Observations finales concernant le quatrième rapport périodique des Émirats arabes unis *

Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique des Émirats arabes unis (CEDAW/C/ARE/4) à ses 1891e et 1893e séances (CEDAW/C/SR.1891 et CEDAW/C/SR.1893), les 21 et 22 juin 2022. La liste des points et questions soulevés par le groupe de travail de présession figure dans le document CEDAW/C/ARE/Q/4 et les réponses des Émirats arabes unis dans le document CEDAW/C/ARE/RQ/4.

A.Introduction

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir soumis en temps voulu son quatrième rapport périodique. Il remercie également l’État partie pour les réponses que celui-ci a communiquées par écrit à la liste des points et questions soulevés par le groupe de travail de présession sur le rapport. Il remercie l’État partie pour l’exposé oral de sa délégation et les éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions posées oralement par le Comité au cours du dialogue.

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation de haut niveau, conduite par Hessa bint Essa Buhumaid, Ministre du développement local, et composée de représentants du Ministère des ressources humaines et de l’émiratisation, du Ministère de l’éducation, du Ministère de la justice, du Ministère de la santé et de la prévention, du Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale, du Ministère de l’intérieur, de l’Autorité fédérale pour l’identité, la citoyenneté, les douanes et la sûreté portuaire, du Conseil national fédéral, de l’Union générale des femmes, du Conseil pour l’équilibre entre les genres, du Conseil Supérieur de la mère et de l’enfance, Centre de refuge et d’aide humanitaire d’Abou Dhabi et de la Mission permanente des Émirats arabes unis auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité constate avec satisfaction les progrès accomplis depuis l’examen auquel il a procédé en 2015 du rapport valant deuxième et troisième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/ARE/2-3), en ce qui concerne la réforme législative, et relève en particulier l’adoption des textes suivants :

a)Loi fédérale no 10 de 2019, renforçant les protections contre la violence domestique ;

b)Modification de 2016 du Code pénal fédéral de 1987, supprimant le paragraphe 1 de l’article 53, qui autorisait le mari à commettre des actes de violence, en guise de punition, contre sa femme ;

c)Modification de 2020 du Code pénal fédéral de 1987, abrogeant l’article 334 qui prévoyait des peines clémentes dans les cas de « crimes d’honneur » ;

d)Décret-loi fédéral no 15 de 2020, modifiant l’article 356 du Code pénal et supprimant l’infraction d’actes indécents consentis (zina) ;

e)Modification de 2017 de la loi fédérale no 17 de 1972, élargissant les droits des mères émiriennes à transmettre leur nationalité à leurs enfants ;

f)Décret-loi fédéral no 6 de 2020, modifiant la loi fédérale no 8 de 1980, qui vise à éliminer la discrimination sur le lieu de travail à l’égard des femmes et la violence fondée sur le genre, en particulier le harcèlement sexuel, élargit l’accès des femmes à l’emploi, établit le principe de l’égalité du salaire pour un travail de valeur égale, y compris pour un travail équivalent de valeur égale, et oblige les employeurs du secteur privé à accorder un congé parental payé ;

g)Loi fédérale no 10 de 2017, décision du Conseil des ministres no 22 de 2019 et décisions no 765 et 766 de 2015 du Ministère des ressources humaines et de l’émiratisation, offrant des garanties aux travailleurs migrants et domestiques, en particulier les femmes, et levant certaines restrictions à leur emploi ;

h)Décision no 3 de 2020 du Président du Conseil d’administration de l’Autorité des valeurs mobilières et des produits de base, imposant aux entreprises cotées en bourse de nommer au moins une femme dans leur conseil d’administration ;

i)Décret-loi fédéral no 13 de 2018, modifiant le décret-loi fédéral no 3 de 1983, le but étant d’assurer l’égalité des genres dans le système judiciaire ;

j)Directive du cheikh Khalifa bin Zayed Al Nahyan, défunt Président des Émirats arabes unis, disposant que les femmes émiriennes doivent occuper 50 % des sièges du Conseil national fédéral.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, notamment l’adoption ou la mise en place de ce qui suit :

a)Le Comité national sur les objectifs de développement durable, par le décret ministériel no 14 de 2017 ;

b)L’Initiative Sheikha Fatima bint Mubarak en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité, en 2019, et le premier plan d’action national sur la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité relative aux femmes, à la paix et à la sécurité, en 2021.

Le Comité se félicite qu’en 2016, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a adhéré au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Le Comité se félicite également du soutien financier que l’État partie a apporté au fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour la lutte contre les formes contemporaines d’esclavage et de la poursuite du fonctionnement du Fonds d’aide aux victimes de la traite des personnes, créé conformément à la décision no 32/7 du Comité national (2014).

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et préconise le respect de l’égalité des genres en droit (de jure) et dans les faits (de facto), conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il souligne l’importance de l’objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d’égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l’État partie à reconnaître le rôle moteur joué par les femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Conseil national fédéral

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite le Conseil national fédéral, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Réserves

Le Comité accueille avec satisfaction l’information selon laquelle l’État partie examine la possibilité de retirer ses réserves aux articles 2 f), 9, 15 2), 16 et 29 1) de la Convention ou d’en réduire la portée et crée à cette fin un groupe de travail, sous la présidence du Ministère des relations extérieures et de la coopération internationale. Il est toutefois préoccupé par le fait qu’aucune de ces réserves, qui constituent un obstacle à la mise en œuvre de la Convention dans son intégralité, n’a été retirée jusqu’à présent et qu’aucun calendrier n’a été fixé pour ce retrait.

Le Comité rappelle à l’État partie que les réserves aux articles 2 et 16 sont incompatibles avec l’objet et le but de la Convention (voir la déclaration du Comité relative aux réserves, adoptée à la quatre-vingt-dixième session en 1998). Il renouvelle ses observations finales précédentes ( CEDAW/C/ARE/CO/1 , par. 17, et CEDAW/C/ARE/CO/2-3 , par. 10), à savoir que l’État partie réduise la portée de ses réserves à la Convention en vue de les retirer complètement. Ce faisant, l’État partie devrait tenir compte des pratiques de pays au contexte culturel et à l’ordonnancement juridique similaires qui ont réussi à aligner leur législation nationale sur leurs obligations internationales dans le domaine des droits humains, en particulier celles prévues par la Convention. Le Comité recommande également à l’État partie d’assurer la consultation de la société civile, en particulier des organisations féminines, sur ce processus.

Statut juridique de la Convention

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie en ce qui concerne le statut de la Convention dans son contexte juridique interne. Il regrette toutefois que la Convention n’ait toujours pas préséance sur la législation nationale. Il regrette les mesures limitées prises par l’État partie pour incorporer les dispositions de la Convention dans la législation interne.

Le Comité rappelle ses observations finales précédentes ( CEDAW/C/ARE/CO/1 , par. 13 et par. 12) selon lesquelles l’État partie devrait assurer la primauté de la Convention sur la législation interne, et recommande à l’État partie d’accélérer l’incorporation des dispositions de la Convention dans sa législation interne afin de les rendre directement applicables dans les tribunaux nationaux.

Définition de l’égalité et de la non-discrimination

Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré ses précédentes observations finales (CEDAW/C/ARE/CO/1, par. 15, et CEDAW/C/ARE/CO/2-3, par. 14), il n’existe toujours pas de législation complète consacrant le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’État partie. Il est également préoccupé par le maintien de dispositions discriminatoires dans la législation de l’État partie, telles que le concept de tutelle masculine, et l’inégalité des droits entre les femmes et les hommes en ce qui concerne le mariage, la garde des enfants, le divorce et l’héritage, comme le stipule la loi relative au statut personnel.

Le Comité recommande à l’État partie d’incorporer intégralement et sans plus tarder le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes dans sa législation, conformément à l’engagement qu’il a pris au cours du deuxième cycle de l’Examen périodique universel ( A/HRC/23/13 , par. 128.85). Le Comité recommande à l’État partie d’abroger en priorité toutes les dispositions juridiques qui restent discriminatoires à l’égard des femmes, y compris celles de la loi relative au statut personnel.

Accès des femmes à la justice

Le Comité note avec inquiétude que l’accès des femmes et des filles à la justice, y compris à des recours judiciaires efficaces, peut être limité par des dispositions juridiques vagues laissant un large pouvoir discrétionnaire aux juges, par exemple en ce qui concerne l’interdiction de la violence domestique. Le Comité est également préoccupé par le fait que les obstacles financiers et non financiers à l’accès à la justice vont à l’encontre des récentes réformes du système de justice pénale, de la loi relative au statut personnel et du cadre réglementaire relatif à l’emploi, en particulier dans les zones défavorisées sur le plan socioéconomique.

Conformément à sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, et à l’engagement pris par l’État partie de veiller à ce que les femmes aient pleinement accès à la justice, obtiennent une capacité juridique égale et soient traitées sur pied d’égalité en justice (voir A/HRC/23/13 , par. 128.81), le Comité recommande à l’État partie de supprimer tous les obstacles financiers et non financiers à l’accès des femmes à la justice, notamment en adoptant une réglementation auxiliaire visant à limiter le pouvoir discrétionnaire des juges, en particulier dans les cas de violence domestique, afin de permettre aux femmes de bénéficier des récentes réformes juridiques relatives au droit pénal et au droit de la famille (loi fédérale n o 10 de 2019 et décret-loi fédéral n o 5 de 2020), et en instaurant des politiques axées sur les services en vue d’offrir des recours et une assistance aux femmes et aux mineurs victimes de violence domestique.

Institution nationale pour la promotion et la protection des droits humains

Le Comité se félicite de la création par l’État partie d’une institution nationale pour la promotion et la protection des droits humains et attend avec intérêt l’accréditation de l’institution conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Le Comité encourage en outre l’État partie à veiller à ce que l’institution nationale pour la promotion et la protection des droits humains soit dotée d’un mécanisme indépendant de plaintes pour permettre aux femmes de signaler les violations de leurs droits humains.

Le Comité recommande à l’État partie de continuer à renforcer son institution nationale pour la promotion et la protection des droits humains, en vue d’obtenir son accréditation conformément aux Principes de Paris, et conformément aux engagements pris au cours du troisième cycle de l’Examen périodique universel (voir A/HRC/38/14 , par. 141.82). Il recommande également à l’État partie de s’assurer que cette institution soit dotée d’un mandat spécifique en matière de droits des femmes et d’égalité des genres, et d’un mécanisme efficace pour recevoir et traiter les plaintes des femmes et des filles qui signalent des violations de leurs droits (voir CEDAW/C/ARE/CO/1 , par. 21 et par. 18).

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité note avec préoccupation le manque d’informations sur l’étude d’impact de la de la stratégie nationale d’autonomisation des femmes émiriennes (2015-2021), y compris la participation de la société civile à son élaboration, et sur le renouvellement de la stratégie nationale à partir de 2022. Il note également avec préoccupation l’absence d’informations sur le cadre juridique définissant le mandat et la compétence de l’Union générale des femmes en tant que mécanisme national de promotion des femmes dans l’État partie et sa coordination avec les ministères et les organisations de femmes concernés, ainsi que sur les ressources humaines, techniques et financières allouées à ce mécanisme.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Réaliser une évaluation globale de l’incidence de la stratégie nationale d’autonomisation des femmes émiriennes (2015-2021), et veiller à ce que toute stratégie ultérieure contienne des mesures, des indicateurs et des objectifs assortis de délais, ainsi qu’un cadre de suivi adéquat ;

b) Fournir dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur l’Union générale des femmes, notamment sur le cadre juridique définissant son mandat et sa compétence en tant que mécanisme national de promotion des femmes dans l’État partie et régissant sa coordination avec les ministères et les organisations de femmes concernés, ainsi que sur les ressources humaines, techniques et financières allouées à ce mécanisme.

Organisations féminines de la société civile

Le Comité note avec préoccupation le manque d’informations sur le rôle des femmes dans la société civile, en particulier sur le nombre d’organisations féminines de la société civile qui défendent les droits humains des femmes et l’égalité des genres dans l’État partie, ainsi que sur les restrictions relatives à leur liberté d’expression et à leur liberté d’association.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/ARE/CO/1 , par. 31 et par. 20), le Comité recommande à l’État partie de créer et de garantir un environnement porteur, permettant aux associations féminines de la société civile et aux organisations non gouvernementales féminines qui défendent les droits humains des femmes et œuvrent pour l’égalité des genres puissent fonctionner de manière indépendante et participer utilement à l’élaboration des lois et des politiques, notamment en mettant en place des programmes de renforcement des capacités, en leur apportant un soutien technique et financier, et en les faisant participer vraiment à la prise de décisions dans tous les domaines visés par la Convention.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité prend note des progrès réalisés par l’État partie en ce qui concerne l’augmentation de la proportion de femmes aux postes de décision et de l’adoption de lois visant à assurer la représentation des femmes dans le système judiciaire, au Conseil national fédéral et dans les conseils d’administration des sociétés cotées. Il est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur les mesures temporaires spéciales visant à accroître le nombre de femmes dans le système judiciaire, en particulier au niveau fédéral. Il est également préoccupé par le fait qu’en l’absence de mesures temporaires spéciales, les femmes et les filles bédouines, apatrides et migrantes, les femmes et les filles handicapées, les femmes et les filles vivant dans des zones reculées, les femmes âgées, et les femmes et les filles victimes de violences continuent de se heurter à de nombreux obstacles pour exercer pleinement leurs droits. Il est en outre préoccupé par le fait que le caractère non discriminatoire des mesures temporaires spéciales est mal compris dans l’État partie.

Le Comité recommande que l’État partie adopte et mette effectivement en œuvre des mesures temporaires spéciales, conformément au premier paragraphe de l’article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, notamment des objectifs et des quotas assortis de délais dans les secteurs public et privé, pour accélérer la réalisation de l’égalité de fait ou l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans les domaines dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, y compris dans la vie politique et publique et en matière d’emploi. Il lui recommande, dans la mise en œuvre des mesures temporaires spéciales, d’accorder une attention particulière à l’octroi de pensions de retraite et à la fourniture de services aux femmes âgées, ainsi qu’à la fourniture de services aux femmes et aux filles bédouines, apatrides et migrantes, aux femmes et aux filles handicapées, aux femmes et aux filles vivant dans des zones reculées, et aux femmes et aux filles victimes de violences.

Stéréotypes fondés sur le genre

Le Comité prend note de l’engagement de l’État partie de modifier les profils socioculturels et les attitudes patriarcales discriminatoires à l’égard des femmes dans la société, notamment par la mise en œuvre de politiques nationales à cet effet, mais reste préoccupé par le fait que l’État partie conserve des stéréotypes discriminatoires en ce qui concerne le rôle des femmes et des hommes dans la société et dans la famille, en attribuant principalement aux femmes les rôles de mères et de femmes au foyer et en ne les considérant pas comme des titulaires de droits à part entière, notamment par la perpétuation des rôles de genre stéréotypés en se servant du « tissu social » comme prétexte. Le Comité s’inquiète aussi des nombreuses dispositions contenues dans la législation de l’État partie qui soulignent la subordination des femmes à leur époux et aux autres membres masculins de la famille et privent les femmes et les filles de leur capacité d’agir en toute liberté.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les stratégies visant à éliminer les stéréotypes discriminatoires relatifs aux rôles et aux responsabilités des femmes et des hommes dans la société et dans la famille prennent en compte et mettent en valeur les droits des femmes et des filles et leur possibilité de développer leurs capacités personnelles et de choisir en toute liberté leur vie et leurs projets de vie. Ces stratégies devraient être élaborées en collaboration avec la société civile et les médias, et devraient consister en partie en des campagnes d’éducation et de sensibilisation du public aux incidences négatives des stéréotypes discriminatoires sur l’exercice de leurs droits humains par les femmes, associés comme ils le sont aux rôles de genre traditionnels dans la famille et dans la société. Elles devraient cibler les femmes et les hommes, ainsi que les filles et les garçons.

Pratiques préjudiciables

Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas de données complètes sur l’ampleur du phénomène des mutilations génitales féminines dans l’État partie et qu’aucune loi n’incrimine expressément cette pratique préjudiciable. Il prend note de la réponse de la délégation selon laquelle les mutilations génitales féminines n’ont plus cours dans l’État partie, mais s’inquiète toujours de ce que le fait qu’aucune donnée complète ne soit recueillie pour étayer les mesures proactives visant à lutter contre les mutilations génitales féminines pourrait entraîner une nouvelle augmentation de cette pratique préjudiciable et sa légitimation sociale.

Conformément à la recommandation générale n o 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et l’observation générale n o 18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, adoptées conjointement (2019), et à la cible 5.3 des objectifs de développement durable, éliminer toutes les pratiques préjudiciables, telles que le mariage des enfants, le mariage précoce ou forcé et la mutilation génitale féminine, le Comité recommande à l’État partie d’adopter une loi visant à ériger expressément en infraction les mutilations génitales féminines, de poursuivre et de punir comme il se doit ceux qui les pratiquent ou en facilitent la pratique conformément aux dispositions pénales applicables, et de recueillir systématiquement des données afin d’étayer une approche solide et fondée sur des données probantes pour éliminer cette pratique préjudiciable. Il lui recommande de mener des campagnes de sensibilisation et d’éducation afin de faire comprendre le caractère criminel des mutilations génitales féminines et la nécessité de les éradiquer, en particulier auprès du personnel médical, des parents, des responsables locaux, des religieux, des hommes et des garçons.

Le Comité se félicite que l’État partie s’efforce de lutter contre le mariage d’enfants, notamment par l’adoption du décret-loi fédéral no 8 de 2019, modifiant la loi fédérale no 28 de 2005, qui fixe l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les femmes et les hommes. Toutefois, il note avec préoccupation que l’article 30 nouvellement modifié de la loi fédérale no 28 prévoit toujours des exceptions à l’âge minimum de 18 ans dans les cas où l’enfant est considéré comme ayant atteint la « maturité », et où l’union potentielle satisfait à un certain nombre de critères, notamment l’adéquation de la différence d’âge et la capacité du marié de fournir un soutien domestique et financier adéquat après le mariage, tel que déterminé par une commission créée à cette fin, sur la base des directives fournies par le Conseil des ministres dans sa décision no 71 de 2020.

Le Comité recommande à l’État partie de modifier l’article 30 de la loi fédérale n o 28 de 2005 afin d’abroger toutes les exceptions à l’âge minimum du mariage fixé à 18 ans pour les femmes et les hommes, conformément à la recommandation générale conjointe n o 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, à l’observation générale n o 18 du Comité des droits de l’enfant et à la cible 5.3 des objectifs de développement durable. Il recommande également à l’État partie d’adopter une législation incriminant expressément les tuteurs et les officiants qui célèbrent des mariages d’enfants ou en facilitent la célébration, et de mettre en place des programmes de renforcement des capacités pour les magistrats sur le caractère criminel et les effets préjudiciables des mariages d’enfants sur l’éducation, les droits humains et le développement des filles.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité salue les progrès accomplis par l’État partie dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, notamment l’adoption de la loi fédérale no 10 de 2019 et de la politique de protection de la famille qui l’accompagne, qui incriminent et incluent une vaste définition de la violence domestique. Toutefois, il constate avec préoccupation que la loi fédérale no 10 (2019) donne toujours une large discrétion aux juges pour ce qui est de déterminer qu’un acte de violence fondée sur le genre est licite compte tenu des droits que l’auteur a en tant que tuteur. Le Comité constate également avec préoccupation que l’article 10 de la loi, qui préconise la médiation avant l’engagement de poursuites, peut donner lieu à l’impunité pour les actes de violence domestique et part du principe que les deux parties ont le même pouvoir de négociation. Il note en outre avec inquiétude que la loi ne réglemente pas les modalités de fonctionnement des refuges qui accueillent des femmes victimes de violence fondée sur le genre. Le Comité est préoccupé par l’augmentation des cas de violence domestique pendant la pandémie de COVID-19 et par les difficultés d’accès aux refuges qui en découlent, tant du point de vue de la protection que de la santé publique.

Le Comité recommande à l’État partie de modifier les dispositions de la loi fédérale n o 10 de 2019 qui permettent d’invoquer l’autorité exercée par l’auteur sur une victime pour justifier des actes de violence domestique et de prévoir une médiation dans les affaires de violence domestique. Il recommande également à l’État partie de donner la priorité à l’engagement de poursuites plutôt qu’à la médiation et d’adopter une réglementation auxiliaire relative aux modalités de fonctionnement des refuges qui accueillent des femmes victimes de violence fondée sur le genre.

Le Comité se félicite que l’État partie ait abrogé l’article 334 du Code pénal, qui prévoyait des peines clémentes dans les affaires de crimes « d’honneur ». Toutefois, il constate toujours avec préoccupation que des peines clémentes peuvent encore être imposées aux auteurs de « crimes d’honneur », sur la base de l’article 332 (par. 3), qui prévoit une peine minimale d’un an dans les cas où la famille de la victime d’un meurtre accepte le versement de la diya.

Le Comité recommande à l’État partie d’abroger l’article 332 (par. 3) du Code pénal fédéral afin que les auteurs de crimes dits « d’honneur » soient condamnés à des peines proportionnées à la gravité du crime. Il lui recommande également de s’intéresser à la pratique du versement de la diya, afin de s’assurer qu’elle n’entraîne pas l’impunité des auteurs d’actes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre.

Traite et exploitation sexuelle

Le Comité prend note de ce que l’État partie fait pour lutter contre la traite des êtres humains et des modifications apportées en 2012 et 2015 à la loi fédérale no 51 de 2006, qui prévoient une large définition de l’« exploitation » afin de couvrir l’exploitation sexuelle, le travail forcé, la servitude, l’asservissement et les pratiques de quasi-esclavage. Toutefois, il constate avec inquiétude que les femmes victimes de la traite sont parfois condamnées à des amendes pour violation des lois sur l’immigration et doivent s’acquitter de frais de dépassement de séjour, y compris lorsqu’elles n’ont pas pu quitter le pays parce que les trafiquants leur ont retiré leur passeport, ou sont empêchées de revenir sur le territoire. Le Comité est préoccupé par le manque de données sur le nombre de poursuites et de déclarations de culpabilité dans les affaires de traite de femmes et de filles et par l’absence d’information sur un plan national d’action contre la traite des êtres humains. Le Comité est également préoccupé par les lacunes dans la protection juridique en raison de l’application inégale de la loi fédérale no 51 de 2006.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les femmes et les filles victimes de la traite ne soient pas condamnées à payer une amende pour avoir enfreint les lois sur l’immigration, à s’acquitter de frais de dépassement de séjour ou à se voir interdire de rentrer à nouveau sur le territoire de l’État partie. Il lui recommande également de combler les lacunes en matière de protection dans la législation qui incrimine la traite ; d’accorder des permis de séjour temporaires aux femmes et aux filles victimes de la traite, indépendamment de leur capacité ou de leur volonté de coopérer avec les autorités chargées des poursuites ; de renforcer les mesures de soutien aux victimes, notamment en fournissant une assistance juridique et psychosociale, ainsi que des programmes de réhabilitation ; d’adopter et de mettre en œuvre un plan national d’action contre la traite des êtres humains, y compris des mesures de protection des femmes et des enfants ; et de recueillir des données complètes sur le nombre de poursuites et de déclarations de culpabilité dans les affaires de traite.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité se félicite que l’État partie ait atteint la parité hommes-femmes au sein de son Conseil national fédéral et que le taux de représentation des femmes dans le corps diplomatique de l’État partie soit passé à 30 %. Il note toutefois avec inquiétude que le nombre de femmes occupant des postes de ministres et d’ambassadeurs reste faible, avec respectivement neuf et sept postes occupés par des femmes. Le Comité prend note de la représentation croissante des femmes dans le système judiciaire et des récentes mesures que l’État partie a prises pour promouvoir la nomination des femmes aux postes de juges fédéraux. Toutefois, il est préoccupé par le manque d’informations sur le nombre de femmes dans les services d’urgence et les services de sécurité, tels que les forces de police.

Le Comité recommande à l’État partie de continuer à accroître la représentation des femmes au sein du pouvoir législatif et du corps diplomatique et de mettre en place des mécanismes visant à accroître la représentation des femmes aux postes de direction et d’encadrement, notamment en adoptant des mesures spéciales pour promouvoir l’accès des femmes aux postes de ministre, d’ambassadeur et autres postes à responsabilité dans la fonction publique, y compris des procédures de sélection ciblées et des quotas dans les listes de nomination. Il recommande également à l’État partie de financer des campagnes et d’organiser des programmes de renforcement des capacités en matière de leadership et de conduite de campagnes politiques à l’intention des femmes candidates et des femmes politiques. Il recommande en outre à l’État partie d’adopter des mesures ciblées, y compris de recrutement préférentiel de femmes, pour accroître le nombre de femmes dans le système judiciaire, notamment aux postes de juges fédéraux, et dans les services nationaux d’urgence et de sécurité, y compris les forces de police.

Nationalité

Le Comité prend note du décret-loi fédéral no 16 de 2017, modifiant la loi fédérale no 17 de 1972, qui permet aux Émiriennes de transmettre leur nationalité aux enfants nés de pères non émiriens après une période de six ans à compter de la naissance, sauf dans les cas où le père est apatride ou inconnu, où la nationalité est acquise à la naissance. Toutefois, le Comité note avec inquiétude la différence de traitement entre ces enfants et ceux nés d’hommes émiriens, qui acquièrent la nationalité à la naissance. Il constate également avec inquiétude que la transmission de la nationalité à une femme en application du décret-loi no 16 de 2017 n’est ni automatique ni non discrétionnaire et que les Émiriennes, contrairement aux hommes, ne peuvent pas transmettre leur nationalité à un conjoint étranger. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que le décret-loi a pour effet d’exposer les enfants d’Émiriennes à un risque accru d’apatridie, que des enfants nés de pères émiriens n’acquièrent pas la nationalité de l’État partie s’ils sont nés hors mariage, et que les enfants de parents apatrides n’ont pas la possibilité d’acquérir la nationalité émirienne. En outre, le Comité s’inquiète de ce que, malgré des tests ADN qui prouvent la paternité du père, les enfants nés hors mariage ne peuvent obtenir de documents d’identité officiels ni la nationalité, car il faut présenter un certificat de mariage valide pour obtenir un certificat de naissance. Le Comité est préoccupé par l’absence d’information sur le nombre de filles et de garçons apatrides dans l’État partie.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/ARE/CO/1 , par. 33 et 36), le Comité recommande à l’État partie d’accorder aux Émiriennes les mêmes droits qu’aux Émiriens d’acquérir, de changer et de conserver leur nationalité et de la transmettre à leurs enfants et à leurs conjoints étrangers. À cet égard, il recommande à l’État partie de réviser sa législation, de retirer sa réserve à l’article 9 de la Convention et de ratifier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son protocole de 1967, la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie. Le Comité recommande également à l’État partie de régulariser la situation des femmes et des filles apatrides et de garantir leur droit à une nationalité, d’abroger les dispositions qui subordonnent la délivrance d’un certificat de naissance à la présentation d’un certificat de mariage valide, et de recueillir des données ventilées par sexe et par âge sur le nombre d’apatrides dans l’État partie.

Éducation

Le Comité prend note du grand nombre de femmes et de filles inscrites dans des universités publiques et privées, notamment en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques. Il prend note également des progrès que l’État partie a accomplis pour assurer une éducation inclusive aux femmes et aux filles handicapées. Le Comité reste toutefois préoccupé par l’accès limité des filles apatrides et migrantes à l’éducation et à des programmes de soutien scolaire.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour faire en sorte que les filles apatrides et migrantes aient accès à l’éducation et à des programmes de soutien scolaire, dans des conditions d’égalité avec les ressortissants émiriens, notamment en envisageant l’adoption et l’application effective de mesures temporaires spéciales, conformément à l’article 4 (par. 1) de la Convention et à la recommandation générale n o 25 du Comité, y compris des objectifs et des quotas assortis de délais visant à parvenir à une égalité de fait ou réelle pour les filles migrantes et apatrides.

Emploi

Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises pour abroger ou modifier les dispositions qui étaient discriminatoires à l’égard des femmes et limitaient leur accès au marché du travail, et pour étendre leurs droits en matière de travail, notamment la loi fédérale no 10 de 2017, le décret-loi fédéral no 6 de 2019, la loi fédérale no 4 de 2019, le décret-loi fédéral no 6 de 2020 et le décret-loi fédéral no 33 de 2021. Le Comité regrette toutefois que ces mesures législatives ne parviennent pas à interdire expressément la discrimination fondée sur le sexe au travail, notamment en ce qui concerne les possibilités d’emploi, la formation professionnelle, les promotions ou rétrogradations et les licenciements. Le Comité constate que l’État partie n’a pas adhéré à un certain nombre de conventions internationales du travail, qui protègent les droits des femmes en matière de travail ou ne les a pas ratifiées.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une loi interdisant expressément la discrimination fondée sur le sexe, notamment en ce qui concerne les possibilités d’emploi, la formation professionnelle, les promotions ou rétrogradations et les licenciements, et de former les forces de l’ordre à l’application des normes des Nations Unies relatives à la lutte contre toutes les formes de discrimination fondée sur le sexe sur le lieu de travail et dans le domaine de l’emploi. Il recommande également à l’État partie de ratifier les conventions suivantes de l’Organisation internationale du Travail (OIT )  : Convention de 1964 sur la politique de l’emploi (n o 122 )  ; Convention de 2000 sur la protection de la maternité (n o 183 )  ; Convention de 1981 sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales (n o 156 )  ; Convention de 1996 sur le travail à domicile ( n o 177 )  ; Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o 189 )  ; Convention de 2019 sur la violence et le harcèlement (n o 190). Le Comité recommande en outre à l’État partie d’ériger expressément en infraction le harcèlement sexuel au moyen d’une loi spécialisée, en veillant à ce que la définition inclue les auteurs qui n’occupent pas de postes d’autorité et en faisant référence à des facteurs aggravants particuliers.

Employées de maison migrantes

Le Comité se félicite que la loi fédérale no 10 de 2017 réglemente les heures de travail, les jours de repos, les congés annuels et les congés de maladie des domestiques migrants et que la décision du Conseil des ministres no 22 de 2019 prévoit des règlements d’application de la loi, notamment des obligations et des exigences en matière d’agrément pour les agences de recrutement, et définit les heures de travail et des normes de santé et de sécurité professionnelles. Le Comité prend note des décisions no 765 et no 766 de 2015 du Ministère des ressources humaines et de l’émiratisation, qui suppriment les restrictions imposées aux domestiques pour changer d’emploi. Toutefois, le Comité note avec préoccupation que les domestiques migrants qui quittent leur emploi sont tenus de rembourser à leurs parrains un mois de salaire en plus de l’indemnité fixée par le tribunal au titre de l’article 23 (par. 3) de la loi fédérale no 10 (2017). Il est également préoccupé par le fait que le maintien du système de kafala place les domestiques migrantes dans une situation de dépendance économique et juridique vis-à-vis de leur employeur et les expose à un risque élevé d’abus, notamment de violences sexuelles et d’horaires de travail excessifs, ainsi qu’à une privation de liberté du fait que les employeurs continuent de confisquer les passeports.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures suivantes  :

a) Abolir le système de kafala et les pratiques similaires, et veiller à ce que les politiques et mesures de protection des travailleurs étrangers soient pleinement appliquées, en garantissant que ceux qui sont victimes d’abus ou d’exploitation puissent accéder pleinement à des recours appropriés  ;

b) Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o 189) de l’OIT  ;

c) Intensifier les campagnes visant à informer les domestiques migrantes et leurs employeurs des droits de ces travailleuses, en particulier les droits que leur reconnaît la nouvelle loi, des recours juridiques existants et des refuges disponibles, afin qu’elles puissent porter plainte en cas de conditions de travail abusives  ;

d) Punir comme il se doit les employeurs abusifs, faire scrupuleusement appliquer l’interdiction de la confiscation des passeports et procéder à des inspections du travail régulières dans les ménages privés où sont employées des migrantes comme domestiques  ;

e) Interdire aux employeurs d’exiger des travailleurs migrants le remboursement des frais liés à leur recrutement ou le remboursement d’un mois de salaire lorsqu’ils quittent leur emploi, en plus de l’indemnité fixée par le tribunal, lorsque le contrat initial de ces travailleurs est terminé  ;

f) Renforcer la coopération internationale et l’échange d’informations avec les pays d’origine.

Santé

Le Comité constate avec préoccupation que, dans l’État partie, les femmes sans certificat de mariage et les filles ne peuvent pas avoir accès à certains services de santé sexuelle et procréative dans des hôpitaux publics et privés. Il constate également le manque d’informations sur l’éducation scolaire adaptée à l’âge des enfants en matière de santé sexuelle et reproductive et droits connexes, notamment sur les comportements sexuels responsables, et la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que toutes les femmes aient accès à des services de santé sexuelle et procréative, quelle que soit leur situation matrimoniale, de même que les filles. Il lui recommande également d’intégrer dans les programmes scolaires à tous les niveaux une éducation adaptée à l’âge sur la santé sexuelle et reproductive et les droits connexes, notamment sur les comportements sexuels responsables, et la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles.

Le Comité constate avec inquiétude que l’avortement n’est pas légal, sauf en cas de menace pour la vie de la femme enceinte ou lorsqu’il est démontré que le fœtus présente une anomalie grave et incurable, et que les médecins ont toute latitude pour refuser de pratiquer l’avortement en pareils cas. Il s’inquiète également du fait que les femmes qui se font avorter s’exposent à des sanctions pénales, y compris en cas de viol et de consanguinité. Le Comité constate également avec préoccupation que les femmes qui se font soigner à l’hôpital pour des fausses couches s’exposent à des poursuites judiciaires lorsque le personnel hospitalier les soupçonne d’avoir tenté de recourir à des services d’avortement, surtout dans les cas de grossesses hors mariage.

Rappelant ses précédentes observations finales [ par. 42 a) ] , et le Comité réaffirme que l’avortement pratiqué dans des conditions dangereuses est l’une des principales causes de mortalité et de morbidité maternelles. Il recommande à l’État partie de légaliser l’avortement au moins en cas de viol, d’inceste ou de menace pour la santé de la femme enceinte et de malformation grave du fœtus et de le dépénaliser dans tous les autres cas, de permettre aux femmes d’avoir accès à des services sûrs après avortement, en particulier en cas de complications résultant d’avortements pratiqués dans des conditions dangereuses ou de fausses couches, et de supprimer les mesures punitives à l’égard des femmes qui font une fausse couche.

Groupes de femmes défavorisés

Le Comité se déclare préoccupé par les formes croisées de discrimination auxquelles se heurtent les femmes bédouines et les femmes vivant dans des zones reculées, notamment pour ce qui est de l’accès aux services et à la justice, et par les pratiques préjudiciables auxquelles elles sont exposées, telles que les mutilations génitales féminines et le mariage d’enfants.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour que toutes les femmes exposées à des formes de discrimination croisée, y compris les femmes bédouines et les femmes vivant dans des zones reculées, puissent exercer pleinement tous les droits énoncés dans la Convention, et que des campagnes d’éducation et de sensibilisation ciblées visant à éliminer les pratiques préjudiciables dans les communautés bédouines et celles appliquées à l’encontre des femmes vivant dans des zones reculées, soient menées, en particulier auprès du personnel médical, des parents, des responsables locaux, des religieux, des hommes et des garçons.

Mariage et liens familiaux

Le Comité prend note de l’explication donnée par l’État partie selon laquelle la pratique du mahr (dot) ne transforme pas les femmes en marchandises. Le Comité note toutefois avec préoccupation que de nombreuses dispositions de la loi sur le statut personnel qui sont discriminatoires à l’égard des femmes et des filles continuent d’être appliquées. Il est particulièrement préoccupé par le maintien de jure du système de tutelle masculine pour les femmes et les filles, l’obligation de faire valider un contrat de mariage par un tuteur masculin plutôt que par la justice, la pratique répandue de la polygamie et les motifs limités dont disposent les femmes pour réclamer le divorce, alors que les hommes sont libres de demander unilatéralement le divorce pour n’importe quelle raison. Le Comité reste préoccupé par le fait que les femmes divorcées perdent la garde de leurs filles lorsque celles-ci atteignent l’âge de 13 ans et de leurs fils lorsqu’ils atteignent l’âge de 11 ans, ou avant cet âge si elles se remarient.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/ARE/CO/1 , par. 48 et 46), le Comité recommande à l’État partie de retirer sa réserve à l’article 16 de la Convention et de procéder à un examen complet de sa loi sur le statut personnel, en tenant compte de l’expérience d’autres pays ayant un contexte culturel et des normes juridiques comparables, afin d’accorder aux femmes les mêmes droits que les hommes en ce qui concerne le mariage, les rapports familiaux et le divorce, ainsi que les biens et la garde des enfants. Il recommande à l’État partie de décourager et de faire disparaître la polygamie, conformément aux recommandations générales du Comité n o 21 (1994) sur l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux et n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution.

Collecte et analyse des données

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie dans son rapport, dans ses réponses à la liste de points et dans le cadre de son dialogue, mais regrette que les données ventilées par sexe soient insuffisantes pour permettre un suivi correct dans tous les domaines couverts par la Convention.

Le Comité encourage l’État partie à poursuivre ses efforts en vue de mettre en place un système pour la collecte régulière de données statistiques ventilées par sexe sur tous les domaines couverts par la Convention.

Protocole facultatif à la Convention et amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la durée des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l’État partie de faire usage de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing dans ses initiatives visant à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité demande que la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030 se fasse dans le respect d’une véritable égalité des sexes, conformément aux dispositions de la Convention.

Diffusion

Le Comité rappelle l’obligation qu’a l’État partie d’appliquer de façon systématique et continue les dispositions de la Convention. Il encourage vivement l’État partie à accorder une attention prioritaire à l’application des présentes observations finales et recommandations d’ici à la présentation du prochain rapport périodique. Le Comité prie donc l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la langue officielle de l’État partie aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Conseil national fédéral et au corps judiciaire, afin d’en permettre la pleine application. Il encourage l’État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes, comme les associations d’employeurs, les syndicats, les organisations de défense des droits humains, les organisations féminines, les universités, les établissements de recherche et les médias. Il recommande que les présentes observations finales soient diffusées sous une forme appropriée au niveau des collectivités locales afin d’en permettre l’application. En outre, le Comité prie l’État partie de continuer à diffuser la Convention, le Protocole facultatif qui lui est joint et la jurisprudence correspondante, outre les recommandations générales du Comité, à toutes les parties prenantes.

Ratification d’autres traités

Le Comité constate que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits humains contribuerait à favoriser l’exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage dès lors l’État partie à ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité demande à l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations émises aux paragraphes 31, 41 et 47  a) ci ‑ dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son cinquième rapport périodique en juillet 2026. Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu’à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).