Observations finales concernant le septième rapport périodique de l’Argentine *

Le Comité a examiné le septième rapport périodique de l’Argentine (CEDAW/C/ARG/7) à ses 1443e et 1444e séances, le 1er novembre 2016 (voir CEDAW/C/SR.1443 et 1444). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/ARG/Q/7 et les réponses de l’Argentine dans le document CEDAW/C/ARG/Q/7/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté son septième rapport périodique. Il le remercie également de ses réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par le groupe de travail d’avant session et accueille avec satisfaction l’exposé oral de sa délégation, les précisions supplémentaires apportées en réponse aux questions posées oralement par le Comité pendant l’échange de vues et les réponses écrites supplémentaires envoyées au Comité.

Le Comité rend hommage à l’État partie pour sa délégation, dirigée par Mme María Fabiana Tuñez, Présidente du Conseil national des femmes, et également composée de représentants du Ministère de la santé, du Ministère de la justice et des droits de l’homme, du Ministère des affaires étrangères et du culte, de la Cour suprême, de l’Institut national de la statistique et du recensement ainsi que de la Mission permanente de l’Argentine auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès accomplis depuis qu’il a examiné le sixième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/ARG/6) en 2010, en particulier de l’adoption des textes suivants :

a)La loi no 27.210 du 4 novembre 2015 portant création d’un corps d’avocats chargé de fournir une aide juridique aux personnes victimes d’actes de violence sexiste;

b)Le code national de procédure pénale (loi no 27.063 du 4 décembre 2014), qui réduit la durée de la procédure judiciaire et reconnaît les droits des personnes victimes d’actes de violence sexiste;

c)Le code civil et commercial national (loi no 26.994 du 1er octobre 2014), qui reconnaît la valeur économique des travaux domestiques;

d)La loi no 26.862 du 5 juin 2013 garantissant l’accès à toutes les méthodes scientifiques de procréation médicalement assistée;

e)La loi no 26.844 du 13 mars 2013 instituant un régime particulier de contrat de travail en faveur des employés de maison – ainsi que son décret d’application no 467/2014 – qui reconnaît les droits professionnels des domestiques et garantit la protection de ceux-ci;

f)La loi no 26.842 du 19 décembre 2012 régissant la prévention de la traite des personnes, sa répression et l’assistance aux victimes;

g)La loi relative à l’identité de genre (loi no 26.743 du 9 mai 2012), qui reconnaît le droit à l’identité de genre auto-perçue;

h)La décision de la Cour suprême (F., A.L. s/Medida autosatisfactiva,arrêt du 13 mars 2012) interprétant les dispositions du code pénal relatives à l’interruption légale de grossesse;

i)La loi relative au mariage égalitaire (loi no 26.618 du 15 juillet 2010), qui reconnaît aux couples du même sexe le droit au mariage en toute égalité.

Le Comité se félicite des efforts faits par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et son cadre de décision afin d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, tels que l’adoption ou la création des dispositifs suivants :

a)Le plan d’action national pour la prévention de la violence à l’égard des femmes, son élimination et l’assistance aux victimes (2017-2019);

b)Le programme national pour la petite enfance adopté en 2016 par décret no 574/2016 prévoyant la création d’établissements de garde d’enfants;

c)Le programme Justicia 2020 qui prévoit la création de centres dans lesquels les femmes appartenant à des groupes défavorisés peuvent recevoir une aide juridique sans frais, adopté en 2016;

d)La Direction des conseils, de l’appui et de la protection en faveur des victimes, qui est chargée de la protection des personnes victimes de traite et d’exploitation sexuelle, d’actes de violence sexiste et d’actes de violence institutionnelle ou d’autres formes de violence à l’égard des enfants, créée en 2014.

Le Comité se réjouit du fait que depuis l’examen de son précédent rapport, l’État partie ait ratifié les instruments internationaux et régionaux énumérés ci-après ou adhéré à ces textes :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, en 2015;

b)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2011;

c)La Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, en novembre 2014;

d)La Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189), de l’Organisation internationale du Travail, en 2014.

C.Parlement

Le Comité souligne que le rôle du pouvoir législatif est déterminant pour assurer la pleine exécution de la Convention (voir la déclaration du Comité relative à ses relations avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session en 2010). Il invite le Congrès national à prendre, conformément à son mandat, les dispositions nécessaires à la mise en œuvre des présentes observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport périodique de l’État partie au titre de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Notoriété de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité

Le Comité constate que la Convention prend le pas sur la législation nationale dans l’État partie et peut être directement appliquée par les juridictions et les autorités nationales. Il est cependant préoccupé par l’absence, en particulier aux niveaux provincial et municipal, de recours judiciaires et administratifs dans lesquels des dispositions de la Convention aient été directement invoquées et/ou appliquées. Il est également préoccupé par le fait que les dispositions de la Convention, du Protocole facultatif s’y rapportant et de ses recommandations générales ne soient pas suffisamment connues dans l’État partie, y compris des autorités publiques.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre les mesures voulues pour assurer la diffusion de la Convention, du Protocole facultatif s’y rapportant et des recommandations générales du Comité auprès de toutes les parties concernées, notamment des fonctionnaires, des membres des organes législatifs, des magistrats, des avocats, des responsables de l’application des lois et du grand public, afin de faire mieux connaître les droits des femmes dans l’État partie;

b) D’encourager les juges à tous les échelons de l’appareil judiciaire, les autorités publiques et les avocats à appliquer ou invoquer les dispositions de la Convention dans les recours judiciaires et administratifs et à prendre en considération la jurisprudence établie par le Comité dans le cadre du Protocole facultatif ainsi que ses recommandations générales;

c) De prendre des mesures pour aider les femmes à mieux connaître leurs droits et les moyens de les faire valoir, notamment en faveur de certains groupes de femmes tels que les femmes autochtones, les femmes d’ascendance africaine, les femmes vivant dans les zones rurales ou éloignées, les femmes handicapées et les femmes âgées.

Cadre législatif

Le Comité prend acte de l’adoption par l’État partie de lois essentielles visant à promouvoir l’égalité matérielle entre les femmes et les hommes. Il est cependant préoccupé par :

a)L’absence d’application concrète du cadre législatif général visant à assurer la promotion de la femme dans l’État partie, laquelle engendre une discrimination de fait à l’égard des femmes dans des domaines tels que la participation à la vie politique et publique, l’éducation, l’emploi, la santé, le logement et l’accès à la terre;

b)Les difficultés que l’État partie éprouve à exécuter la Convention sur l’ensemble de son territoire, notamment en ce qui concerne les matières relevant de la compétence des provinces telles que l’éducation et la santé.

Rappelant ses précédentes observations générales ( CEDAW/C/ARG/CO/6 , par. 12), le Comité recommande à l’État partie :

a) De rechercher les domaines dans lesquels la législation provinciale s’avère incompatible avec les obligations mises à la charge de l’État partie par la Convention, en vue de favoriser la mise en place de réformes législatives et d’un processus destinés à harmoniser les lois, surtout les lois garantissant l’accès des femmes à l’éducation et aux services de santé en toute égalité;

b) De créer des mécanismes de mise en œuvre de la responsabilité des autorités pour suivre l’effet de l’application des lois destinées à promouvoir l’égalité des sexes à tous les niveaux de compétence et d’affecter les ressources humaines, techniques et budgétaires voulues à cette application;

c) De sensibiliser les autorités publiques provinciales aux droits consacrés par la Convention et de renforcer les ressources humaines, techniques et financières affectées à l’exécution des programmes nationaux de promotion de l’égalité.

Accès à la justice et mécanismes de recours

Le Comité rend hommage à l’État partie pour la mise en place d’une section des avocats chargés des personnes victimes d’actes de violence sexiste au Ministère de la justice et des droits de l’homme (loi no 27.210 datée de novembre 2015) et se félicite de la mise en place de centres d’accès à la justice fournissant des conseils juridiques gratuits ainsi que de la création de sections spécialisées au Service public d’aide juridictionnelle qui sont chargées respectivement des mécanismes de recours et des autres mécanismes de règlement des différends. Néanmoins, il est préoccupé par les obstacles institutionnels, procéduraux et pratiques que les femmes rencontrent sur la voie de l’accès à la justice tels que :

a)Les stéréotypes discriminatoires, la partialité des juges et l’insuffisance des connaissances du corps judiciaire et de la police sur les droits des femmes;

b)Le recours à la médiation pour régler les cas de violence sexiste à l’égard des femmes;

c)L’insuffisance de l’accès à l’aide juridictionnelle et aux interprètes parlant les langues autochtones;

d)La longueur des distances à parcourir pour se rendre aux juridictions compétentes dans les zones rurales ou éloignées;

e)Le fait que les femmes aient peu accès aux informations relatives à leurs droits prévus par la Convention et aux voies de recours ouvertes aux femmes victimes d’actes de violence sexiste, y compris le viol conjugal.

Dans le droit fil de sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie :

a) De procéder à un renforcement systématique et obligatoire des capacités des magistrats du siège et du parquet, des avocats commis d’office, des autres avocats, des responsables de l’application des lois, des administrateurs, des médiateurs et des praticiens spécialistes sur les droits de la femme et l’application de la loi n o  26.485 relative à la violence à l’égard des femmes;

b) De renforcer le rôle du Bureau de la femme à la Cour suprême pour suivre le respect de l’égalité des sexes dans les activités du corps judiciaire;

c) De veiller à ce que les cas de violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique, ne soient en aucune circonstance réglés par voie de médiation et que les victimes aient accès à des voies de recours utiles ainsi qu’à des réparations;

d) De veiller à ce que les informations relatives aux voies de droit ouvertes soient portées à la connaissance des femmes victimes d’actes de violence sexiste, notamment dans les langues autochtones et dans des formats accessibles aux femmes handicapées;

e) De mettre en place un système de juridictions mobiles visant à faciliter l’accès à la justice chez les femmes vivant dans les zones rurales ou éloignées;

f) De veiller à ce que la section des avocats chargés des personnes victimes d’actes de violence sexiste nouvellement créée, les centres d’accès à la justice et les sections spécialisées du Service public d’aide juridictionnelle apportent une aide juridique gratuite à toutes les femmes qui ne disposent pas de moyens suffisants sur l’ensemble du territoire de l’État partie et de fournir des services d’interprétation aux femmes autochtones;

g) De veiller à ce que les personnes victimes d’actes de violence sexiste aient en temps voulu accès à des voies de recours utiles, lesquelles pourraient prendre la forme de demandes en restitution, en indemnisation ou en rééducation.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité prend acte de l’augmentation du budget du Conseil national des femmes et du renforcement du Conseil fédéral des femmes par la création d’un secrétariat permanent chargé d’assurer la coordination de ses initiatives. Néanmoins, il est préoccupé par :

a)La modicité des ressources dont le Conseil national des femmes dispose pour favoriser la mise en place de stratégies de promotion de l’égalité des sexes et faciliter son rôle d’organe de coordination du plan d’action national pour la prévention de la violence à l’égard des femmes, son élimination et l’assistance aux victimes (2017-2019);

b)L’absence d’une coordination systématique et institutionnalisée entre les pouvoirs publics fédéraux et provinciaux, en particulier entre le Conseil national des femmes et les sphères féminines provinciales et municipales sur l’ensemble du territoire;

c)Le fait que les femmes ne participent pas concrètement à l’élaboration et au suivi des politiques publiques relatives à l’égalité des sexes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accroître les ressources humaines, techniques et financières du Conseil national des femmes et de l’élever au rang de ministère pour faire en sorte qu’il soit mieux connu et renforcer sa capacité à favoriser la mise en place de politiques de promotion de l’égalité des sexes et à en suivre l’exécution;

b) De renforcer les initiatives prises pour assurer une coordination permanente entre le Conseil national des femmes et les bureaux provinciaux et municipaux des femmes, en définissant clairement leurs domaines de coopération et les informations qu’il leur incombe de communiquer sur l’exécution des plans nationaux dans le domaine de l’égalité des sexes;

c) De veiller à ce que les organisations féminines et d’autres organisations non gouvernementales participent à l’élaboration des politiques de promotion de l’égalité des sexes et au suivi de leur exécution.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité constate que l’État partie considère comme une forme de mesure temporaire spéciale la fixation de quotas de représentation des femmes au Congrès national (en 1991) et dans les syndicats (en 2002). Il prend acte des projets de loi tendant à assurer la parité entre les femmes et les hommes dans la composition des trois branches de l’État, mais constate avec préoccupation que les quotas fixés sont peu appliqués, comme le montre la faible représentation des femmes dans les corps législatifs provinciaux et municipaux. Il est également préoccupé par l’absence de mesures temporaires spéciales destinées à accélérer la concrétisation de l’égalité matérielle entre les femmes et les hommes dans d’autres domaines visés par la Convention tels que l’éducation et l’emploi.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter et appliquer des mesures temporaires spéciales, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o  25 (2004) portant sur ce sujet, aux niveaux fédéral, provincial et municipal, avec des cibles et des délais précis visant à accélérer la concrétisation de l’égalité matérielle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où les femmes sont encore défavorisées ou sous-représentées, notamment en faveur des femmes autochtones, des femmes d’ascendance africaine, des femmes migrantes, des femmes âgées et des femmes handicapées;

b) De vérifier et d’évaluer régulièrement l’effet de ces mesures pour présenter les résultats obtenus dans son prochain rapport périodique.

Stéréotypes et pratiques néfastes

Le Comité prend acte de l’adoption par l’État partie de mesures de lutte contre les stéréotypes discriminatoires visant les femmes, en particulier celles destinées à renforcer les capacités des autorités administratives et judiciaires. Il prend également acte de ce que l’État partie a entrepris de prévenir le sexisme et d’interdire la publicité du commerce sexuel par des campagnes de sensibilisation du public et des lois relatives aux médias. Néanmoins, il reste préoccupé par la persistance de stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société, la présence de formes croisées de discrimination ainsi que la culture du machisme profondément enracinée dans l’État partie qui sont à la base de la discrimination et de la violence sexiste à l’égard des femmes, notamment de la violence sexuelle et domestique, des féminicides, des atteintes sexuelles en milieu scolaire et du harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’intensifier ses efforts visant à éliminer les mentalités sexistes qu’affichent les autorités publiques dans les trois branches de l’État et les stéréotypes qu’elles expriment;

b) D’adopter une stratégie globale intéressant les femmes, les hommes, les filles et les garçons pour venir à bout de la culture du machisme et des stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société et d’inscrire également dans le champ de cette stratégie la lutte contre les formes croisées de discrimination à l’égard des femmes, telles qu’elles sont définies (sous l’expression de «  formes superposées de discrimination ») au paragraphe 18 de la recommandation générale n o  28 (2010) du Comité concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention;

c) De renforcer la coopération avec les organisations de la société civile dans la lutte menée contre les stéréotypes discriminatoires par des campagnes de sensibilisation du public telles que la campagne « #Ni Una Menos »;

d) De modifier la loi n o  26.522 du 10 octobre 2009 relative aux services de communication audiovisuels afin d’habiliter le médiateur à sanctionner les violations des dispositions concernant les stéréotypes sexuels et le sexisme dans les médias.

Violence sexiste à l’égard des femmes

Le Comité se félicite du plan d’action national pour la prévention de la violence à l’égard des femmes, son élimination et l’assistance aux victimes (2017­2019). Il se félicite également des mesures prises par l’État partie pour améliorer la collecte des données relatives à la violence sexiste par le truchement de son Institut national de la statistique et du recensement, en plus de la création de centres d’hébergement des femmes victimes d’actes de violence sexiste et de leurs familles en application du protocole-cadre relatif aux centres d’hébergement. Néanmoins, il est préoccupé par :

a)La persistance de la violence sexiste à l’égard des femmes, notamment de la violence physique, psychologique, sexuelle et économique, au sein de l’État partie, dans les sphères privées et publiques;

b)Les informations faisant état de la multiplication des cas de féminicide dans l’État partie;

c)Les disparités régionales dans les solutions adoptées pour remédier à la situation des personnes victimes d’actes de violence sexiste, notamment en ce qui concerne le nombre de centres d’hébergement, l’accès à la prise en charge psychosociale, l’aide juridictionnelle et les réparations;

d)L’absence d’informations sur l’accessibilité des centres d’hébergement aux femmes âgées, aux femmes appartenant à des minorités ethniques, aux femmes migrantes, aux femmes réfugiées et aux femmes handicapées;

e)Les délits et crimes de haine commis à l’encontre des personnes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées, notamment les actes de harcèlement perpétrés par la police, le meurtre de femmes transgenres et l’assassinat de militantes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées, ainsi que l’absence de données statistiques sur le nombre de plaintes déposées pour ces infractions, d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de condamnations prononcées à l’encontre des auteurs et sur les réparations octroyées aux victimes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’affecter suffisamment de crédits budgétaires à la mise en pratique du plan d’action national pour la prévention de la violence à l’égard des femmes, son élimination et l’assistance aux victimes (2017-2019);

b) D’intensifier la prévention des féminicides et de veiller à ce que leurs auteurs fassent l’objet d’enquêtes, de poursuites et de condamnations;

c) D’affecter des ressources techniques et financières au registre unifié des cas de violence à l’égard des femmes pour produire des données statistiques à jour et ventilées par sexe, âge, appartenance ethnique et relation entre la victime et l’auteur, sur le nombre de cas de violence sexiste à l’égard des femmes dénoncés, d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de condamnations prononcées, ainsi que sur les réparations octroyées aux victimes et à leur famille;

d) De veiller à ce que les centres d’hébergement des femmes victimes d’actes de violence prodiguent à celles-ci des conseils juridiques, procèdent à leur prise en charge psychologique, assurent leur rééducation et leur apportent d’autres services d’appui et qu’ils soient accessibles aux femmes appartenant à des minorités ethniques, aux femmes handicapées, aux femmes migrantes et aux femmes réfugiées;

e) De créer un fonds d’affectation spéciale financé par des sources publiques et privées en vue d’accorder des indemnisations et d’autres formes de réparation ainsi qu’une aide juridique aux femmes victimes d’actes de violence sexiste;

f) D’adopter des critères et des directives permettant d’assurer des aides juridiques, psychosociales et économiques axées sur les victimes, tenant compte des besoins particuliers des femmes handicapées et culturellement adaptées à la situation des femmes autochtones;

g) De dénoncer les atteintes à la dignité humaine et à l’intégrité des personnes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées, notamment par la sensibilisation du public aux droits de ces personnes en partenariat avec la société civile, et d’adopter des mesures permettant de prévenir les délits et crimes de haine et d’assurer les enquêtes, les poursuites, les condamnations et les réparations.

Traite des personnes et exploitation de la prostitution

Le Comité prend acte de ce que l’État partie a renforcé son cadre de décision et son cadre institutionnel destinés à combattre la traite des personnes par l’adoption d’un programme national à cet égard. Néanmoins, il constate avec préoccupation :

a)L’utilisation de l’État partie comme pays d’origine, de transit et de destination de la traite de femmes, surtout de femmes de la Bolivie (l’État plurinational de Bolivie), du Brésil, du Paraguay, du Pérou et de la République dominicaine;

b)La non-harmonisation des lois provinciales et fédérales criminalisant la traite des personnes à des fins de travail ou de prostitution forcés, qui cause des retards dans l’exercice de poursuites contre les trafiquants et la condamnation des intéressés;

c)L’absence d’informations sur la place faite aux femmes dans l’identification des personnes victimes de traite et des différentes formes d’exploitation;

d)Les informations faisant état de la complicité de fonctionnaires dans des cas d’exploitation de la prostitution et de traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle;

e)La présence de filles dans la prostitution, en plus de l’absence de politiques de prévention efficaces et de mesures permettant de mener des enquêtes sur tous les acteurs de la prostitution des filles, de les poursuivre et de les condamner.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De mettre en pratique le Programme national de lutte contre la traite et l’exploitation, de protection des victimes et d’assistance à celles-ci et de recueillir des données ventilées sur la traite et l’exploitation internes et transfrontalières des femmes dans le domaine de la prostitution pour les analyser;

b) D’harmoniser rapidement les lois criminalisant la traite des personnes à tous les niveaux de compétence et de mettre les normes et pratiques provinciales et municipales en conformité avec les règles fédérales et internationales régissant la traite des personnes et l’exploitation de la prostitution;

c) De renforcer les capacités dont disposent l’appareil judiciaire et la police pour mener des enquêtes sur les cas de traite des personnes et d’exploitation de la prostitution dans le respect des différences entre les sexes, d’appliquer de façon rigoureuse les dispositions de la loi pénale en vigueur pour poursuivre et punir comme il se doit les auteurs de ces actes et d’intensifier les efforts visant à assurer une coopération bilatérale, régionale et internationale pour prévenir la traite, notamment par des échanges d’informations et l’harmonisation des voies de droit permettant de poursuivre les trafiquants, surtout dans les États d’origine;

d) De créer un mécanisme d’aiguillage et d’identification, d’augmenter les fonds alloués aux centres d’hébergement et de mettre en place des services de consultation, de rééducation et d’aide psychosociale en faveur des femmes et filles victimes de traite et d’exploitation de la prostitution;

e) De combattre l’entrée des filles dans la prostitution et leur exploitation, notamment par la lutte contre la pauvreté qui en est une des causes, de mener des enquêtes sur tous les acteurs, y compris ceux qui sont du côté de la demande, de les poursuivre et de les condamner.

Le Comité est également préoccupé par l’insuffisance des mesures structurelles visant à assurer l’autonomisation économique des femmes et des filles, cette autonomisation pouvant les empêcher de faire de la prostitution leur principale activité génératrice de revenu, ainsi que par l’absence de programmes permettant aux femmes qui souhaitent abandonner la prostitution d’en sortir.

Le Comité recommande que l’autonomisation économique des femmes soit intensifiée par le renforcement des possibilités génératrices de revenu et que des programmes de sortie soient mis en place à l’intention des femmes qui souhaitent abandonner la prostitution.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité prend acte des progrès accomplis en matière de représentation des femmes dans plusieurs domaines, notamment au Congrès national et dans l’appareil judiciaire. Il se félicite du projet de loi adopté par le Sénat qui instaure la parité entre les hommes et les femmes dans les nominations à l’échelon national. Il se félicite également de l’adoption par la Chambre des députés du projet de loi instituant la parité dans les listes de candidats des partis politiques à compter de 2017. En outre, il prend acte de l’adoption de lois exigeant cette parité par certaines provinces, notamment celles de Córdoba, Santiago del Estero, Río Negro et Buenos Aires. Néanmoins, il reste préoccupé par :

a)La sous-représentation des femmes dans les syndicats, dans le pouvoir exécutif, notamment aux postes de décision, dans le secteur privé et à la tête des administrations provinciales et municipales;

b)Les obstacles rencontrées par les femmes dans la vie politique et publique tels que la répartition inéquitable des tâches entre elles et les hommes dans l’éducation des enfants et les travaux domestiques, la violence et le harcèlement subis par les femmes participant à la vie politique et l’existence de structures patriarcales au sein des partis politiques.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter les projets de loi instituant la parité entre les hommes et les femmes dans le pouvoir exécutif (n o 485/15 ), à la Cour suprême (n os  474­D­2015, 169-D-2016, 403-D-2016, 905-D-2016 et 1091-D-2016) et aux postes électifs (n os  1655-D-2015, 1198/16, 1192/16, 1063/16, 1032/16 et 488/16 );

b) De prendre des mesures d’application de la loi n o  25.674 du 28 novembre 2002 fixant un « quota féminin syndical » pour assurer la représentation des femmes aux postes syndicaux et dans le secteur privé;

c) De prendre les mesures nécessaires pour permettre plus rapidement aux femmes d’occuper des places à part entière et en toute égalité dans les organes élus et nommés des administrations provinciales et municipales, par la levée des obstacles qu’elles rencontrent dans la vie politique et publique;

d) D’intensifier les campagnes de sensibilisation des hommes politiques, des journalistes, des enseignants et du grand public pour leur faire mieux comprendre que les femmes ne peuvent exercer pleinement leurs droits de l’homme que si elles participent à la vie politique et sociale pleinement, égalitairement, librement, démocratiquement et sur un pied d’égalité avec les hommes;

e) D’adopter des mesures de promotion des femmes candidates telles que l’octroi d’un appui financier de campagne aux intéressées et le renforcement des capacités des femmes dans les domaines des stratégies de campagne, de l’exercice du pouvoir et des techniques de négociation.

Éducation

Le Comité rend hommage à l’État partie pour le niveau élevé de son taux d’alphabétisation des femmes et des hommes âgés de plus de 15 ans qui se situe à 98 % et prend acte des mesures mises en place dans le cadre des programmes Progresar et Conectar Igualdad. Néanmoins, il constate avec préoccupation :

a)Le nombre élevé de filles qui abandonnent les études pour cause de grossesse précoce et le faible niveau d’exécution du Programme national d’éducation sexuelle intégrale dans les provinces;

b)La sous-représentation des femmes et des filles dans les filières d’études communément dominées par les hommes telles que les mathématiques, l’ingénierie et les nouvelles technologies de l’information;

c)Les faibles taux de scolarisation des femmes et filles autochtones et, par conséquent, leurs taux élevés d’analphabétisme qui résultent de la multiplicité de leurs obligations domestiques et familiales, de leur recrutement pour travailler dans des hôtels ou comme travailleuses du sexe et de la priorité accordée à la scolarisation des garçons.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à l’application de la loi n o  26.150 du 23 octobre 2006 portant création du Programme national d’éducation sexuelle intégrale dans toutes les provinces et à son incorporation dans les programmes scolaires ordinaires, ainsi qu’à la formation des enseignants à l’exécution de ce programme en fonction de l’âge à tous les niveaux d’éducation, en vue de favoriser l’adoption de comportements sexuels responsables et de prévenir les grossesses d’adolescentes et les maladies sexuellement transmissibles;

b) De faciliter le retour des jeunes mères à l’école, notamment par l’octroi de bourses;

c) D’encourager les femmes et les filles à choisir des filières d’études et des plans de carrière inhabituels tels que les mathématiques, l’ingénierie, les nouvelles technologies de l’information et d’autres domaines technico-professionnels, notamment par la mise en place de services d’orientation professionnelle;

d) D’adopter et appliquer des mesures ciblées, notamment des mesures temporaires spéciales conformes aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité, pour accélérer l’accès des filles et femmes autochtones à tous les niveaux d’éducation en toute égalité et d’améliorer les infrastructures scolaires dans les zones rurales et éloignées pour faciliter l’accès à l’éducation.

Emploi

Le Comité se déclare préoccupé par :

a)La persistance des écarts de salaire entre les hommes et les femmes, surtout dans le secteur privé, qui frappent en particulier les femmes très instruites;

b)Le chômage des femmes et leur concentration dans le secteur informel de l’économie, notamment en ce qui concerne les femmes migrantes;

c)L’absence de données ventilées par sexe sur les travaux domestiques et de mécanismes de suivi permettant de contrôler les conditions de travail des travailleuses domestiques conformément aux lois impératives en vigueur;

d)Le fait que les femmes aient peu accès aux postes de décision dans les entreprises privées et l’absence de mesures permettant de faciliter la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle;

e)L’exploitation persistante du travail des enfants dans l’État partie, notamment dans les travaux domestiques et les entreprises relevant du secteur privé (par exemple dans les bars et restaurants), et l’absence d’informations sur les stratégies mises en place aux échelons provincial et municipal pour lutter contre le travail des enfants;

f)Le fait que l’accès aux possibilités d’emploi soit peu ouvert aux femmes victimes de discriminations croisées et de stigmatisation sociale telles que les femmes transgenres.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’appliquer le principe d’ égalité de salaire pour un travail de valeur égale et de recourir à un classement analytique des emplois, à des méthodes d’évaluation et à des enquêtes régulières sur les salaires qui s’appliquent indifféremment aux deux sexes;

b) De multiplier les chances qu’ont les femmes, notamment les femmes migrantes, d’avoir accès à des emplois dans le secteur structuré, en particulier par la promotion du partage égalitaire des responsabilités domestiques et familiales entre les hommes et les femmes, la mise en place d’établissements de garde d’enfants appropriés en nombre suffisant et le renforcement des mesures d’incitation visant à encourager les hommes à exercer leur droit au congé parental, et d’adopter un plan, limité dans le temps, de mise en œuvre de la recommandation de l’Organisation internationale du Travail n o  204 de 2015 concernant la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, en vue de faciliter l’accès des femmes au secteur structuré de l’économie;

c) De contrôler les conditions de travail des travailleuses domestiques, notamment par la réalisation d’inspections régulières dans les ménages ordinaires, et de veiller à ce que les travailleuses domestiques bénéficient de la sécurité sociale;

d) De recueillir des informations sur la représentation des femmes dans le secteur privé, d’élaborer des stratégies de valorisation des femmes occupant des postes de décision par leur formation aux techniques de gestion et d’adopter des mesures législatives et non législatives visant à faciliter la conciliation des responsabilités professionnelles et familiales, telles que la promotion des horaires de travail flexibles;

e) De réaliser une nouvelle enquête sur le travail des enfants, d’appliquer de façon rigoureuse la loi fixant l’âge de travail minimum et de mener des campagnes de sensibilisation pour s’attaquer au travail des enfants, en particulier aux activités domestiques des filles;

f) D’accélérer l’adoption de programmes nationaux, provinciaux et municipaux destinés à ouvrir l’accès aux possibilités d’emploi aux femmes qui subissent des formes croisées de stigmatisation sociale et de discrimination;

g) D’étendre aux autres provinces et municipalités les bonnes pratiques appliquées dans la province de Buenos Aires sur l’emploi des femmes transgenres.

Santé

Le Comité prend acte des mesures adoptées par l’État partie dans le cadre du Programme national de santé sexuelle et de parenté responsable et se félicite de l’adoption de la loi no 26.862 relative à la procréation médicalement assistée en 2013 et de celle d’un guide de suivi de la santé intégrale des personnes transgenres en 2015. Il prend également acte des mesures mises en place pour prévenir le VIH/sida et les maladies sexuellement transmissibles, notamment les traitements antirétroviraux. Néanmoins, il est vivement préoccupé par la stagnation du taux de mortalité maternelle qui s’explique en partie par les avortements pratiqués dans des conditions dangereuses, la restriction de l’accès à l’avortement légal (en violation de la législation en vigueur et de la décision rendue par la Cour suprême en 2012), le fait que les médecins refusent souvent de pratiquer des avortements pour cause d’objection de conscience et les poursuites judiciaires engagées contre des femmes avortées.

Le Comité demande instamment à l’État partie :

a) De réduire le taux de mortalité maternelle, en veillant à ce que les femmes aient accès aux soins appropriés en cas de grossesse – notamment aux soins obstétricaux d’urgence – avant, pendant et après l’accouchement, et d’accroître les crédits budgétaires affectés aux prestations de services gynécologiques et obstétricaux dans les zones rurales et éloignées;

b) D’engager des procédures de mise en œuvre de la responsabilité des autorités pour veiller à ce que toutes les provinces adoptent les protocoles relatifs aux avortements non répréhensibles, conformément à la décision rendue par la Cour suprême en 2012 et au protocole national pour la prise en charge intégrale des personnes ayant droit à l’interruption légale de grossesse;

c) De veiller à ce que les femmes aient accès à l’avortement légal en toute sécurité ainsi qu’aux soins nécessaires par la suite et de soumettre les médecins à une obligation de justification stricte pour empêcher l’invocation généralisée de l’objection de conscience par ceux qui refusent de pratiquer des avortements, surtout en cas de grossesse précoce résultant d’un viol ou d’un inceste susceptible de constituer un acte de torture;

d) D’accélérer l’adoption du projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse qui vient intensifier l’accès légal à l’avortement non seulement en cas de viol et de risque pour la vie ou la santé de la femme enceinte, mais aussi dans d’autres circonstances telles que l’inceste et la présence d’un risque de malformation grave du fœtus.

Le Comité est également préoccupé par :

a)Le taux élevé de grossesses précoces dans l’État partie;

b)Le fait que les femmes, en particulier celles vivant dans des zones rurales ou possédant de faibles revenus, aient peu accès aux services de santé mentale et les disparités régionales existant dans l’application de la loi relative à la santé mentale (loi no 26.657) qui prévoit le retrait des patientes des centres psychiatriques, leur rééducation et leur réinsertion dans la communauté;

c)L’absence de stratégies précises destinées à assurer l’accès des femmes âgées à des soins de santé de haute qualité;

d)Le fait que les femmes handicapées aient peu accès aux services de santé spécialisés, en particulier aux services de santé sexuelle et procréative;

e)La forte consommation du tabac par les filles par rapport aux garçons.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que les filles et garçons adolescents soient sensibilisés et formés aux droits dont ils jouissent en matière de sexualité et de procréation, de mener des campagnes de sensibilisation aux méthodes modernes de contraception et d’élargir l’accès à des contraceptifs sûrs et bon marché;

b) D’élaborer à l’échelon local, en partenariat avec les enseignants et la société civile, des stratégies visant à promouvoir la planification familiale et à vaincre les obstacles culturels à l’utilisation de contraceptifs;

c) D’adopter une stratégie permettant d’ouvrir aux femmes l’accès aux services de santé mentale dans l’ensemble de l’État partie et assortie de cibles et d’indicateurs limités dans le temps et de diffuser des informations sur les services de santé mentale disponibles;

d) D’élaborer aux échelons national et provincial des politiques et programmes visant à assurer l’accès des femmes âgées aux soins de santé;

e) De veiller à ce que les informations relatives à la santé sexuelle et procréative des femmes handicapées et aux droits dont celles-ci jouissent en matière de sexualité et de procréation soient présentées dans des formats accessibles aux intéressées;

f) De prendre les mesures nécessaires pour que les services de santé, en particulier les services gynécologiques, soient accessibles aux femmes handicapées, notamment par la réalisation d’investissements dans les établissements et le matériel de santé ainsi que par la sensibilisation des professionnels des soins de santé aux droits et à la dignité des femmes handicapées;

g) De ratifier la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac, réduire la forte consommation du tabac chez les adolescents, en particulier chez les filles, et s’attaquer à ses conséquences pour la santé.

Autonomisation économique des femmes

Le Comité rend hommage à l’État partie pour les politiques sociales que celui-ci s’emploie à mettre en place depuis qu’il a publié ses précédentes observations finales. Néanmoins, il constate avec préoccupation que ces politiques n’ont guère eu d’incidence sur la réduction de la pauvreté et l’amélioration des moyens de subsistance économiques des femmes. Il juge également préoccupant que le nombre de femmes chefs d’entreprise soit en baisse dans l’État partie, que seul un petit pourcentage de femmes bénéficient de prêts financiers permettant de réaliser des investissements et que les femmes chefs d’entreprise n’aient que peu accès au microcrédit.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures économiques structurelles pour réduire la pauvreté et améliorer les moyens de subsistance économiques des femmes. Il lui recommande également de prendre des mesures ciblées telles que la mise en place de programmes spéciaux de microcrédit et de crédits à faible taux d’intérêt et de mécanismes d’assistance technique et de conseil pour élargir l’accès des femmes aux prêts et aux crédits financiers et appuyer leurs activités entrepreneuriales.

Femmes rurales

Le Comité se félicite du fait que la loi relative aux terres rurales (loi no 26.727 de 2011) comprenne des dispositions visant à protéger l’agriculture familiale et la biodiversité et que les femmes aient sur un pied d’égalité avec les hommes le droit d’avoir accès à la terre, de conclure des contrats et d’administrer des biens. Néanmoins, il est préoccupé par :

a)La pauvreté qui frappe les femmes rurales, leur dépendance à l’égard des transferts publics et le fait qu’elles aient peu accès à la justice, à l’éducation et aux services de santé, en particulier dans les régions les plus défavorisées;

b)L’incidence négative qu’a sur l’accès des femmes rurales à la terre le décret no 820/2016 du 29 juin 2016 levant certaines restrictions à l’acquisition et à la location des terres rurales par des personnes physiques ou morales étrangères;

c)Le risque d’expulsion forcée, de violence sexiste et sexuelle et de harcèlement auquel les femmes rurales sont exposées dans le cadre des grands projets de développement économique;

d)L’incidence disproportionnée des changements climatiques et d’autres catastrophes naturelles sur les femmes rurales.

Dans le droit fil de sa recommandation générale n o  34 de 2015 sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’élaborer des programmes particuliers visant à assurer le développement durable et à combattre les situations de pauvreté que les femmes rurales endurent par la mise en place de ressources précises, de possibilités d’emploi, de mesures de protection sociale et de programmes éducatifs spécifiques destinés aux intéressées;

b) D’entourer de garde-fous les opérations d’acquisition et de location des terres rurales et de contrôler ces opérations, en vue de protéger la possession des terres par les femmes, ainsi que de faciliter la participation des femmes aux recettes des grands projets de développement;

c) D’adopter des politiques visant à prévenir l’expulsion forcée des femmes rurales et à éviter qu’elles subissent des actes de violence, de stigmatisation et d’agression dans le cadre des grands projets de développement économique;

d) De veiller à ce que les femmes rurales soient représentées aux processus de décision à tous les niveaux dans le secteur agricole, notamment en ce qui concerne les politiques relatives à la réduction des risques de catastrophe, à la gestion de l’après-catastrophe et aux changements climatiques.

Femmes autochtones

Le Comité constate avec préoccupation que les femmes autochtones subissent des formes croisées de discrimination dans l’État partie en raison de leur origine ethnique et de leur condition sociale, en plus de la haine raciale, des violences, de la pauvreté et de la marginalisation. Il est particulièrement préoccupé par :

a)La non-reconnaissance et la non-protection du droit des femmes autochtones à l’occupation des terres et à la propriété foncière, leur expulsion forcée des terres autochtones traditionnelles dans des régions telles que Gran Chaco et leur exclusion des processus de décision concernant l’exploitation des terres;

b)Le fait que les femmes autochtones aient peu accès à l’eau, notamment à l’eau potable, et aux installations d’assainissement par manque d’infrastructures, en particulier dans les communautés autochtones isolées telles que la communauté Wichi de Miraflores (Chaco);

c)L’incidence négative de l’utilisation des pesticides, engrais et produits agrochimiques sur la santé des femmes et filles autochtones employées comme travailleuses agricoles;

d)L’absence de mécanismes efficaces de consultation et de partage des avantages permettant aux femmes autochtones de donner librement, à l’avance et en connaissance de cause leur consentement à la réalisation de projets de développement sur leurs territoires.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures visant à reconnaître officiellement le droit des femmes autochtones à l’occupation des terres et à la propriété foncière et à favoriser la tenue de concertations à l’échelon communautaire en vue d’éliminer les normes et coutumes discriminatoires qui limitent le droit des femmes autochtones à la propriété foncière;

b) De prévenir l’expulsion forcée des femmes autochtones par le renforcement des garde-fous juridiques et procéduraux et de veiller à ce qu’elles participent utilement aux processus de décision concernant l’exploitation des terres autochtones traditionnelles;

c) De veiller à ce que les femmes autochtones aient suffisamment accès à de l’eau potable et abordable pour satisfaire leurs besoins personnels, exécuter leurs travaux domestiques et procéder à l’irrigation;

d) D’examiner la négligence avec laquelle sont actuellement gérées les plaintes déposées par les femmes autochtones devant le Ministère de la santé au sujet des dommages causés par l’utilisation des pesticides, engrais et produits agrochimiques et de veiller à ce que ces affaires soient tranchées en temps utile et de façon satisfaisante, conformément à la recommandation générale n o  34 du Comité;

e) De créer un mécanisme obligatoire et efficace de consultation et de partage des avantages permettant d’inviter les femmes autochtones à donner librement, à l’avance et en connaissance de cause leur consentement à l’exploitation de leurs terres et de leurs ressources naturelles.

Femmes migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile

Le Comité prend acte de l’existence de la loi relative aux migrations (loi no 25.871 de 2003) et de la loi relative aux réfugiés (loi no 26.165 de 2006), mais il se déclare préoccupé par l’absence de programmes visant à assurer l’intégration sociale et économique des femmes migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile dans l’État parti. Il est également préoccupé par le fait que les femmes migrantes en situation irrégulière, les femmes réfugiées et les femmes demandeuses d’asile soient en pratique exclues des mécanismes de protection sociale tels que l’indemnité universelle pour enfant à charge et les prestations et avantages réservés aux personnes handicapées, ainsi que de l’éducation et des services de soins de santé.

Dans le droit fil de ses recommandations générales n o  26 de 2008 concernant les travailleuses migrantes et n o  32 de 2014 sur les femmes et les situations de réfugiés, d’asile, de nationalité et d’apatridie , le Comité recommande à l’État partie de mettre en application la loi relative aux réfugiés (loi n o  26.165 de 2006), d’élaborer des programmes exhaustifs permettant aux femmes réfugiées, demandeuses d’asile et migrantes d’avoir accès à l’éducation, à l’emploi, à la protection sociale et aux soins de santé et de recueillir des données ventilées par sexe sur les résultats de ces programmes.

Femmes en détention

Le Comité prend acte du programme de promotion de l’égalité des sexes du Service pénitentiaire fédéral, mais il reste préoccupé par :

a)Le nombre de femmes en détention provisoire;

b)Les fouilles corporelles intrusives pratiquées sur les femmes en prison et l’absence d’informations sur l’utilisation des systèmes de surveillance électroniques à l’échelon provincial;

c)Le fait que les femmes en détention aient peu accès à l’éducation, à la formation professionnelle, aux possibilités d’emploi et aux services de santé;

d)Les informations faisant état de mauvais traitements subis par les femmes en détention, notamment de violences physiques et psychologiques exercées sur elles par les agents pénitentiaires et de leur placement à l’isolement;

e)Les retards pris dans la mise en application de la loi no 26.472 du 12 janvier 2009 relative aux mesures de substitution à la détention des femmes enceintes ou mères d’enfants de moins de cinq ans.

Rappelant les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) (résolution 65/229 de l’Assemblée générale, annexe), le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des dispositions pour limiter le placement des femmes en détention provisoire, notamment par l’intensification du recours aux mesures conservatoires;

b) D’interdire les fouilles corporelles intrusives pratiquées sur les femmes par les agents pénitentiaires et de mettre au point, à l’intention de ceux-ci, des programmes obligatoires de renforcement des capacités relatifs à l’égalité des sexes ainsi qu’à la dignité et aux droits des femmes;

c) De mettre en place des ressources humaines, techniques et financières destinées à étendre le champ des bénéficiaires de l’éducation, des programmes d’emploi et des services de santé aux femmes en détention provisoire;

d) D’accorder la priorité à la mise en œuvre des recommandations formulées par le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ( CAT/OP/ARG/1 ) et d’accélérer les enquêtes ouvertes sur les mauvais traitements et les autres actes de violence sexiste que les femmes subiraient en détention;

e) D’accélérer la mise en application de la loi n o  26.472 du 12 janvier 2009 et de mettre en place des mesures de substitution à la détention des femmes enceintes ou mères de jeunes enfants, dans le respect de l’intérêt supérieur des enfants.

Égalité dans le mariage et liens familiaux

Le Comité prend acte de la reconnaissance d’une égalité de droits entre les femmes et les hommes en matière de mariage par la réforme apportée au code civil et commercial (loi no 26.994 du 1er octobre 2014). Néanmoins, il constate avec préoccupation l’absence de critères fondés sur le sexe et de mécanismes de consultation juridique qui permettraient d’appliquer les dispositions du nouveau code civil et commercial (art. 440) accordant aux personnes âgées de moins de 18 ans le droit de se marier sur autorisation judiciaire et les décisions d’octroi d’une indemnité au conjoint économiquement défavorisé pendant la procédure de divorce.

Le Comité recommande à l’État partie de recueillir des données statistiques ventilées sur les mariages d’adolescents âgés de plus de 16 ans et de moins de 18 ans et de définir des critères clairs qui seraient utilisés pour apprécier les demandes d’autorisation judiciaire de ces mariages. Il recommande également à l’État partie d’adopter des directives régissant l’indemnité à accorder au conjoint économiquement défavorisé pour les besoins de la procédure de divorce, conformément à sa recommandation générale n o  29 de 2013 sur les conséquences économiques du mariage, des liens familiaux et de leur dissolution, et de veiller à ce que les femmes dépourvues de moyens suffisants aient accès à une aide juridictionnelle gratuite pendant la procédure de divorce.

Collecte et analyse de données

Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe pas suffisamment d’informations et de données actualisées et ventilées sur la situation des femmes qui subissent des formes croisées de discrimination en raison de leur sexe et leur âge, de leur origine ethnique ou leur situation socioéconomique, de leur qualité de migrantes, de demandeuses d’asile, de réfugiée ou de handicapée, ainsi que de leur orientation sexuelle et leur identité de genre.

Le Comité recommande à l’État partie de recueillir des données statistiques ventilées par sexe, âge, origine ethnique et qualité de migrant, demandeur d’asile, réfugié et handicapé, ainsi que par orientation sexuelle et identité de genre, dans tous les domaines visés par la Convention, notamment l’éducation, l’emploi et la santé, et dans les sphères publiques et privées. L’État partie doit mettre à profit ses constatations pour déterminer les points sur lesquels la discrimination règne et les utiliser comme données de référence pour élaborer ses politiques.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l’État partie de tenir compte de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing dans ses initiatives visant à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité lance un appel en faveur de la concrétisation de l’égalité matérielle entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient communiquées en temps utile, dans sa langue officielle, aux institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au parlement et à l’appareil judiciaire, afin d’en assurer l’application intégrale.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité demande à l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations émises aux alinéas a) du paragraphe 27, b) et d) du paragraphe 33 et d) du paragraphe 41 ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à lui soumettre son huitième rapport périodique en juillet 2020. En cas de retard, ce rapport devra porter sur toute la période allant jusqu’à sa date de soumission.

Le Comité demande à l’État partie de suivre les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment les directives concernant l’élaboration du document de base commun et des documents spécifiques aux différents instruments (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).