le cadre de l’élaboration des PPTD (Programmes par pays pour la promotion du travail décent). Le Niger a également entrepris d’établir un socle de protection sociale et, dans ce cadre, prévoit de mettre en place des dispositifs contributifs et non contributifs.

En juin 2015, les Gouvernements nigérien et saoudien ont conclu un accord visant à l’embauche de Nigériens en Arabie saoudite, qui a permis le recrutement de 335 travailleurs. Cela étant, au vu de certains commentaires publiés sur les réseaux sociaux, un comité composé de représentants de la Présidence, de la Primature, des Ministères des affaires étrangères, de l’intérieur et du travail, de l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi et de la CNSS a été établi pour réfléchir aux moyens de créer les conditions du respect strict de l’accord par les différentes parties et, pour l’heure, l’envoi de travailleurs nigériens en Arabie saoudite a été suspendu.

M. Oumaria (Niger) signale l’existence de l’Association des médiateurs des pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, mécanisme qui permet de renforcer le respect des droits des travailleurs migrants.

M me Guisso (Niger) dit que parmi les conventions de l’OIT que le Niger a ratifiées figure également la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession). Conformément au Code du travail, la discrimination dans le domaine de l’emploi est interdite et punie d’une amende de 500 000 à 2 millions de francs et/ou d’une peine d’emprisonnement allant de un à cinq ans. L’inspection du travail n’a pas enregistré de cas de discrimination en 2015, ni en 2016.

M. Garba (Niger), présentant le bilan de la coopération avec l’UE, explique que cette dernière est le principal bailleur de fonds du Niger et lui a versé, au total, plus d’un milliard d’euros au titre du dixième Fonds européen de développement, pour la réalisation de projets dans différents domaines d’intervention prioritaires, tels que le développement rural et le transport. L’Italie vient elle aussi en aide au Niger à travers le projet « Across Sahara », initiative de sécurisation des frontières et de lutte contre l’immigration clandestine financée par la Commission européenne.

M. Garba dit qu’il n’existe pas d’estimation quantitative des apports de la diaspora, mais que la BCEAO a mis en place un projet dans le but de répondre à cette préoccupation. Par ailleurs, le Ministère des affaires étrangères a adopté une stratégie relative à la diaspora assortie d’un plan d’action qui consiste essentiellement à :recenser quantitativement et qualitativement les Nigériens à travers la conception de fiches d’identification et la création d’une base de données;créer les conditions propres à favoriser les rencontresen créant et organisant des associations et en réorganisantles associations existantes; recenser et cerner les potentialités, c’est-à-dire les capacités d’investissement des Nigériens de la diaspora; concevoir des politiques et trouver des solutions aux problèmes; mettre en place une plateforme de gestion des dossiers d’intégration et des projets; créer des conditions propices aux partenariats entre les associations, à travers le jumelage des villes de parrainage etla collecte de vêtements, de médicaments et de matériel médical; créer le cadre de rencontres sectorielles et d’échanges d’idées au moyen de séminaires, de colloqueset de conférences; contribuer à la mobilisation de l’épargne des Nigériens de l’extérieur à travers l’examendes modalités pratiques des transferts de fonds vers le Niger; inciter les Nigériens de l’extérieur et les étrangers à investir au Niger; créer les conditions de la mise en place de la Banque de la diaspora et définir ses modalités de financement et de fonctionnement;et mener des campagnes visant à promouvoir les Nigériens de l’extérieur en particulier, et tous les Nigériens en général.

M.Garba dit qu’un Forum de la diaspora a réuni, en août 2012, plus de 700Nigériens de l’extérieur venus débattre de leur implication dans le développement du Niger. Toutes les recommandations issues de ce forum ont été analysées, regroupées et traduites en projets. Un comité de pilotage chargé du suivi été mis en place et a lui-même constitué quatre sous-comités: le sous-comité chargé de la sensibilisation, de l’information et de l’orientation de la diaspora, le sous-comité chargé des actes administratifs, le sous-comité chargé des opportunités d’investissement et le sous-comité chargé de la promotion et de la gestion des carrières des Nigériens à l’extérieur.

M. I brahim(Niger) dit qu’au Niger, comme dans tous les pays de tradition moniste, les dispositions d’une convention peuvent dès leur ratification être invoquées devant les juridictions nationales au même titre que celles du droit interne. L’article171 de la Constitution dispose à cet égard que les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois. Si les justiciables usent rarement de ce droit, c’est probablement parce qu’il est peu connu, non seulement du public, mais aussi des professionnels susceptibles de le faire valoir. Un effort de vulgarisation et de formation est donc nécessaire. M. Ibrahim dit que les dispositions de l’article28 de la Convention relatives à l’accès aux soins de santé d’urgence sont reprises dans l’article25 de la loi 2015-36 relative au trafic illicite de migrants. Le droit à la santé fait partie des droit économiques et sociaux dont la réalisation, subordonnée aux moyens dont dispose l’État, ne peut être que progressive. Un effort important a néanmoins été fait dans ce domaine et il n’y a aucune discrimination, en matière d’accès à la santé, entre les nationaux et les étrangers.

M. Ibrahim dit qu’une loi de 2007 vise à mettre en place un système d’état civil performant, c’est-à-dire offrant des données exploitables et répondant aux critères universellement admis. Cette loi vise à remédier à l’insuffisance du système statistique du pays. Le législateur a voulu que ce système soit universel, permanent, obligatoire et gratuit. La mise en place d’un observatoire national, l’informatisation progressive des services, l’élargissement de la base territoriale des services d’état civil et la redéfinition des centres secondaires auxiliaires d’état civil tendent à favoriser la réalisation de cet objectif. Le 27mai 2007, le Gouvernement a adopté un document d’orientation de la politique nationale de l’état civil assorti d’un plan d’action. M. Ibrahim dit que l’enregistrement des naissances est obligatoire, sous peine d’amende. Un nouveau-né se voit accorder la nationalité nigérienne s’il est né de parents nigériens ou s’il a été trouvé sur le territoire national. Il est également possible d’acquérir la nationalité par mariage avec un citoyen nigérien. Avant l’adoption de la loi 2060-14, une étrangère pouvait devenir nigérienne en épousant un nigérien, mais un étranger ne pouvait acquérir la nationalité en épousant une nigérienne. Cette discrimination a cependant été abolie par la loi de 2014. Un ressortissant étranger peut faire une demande de naturalisation s’il réside depuis au moins dix ans au Niger. Ce délai peut être ramené à cinq ans si l’intéressé a rendu des services exceptionnels à la nation. M.Ibrahim précise que le Président a récemment signé un décret portant naturalisation d’une centaine d’étrangers.

M.Ibrahim dit que le Niger dispose d’un système législatif et institutionnel pour lutter contre la traite des personnes. L’État a mis en place différents instruments, tels que l’ordonnance relative à la lutte contre la traite des personnes, actuellement en cours de modification, la loi relative au trafic illicite de migrants et la loi sur l’assistance juridique et judiciaire, qui permettent aux autorités d’agir en cas de violation des droits des personnes nécessitant une protection. Plusieurs institutions veillent à l’application de la législation et contribuent à une meilleure prise en charge des personnes et à la coordination entre les différents acteurs. Il s’agit de la Commission nationale de lutte contre la traite des personnes, de l’Agence nationale de lutte contre la traite des personnes et de l’Agence nationale d’assistance juridique et judiciaire. L’accent est mis sur la prise en charge psychologique et psychosociale, sur l’orientation vers les services compétents et sur la facilitation des interventions des autorités responsables des poursuites et des procédures judiciaires. M. Ibrahim ajoute que le Niger s’emploie à renforcer les capacités des acteurs de la prise en charge par une action de formation, et mène également des actions de formation et de sensibilisation sur l’impact négatif de l’exploitation et des violations qui peuvent être commises à l’endroit des travailleurs migrants, en ciblant particulièrement les chefs traditionnels et religieux.

M. Soly(Niger) précise que des avancées significatives ont été faites en matière d’état civil. Le taux d’enregistrement des naissances est ainsi passé de 30% en 2008 à 64% en 2015. Le Niger est en outre en train d’effectuer une cartographie complète des principaux centres de déclaration afin d’informatiser tous les systèmes d’état civil.

M .  Oumaria(Niger) dit que le Niger, qui est un point de transit incontournable pour toutes les migrations vers le nord, évolue dans un contexte géopolitique complexe. Les crises humanitaires résultant des agissements de BokoHaram dans la région de Diffa et la situation qui règne en Libye et en Côte d’Ivoire, pays traditionnels d’émigration pour les Nigériens, ainsi qu’au Mali et en Centrafrique, ont favorisé les retours, les refoulements et l’immigration vers le Niger et contraint le Gouvernement à déployer d’importants efforts pour contenir et pour gérer les personnes concernées. Depuis 2011, plus de 505000personnes rapatriées, réfugiées et déplacées ont été enregistrées, dont 180 000 personnes déplacées dans la région de Diffa. De 2011 à 2015, le Gouvernement a reçu l’appui des partenaires du développement, qui ont mobilisé plus de 609milliards de francs CFA. L’Union européenne joue, dans ce domaine, un rôle de chef de file. L’action des partenaires techniques et de l’État est coordonnée par un service hébergé par le Cabinet du Premier Ministre en vue d’apporter une réponse rapide. Les efforts du Gouvernement ont été salués par le Secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des Affaires humanitaires.

M.Oumaria dit que le Niger connaît traditionnellement des migrations internes, les ruraux se rendant en villehors saison pour y chercher un emploi. En outre, l’émigration vers des pays étrangers, tels que la Côte d’Ivoire et le Ghana, est souvent valorisée sur le plan social. La mondialisation et le développement de l’information amplifient les phénomènes migratoires en faisant espérer aux populations qu’elles auront une vie meilleure si elles émigrent. M. Oumaria fait remarquer que le phénomène de la migration en quête de biens matériels n’est pas spécifique aux pays du Sud, mais touche également les pays du Nord, dont certains habitants vont par exemple jusqu’en Angola à la recherche d’un emploi. Les phénomènes de changements climatiques, notamment la désertification et l’asséchement des mares et des cours d’eau, auxquels s’ajoutent les difficultés d’accès à la terre résultant de facteurs démographiques, jouent aussi un rôle important dans les migrations.

Selon M.Oumaria,pour contrôler les flux migratoires et faire respecter les droits des travailleurs migrants, il convient d’attaquer le mal à la racine, c’est-à-dire lutter contre la pauvreté. Il estime que la communauté internationale devrait renforcer les capacités des pays de départ et de transit tels que le Niger. Il convient également de renforcer les capacités des travailleurs en leur donnant une formation leur permettant d’acquérir un métier et en les accompagnant sérieusement sur le plan financier, pour qu’ils aient la conviction de pouvoir être heureux chez eux.

M me Rabiou(Niger) dit qu’au Niger l’accès à la justice est libre et gratuit et quegrâce à la création de l’Agence nationale d’assistance juridique et judiciaire certaines catégories de personnes vulnérables et celles qui ne disposent pas de revenus suffisants peuvent désormais faire face aux frais d’un procès et prétendre à l’assistance juridique et judiciaire. Elle fait remarquer que les travailleurs migrants en situation irrégulière hésitent souvent à s’adresser aux servicesde police ou à la justice pour faire valoir leurs droits et qu’il est de ce fait difficile de les prendre en charge convenablement, mais que lorsqu’ils saisissent les services compétents ils sont traités de la même façon que les Nigériens, sans discrimination aucune.

MmeRabiou estime que les efforts faits au niveau national ont eu des effets positifs dans la mesure où beaucoup de textes ont été adoptés et où beaucoup de mesures ont été prises et mises en œuvre. Elle souligne que les objectifs fixés dans le cadre d’accords conclus à l’échelle africaine sont atteints ou en voie de l’être, notamment en ce qui concerne l’intégration économique, la libre circulation des personnes, des biens, des services et des marchandises dans l’espace CEDEAO, le tarif extérieur commun et la monnaie unique à l’horizon 2020.

M me Maïga Zeinabou(Niger) dit qu’il ne suffit pas d’adopter des textes et une réglementation, mais que ceux-ci doivent être appliqués. Pour cela, il convient de former les professionnels du droit et de sensibiliser la population. Les juridictions sont souvent dans l’incapacité de traiter les cas de violation des droits des migrants parce que ces derniers, en situation irrégulière, hésitent à les saisir de peur d’être repérés. Selon MmeMaïgaZeinabou, il est difficile de fournir des données statistiques exactes dans la mesure où, en la matière, le Niger n’en est qu’à ses débuts, notamment en ce qui concerne la thématique de la migration. Cela étant, elle précise que pour la période 2010-2014, dans l’ensemble du pays, 139 affaires de traite des personnes ont donné lieu à des poursuites pénales, contre une femme dans 79 cas et contre un hommedans 60 cas. Une seule affaire impliquant plusieurs auteurs a également donné lieu à des poursuites.

MmeMaïgaZeinabou dit que le Gouvernement nigérien avait prévu de faire ratifier le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, mais que la Représentation nationale ne l’a pas suivi. La question reste cependant d’actualité, et les organisations de la société civile et les ministères concernés mènent une action de sensibilisation pour convaincre les plus réticents et obtenir la ratification. MmeMaïgaZeinabou précise que le Gouvernement n’a pu non plus obtenir la ratification du troisième Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant. Elle ajoute que l’État lutte depuis plusieurs années contre la corruption. Le texte sur l’institution chargée de la question de la corruption et les dispositions relatives à ce phénomène ont été adoptés par le Gouvernement et ont été ou seront bientôt transmis à l’Assemblée. La HALCIA, Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées, mène de nombreuses actions contre la corruption. La lutte contre ce phénomène ne cible pas uniquement les gardes frontaliers et la police, mais doit concerner tous les secteurs. Sur la base des résultats d’études scientifiques, le Gouvernement a ainsi mis en place une structure qui mène des enquêtes sur les cas signalés dans le secteur de la justice et qui n’hésite pas, le cas échéant, à engager des poursuites. Cette structure peut être contactée grâce à un numéro vert.

M. El- Borai dit que, puisque l’article 171 de la Constitution du Niger prévoit que les instruments internationaux ratifiés priment la législation nationale, les juges sont tenus de connaître les dispositions de la Convention et de les appliquer, même si les justiciables ne les invoquent pas. Il demande si les travailleurs étrangers ont le droit de s’affilier aux mutuelles sociales. Il souhaite aussi avoir des précisions sur l’accord conclu entre le Niger et l’Arabie saoudite concernant 2 900 travailleurs nigériens, notamment sur le régime du « kafil » (garant) et sur les conditions du regroupement familial.

M me Dicko(Rapporteuse pour le Niger) dit que l’obligation faite aux salariés de travailler pendant au moins trois ans dans une entreprise pour pouvoir être dirigeant syndical est discriminatoire non seulement au regard de la convention sur les travailleurs migrants, mais également de la convention (no 111) de l’OIT concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, que le Niger a ratifiée. En ce qui concerne l’accord conclu entre le Niger et l’Arabie saoudite, elle rappelle à la délégation nigérienne que le Mali, qui avait conclu le même accord, y a mis fin en raison des mauvaises conditions de travail imposées aux travailleurs migrants dans le pays d’accueil. Elle demande si la Commission nationale des droits de l’homme a déjà présenté un rapport à l’Assemblée nationale et s’il existe d’autres centres de rétention que ceux d’Agadez, d’Arlit et de Dirkou et, le cas échéant, s’ils accueillent des travailleurs et des enfants migrants.

M me Ladjel demande si l’État partie envisage de prendre d’autres mesures pour garantir l’enregistrement des naissances et sensibiliser la population à la nécessité d’avoir des documents d’identité. Elle souhaite aussi savoir s’il rapatrie les Nigériens mineurs non accompagnés qui se trouvent en difficulté à l’étranger lorsque leur identité est établie et que leurs parents ou tuteurs ont été localisés.

M. Tall (Rapporteur pour le Niger) salue les efforts que l’État partie déploie pour encadrer le transfert des travailleurs migrants nigériens concernés par l’accord conclu avec l’Arabie saoudite, mais recommande vivement au Niger d’assurer le suivi de ces travailleurs sur le terrain et d’examiner cette question dans le cadre de la CEDEAO. Il souhaiterait avoir un complément d’information sur la mise en œuvre du décret no 87-36 du 12 mars 1987, qui dresse une liste d’activités professionnelles interdites aux étrangers ou soumises à l’obtention d’une autorisation. Il demande s’il y a des travailleurs saisonniers ou frontaliers dans l’État partie et, dans l’affirmative, comment le Niger assure leur protection. Il demande aussi s’il existe au Niger des agences de recrutement privées et, le cas échéant, ce que fait le Gouvernement pour protéger les migrants potentiels.

M. Tall prie la délégation de lui fournir des renseignements sur la situation des travailleurs migrants, y compris des enfants, ressortissants des pays membres de la CEDEAO qui passent par l’État partie pour se rendre en Libye, en Algérie ou en Europe, ainsi que sur les difficultés qu’ils rencontrent. Il s’interroge également sur la traite des femmes et des enfants nigériens vers le Nigéria, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Il demande aussi si des travailleurs migrants ont été recensés parmi les personnes déplacées en raison des attaques perpétrées par Boko Haram, et si ces attaques ont une incidence sur l’itinéraire des déplacés.

M me Džumhur dit que le fait que le Niger n’ait pas ratifié les protocoles se rapportant à certaines conventions empêche les Nigériens de saisir les organes conventionnels. Elle appelle en particulier l’attention de la délégation sur le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Elle demande si le Niger envisage de lever les réserves qu’il a formulées à l’égard de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, quelles mesures il entend prendre pour renforcer les capacités de la Commission nationale des droits de l’homme et comment il assure la supervision des centres de rétention. Selon elle, les avocats qui apportent une aide juridictionnelle ne sont pas assez nombreux au Niger.

M me Castellanos Delgado dit que les juges ont l’obligation connaître la loi et, partant, les dispositions de la Convention, et appelle chacun des membres de la délégation à redoubler d’efforts pour que cet instrument soit mis en œuvre.

M. Ceriani Cernadas dit que malgré les accords bilatéraux et régionaux que le Niger a conclus au fil des années, notamment avec l’Union européenne, les réseaux de trafiquants continuent de se développer, et le nombre de décès, de disparitions, de placements en détention ou d’expulsions de travailleurs migrants est en hausse. Il souhaite savoir si le Gouvernement nigérien examine, à l’échelle nationale ou au niveau de la CEDEAO, les résultats que ces accords ont eus sur les causes de la migration, la manière dont le pays aborde les défis de la migration, en particulier dans le contexte du transit, et la protection des droits des travailleurs migrants. Il demande en outre si ces accords ont une incidence sur la libre circulation des personnes au sein de la CEDEAO.

La séance est suspendue à 12 h 09 ; elle est reprise à 12 h 23.

M. Soly (Niger) dit que les migrants ne sont pas placés dans des centres de rétention mais dans des centres de transit, qui sont tous gérés par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Quatre sont en activité et un cinquième, plus polyvalent, est en voie d’établissement. Aucun de ces centres n’a accueilli de mineurs non accompagnés.

M. Dounama (Niger) indique que le Niger a été l’un des cinq premiers pays à ratifier la convention (no 102) de l’OIT concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, et qu’il en assure progressivement la mise en œuvre. Pour donner effet aux droits à l’égalité de traitement et à la sécurité sociale, le Niger a créé un régime de sécurité sociale qui compte trois branches, à savoir la branche accidents du travail et maladies professionnelles, la branche prestations familiales, et la branche pensions de retraite. La couverture sociale et sanitaire a été élargie à toutes les couches socioprofessionnelles grâce à l’institution du système des mutuelles de santé. Les dépenses de santé des agents de la fonction publique sont prises en charge à 80 % par le régime de sécurité sociale, 20 % restant à la charge des assurés. Lorsque le système des mutuelles de santé sera pleinement opérationnel, 4 % seulement des frais engagés demeureront à la charge des fonctionnaires.

Un protocole d’accord a été signé à Genève en 2015 entre le Niger et l’Arabie saoudite concernant l’emploi de 2 900 Nigériens en Arabie saoudite. Seule l’Agence nationale nigérienne pour la promotion de l’emploi a été habilitée à assurer la gestion des opérations d’embauche. Des contrats de travail, acceptés par les deux parties avant le processus de recrutement, ont été élaborés pour réglementer les conditions de travail, les examens médicaux, la rémunération, les congés payés, les transports, et l’hébergement des travailleurs nigériens. Seuls 335 Nigériens sont partis travailler, à ce jour, en Arabie saoudite dans le cadre de cet accord. Or, au vu des informations qui ont circulé sur les réseaux sociaux au sujet des conditions déplorables dans lesquelles ces travailleurs vivaient et travaillaient, les autorités nigériennes ont désigné un comité, composé de représentants des services du Premier Ministre et des Ministères de l’intérieur, de la santé et des affaires étrangères, qui a été chargé d’étudier la situation et de faire des recommandations sur l’opportunité de la poursuite de la mise en œuvre de l’accord. Aucune décision formelle n’a pour l’heure été prise mais le recrutement d’autres travailleurs nigériens a été suspendu. L’ambassade du Niger à Riyad a reçu pour instruction de recenser toutes les plaintes des ressortissants nigériens et un inspecteur du travail devrait être dépêché sous peu dans le pays pour recevoir les travailleurs qui s’estiment maltraités et les informer de leurs droits.

M me Guisso (Niger) dit que les travailleurs saisonniers sont en général de jeunes nigériens qui quittent les campagnes pour la ville durant la saison sèche afin d’y trouver un emploi. L’Agence nationale pour la promotion de l’emploi réalise plusieurs programmes en faveur des jeunes ruraux. Les travailleurs saisonniers étrangers travaillent principalement dans l’économie informelle et ne sont donc pas couverts par la législation du travail.

M. Garba (Niger) souligne que le Niger a ratifié neuf des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme de l’ONU ainsi que le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2015. S’agissant des mesures prises pour faciliter l’inscription à l’état civil des enfants nigériens nés à l’étranger, l’ensemble des consulats et ambassades du Niger, ainsi que la Mission du Niger auprès de l’Organisation des Nations Unies à Genève, ont créé un site d’information qui indique les modalités à suivre à cet égard. En général, un enfant doit être déclaré aux autorités consulaires dans les quinze jours suivant sa naissance. Passé ce délai, les parents doivent adresser une demande écrite d’inscription à l’état civil nigérien au Ministère des affaires étrangères qui contacte les autorités compétentes aux fins de la délivrance de l’acte.

M .  Ibrahim (Niger) explique que la traite des femmes concerne essentiellement de jeunes Nigériennes qui sont mariées de force à des Nigérians contre de fortes sommes d’argent remises à la famille. Plusieurs d’entre elles sont néanmoins parvenues à rentrer au Niger par des canaux informels. Les enfants nigériens victimes de traite au Nigéria sont le plus souvent contraints à la mendicité. La Commission nationale de lutte contre la traite des personnes et l’Agence nationale de lutte contre la traite des personnes luttent conjointement contre la traite des femmes et des enfants et travaillent de concert pour venir rapidement en aide aux jeunes filles et aux enfants victimes. L’Agence nigérienne de lutte contre la traite des personnes collabore efficacement avec son homologue au Nigeria dès que des cas de cette nature sont portés à sa connaissance.

Les autorités nigériennes s’efforcent de trouver une solution, en partenariat avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), pour fournir une aide et une assistance aux 963 mineurs étrangers, dont 16 % d’enfants non accompagnés, qui sont arrivés au Niger en 2015 et 2016 en provenance de Libye et d’Algérie, et assurer leur retour dans leur pays d’origine. Récemment, 12 enfants non accompagnés, fuyant les attaques terroristes du groupe Boko Haram dans les pays voisins et réfugiés au Niger, ont été placés dans un centre de transit en vue de leur prise en charge psychosociale, de l’identification de leurs parents et de leur retour dans leur famille.

M. Oumaria (Niger) dit que la Commission nationale des droits de l’homme a présenté un rapport biennal à l’Assemblée nationale en novembre 2015 et que son statut devrait être examiné par le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme en novembre 2016. Cette commission compte, en effet, un nombre relativement restreint de membres, mais qui se consacrent exclusivement à leur mandat. La Commission est composée de neuf membres permanents et dispose d’antennes régionales qui sont relayées par 33 agents d’appui. Il est par ailleurs envisagé de créer un mécanisme de correspondants qui seraient chargés de faire rapport à la Commission sur le degré d’effectivité du respect des droits de l’homme dans toutes les régions du pays.

L’indice de développement humain du Niger est effectivement l’un des plus bas du monde. Les progrès notables, effectués notamment dans le domaine des infrastructures de base et de la santé, ont hélas été régulièrement réduits à néant par une croissance démographique galopante. Les autorités ont mené de nombreux programmes de sensibilisation en direction des femmes et des couples afin de faire reculer le taux de fécondité, qui est de l’ordre de de 7,5 enfants par femme, et de promouvoir l’espacement des naissances.

M me Traore Rabiou (Niger) dit que les activités interdites aux étrangers et celles dont l’exercice est soumis à autorisation sont décrites dans le rapport initial de son pays. Le Niger ne s’oppose pas à la levée des réserves qu’il a émises à l’égard de plusieurs articles de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, question qui a fait l’objet de plusieurs recommandations formulées dans le cadre de l’Examen périodique universel de 2016 que le pays a d’ailleurs approuvées, mais considère que des mesures préalables devront être prises pour faire évoluer les mentalités.

M me Dicko (Rapporteuse pour le Niger) se félicite du dialogue constructif entre les membres du Comité et la délégation nigérienne. Elle invite l’État partie à donner effet aux recommandations qui figureront dans les observations finales que le Comité adoptera en fin de session.

M. Tall (Rapporteur pour le Niger) salue un débat riche et franc entre le Comité et la délégation de l’État partie, qui a présenté avec une grande honnêteté les mesures prises pour assurer la mise en œuvre de la Convention et les difficultés rencontrées en la matière. Il encourage le Niger à poursuivre ses efforts et à appliquer les recommandations que le Comité formulera à son intention dans ses observations finales concernant son rapport initial.

M me Maïga Zeinabou (Niger) espère que les membres du Comité ont pu mesurer la détermination de son pays à remplir ses obligations au titre de la Convention et prendre acte des efforts qu’il a déployés aux plans normatif, institutionnel et opérationnel pour rendre effectifs les droits de tous les travailleurs migrants. Le Niger, qui est confronté à de nombreux défis, tels que la pauvreté, la très forte croissance démographique et l’immigration irrégulière, appelle la communauté internationale à soutenir la proposition faite par le Président de la République nigérienne lors du Sommet de La Valette sur la migration, tenu en novembre 2015, en vue de l’établissement d’un partenariat global entre l’Europe et l’Afrique pour gérer les migrations illégales.

La séance est levée à 13 h 5.