Vingt-cinquième session
Compte rendu analytique de la deuxième partie (publique)* de la 329 e séance
Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 30 août 2016, à 15 heures
Président(e) :M. Brillantes
Sommaire
Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 73 de la Convention (suite)
Rapport initial du Niger
La deuxième partie (publique) de la séance commence à 15 h 15.
Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 73 de la Convention (suite)
Rapport initial du Niger (CMW/C/NER/1 ; CMW/C/NER/QPR/1 ; HRI/CORE/NER/2013)
Sur l ’ invitation du Président, la délégation nigér ienne prend place à la table du Comité.
M me Maïga Zeinabou (Niger) indique que le rapport initial de son pays a été élaboré par un comité interministériel qui a recueilli des informations et des données statistiques auprès des différents services de l’État concernés par la mise en œuvre de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Un atelier de validation a ensuite été organisé avec toutes les parties prenantes, y compris la Commission nationale des droits de l’homme et les organisations de la société civile.
Soucieux du respect de ses engagements, le Niger a engagé de nombreuses réformes pour mettre en œuvre la Convention. Le cadre juridique a été révisé afin d’assurer sa conformité avec les instruments internationaux ratifiés par le pays. L’action engagée s’est traduite par l’adoption d’un nouveau code du travail qui protège les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, sans discrimination aucune. Une loi a également été adoptée en mai 2015 concernant le trafic illicite de migrants qui contient des dispositions relatives à la coopération internationale et au processus de rapatriement des migrants dans leurs pays d’origine. En outre, pour prévenir les abus et autres formes de violences dont sont susceptibles d’être victimes les migrants, plusieurs structures ont été établies pour lutter contre la traite et le trafic illicite de migrants, afin non seulement d’identifier et de sanctionner les auteurs de traite mais aussi d’organiser la prise en charge, l’accompagnement et le retour des migrants qui le souhaitent dans leur pays. Une réglementation appropriée a également été adoptée, qui fixe les conditions d’entrée, de séjour et de travail des étrangers au Niger et garantit l’accès de ces derniers à la santé, à l’éducation et à la protection sociale, notamment.
Le Niger est partie à plusieurs instruments élaborés dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), et plus précisément au mémorandum d’entente relatif au projet migration au service du développement et de l’intégration régionale, signé le 11 juillet 2013 à Abuja, ainsi qu’à d’autres accords communautaires sur la libre circulation des personnes au sein de la CEDEAO, qui établissent des garanties en matière de non-refoulement des ressortissants des États membres. Le Niger a également conclu des accords bilatéraux, notamment avec l’Espagne, en mai 2008, et l’Arabie saoudite, en juin 2015, pour renforcer la coopération dans la lutte contre le trafic illicite de migrants et l’immigration irrégulière. Enfin, deux cadres de coopération ont par ailleurs été signés avec l’Union européenne, l’un portant sur la migration et le développement et l’autre sur la migration irrégulière et les réseaux criminels connexes.
Le Niger est d’autant plus désireux de coopérer pleinement à la lutte contre le trafic illicite de migrants qu’il est lui-même un pays d’origine, de transit et de destination de la traite et du trafic illicite de migrants. En effet, de par sa situation géographique, le Niger est le passage obligé entre l’Afrique sub-saharienne et l’Afrique méditerranéenne, porte d’entrée en Europe. Il partage une longue frontière désertique, difficilement contrôlable, avec la Libye et l’Algérie et permet un accès facile à la Mauritanie et au Maroc. D’après les statistiques de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en février 2016, 9060 migrants se sont rendus en Libye et en Algérie en passant par le Nord Niger et 3 812 migrants sont arrivés au Niger en provenance de ces deux pays, parmi lesquels 963mineurs, dont 16% nonaccompagnés. Les services de l’État s’emploient à gérer les flux de migrants, en apportant à ceux-ci aide et assistance et en créant les conditions d’une prise en charge satisfaisante.
Conformément aux principes énoncés dans la Convention, les travailleurs migrants peuvent saisir les instances administratives et judiciaires nigériennes compétentes en cas de violation de leurs droits. Ils peuvent également prétendre à l’aide juridictionnelle et exercer leur droit à une indemnisation en utilisant les voies de recours disponibles. Parallèlement, la Constitution consacre le principe de non-discrimination à l’égard des ressortissants étrangers, y compris en matière d’accès à la santé, à l’éducation et aux services sociaux de base.S’agissant des questions relatives à l’esclavage et aux autres infractions connexes, le Niger a adopté plusieurs lois afin de lutter contre ce phénomène, telles que l’ordonnance no2010-86 relative à la lutte contre la traite des personnes, la loi no2012-45 portant Code du travail en République du Niger et la loi no2015-36 relative au trafic illicite des migrants, qui répriment toutes les formes de violences commises contre les travailleurs migrants et les membres de leur famille.
Les représentations diplomatiques nigériennes offrent tous les services nécessaires aux ressortissants nigériens établis à l’étranger, notamment pour ce qui a trait à la délivrance de documents administratifs, à la protection des personnes et des biens, et à l’assistance en cas d’arrestation, de détention ou d’expulsion.Il n’existe pas de discrimination particulière en matière d’accès à la formation professionnelle, à l’emploi et à la profession. Les travailleurs migrantssont autorisés, au même titre que les nationaux, à constituer des associations ou des syndicats et à exercer leurs droits syndicaux dans le respect des lois et règlements en vigueur.Sur le plan de l’éducation, la loi de 1998 portant orientation du système éducatif nigérien reconnaît à tous le droit à l’éducation, sans distinction d’âge, de sexe, d’origine sociale, raciale, ethnique ou religieuse. Il en est de même pour la formation professionnelle, la santé, le logement et la vie culturelle, dans les conditions définies par les textes en vigueur.La loi no2015-36 prévoit que les migrants victimes d’un trafic ont le droit de recevoir les soins médicaux d’urgence dont ils ont besoin pour préserver leur vie ou éviter un dommage irréparable à leur santé, sur la base de l’égalité de traitement avec les ressortissants nigériens. Ces soins médicaux d’urgence ne peuvent leur être refusés en raison de leur entrée ou de leur séjour irrégulier au Niger.
En tant que pays d’origine, de transit et de destination des migrants, le Niger a signé plusieurs accords bilatéraux et multilatéraux pour protéger les droits des travailleurs migrants, notamment leurs droits socioéconomiques et culturels. Ces différents accords portent, notamment, sur les questions de retour des migrants dans leurs pays d’origine, la lutte contre la migration irrégulière et les réseaux criminels, et la mise en place d’un fonds destiné au financement de projets dans les différents pays concernés par ce trafic. Malgré tous ces efforts, le Niger continue d’enregistrer dans sa partie septentrionale un flux de travailleurs migrants dont la plupart cherchent à rallier l’Europe. Cette situation soulève plusieurs difficultés, notamment sur les plans de la sécurité et de la gestion des flux, dans un contexte marqué par la lutte contre le terrorisme et l’absence de moyens pour répondre aux besoins multiples dans les domaines des soins, de la prise en charge, de l’insertion et de la réintégration dans le pays d’origine, ainsi que des données nécessaires à la planification des actions à mettre en œuvre afin de mieux circonscrire le phénomène.Ces défis ne pourront être relevés que grâce à une assistance internationale tant technique que financière. Le Niger appelle donc la communauté internationale à se mobiliser pour que tous les pays s’attellent au problème de la migration irrégulière, dans le respect des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
M me Dicko (Rapporteuse pour le Niger) juge préoccupant que les seules statistiques figurant dans le rapport initial de l’État proviennent de l’Organisation internationale des migrations (OIM), et que le dernier recensement général de la population et de l’habitat, réalisé en 2012, n’ait pas permis de recueillir de données sur le nombre de Nigériens établis à l’étranger ou de travailleurs migrants vivant au Niger. L’on voit mal comment, en l’absence de telles informations chiffrées, l’État partie pourrait se doter d’une politique efficace de protection et de promotion des droits des travailleurs migrants.
Disposant d’un territoire extrêmementvaste, qui a des frontières communes avec sept pays et une longue frontière désertique très difficile à contrôler où transitent de nombreux migrants, le Niger est un pays de transit par excellence vers le Maghreb. Au vu des multiples informations sur le nombre très élevé de personnes décédées dans le désert nigérien alors qu’elles tentaient de rejoindre l’Algérie, le Tchad ou la Libye, il serait intéressant de savoir si l’État partie envisage de mettre en place un dispositif de contrôle des flux migratoires au départ de la capitale ou des grandes villes situées dans les zones frontières. La délégation est également invitée à donner des informations sur les mesures qui ont été prises pour accueillir les Nigériens qui ont fui récemment la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Mali frappés par des crises multiples et les attaques menées par le groupe terroriste Boko Haram dans la région. Bien que le Niger ait signé la convention no105 de l’OIT sur l’abolition du travail forcé et le Protocole de 2014 s’y rapportant, l’esclavage et du travail forcé persistent dans le pays. La délégation est invitée à commenter les informations selon lesquelles de nombreux travailleurs migrants sont victimes d’esclavage et de travail forcé et à donner des exemples, le cas échéant, de condamnations prononcées par la justice contre les personnes reconnues coupables de trafic d’esclaves.
Notant que l’État partie affirme protéger le droit des enfants de migrants à l’éducation, la Rapporteuse souhaite savoir comment ce droit est assuré dans la pratique, alors que les enfants nigériens ne peuvent pas tous exercer. Elle aimerait aussi savoir ce que recouvre précisément la notion de « gratuité de l’enseignement » et si celle-ci est totale ou partielle. La délégation est également invitée à indiquer les mesures prises pour veiller à ce que les migrants aient effectivement et concrètement accès aux soins de santé et à commenter les informations faisant état d’exploitation sexuelle de migrants dans les zones difficiles d’accès.
Constatant que le rapport initial a été élaboré par un comité interministériel composé de représentants de nombreux ministères, la Rapporteuse souhaiterait savoir si le Niger a mis en place, en parallèle de cette instance, un mécanisme permettant d’appréhender la question des migrations sous ses multiples aspects. Elle aimerait également connaître le montant des ressources allouées par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à l’État partie afin d’assurer la réinstallation et l’intégration des populations nigériennes déplacées en raison des attaques du groupe Boko Haram, et savoir si ces fonds sont uniquement destinés à venir en aide aux Nigériens déplacés ou s’ils bénéficient aussi aux migrants de pays voisins.
Mme Dicko dit que bien que le Niger ait ratifié la convention (no122) sur la politique de l’emploi, 1964, de l’OIT, les agences de recrutement nigériennes imposent aux travailleurs migrants des frais excessifs. Elle souhaite savoir si le Ministère de l’emploi, du travail et de la sécurité sociale a pris des dispositions pour rappeler ces agences à l’ordre ou pour leur retirer leur autorisation d’exercer.Le Niger ayant également ratifié la convention (no81) sur l’inspection du travail, 1947, et la convention (no87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de l’OIT, MmeDicko demande si les services d’inspection du travail nigériens disposent des ressources nécessaires pour mener à bien leur mission et si les travailleurs migrants peuvent exercer leur droit à la liberté syndicale au même titre que les Nigériens.
M. Tall (Rapporteur pour le Niger) demande si le Niger a fait le nécessaire pour incorporer les dispositions de la Convention dans le droit interne et si celles-ci ont déjà été appliquées par les tribunaux nationaux. Il voudrait aussi savoir si le Niger prévoit de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention, et s’il envisage de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissantuneprocéduredeprésentationdecommunications et les conventions de l’OIT ci-après :la convention (no189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, la convention (no97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, et la convention (no143) sur les travailleursmigrants (dispositions complémentaires), 1975. En outre, il aimerait avoir des éclaircissements sur le point de savoir s’il existe une politique nationale globale relative aux droits des travailleurs migrants et aux membres de leur famille, surtout la manière dont le Niger assure la coordination intergouvernementale de la mise en œuvre des droits des travailleurs migrants, et sur les organismes publics chargés des questions liées aux migrations, notamment les ressources qui leur sont allouées.
M.Tall salue la mise en place de la Haute Autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées, mais souhaiterait connaître le taux de corruption dans le pays. Il demande si le Niger a pris des mesures pour prévenir la corruption les fonctionnaires responsables de la mise en œuvre de la Convention, notamment les gardes-frontières et les policiers, et enquêter sur de tels faits, et prie la délégation de fournir des données statistiques ou des informations précises sur les poursuites engagées contre des fonctionnaires reconnus coupables d’actes de corruption et sur les condamnations prononcées.
M. Tall note que le cadre législatif nigérien contient des dispositions contre la discrimination, mais demande quelles mesures concrètes l’État partie a prises pour que les travailleurs migrants ne subissent pas de discrimination s’agissant de l’accès à l’emploi.Il souhaite aussi savoir ce qui est fait pour faire respecter les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière ainsi que ceux des familles des Nigériens qui travaillent à l’étranger. Quelles dispositions l’État partie a-t-il prises pour faire cesser la discrimination dont les femmes migrantes continuent d’être victimes dans tous les domaines ?
M. Tall s’enquiert de ce qui est fait pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille des voies de recours dont ils disposent en cas de violation des droits consacrés par la Convention. Il aimerait avoir des renseignements sur les éventuelles procédures judiciaires engagées par des travailleurs migrants. De même, il souhaiterait savoir si des poursuites ont été engagées et des condamnations prononcées contre les membres des forces de sécurité et des services de l’immigration qui se sont rendus coupables d’actes de harcèlement à l’égard de travailleurs migrants.
M. Tall constate que bien que le travail forcé et l’esclavage soient interdits par la législation nationale, dans l’arrêt Dame Hadijatou Mani Koraou c. la Rép ublique du Niger, en date du 27 octobre 2008, la Cour de justice de la CEDEAO a jugé le Niger responsable de la situation de la plaignante, qui avait été vendue dans le cadre de la pratique de la « Wahiya ». Il demande des précisions sur cette pratique, ainsi que sur la situation actuelle de l’esclavage au Niger, les mesures concrètes prises pour prévenir et combattre l’esclavage et les effets de cet arrêt sur le comportement des autorités administratives et judiciaires. De même, il prie la délégation de fournir des informations sur le travail des enfants, notamment sur le travail forcé, ainsi que sur la situation des enfants nigériens victimes de travail forcé à l’étranger.
Par ailleurs, M. Tall sollicite des précisions sur le fonctionnement de l’Agence nationale d’assistance juridique et judiciaire, ainsi que sur le nombre de travailleurs migrants, tant en situation régulière qu’irrégulière, qui ont déjà bénéficié de ses services. Il voudrait également savoir quelles sont les conditions de vie dans les centres de rétention de travailleurs migrants et prie la délégation de fournir des statistiques sur les cas de placement en détention ou en rétention pour des motifs liés à la migration irrégulière.
M. Tall demande s’il existe au Niger une loi interdisant expressément les expulsions collectives et souhaite avoir des renseignements sur l’accès effectif aux voies de recours par les travailleurs migrants en situation irrégulière faisant l’objet d’une décision d’expulsion, ainsi que sur l’assistance que le Niger apporte aux travailleurs migrants nigériens victimes d’expulsion collective dans certains pays d’accueil. Il aimerait également obtenir des statistiques sur les travailleurs migrants qui ont été expulsés ou qui sont visés par une procédure d’expulsion. Il souhaite savoir ce que fait le Niger pour garantir aux travailleurs migrants l’accès à des services consulaires, le droit à l’égalité de traitement en matière de sécurité sociale et d’accès à des services de soins de santé, ainsi que pour enregistrer les naissances d’enfants migrants et garantir leur droit à une nationalité. Il sollicite en outre des précisions sur l’impact des réformes législatives et des structures destinées à lutter contre la traite et le trafic illicite de migrants récemment créées. Enfin, M. Tall s’interroge sur le bilan des accords bilatéraux que le Niger a conclus avec l’Italie, l’Espagne et l’Arabie saoudite, en particulier au regard des très graves violations dont les travailleurs migrants sont victimes en Arabie saoudite.
M. El Jamri demande des précisions sur les nouveaux textes de loi adoptés et les nouvelles institutions mises en place pour améliorer la gestion des migrations. Il souhaiterait savoir comment l’État partie renforce les capacités des fonctionnaires chargés de faire appliquer la loi et comment il coordonne la mise en œuvre de sa politique migratoire entre les différentes institutions compétentes. De plus, il voudrait un complément d’information sur le Partenariat euro-africain pour la migration et le développement. M. El Jamri demande si le projet élaboré dans le cadre du G5 Sahel concernant la création de plateformes communes de surveillance des frontières a été concrétisé et si le Niger a établi une coopération avec les ONG aux fins d’une meilleure gestion des frontières. Par ailleurs, il s’interroge sur les modalités de gestion des frontières au Niger. Il souhaite savoir s’il est vrai que les migrantes nigériennes sont très peu nombreuses et, le cas échéant, si le nouveau cadre juridique et réglementaire favorise davantage la mobilité des femmes.
M me Ladjel demande quel bilan l’État partie tire des réformes législatives relatives aux migrations, au travail et aux droits de la femme. Elle demande aussi ce qu’il fait pour venir en aide aux migrants mineurs non accompagnés, qui empruntent souvent des itinéraires non sécurisés. Elle souhaite savoir quelles mesures prend le Gouvernement pour diffuser des informations relatives à la Convention, remédier à l’absence de données statistiques sur la migration, offrir une assistance juridique aux migrants, rapprocher les tribunaux des justiciables et permettre aux enfants victimes de travail forcé d’accéder à l’éducation et à des activités adaptées à leur âge.
M. Kariyawasam rappelle que la plupart des migrants se dirigeant vers l’Europe, qu’il s’agisse de Nigériens ou de personnes traversant le Niger, voyagent dans la clandestinité et s’exposent à de nombreux dangers. Le phénomène représente une source d’instabilité sur le plan international. Étant donné que le Niger sollicite une assistance internationale dans ce domaine et compte tenu du fait que les médias sont susceptibles de donner une vision erronée de la situation, M. Kariyawasam demande à la délégation des précisions sur les facteurs d’attraction et de rejet expliquant les flux de migrants de l’Afrique vers l’Europe, l’objectif étant de permettre au Comité de mieux comprendre les problèmes et de faire de meilleures recommandations.
M. Ceriani Cernadas demande si les mesures adoptées par l’État pour prévenir le trafic de personnes ont permis d’améliorer le respect des droits de l’homme et l’application de la Convention. Il aimerait notamment savoir en quoi ces mesures ont eu des effets sur la liberté de circulation et sur les flux migratoires entre pays d’Afrique Occidentale. M. Ceriani Cernadas souhaite également connaître les effets de la collaboration entre le Niger et l’Union européenne en faveur de la mise en œuvre de la Convention au cours des quinze dernières années.
M. Unver invite la délégation à donner des informations sur la coopération du Niger avec les pays d’accueil de migrants ainsi qu’avec les associations de migrants présentes au Niger, et souhaite connaître les possibilités de participation de ces derniers à la vie politique de leur pays d’origine, en particulier aux élections. M. Unver sollicite aussi des explications sur le phénomène de l’esclavage. Il aimerait en savoir plus sur les « propriétaires » des esclaves et sur les secteurs qui ont recours à cette pratique.
M me Dzumhur s’enquiert des mesures prises par le Gouvernement pour donner au système judiciaire les moyens de mettre en œuvre la Convention. Elle demandesi le pays dispose d’une institution chargée de former les membres de l’appareil judiciaire et s’il existe un programme d’études spécifique. Elle aimerait également savoir s’il existe des statistiques sur les cas de traite de personnes examinés par le système judiciaire. Elle sollicite des informations sur les trafiquants et sur les mesures prises par le Niger pour empêcher certains de ses ressortissants de s’adonner à ce type d’activités illégales. Par ailleurs, Mme Dzumhur demande des précisions sur l’institution nationale créée en 2014, notamment sur les capacités financières et humaines dont elle dispose. Elle aimerait aussi connaître ses relations avec le pouvoir judiciaire ainsi que ses compétences en matière constitutionnelle, et savoir si elle dispose de la capacité de saisir la Cour suprême.
MmeDzumhur s’interroge sur l’action gouvernementale dans le domaine de la parité. Elle souhaite également savoir s’il existe une législation en la matière et, le cas échéant, des dispositions relatives au traitement des étrangers. Elle s’enquiert de l’existence d’un document stratégique relatif à l’application de la Convention.
M me Maïga Zenabou(Niger) rappelle la création, en 2010, d’un comité interministériel réunissant les ministères concernés par les différents instruments internationaux ratifiés par le Niger et pour lesquels le pays doit fournir des rapports périodiques. Dans le cadre particulier de la Convention, les entités compétentes sont les Ministères de la justice, de l’intérieur, et de l’emploi et du travail. Il a été demandé à tous les secteurs concernés de répondre aux questions adressées au Niger. Après compilation des diverses contributions, les différentes parties prenantes ont participé à un « atelier de validation » à l’occasion duquel ont été apportées les enrichissements et modifications nécessaires.La législation sanctionne le délit et le crime d’esclavage. Dès que les juridictions compétentes sont saisies, des procédures sont engagées. Elles sont menées à leur terme et peuvent donner lieu à des condamnations.
La wahiya, une pratique consistant à prendre une « cinquième épouse », a cours dans certaines communautés du pays. Dans le droit musulman, les hommes ne peuvent prendre plus de quatre épouses. La cinquième épouse n’est donc pas reconnue comme telle. Après que le Niger a été sanctionné par la Cour de justice de la CEDEAO dans le cadre de l’affaire Hadijatou Mani Koraou, de nouvelles dispositions ont été ajoutées à la législation relative au délit et au crime d’esclavage et les juridictions ont vu leurs capacités renforcées. Les magistrats ont été formés et la population sensibilisée avec l’appui des organisations de défense des droits de l’homme et des ONG qui luttent contre ce phénomène en collaboration avec la Direction générale des droits de l’homme du Ministère de la justice et l’Agence nationale de lutte contre la traite des personnes.
M. Ibrahim(Niger) dit que la création de l’Agence nationale d’assistance juridique et judiciaire, prévue par la loi du 14 décembre 2011, a permis de rapprocher la justice du justiciable. L’assistance juridique et judiciaire concerne les personnes que la loi définit comme vulnérables, catégorie dont font partie les migrants. Au plan local, l’Agence dispose de bureaux hébergés par chacun des 10 tribunaux de grande instance du Niger. En outre, suite à la réorganisation administrative du pays, la carte judiciaire a été modifiée, l’idée étant de garantir l’accessibilité de la justice et d’améliorer la qualité de ses prestations. Par ailleurs, des mesures ont été prises pour lutter contre les trafics dont sont victimes les mineurs non accompagnés. Lorsque les services de sécurité ont pu interpeller les trafiquants, des poursuites pénales ont été engagées à leur encontre et les mineurs ont été rendus à leurs familles en collaboration avec l’UNICEF et le CICR.
M. Oumaria(Niger) rappelle que le Niger s’est doté en 1998 d’une commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui a été mise en place en 1999 et accréditée en 2002, avec le statut A.Elle a été remplacée par une nouvelle commission indépendante et pluraliste conforme aux Principes de Paris, la Commission nationale des droits humains, composée de neuf membres permanents. Investie d’une compétence quasi juridictionnelle, cette instance est habilitée à recevoir des plaintes et à les traiter, et elle dispose d’un budget, de locaux et d’un personnel propres. Elle mène des enquêtes en toute indépendance, en particulier dans les cas de violations des droits des travailleurs migrants, soumet des rapports à l’Assemblée nationale et les publie.
M. Garba(Niger) dit qu’à l’étranger, les Nigériens peuvent trouver de l’aide non seulement auprès des consulats et des ambassades, mais aussi auprès des antennes du Haut Conseil des Nigériens à l’extérieur, lesquelles sont notamment chargées de délivrer des laissez-passer aux nationaux sans papierqui souhaitent rentrer au pays.
M. Dounama (Niger) explique que, depuis une dizaine d’années, les autorités déploient des efforts importants pour faire en sorte que les 10 bureaux de l’inspection du travail disposent d’effectifs plus nombreux et mieux formés, ainsi que d’un budget plus conséquent, et ce, même s’il leur manque surtout des moyens logistiques, en particulier des véhicules. Depuis quatre ans, la formation dispensée aux inspecteurs du travail intègre les normes internationales du travail. En ce qui concerne la ratification de la convention no189 de l’OIT, le Niger s’attache pour l’heure à mener des actions de sensibilisation auprès des acteurs concernés, notamment les organisations de travailleurs et d’employeurs, pour leur permettre de comprendre les tenants et aboutissants de cet instrument. Pour ce qui est du travail des enfants, le Niger s’est engagé à mieux encadrer l’activité des jeunes et à relever l’âge minimum d’admission à l’emploi. Il a élaboré un plan national de lutte contre le travail des enfants, qui prévoit notamment les mesures suivantes : la réalisation, auprès des acteurs concernés, tels que les dirigeants locaux et les membres de la société civile, d’actions d’information et de sensibilisation sur le danger que représente le travail des enfants ; la mise en place de mécanismes institutionnels permettant de soustraire les enfants au travail et de leur fournir des services de formation, de réadaptation et d’insertion sociale ; et le renforcement des capacités des ménages défavorisés, la pauvreté étant l’une des causes du travail des enfants.
M me Rabiou (Niger) indique que des activités sont organisées en vue de faire connaître aux magistrats les instruments de promotion et de protection des droits de l’homme. Dans le domaine de la statistique, un projet est mené en collaboration avec l’Institut national de la statistique aux fins de la collecte de données sur les travailleurs migrants et les membres de leur famille. En matière de parité hommes-femmes, la législation nigérienne exige qu’une partie des postes pourvus par élection ou nomination soit attribuée à des femmes.
M. Soly (Niger) dit qu’un cadre de concertation sur la migration a été mis en place le 2 mai 2016 et sera opérationnel à compter de la fin du mois de septembre 2016. En 2016, il est également prévu de mettre à jour le profil migratoire du Niger. La migration internationale ne fait pas partie des questions pour lesquelles des données sont collectées dans le cadre du recensement général de la population et de l’habitat.
M me Maïga Zeinabou (Niger) explique que toutes les personnes qui résident sur le territoire nigérien ont accès, sans discrimination, à l’éducation, à la santé et aux services sociaux de base. L’enseignement public est gratuit, tout comme les soins de santé dispensés par les établissements sanitaires publics et pris en charge par l’État.
M. Soly (Niger), répondant à une question de M. Tall relative à l’exploitation sexuelle en Algérie d’enfants originaires du Niger, indique qu’un forum sera prochainement organisé à Kantché afin de sensibiliser la population locale aux risques liés à la migration.
M me Dicko(Rapporteuse pour le Niger) aimerait savoir si l’État partie a pu quantifier l’apport financier de la diaspora nigérienne à l’économie nationale et si les travailleurs migrants nigériens bénéficient de facilités pour envoyer des fonds au pays.
M. Tall (Rapporteur pour le Niger) souhaite connaître les raisons qui pourraient expliquer que le Ministère de la justice nigérien n’a pas recensé d’actions en justice intentées par des travailleurs migrants alors même que certains de ces travailleurs ont été victimes d’abus et de violences. Il demande également des informations sur l’application en faveur des enfants des travailleurs migrants de la loi no98-12 du 1erjuin 1998 portant orientation du système éducatif nigérien, et sur les mesures prises pour faire en sorte que ces enfants aient effectivement accès à l’éducation.
La séance est levée à 18 heures.