Communication soumise par :

J.M. (représentée par le National Council of Single Mothers and their Children Incorporated)

Victime présumée :

L’auteure

État partie :

Australie

Date de la communication :

19 septembre 2017

Références :

Communiquée à l’État partie le 17 janvier 2018 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

23 février 2023

La communication est présentée au nom de l’auteure, de nationalité australienne, née en 1973. Celle-ci avance que l’État partie a violé ses droits au titre des alinéas d) et f) de l’article 2, de l’alinéa e) de l’article 11 et de l’alinéa a) de l’article 13 de la Convention. L’État partie a ratifié la Convention le 28 juillet 1983 et a adhéré au Protocole facultatif le 4 décembre 2008. L’auteure est représentée par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteure

L’auteure est la mère de trois enfants, nés le 18 mai 2004, le 14 mai 2006 et le 28 mars 2009. Au moment de sa séparation d’avec son compagnon, elle travaillait à temps plein afin de subvenir aux besoins de sa famille, mais a été forcée de quitter son emploi car elle ne parvenait pas à trouver un équilibre entre ses responsabilités parentales et le bien-être de ses enfants d’une part, et les exigences de son travail d’autre part. Elle a décidé de suivre des cours à l’université afin d’élargir ses possibilités professionnelles à long terme, l’objectif étant de reprendre le travail dès que ses enfants seraient au lycée et donc plus indépendants et de retourner à la vie professionnelle avec des qualifications officielles lui permettant d’être compétitive sur le marché de l’emploi.

L’auteure dit qu’en 2005, l’année précédant la naissance son deuxième enfant, le Gouvernement a adopté les mesures « Welfare to Work » relatives à la protection sociale et à l’emploi, notamment la législation sur le travail et les relations professionnelles, auxquelles il a apporté des modifications en 2006. Ces modifications ont, entre autres, porté sur la limite d’âge associée à l’allocation familiale pour parents isolés (PPS), qui, depuis le 1er janvier 2013, est versée non plus jusqu’aux 16 ans de l’enfant mais jusqu’à ses 8 ans pour les parents célibataires et jusqu’à ses 6 ans pour les parents en couple. Des dispositions transitoires ont été incluses, au titre desquelles les personnes qui recevaient déjà cette aide au 1er juillet 2006 n’étaient pas concernées par les modifications et continueraient de recevoir les allocations familiales jusqu’aux 16 ans de leur dernier enfant. Le 31 mai 2012, le projet de loi Fair Incentives to Work portant modification de la législation sur la sécurité sociale a été présenté au Parlement, qui a supprimé les dispositions relatives aux droits acquis (exemptions).

Le 15 juin 2012, un consortium, dirigé par le Australian Council of Social Services et comprenant le National Council of Single Mothers and their Children Incorporated, a demandé à ce que la Commission parlementaire conjointe sur les droits humains ouvre une enquête. Le 21 juin 2012, celle-ci a reçu les soumissions écrites, entendu des témoignages et demandé l’aide de la Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, qui a adressé une lettre à l’État partie au sujet des réformes.

L’auteure affirme qu’en octobre 2012, la Commission parlementaire conjointe a publié un rapport d’activité dans lequel elle a recommandé de reporter la présentation du projet de loi Fair Incentives to Work dans l’attente d’une enquête sénatoriale sur l’adéquation de l’allocation chômage connue sous le nom de Newstart et censée remplacer la PPS pour les familles concernées. Le Gouvernement n’a pas suivi cette recommandation et le projet de loi a été adopté le 24 octobre 2012.

Le 29 novembre 2012, la Commission sénatoriale sur la législation sur le travail et les relations professionnelles a publié son rapport sur l’adéquation de l’allocation chômage Newstart, dans lequel elle affirmait qu’il était évident que l’allocation Newstart [était] trop faible, en particulier pour les bénéficiaires célibataires et que le montant versé aux parents célibataires devrait être revu à la hausse, en tenant compte d’autres augmentations potentielles découlant des recommandations formulées par la Commission dans son rapport. Le Gouvernement a néanmoins décidé d’appliquer le projet de loi Fair Incentives to Work, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2013.

En mars 2013, la Commission parlementaire conjointe a rendu son rapport final. Concernant les préoccupations selon lesquelles la suppression des droits acquis pourrait constituer un acte de discrimination indirecte à l’égard des femmes, qui représentent la grande majorité des bénéficiaires de l’allocation familiale versée aux parents isolés (95 %), elle a affirmé que le Gouvernement n’avait pas fourni les éléments nécessaires permettant de prouver que le dispositif global d’aide proposé aux personnes concernées par ces mesures était suffisant pour satisfaire aux niveaux essentiels de sécurité sociale garantis par l’article 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et aux exigences minimales relatives au droit à un niveau de vie suffisant en Australie garanties par l’article 11 de ce même instrument, qu’il n’avait pas non plus précisé sur quelles données reposait son évaluation, et qu’en l’absence de ces informations, elle ne pouvait conclure que ces mesures étaient compatibles avec les droits humains. L’auteure fait savoir que ceci a été reconnu par un des anciens membres du Gouvernement ayant présenté le projet de loi.

L’auteure affirme que la loi de 2017 portant modification de la législation Fair Incentives to Work, dont l’entrée en vigueur s’est faite progressivement du 12 avril au 1er juillet 2017, a introduit de nouveaux changements dans le système de sécurité sociale, parmi lesquels la mise en place d’un délai d’une semaine avant le versement de l’allocation PPS.

Le 28 mars 2017, l’auteure a perdu ses droits à l’allocation PPS, car le plus jeune de ses enfants avait fêté ses 8 ans. Elle affirme qu’elle et sa famille ont immédiatement rencontré des difficultés financières, accroissant leur stress et leur insécurité. Elle souligne que dans le cadre de l’ancien système, elle pouvait gagner jusqu’à 2 088,85 dollars australiens par quinzaine sans que ses prestations ne soient affectées, alors que dans le cadre de Newstart, le plafond de revenus est fixé à 1 576,00 dollars australiens par quinzaine. Elle affirme que si la limite d’âge n’avait pas été modifiée par la réforme et qu’elle pouvait toujours bénéficier de l’allocation PPS, elle pourrait toujours y prétendre au vu de ses revenus.

L’auteure affirme qu’elle n’a eu aucun moyen de contester les effets de ces modifications, car la loi portant application de la Convention, à savoir la loi de 1984 sur la discrimination fondée sur le sexe, interdit expressément les allégations de discrimination se rapportant à la législation sur la sécurité sociale. Elle rappelle qu’il n’existe pas de Charte des droits en Australie et qu’il n’y a donc aucun moyen effectif de contester les législations ou lois relatives à la sécurité sociale qui contreviennent aux droits conférés aux femmes en vertu de la Convention. Elle fait remarquer qu’alors même que la Commission parlementaire conjointe a établi que la législation sur la sécurité sociale n’était pas conforme aux obligations internationales de l’État partie en matière de droits humains, les réformes se sont poursuivies sans qu’aucune modification n’y soit apportée.

Teneur de la plainte

L’auteure avance que l’État partie a enfreint les articles de la Convention énumérés ci-après.

L’auteure affirme que l’État partie n’a pas satisfait à l’obligation de condamner ou d’éliminer la discrimination et de modifier les lois discriminatoires lui incombant au titre des alinéas d) et f) de l’article 2. Elle estime qu’en supprimant l’allocation PPS à compter du huitième anniversaire du dernier enfant, remplaçant ainsi la limite d’âge autrefois fixée à 16 ans, et en supprimant les dispositions transitoires qui visaient à protéger les bénéficiaires de cette allocation des effets des réformes, l’État partie a appliqué une politique dont il savait qu’elle aurait des effets discriminatoires indirects mais ne l’a pas modifiée, contrevenant à son obligation continue d’éliminer la discrimination une fois ces effets discriminatoires indirects devenus évidents.

L’auteure affirme que l’État partie a, par ces réformes et de manière systématique, agi contrairement à l’alinéa a) de l’article 13 et n’a pas pris les mesures qui s’imposaient pour éliminer la discrimination dans d’autres domaines de la vie économique et sociale, afin d’assurer que les femmes jouissent des mêmes droits que les hommes pour ce qui est des prestations familiales.

Concernant les alinéas d) et e) du paragraphe 1 de l’article 11, l’auteure avance que l’État partie ne s’est pas acquitté de son obligation de garantir l’égalité réelle entre les hommes et les femmes en matière de sécurité sociale, en particulier en supprimant les dispositions transitoires qui protégeaient les bénéficiaires existants des pires effets des réformes. Ainsi, l’État partie n’a pas reconnu et levé les obstacles auxquels se heurtent les parents célibataires qui reprennent le travail et assument de front leurs responsabilités familiales et professionnelles, et les effets accrus de ces obstacles sur les mères, qui constituent la grande majorité du groupe concerné, en raison d’inégalités structurelles.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

L’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond le 11 décembre 2018.

L’État partie souligne qu’il s’efforce d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes et rappelle les trois priorités fixées pour parvenir à l’égalité des sexes : renforcer la sécurité économique des femmes ; favoriser l’accès de davantage de femmes à des postes à responsabilités ; garantir la protection contre la violence domestique.

L’État partie rappelle qu’un vaste train de réformes législatives a été adopté par le Parlement le 7 décembre 2005 afin d’accroître la participation à la population active des personnes en âge de travailler. Il affirme que ces réformes consistent notamment en des modifications des critères ouvrant droit à l’allocation PPS afin de les aligner sur les critères applicables à la plupart des autres aides aux revenus.

L’État partie affirme que pendant la période considérée, l’auteure a toujours été employée et a toujours eu des revenus supérieurs au seuil maximal ouvrant droit à l’allocation chômage. Par conséquent, il estime que les allégations de l’auteure selon lesquelles l’allocation Newstart est insuffisante et le délai d’attente d’une semaine est trop long sont irrecevables, car elles portent sur des mesures dont l’auteure ne peut pas être considérée comme une « victime » au sens de l’article 2 du Protocole facultatif à la Convention.

S’agissant du fond des allégations de l’auteure, l’État partie prend note du fait que cette dernière n’affirme aucunement que la modification des critères ouvrant droit à l’allocation PPS constitue un acte de discrimination directe à l’égard des femmes. Toutefois, pour ce qui est de ses allégations selon lesquelles ces modifications constituent un acte de discrimination indirecte à l’égard de femmes, contrevenant aux alinéas d) et f) de l’article 2, l’État partie affirme que la législation qui a supprimé les dispositions transitoires, soumettant ainsi l’auteure à de nouveaux critères, a en réalité permis de rétablir l’équité entre les bénéficiaires des prestations parentales, en soumettant les familles qui se trouvent dans des circonstances similaires aux mêmes critères.

L’État partie rejette l’allégation de l’auteure selon laquelle la suppression des dispositions relatives aux droits acquis constitue une différence de traitement des femmes en raison de leur condition de femme. Il renvoie à la définition de la discrimination à l’égard des femmes au sens des alinéas d) et f) de l’article 2, en soulignant que la discrimination est considérée comme étant indirecte lorsque les lois, les politiques et les pratiques, bien que neutres en apparence, ont un effet discriminatoire sur les femmes. Il affirme que pour conclure à un tel acte dans ce contexte, il faudrait, tout d’abord, qu’il y ait un traitement différentiel et, ensuite, que ce traitement différentiel soit injustifié, comme établi par la jurisprudence des organes conventionnels.

L’État partie prend note de l’allégation de l’auteure selon laquelle la suppression des dispositions transitoires constitue un acte de discrimination indirecte à l’égard des femmes célibataires, car les parents isolés sont le plus souvent des femmes. Il avance que cette allégation porte en elle le raisonnement implicite selon lequel la suppression des dispositions transitoires a eu un effet bien plus grand sur les parents isolés que sur ceux en couple. Il en déduit donc qu’il serait pertinent d’établir une comparaison avec les couples qui, avant la suppression des dispositions transitoires en 2013, auraient bénéficié des allocations familiales. Il estime que la suppression de ces dispositions ne saurait constituer un acte de discrimination à l’égard des parents isolés, car les modifications touchent tous les bénéficiaires sur un pied d’égalité, indépendamment de leur situation matrimoniale. En effet, si le dispositif établit une différence entre les parents célibataires et les parents en couple, c’est pour favoriser les premiers, qui continueront de bénéficier de l’allocation deux années de plus que les seconds. De plus, l’État partie fait valoir que les anciens bénéficiaires de l’allocation PPS qui passent au dispositif Newstart recevront des allocations d’un montant supérieur à celles des personnes en couple qui passent elles aussi au nouveau système.

Pour toutes ces raisons, l’État partie estime que la suppression des dispositions transitoires ne saurait constituer un acte de discrimination à l’encontre des parents célibataires (et donc, des femmes), que ce soit dans la forme ou dans les faits. Par conséquent, il considère ne pas avoir contrevenu aux obligations lui incombant au titre des alinéas d) et f) de l’article 2 de la Convention.

L’État partie avance en outre que, si la suppression des dispositions transitoires était considérée comme constituant un traitement différentiel des femmes, ce qu’il réfute, toute différence éventuelle trouverait sa justification dans un objectif légitime, serait fondée sur des critères raisonnables et objectifs, et serait proportionnelle au but recherché. Il considère que la suppression des dispositions transitoires pertinentes de la loi sur la sécurité sociale sert un objectif légitime, celui d’accroître la participation à la population active des parents dont les enfants sont en âge d’aller à l’école, est fondée sur des critères raisonnables et objectifs en matière de participation, et est proportionnelle à ce but, tout désavantage étant largement compensé par des bénéfices.

L’État partie affirme que les droits aux allocations familiales resteront ouverts jusqu’à ce que le plus jeune enfant d’un bénéficiaire soit en âge d’aller à l’école (ou jusqu’à ses 8 ans dans le cas des parents célibataires). Une fois que l’enfant atteint l’âge de 6 ans ou de 8 ans, selon le cas, les parents principaux qui souhaitent continuer à recevoir une aide aux revenus doivent (avec certaines exceptions) satisfaire à des critères liés au travail à temps partiel, notamment en cherchant un emploi à mi-temps (30 heures rémunérées par quinzaine), en poursuivant des études ou en effectuant des activités bénévoles (rares cas), ou en combinant ces activités. L’État partie avance que cette mesure reflète le fait qu’au fur et à mesure que les enfants grandissent, la plupart des parents sont capables d’accroître leur niveau d’emploi et de réduire leur dépendance à l’aide aux revenus.

L’État partie renvoie au mémoire explicatif des modifications apportées à la législation, dont les auteurs confirment que l’objectif des réformes était de favoriser la participation à la vie active des bénéficiaires d’aides aux revenus et de réduire les conséquences néfastes de la dépendance aux aides sociales.

En outre, l’État partie rappelle les bénéfices de la participation à la vie active, notamment une meilleure santé physique et mentale dans le temps, que ce soit au niveau individuel, familial ou communautaire. Il fait valoir qu’accroître la participation au monde du travail est particulièrement important pour les parents célibataires australiens qui, en tant que groupe social, ont un taux de participation particulièrement bas au regard des statistiques internationales. Il rappelle que sur son territoire, l’enseignement primaire est obligatoire dès 6 ans, âge à partir duquel les parents en couple cessent de recevoir les allocations familiales et sont en mesure de travailler davantage.

Par conséquent, l’État partie affirme que les critères d’obtention des allocations familiales, tels que modifiés par la loi Fair Incentives to Work de 2012, sont objectifs, raisonnables, étayés par des données factuelles et moins stricts que les critères de participation à la vie active conditionnant le versement d’aides aux revenus dans plusieurs pays comparables.

Enfin, l’État partie fait observer que les critères ouvrant droit aux allocations familiales sont un moyen proportionné d’atteindre l’objectif visé, en particulier compte tenu de l’appui fourni par le système de sécurité sociale dans son ensemble, dont les aides aux revenus sont une composante et qui tient pleinement compte des circonstances particulières des parents dont les enfants sont en âge d’aller à l’école. Il rappelle, par exemple, que le montant de l’allocation Newstart versée aux parents isolés est supérieur à celui de l’allocation versée aux parents en couple et aux personnes sans enfants. Par ailleurs, les parents de plus de trois enfants reçoivent une allocation supérieure à celle des autres parents célibataires et, par conséquent, que tous les autres bénéficiaires de l’aide aux revenus Newstart. D’autres exemptions s’appliquent aux cas où une personne est temporairement en incapacité de travailler ou se trouve dans des circonstances particulières telles qu’une crise personnelle majeure ou la perte de son logement, et les parents isolés bénéficient de critères de participation plus souples. Par exemple, ils ne sont pas tenus d’accepter un emploi qui suppose de travailler en dehors des heures d’école ou pendant les vacances scolaires, ou s’ils ne trouvent pas un système de garde adapté. Une certaine flexibilité est également offerte dans d’autres cas, par exemple si le temps de trajet pour se rendre au travail est trop important, si l’offre d’emploi ne porte que sur une courte période ou si le fait d’accepter un emploi aggraverait la situation financière du parent. De plus, en parallèle des aides aux revenus, il existe des initiatives visant à donner aux bénéficiaires l’appui et les compétences nécessaires pour prendre part à la vie active, et à les aider à couvrir les dépenses liées à la garde d’enfants lorsqu’ils sont en formation ou au travail. Par conséquent, l’État partie estime qu’il serait inexact et trompeur de déterminer le niveau d’adéquation des aides aux revenus, comme Newstart, de manière isolée.

Conformément aux raisons susmentionnées, l’État partie estime que la suppression des dispositions transitoires est un moyen proportionné et objectif d’atteindre le but légitime consistant à favoriser la participation à la vie active des parents dont les enfants sont en âge d’aller à l’école, conformément à la marge d’appréciation nécessaire laissée aux États parties pour choisir les politiques dans le cadre desquelles ils souhaitent poursuivre des objectifs nationaux légitimes et importants. Ainsi, la suppression des dispositions transitoires ne constitue pas un acte de « discrimination à l’égard des femmes » au sens des alinéas d) et f) de l’article 2.

En ce qui concerne les griefs que l’auteure tire de l’article 11 (par. 1), l’État partie rappelle que l’article 11 exige des États parties qu’ils prennent toutes les mesures appropriées pour « éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans le domaine de l’emploi, afin d’assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, les mêmes droits », et énumère plusieurs droits relevant de cette obligation, comme le « droit à la sécurité sociale, notamment aux prestations de retraite, de chômage, de maladie, d’invalidité et de vieillesse ou pour toute autre perte de capacité de travail », dont devraient jouir les femmes et les hommes sur un pied d’égalité, tant dans la forme que sur le fond. S’agissant de l’allégation selon laquelle, dans le cadre du dispositif modifié, les parents célibataires sont traités différemment des parents en couple ou des personnes sans enfants, l’État partie rappelle que cette différence consiste en une allocation plus importante et une plus grande souplesse dans l’application des critères. De plus, il insiste sur le fait que ces mesures particulières relèvent de la marge d’appréciation laissée aux États parties afin qu’ils s’acquittent de leurs obligations au titre de l’article 11.

En outre, l’État partie fait valoir que l’article premier laisse lui aussi une marge d’appréciation pour déterminer la forme que prendront les prestations de sécurité sociale. Plus particulièrement, il ne confère aucun droit à une forme particulière de prestation de sécurité sociale, comme le droit de recevoir des allocations familiales à la place de l’allocation Newstart. Il revient aux États parties de garantir la sécurité sociale dans le cadre d’un ensemble de mesures, comme les aides aux revenus, les allocations familiales, la prise en charge des enfants, y compris en dehors des heures d’école, l’allocation logement et d’autres mesures d’aide sociale, et non dans le cadre d’une seule aide aux revenus versée aux parents. Par ailleurs, l’État partie fait valoir que l’article premier n’empêche pas les États de soumettre le versement des aides aux revenus aux parents en âge et en mesure de travailler à des conditions, comme des critères de participation. Ces conditions sont conformes à l’objectif légitime consistant à accroître le taux de participation à la population active des parents dont les enfants ont l’âge d’aller à l’école.

En résumé, l’État partie estime que la suppression des dispositions transitoires ne nuit aucunement à la capacité des femmes de jouir du droit à la sécurité sociale sur un pied d’égalité avec les hommes, en particulier au regard du système global d’aide sociale de l’Australie. Par conséquent, il considère que la suppression des dispositions transitoires ne relève pas de l’article 11 [par. 1 e)] de la Convention.

Pour ce qui est des griefs que l’auteure tire de l’article 13, l’État partie prend note de l’obligation de prendre toutes les mesures appropriées pour « éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans d’autres domaines de la vie économique et sociale, afin d’assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, les mêmes droits », notamment le droit aux prestations familiales. Il rappelle que, tout comme l’article 11, l’article 13 vise à garantir que les femmes jouissent des droits énumérés sur un pied d’égalité avec les hommes, tant dans la forme que sur le fond. L’État partie affirme que l’auteure n’a présenté aucune preuve attestant du fait que les femmes étaient victimes de discrimination, que ce soit directement ou indirectement, en matière de droit aux prestations familiales. Par conséquent, la suppression des dispositions transitoires ne relève pas de l’article 13.

L’État partie rappelle qu’il existe un vaste ensemble de prestations versées aux familles dans le cadre du système de sécurité sociale, soulignant que le montant des fonds qu’il alloue aux prestations familiales, en pourcentage du produit intérieur brut, est supérieur à la moyenne de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Il fait valoir que, en plus de l’aide aux revenus, il est déterminé à aider les familles à couvrir les coûts liés aux enfants dans le cadre d’initiatives telles que des abattements fiscaux pour les familles, des subventions pour la garde d’enfants et des congés parentaux, ainsi qu’un éventail d’autres prestations, selon la situation individuelle.

L’État partie estime que rien ne permet de conclure que les réformes Welfare to Work constituent un acte de discrimination à l’égard des femmes.

Commentaires de l’auteure concernant les observations de l’État partiesur la recevabilité et sur le fond

L’auteure a fait parvenir ses commentaires sur les observations de l’État partie le 8 avril 2019.

L’auteure note qu’elle était bénéficiaire de l’allocation PPS en 2006 et qu’elle faisait donc partie du groupe qui était couvert par les dispositions transitoires prévues par la loi de réforme adoptée en 2006. Elle avance que comme ces dispositions ont été supprimées en 2013, elle a perdu ses droits en 2017, alors qu’elle aurait pu continuer à bénéficier de l’allocation jusqu’en 2025, date à laquelle son plus jeune enfant aurait atteint l’âge de 16 ans. Elle se dit donc victime des modifications de la législation, et réaffirme que tous les griefs y afférents sont recevables.

En outre, l’auteure prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle, lorsqu’elle n’a plus eu accès à l’allocation PPS, elle aurait pu prétendre au Newstart si ses revenus étaient tombés en dessous du seuil fixé. Elle déclare que le plafond de revenu du Newstart était bien inférieur à celui de l’allocation PPS, sur laquelle elle croyait pouvoir compter jusqu’en 2025, lorsque son plus jeune enfant aurait 16 ans. C’est dans cette idée qu’elle avait entamé des études et pris un emploi à temps partiel pour compléter ses revenus, dans le cadre de son projet à long terme, qui était de se perfectionner avant de retrouver un emploi à temps plein. Ainsi, lorsque les dispositions transitoires ont été abrogées, elle a été privée de l’allocation PPS et, ne pouvant prétendre au dispositif Newstart, car le plafond de revenus était plus bas, elle s’est donc retrouvée sans aucune des deux prestations. Elle soutient que pour toutes ces raisons, elle est bien une victime au sens du Protocole facultatif, les réformes l’ayant empêché d’accéder à la sécurité sociale sur un pied d’égalité avec les hommes. Étant une mère célibataire, les réformes ont été particulièrement et disproportionnellement dommageables, étant donné le désavantage structurel existant.

L’auteure dit qu’ayant été contrainte de demander l’allocation Newstart suite à la perte de son emploi, elle reçoit un montant inférieur à celui auquel elle avait droit dans le cadre du dispositif PPS.

L’auteure indique que lorsque son emploi à temps partiel a pris fin, elle a demandé à bénéficier de l’allocation Newstart le 15 novembre 2018. Elle a reçu le premier versement le 24 décembre 2018. Elle et sa famille ont connu des difficultés importantes pendant les cinq semaines de traitement et le délai obligatoire d’une semaine. Depuis sa demande de droits au titre du Newstart, elle a dû remplir des obligations pénibles, qui étaient la conséquence d’une mauvaise administration. L’auteure et sa famille vivent en dessous du seuil de pauvreté et, malgré sa contribution à la société en tant que parent unique de trois enfants, sa famille ne dispose pas des moyens de gagner sa vie de manière adéquate pour lui permettre de participer réellement à la vie en société dans la dignité, l’égalité et la sécurité.

Au sujet du Newstart, l’auteure affirme que sa situation financière et celle de sa famille est pire que si elle avait continué à percevoir l’allocation PPS jusqu’à ce que son plus jeune enfant ait 16 ans. Les modifications apportées à la loi ont donc eu des répercussions négatives sur la vie de sa famille et ont violé ses droits au titre de la Convention.

En ce qui concerne l’interprétation par l’État partie de ses obligations au titre de l’article 2, l’auteure affirme que celui-ci se méprend manifestement quant au sens de la discrimination de genre, telle qu’elle est définie par le Comité dans sa recommandation générale no 28 (2010) sur les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention, dans laquelle celui-ci explique que la discrimination de genre est une discrimination, même si l’effet discriminatoire n’a pas été intentionnel. Par conséquent, un traitement apparemment neutre qui a pour effet de priver les femmes de leurs droits en ne reconnaissant pas les inégalités préexistantes peut constituer une discrimination. L’auteure rappelle que la suppression des allocations familiales a eu des effets négatifs disproportionnés sur les parents isolés, dont la grande majorité sont des femmes qui luttent déjà contre les inégalités structurelles existantes et ont du mal à subvenir aux besoins de leurs enfants. L’auteure dit qu’il ressort clairement de la jurisprudence du Comité que les États parties ont l’obligation de respecter, protéger et réaliser le droit à la non-discrimination des femmes et de mettre en œuvre leur droit à l’égalité substantielle avec les hommes. Il s’agit notamment d’aborder les formes de discrimination croisées, telles que la situation familiale, les responsabilités parentales, le sexe et le genre, et donc de reconnaître les formes particulières de discrimination subies par les mères célibataires qui doivent accomplir un important travail social de procréation dans la société, souvent sans soutien adéquat. En raison du manquement de l’État partie à ses obligations, ce groupe de femmes, dont l’auteure fait partie, continue d’être dans une situation de désavantage disproportionnée, qui est exacerbée par d’autres difficultés ayant des répercussions sur l’exercice de leurs droits.

L’auteure prend note des affirmations de l’État partie selon lesquelles la suppression des dispositions relatives aux droits acquis dans le cadre de l’allocation PPS ne constituait pas une différence de traitement des femmes liée à leur condition de femme. Elle affirme que c’est ne pas tenir compte du fait que, pour ces parents, l’abrogation des dispositions a entraîné la perte de revenus sociaux sur lesquels ils comptaient et les a immédiatement confrontés à des difficultés financières.

L’auteure note que l’État partie a estimé que les parents isolés touchés par les changements apportés à l’allocation PPS n’étaient pas désavantagés par rapport aux parents en couple et que les parents isolés étaient en fait mieux lotis que les couples parce qu’ils bénéficiaient de deux années supplémentaires d’allocations parentales et d’un taux plus élevé dans le cadre du Newstart. L’auteure conteste le bien-fondé d’une comparaison de la situation des femmes avec celle des couples pour évaluer la discrimination à l’égard des femmes. Tant les parents isolés que les parents en couple ont été perdants lorsque les dispositions transitoires ont été supprimées, même si les parents isolés l’ont été un peu plus tard que les parents en couple. Toutefois, en dépit de deux années supplémentaires de droits, l’impact de ce changement sur les parents isolés, et en particulier les mères, est plus préjudiciable en raison des difficultés inhérentes au fait d’élever des enfants seuls et sans la contribution financière et émotionnelle d’un partenaire, ce qui constitue une discrimination de genre compte tenu du fait que les femmes sont de toute évidence majoritaires dans ce groupe.

L’auteure affirme que cette politique est discriminatoire à l’égard des parents isolés en raison de la position défavorable dans laquelle ils se trouvaient déjà avant la réforme de 2006 et la suppression ultérieure des dispositions transitoires. Cette situation défavorable tient essentiellement à leur genre et à leur condition familiale. Ces personnes sont confrontées à des inégalités dont le système de sécurité sociale, tel qu’il est structuré actuellement, ne tient pas compte. Ainsi, bien qu’elles aient droit à l’allocation Newstart à un taux légèrement supérieur à celui des personnes sans enfants ou des parents en couple, ce n’est pas suffisant pour remédier à la situation défavorable dans laquelle elles se trouvent du fait des inégalités structurelles dont elles pâtissent, aggravées par les réformes. Le montant total de l’aide publique qu’elles reçoivent de l’État reste inférieur à celui qu’elles percevaient dans le cadre des allocations parentales, ce qui signifie qu’au lieu de prendre des mesures pour éliminer la discrimination, l’État partie entérine la situation défavorable dans laquelle se trouve ce groupe composé majoritairement de femmes, ce qui signifie que la politique est indirectement discriminatoire au sens de la Convention. Le fait que d’autres groupes soient également plus mal lotis avec les réformes est sans conséquence sur les effets discriminatoires de celles-ci sur les femmes, qui ne peuvent jouir de leurs droits sur la base de l’égalité avec les hommes, comme prévu dans le Pacte.

En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel toute différence de traitement des parents isolés n’est pas discriminatoire, puisque les changements de politique sont justifiés, l’auteure déclare que de nombreux parents étaient déjà dans la population active et soumis à des exigences de participation. Toutefois, du fait de la suppression de l’allocation PPS les femmes en particulier ont eu plus de mal à concilier leur travail, leurs études et leurs responsabilités familiales, ce qui a accru leur stress et l’insécurité financière de leur famille. Elle fait valoir qu’au lieu d’améliorer les conditions de vie des parents isolés et de leur famille, ces réformes ont aggravé la pauvreté et les inégalités. Enfin, l’auteure affirme qu’il était prévisible que la réduction des prestations sociales, qui visait à « encourager » la recherche d’emploi et l’emploi, mais n’était pas accompagnée de mesures supplémentaires pour aider les parents isolés qui travaillaient face à la baisse de leurs revenus et à l’insuffisance des services de garde d’enfants, aurait des effets disproportionnés sur les mères célibataires et que la politique avait conduit à une augmentation spectaculaire du taux de pauvreté relative parmi les parents isolés au chômage avec des enfants à charge, qui était passé de 14,3 % en 2003 à 17,2 % en 2015-2016. La pauvreté relative des personnes célibataires, sans enfant et sans emploi avait reculé de 26,4 % en 2009-2010 à 11,9 %. L’auteure fait référence à des études qui ont montré que si le taux de pauvreté des familles monoparentales qui n’étaient pas touchées par la politique n’avait augmenté que marginalement (57 % en 2011 à 58 % en 2013), celui des familles monoparentales auxquelles s’appliquait la politique, c’est-à-dire celles dont le plus jeune enfant était âgé de 5 à 9 ans, était passé de 37 % à 55 %, le taux de pauvreté étant passé de 51 % à 67 % au cours de la même période pour les familles dans lesquelles le plus jeune enfant avait entre 10 et 14 ans. L’auteure note que le Comité a également exprimé sa préoccupation quant aux répercussions sur les femmes des coupes opérées dans la sécurité sociale dans les recommandations qu’il avait faites à l’État partie en 2018.

L’auteure répond en outre à l’affirmation de l’État partie selon laquelle elle s’attend simplement à recevoir une allocation PPS jusqu’à ce que son plus jeune enfant ait 16 ans, sans aucune obligation de participation à la population active. L’auteure affirme qu’il s’agit d’une déformation de sa communication. Les parents bénéficiant d’une allocation parentale avaient déjà des obligations de participation et bien qu’elle ne demande pas que toutes ces obligations soient levées, il est nécessaire de rétablir un soutien financier adéquat pour les parents isolés afin qu’ils puissent briser le cycle de la pauvreté.

Observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

Le 22 juin 2020, l’État partie a présenté des observations complémentaires en réponse aux commentaires de l’auteure.

L’État partie réaffirme ce qu’il avait énoncé dans ses observations initiales, à savoir que les demandes de l’auteure, datées du 11 décembre 2018, sont irrecevables. Il souhaite également avancer de nouveaux arguments pour étayer son propos.

L’État partie fait valoir que, depuis la présentation de ses observations initiales, il a été en mesure d’établir, à partir de ses dossiers, que l’auteure ne percevait pas, en fait, l’allocation parentale « immédiatement avant le 1er juillet 2006 », ce qui signifie qu’elle ne faisait pas partie du groupe « bénéficiant de droits acquis », lequel était composé de parents qui percevaient déjà l’allocation parentale au moment de l’adoption de l’amendement et qui ont bénéficié d’une dérogation concernant la modification de la limite d’âge de 16 à 8 ou 6 ans et ont donc été autorisés à continuer de percevoir l’allocation jusqu’à ce que leur enfant ait 16 ans, comme prévu à l’origine.

Il fait valoir qu’elle n’est donc pas une « victime » ayant le droit de présenter une réclamation relative à la suppression de ces dispositions, au sens de l’article 2 du Protocole facultatif à la Convention. Il fait également valoir que, n’étant pas bénéficiaire de la prestation au moment de l’adoption des réformes en 2006, elle n’est pas non plus victime, de manière plus générale, des prétendues répercussions de ces réformes.

L’État partie affirme que les dossiers montrent que l’auteure a demandé l’allocation PPS le 20 février 2014 et qu’elle l’a obtenue à partir de cette date. Il fait valoir qu’étant donné qu’à l’époque, les réformes de 2006 et de 2013 du dispositif PPS étaient déjà entrées en vigueur, l’auteure ne peut pas prétendre avoir été personnellement et directement touchée par ces changements et que ses demandes sont donc irrecevables, ratione personae.

Commentaires de l’auteure sur les nouvelles observations de l’État partie concernant la recevabilité

Le 13 octobre 2020, l’auteure a présenté ses commentaires sur les observations complémentaires de l’État partie concernant la recevabilité de sa communication.

L’auteure répond à l’affirmation de l’État partie selon laquelle elle n’aurait pas le statut de victime eu égard aux réformes de 2006 et de 2013. Elle réaffirme que dans sa communication, elle a clairement indiqué que, le 28 mars 2017, elle s’était vu refuser l’allocation PPS, parce que son plus jeune enfant avait eu 8 ans. Cette situation résultait de l’adoption par l’État partie d’une législation qui limitait ces paiements aux enfants de moins de 8 ans. L’auteure, comme d’autres mères célibataires, avait donc immédiatement connu des difficultés, un stress financier et une situation d’insécurité pour elle-même et ses trois fils.

L’auteure affirme avoir démontré dans sa plainte qu’elle avait été une victime directe des réformes engagées à partir de 2006 et qui avaient changé les critères à remplir pour bénéficier de l’allocation PPS, en réduisant l’âge limite de l’enfant de 16 à 8 ans, et contraint les bénéficiaires à compter sur l’allocation Newstart, qui était d’un montant inférieur et était associé à des critères plus stricts et une période d’attente obligatoire, ce qui avait entraîné une perte de revenu, ainsi qu’une réduction des prestations connexes. L’auteure affirme qu’elle a bel et bien été personnellement touchée par la série de réformes de plus en plus rétrogrades adoptées par l’État partie, à cause desquelles les mères célibataires en particulier ne reçoivent pas des allocations de chômage adéquates ou appropriées, et qu’elle est donc une « victime » au sens de l’article 2 du Protocole facultatif à la Convention.

L’auteure affirme que les réformes ont eu des effets négatifs directs sur les personnes suivantes : les parents du groupe des « ayants-droits », qui étaient déjà bénéficiaires du dispositif PPS avant 2006 et qui ont perdu leurs avantages en 2013 alors qu’on leur avait promis qu’on les aiderait ; tous les parents qui, comme l’auteure, avaient des enfants nés avant 2006 et qui s’attendaient à recevoir le PPS en cas de besoin jusqu’à ce que leurs enfants deviennent indépendants ; et tous les parents isolés qui avaient eu des enfants après 2006 et qui n’avaient plus droit à l’allocation PPS lorsque leur enfant atteignait les 8 ans et qui devaient remplir des critères plus stricts pour pouvoir prétendre à l’allocation Newstart, considérablement moindre. L’auteure insiste sur le fait que tous ces parents sont confrontés au même problème et qu’à cause des réformes, ils sont désormais dans l’incapacité de subvenir aux besoins de leur enfant après son huitième anniversaire.

L’auteure affirme que le fait qu’elle n’était pas encore bénéficiaire de la prestation avant la modification de la loi ne change rien au bien-fondé de sa communication, à savoir que la réduction rétrograde de la prestation avait entraîné un préjudice pour toutes les personnes demandant ces prestations de sécurité sociale à l’avenir. Elle fait valoir que l’État partie viole les obligations internationales qui sont les siennes en matière de réalisation des droits à la sécurité sociale de toutes les personnes qui en ont besoin, sur une base d’égalité. En l’espèce, les parents isolés, dont la plupart sont des femmes, et leurs enfants, font déjà partie des ménages les plus pauvres d’Australie et il est donc du devoir de l’État partie de les protéger.

L’auteure affirme en outre que l’État partie n’a pas donné suite aux recommandations que lui avaient formulées le Comité en juillet 2018, à savoir prendre immédiatement des mesures pour atténuer les effets des coupes budgétaires dans les budgets des services sociaux, de la santé, de l’éducation et de la justice, réaliser une analyse genrée de ces coupes, adopter une budgétisation sensible au genre dans l’allocation des ressources publiques, mettre en place des mesures et des programmes ciblés visant à donner davantage de moyens économiques aux mères célibataires, notamment des mesures leur permettant de terminer leurs études supérieures, et rétablir l’accès des femmes sans emploi aux aides pour la garde d’enfants.

Observations complémentaires de l’État partie

Le 4 mars 2021, l’État partie a présenté des observations complémentaires en réponse aux commentaires de l’auteure.

L’État partie renvoie à ses précédentes observations, qu’il réitère.

L’État partie note que dans ses commentaires complémentaires, l’auteure reconnaît qu’elle ne fait pas partie du groupe de parents qui ont été exclus des dispositions transitoires entrées en vigueur le 1er juillet 2006. Il note en outre que l’auteure, en précisant sa position, a déclaré être une victime parce qu’elle était membre d’un groupe de parents qui s’attendaient à recevoir l’allocation PPS en cas de besoin jusqu’à ce que leurs enfants deviennent indépendants et qu’elle évoque deux autres groupes de victimes présumées dont elle n’est pas membre, mais au nom desquels elle porte également plainte, notamment les parents isolés du groupe ayant des droits acquis qui ont perdu leurs allocations. L’État partie réitère donc que l’auteure n’est pas une « victime » au sens du Protocole facultatif.

L’État partie soutient que le refus de prestations opposé à l’auteure en 2017 n’a pas été fait dans le cadre des réformes législatives susmentionnées, étant donné qu’elle n’avait pas encore demandé l’allocation PPS et que son plus jeune enfant n’était pas encore né au moment des réformes de 2006. Il déclare que l’auteure n’avait donc pas eu d’expérience directe des changements mentionnés et n’a pas été personnellement touchée au sens défini par le Comité dans l’affaire Dayras et autres c. France, dans laquelle celui-ci a confirmé que pour être considérée comme une victime, l’auteur doit avoir été personnellement touché par la législation actuellement en vigueur, ce qui exige une expérience des conditions antérieures et postérieures à la réforme, et qu’une personne ne peut pas, « par le biais d’une actio popularis », attaquer une loi ou une pratique réputée contraire à la Convention. Il indique en outre que l’auteure n’a pas qualité pour présenter une plainte actio popularis car, conformément à la règle 68 du Règlement, elle n’a pas obtenu le consentement pour agir au nom de ce groupe de personnes et n’a pas justifié qu’elle agisse en leur nom sans ce consentement.

L’État partie conteste l’affirmation de l’auteure selon laquelle il n’a pris aucune mesure pour donner suite aux recommandations formulées par le Comité en 2018 et indique qu’il a notamment : mis au point des orientations pour aider les organismes publics à mieux recenser et à mieux présenter les effets de la politique sur les femmes ; révisé et amélioré son rapport sur les indicateurs de genre, en collectant les données existantes pour comparer les résultats obtenus pour les femmes et les hommes dans les domaines de la sécurité économique, de l’éducation, de la santé, de l’équilibre entre travail et famille, de la sécurité et de la justice, de la démocratie, de la gouvernance et de la citoyenneté ; et adopté un nouvel ensemble de mesures d’aide pour la garde d’enfants afin de faciliter la vie de celles et ceux qui passent le plus d’heures à travailler, à se former et à étudier. Ainsi, plus de 70 % des familles payaient de leur poche moins de 5 dollars de l’heure pour faire garder leurs enfants en centre et près d’un quart payaient moins de 2 dollars l’heure.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit décider si la communication est recevable au titre du Protocole facultatif. Conformément à l’article 72 (par. 4), il doit se prononcer sur la recevabilité avant d’examiner la communication au fond.

Le Comité prend note des affirmations de l’État partie selon lesquelles l’auteure n’est pas une victime au sens de l’article 2 du Protocole facultatif, car elle ne faisait pas partie du groupe de parents bénéficiant de droits acquis qui recevaient l’allocation PPS au moment où les dispositions transitoires ont été adoptées en 2006, puisqu’elle n’avait demandé et commencé à recevoir l’allocation qu’en 2014, ce qu’elle ne niait d’ailleurs pas. Il note que, par conséquent, l’État partie affirme que l’auteure n’a pas été directement touchée par la législation initiale ou les dispositions transitoires ou leur abrogation. L’auteure répond qu’elle a eu des enfants en âge de recevoir la prestation et qu’elle a donc été concernée par ce changement. Elle indique également qu’elle porte plainte au nom de toutes les mères célibataires touchées par les réformes, y compris celles qui bénéficient des dispositions concernant les droits acquis.

Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle la qualité de victime dépend du fait que l’auteure ait ou non été directement et personnellement touchée par la violation alléguée. Une auteure ne peut prétendre être une victime que si elle est personnellement touchée par l’acte ou l’omission de l’État partie en cause, et que personne ne peut, dans l’abstrait, au moyen d’une actio popularis, contester une loi ou une pratique prétendument contraire à la Convention.

Le Comité note que l’auteure a eu son premier enfant en 2004. Elle a ensuite eu deux autres enfants, en 2006 et 2009, de sorte que son enfant le plus jeune avait 2 ans, et donc l’âge requis, à la date limite fixée concernant la disposition relative aux droits acquis, en juin 2006, et qu’au moment où la législation est entrée en vigueur, en janvier 2013, son enfant le plus jeune avait alors 4 ans. Par conséquent, si elle avait bénéficié de l’allocation PPS en 2006, l’auteure aurait été membre du groupe protégé par les droits acquis, si ces dispositions n’avaient pas été supprimées en janvier 2013. Cependant, comme il ressort clairement des informations fournies par les deux parties, l’auteure ne bénéficiait pas de cette allocation en juin 2006 et ne faisait donc pas partie de ce groupe. Elle ne la recevait pas non plus en 2013, lorsque les changements ont été introduits, et elle n’a demandé l’allocation et commencé à la recevoir qu’en 2014. Par conséquent, l’auteure ne faisait pas partie du groupe bénéficiant de droits acquis et ne pouvait raisonnablement s’attendre à pouvoir compter sur l’allocation PPS jusqu’à ce que son plus jeune enfant ait 16 ans. Le Comité ne considère donc pas que l’auteure ait subi des effets directs et personnels du fait de la suppression des dispositions relatives aux droits acquis. Étant donné qu’elle n’avait droit à l’allocation PPS ni en 2006 ni en 2013, du fait de sa situation professionnelle, le Comité estime que l’auteure n’a pas non plus le statut de victime concernant ses griefs relatifs aux pertes qu’elle aurait subies en raison des réformes Welfare to Work. Il note également que les réclamations relatives aux effets des réformes sur d’autres mères célibataires ne sont pas présentées avec le consentement de ces personnes, et que l’auteure ne justifie pas qu’elle agisse en leur nom sans ce consentement.

Compte tenu de ce qui précède et en l’absence de toute autre information pertinente dans le dossier, le Comité conclut que la présente communication est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif, car elle n’a pas été présentée par un particulier ou au nom d’un particulier directement et personnellement touché par les violations alléguées.

Au vu de cette conclusion, le Comité décide de ne pas examiner les autres motifs d’irrecevabilité invoqués par l’État partie.

Le Comité décide donc que :

a)La communication est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif au motif que l’auteure n’a pas la qualité de victime et ne soumet pas de réclamation au nom de personnes qui ont consenti à ce qu’elles soient présentées en leur nom ;

b)La présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure.