Nations Unies

CAT/C/60/D/681/2015

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

30 juin 2017

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 681/2015 * , **

Communication p résentée par :

M. K. M. (représenté par un conseil, Michaela Byers)

Au nom de :

M. K. M.

État partie :

Australie

Date de la requête :

18 mai 2015 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :

10 mai 2017

Objet :

Risque d’expulsion du requérant vers l’Afghanistan

Questions de procédure :

Recevabilité − défaut manifeste de fondement

Questions de fond :

Risque de torture en cas de renvoi dans le pays d’origine (non‑refoulement)

Article de la Convention :

3

1.1Le requérant est M. K. M., de nationalité afghane, né le 18 juin 1985. Il a demandé l’asile en Australie, mais sa demande a été rejetée et il est menacé de renvoi forcé vers l’Afghanistan. Il affirme que son expulsion d’Australie vers l’Afghanistan constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’Australie a fait la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention le 28 janvier 1993. Le requérant est représenté par un conseil, Michaela Byers.

1.2Le 22 mai 2015, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a prié l’État partie de ne pas expulser le requérant vers l’Afghanistan tant que sa requête serait à l’examen. Le 31 mars 2016, l’État partie a prié le Comité de retirer la demande de mesures provisoires. Le 12 mai 2016, le Comité, par l’intermédiaire du même Rapporteur, a décidé de ne pas faire droit à la demande de l’État partie tendant à lever lesdites mesures.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est d’origine tadjike et de confession musulmane sunnite. Il est arrivé en Australie par bateau le 13 mars 2010 sans visa valide et a été placé dans un centre de détention pour immigrants. Le 12 avril 2010, il a été reçu par un fonctionnaire du Ministère de l’immigration et de la protection des frontières pour une entrevue au point d’entrée. Le 23 mai 2010, le requérant a présenté une demande d’admission au statut de réfugié.

2.2Le 14 septembre 2010, un fonctionnaire du Ministère a constaté que le requérant n’avait pas la qualité de réfugié et qu’il n’était donc pas fondé à bénéficier de l’obligation de protection incombant à l’Australie. Conformément à la procédure de recours applicable, le requérant a présenté une demande de réexamen indépendant au fond le 22 septembre 2010. Le 30 novembre 2011, un examinateur indépendant a évalué les griefs du requérant. Le 6 décembre 2011, l’examinateur a confirmé la décision initiale du fonctionnaire du Ministère et conclu que le requérant n’avait pas droit à une protection.

2.3Le requérant a fait appel de cette décision devant la Cour fédérale de première instance australienne (renommée Tribunal de circuit fédéral en avril 2013). Le 1er juin 2012, la Cour a constaté que l’examinateur, qui n’avait pas recueilli les observations du requérant sur le dossier, n’avait pas respecté les garanties d’une procédure équitable, et a conclu que l’intéressé était par conséquent fondé à obtenir le réexamen de sa demande.

2.4Le 13 août 2012, le requérant a été informé par un fonctionnaire du Ministère de l’immigration et de la protection des frontières qu’en vertu de modifications apportées le 24 mars 2012 à la loi sur les migrations, il pouvait présenter une demande de « protection complémentaire ». Le fonctionnaire a fait savoir au requérant que le réexamen indépendant du dossier ayant eu lieu avant cette date, l’agent compétent n’avait pas examiné la demande au regard des nouveaux critères applicables à la « protection complémentaire ». Il a ajouté que le requérant ne remplissait pas les conditions énoncées dans les directives ministérielles pour le traitement des demandes de protection présentées après réexamen et qu’il ne serait par conséquent pas renvoyé devant le Ministre pour une nouvelle évaluation visant à déterminer s’il était dans l’intérêt général de l’autoriser à présenter une demande de visa de protection.

2.5Le 22 octobre 2012, un examinateur indépendant a procédé à un second réexamen au fond de la demande de protection du requérant. Le 25 octobre 2012, l’examinateur a conclu que le requérant n’était fondé à bénéficier d’une protection ni au titre de la Convention relative au statut des réfugiés ni au titre des obligations complémentaires de protection.

2.6Le 23 janvier 2013, le requérant a de nouveau fait appel de la décision de l’examinateur indépendant devant la Cour fédérale de première instance. Le 13 février 2013, il a présenté une demande d’intervention ministérielle tendant à ce que le Ministre exerce son pouvoir discrétionnaire en lui accordant un visa de protection. Il a été constaté que le requérant ne remplissait pas les conditions énoncées dans les directives ministérielles et sa demande a été rejetée. Le 27 juin 2013, le Tribunal de circuit fédéral a rejeté l’appel formé par le requérant en date du 23 janvier 2013. Aucune autre voie de recours n’est disponible.

2.7Le requérant dit craindre les Taliban du fait de ses origines ethniques et de sa religion. Il ajoute que les Taliban l’ont accusé de travailler pour un gouvernement étranger et qu’ils le soupçonnent d’être impliqué dans une tentative d’attentat‑suicide, mise au jour le 19 juillet 2008, quand deux des auteurs présumés ont été arrêtés devant son magasin du marché Sayed Kaka, près de Radio Dekkaka. Le requérant dit qu’il a reçu l’appel d’un Taliban dix jours après cet incident. Cinq jours plus tard, il a été appelé par quelqu’un d’autre qui lui a dit de se rendre à la mosquée du district d’Andar, dans la province de Ghazni, ce qu’il a refusé de faire. Plusieurs jours après cet appel menaçant, lui-même et son père ont été interpellés à Maidan-e-hairdar Abad par quatre hommes armés qui les ont passés à tabac et enlevés. Ils ont été placés dans une cellule exiguë d’environ 4 m sur 4 m où étaient également détenues trois autres personnes : un caméraman de la télévision, un traducteur et un chauffeur employé dans une organisation étrangère. Le requérant et son père auraient été soumis à des interrogatoires et torturés pendant près de cinq mois. Un mois après leur placement en détention, un certain Mullah Gul Jan aurait donné l’ordre d’exécuter le père du requérant et le caméraman. Le requérant a assisté à la décapitation du caméraman puis à celle de son propre père. Après plusieurs semaines de détention, il a été transféré au quartier général des Taliban dans la province de Paktika. Envoyé en mission par les Taliban, il a réussi à s’échapper pendant son transfert vers Kaboul.

2.8Après les violences physiques et psychologiques et les actes de torture répétés qu’il a subis lors de son enlèvement et pendant sa détention par les Taliban en 2008 et quand il a assisté à la décapitation de son père et d’un autre détenu, le requérant a craint pour sa vie et pour sa sécurité. Il affirme qu’il ne pouvait obtenir aucune protection des autorités afghanes qui sont infiltrées par les Taliban à tous les échelons. Le requérant a donc décidé de quitter l’Afghanistan pour l’Australie et il a mis son projet à exécution en mars 2010. Il affirme que dans l’éventualité d’un retour, il lui serait impossible, en tant que demandeur d’asile débouté, d’obtenir une protection effective contre les menaces d’atteinte à sa vie par des acteurs non étatiques. À cet égard, le requérant renvoie à un rapport d’Amnesty International, daté de 2011, faisant état de la détérioration de la situation en Afghanistan et de risques réels pour la sécurité en cas de retour dans le pays. Il renvoie en outre au constat d’insécurité, d’instabilité politique et de crise économique et sociale en Afghanistan dressé par le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), situation qui risque de persister et qui pourrait même s’aggraver après le départ des forces internationales de sécurité et le transfert des responsabilités aux forces afghanes. Le requérant se réfère également aux évaluations du Centre Edmund Rice concernant les conséquences souvent fatales, y compris les menaces et agressions, subies par les Afghans déboutés du droit d’asile renvoyés dans leur pays d’origine, et souligne que ces évaluations sont confirmées par la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan. Le requérant affirme que, faute de mesures de protection et d’aide à la réinsertion appropriées, les demandeurs d’asile déboutés de nationalité afghane qui sont expulsés risquent de lourdes conséquences en cas de renvoi dans leur pays d’origine, notamment une détérioration de leur santé mentale et des troubles mentaux potentiellement graves.

2.9Le requérant fait valoir qu’il a épuisé tous les recours internes utiles disponibles et que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que s’il est renvoyé en Afghanistan il sera repéré, persécuté et probablement tué par les Taliban à son retour parce qu’il leur a échappé et qu’il a été témoin de nombre de leurs activités pendant sa détention et a vu les visages de la plupart d’entre eux. Pour le requérant, de telles menaces sont assimilables à de la torture.

3.2À cet égard, le requérant soutient que les autorités afghanes ne veulent ou ne peuvent pas le protéger contre la persécution et la torture, qui, admet-il, sont essentiellement le fait d’acteurs non étatiques. Il craint d’être exposé à un risque important d’actes de torture et de mauvais traitements comparables aux brutalités et actes de persécution qu’il a subis après avoir été témoin de l’arrestation, en juillet 2008, de deux auteurs présumés d’un attentat‑suicide ou aux tortures que les Taliban lui ont infligées pendant plusieurs mois quand ils le détenaient avec son père. Le requérant rappelle également qu’il a vu son père et un autre détenu se faire décapiter. En raison des graves violences physiques et mentales qu’il a subies lorsqu’il était détenu par les Taliban, il souffre de séquelles mentales, notamment du syndrome de stress post-traumatique (voir les paragraphes 4.8, 4.11 et 6.4 ci-dessous).

3.3Le requérant ajoute qu’il craint d’être harcelé, persécuté et torturé par les autorités afghanes elles-mêmes du fait de sa condition de débouté du droit d’asile ayant résidé dans un pays occidental depuis 2010. Il fait valoir à cet égard que les Afghans n’ont plus rien à retrouver : il n’y a en Afghanistan ni écoles, ni accès à une aide médicale, ni eau. Le requérant n’a plus un seul proche en Afghanistan. Il craint que sans le soutien crucial de sa famille et de ses proches, le risque soit plus grand encore pour lui d’être repéré et persécuté par les Taliban ou par d’autres parties.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 10 décembre 2015, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la requête.

4.2L’État partie affirme que les allégations du requérant sont irrecevables au motif qu’elles reposent sur des griefs manifestement infondés. Il considère que c’est au requérant qu’il incombe d’établir qu’à première vue sa communication est recevable, ce que l’intéressé n’a pas fait. Au cas où le Comité jugerait ses allégations recevables, l’État partie estime qu’elles doivent être déclarées infondées étant donné qu’elles ne sont appuyées par aucun élément de preuve permettant de conclure que le requérant courrait « personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture ».

4.3L’État partie affirme que les griefs du requérant ont été soigneusement examinés dans le cadre des procédures internes applicables, notamment la procédure de détermination du statut de réfugié, le réexamen indépendant au fond et la procédure devant le Tribunal de circuit fédéral, et qu’ils ont également fait l’objet d’un contrôle juridictionnel par le Tribunal de circuit fédéral et par la Cour fédérale d’Australie. Ce sont donc des instances internes solides qui ont examiné les griefs en question et déterminé qu’ils n’étaient pas crédibles et ne mettaient pas en cause les obligations de l’État partie en matière de non‑refoulement. Les griefs du requérant ont en particulier été évalués au regard des dispositions relatives à la protection complémentaire de l’article 36 2) aa) de la loi de 1958 sur les migrations, qui reflètent les obligations de non-refoulement énoncées à l’article 3 de la Convention.

4.4L’État partie soutient que le requérant n’a soumis au Comité aucun élément nouveau et crédible qui n’ait pas déjà été examiné dans le cadre des procédures administratives et judiciaires internes applicables, lesquelles sont solides et très complètes. Il renvoie à la jurisprudence du Comité selon laquelle le Comité, n’étant pas un organe d’appel ni un organe juridictionnel, accorde un poids considérable aux constatations de fait des organes des États parties. Il prie le Comité de reconnaître que les griefs du requérant ont été soigneusement examinés dans le cadre des procédures internes et d’accepter sa conclusion selon laquelle il n’a pas d’obligation de protection envers ce dernier au titre de la Convention. L’État partie affirme qu’il prend très au sérieux les obligations que lui impose la Convention et qu’il les a appliquées de bonne foi dans le cadre de ses procédures migratoires internes.

4.5L’État partie indique aussi avoir examiné les documents soumis par le requérant et constaté qu’ils n’apportaient aucun élément nouveau permettant d’établir que l’intéressé courrait personnellement un risque prévisible et réel d’être torturé en cas de renvoi en Afghanistan. Les griefs du requérant relatifs aux violations des droits de l’homme et au risque de torture auxquels il serait exposé en tant que demandeur d’asile débouté s’il était renvoyé en Afghanistan ont été spécifiquement et soigneusement examinés par toutes les autorités internes compétentes. Celles-ci ont conclu qu’il n’y avait pas de motif sérieux de croire que le requérant courrait un risque personnel et réel d’être soumis à la torture en cas de renvoi en Afghanistan.

4.6Il ressort des éléments du dossier que si le Ministère de l’immigration et de la protection des frontières a soulevé des problèmes de crédibilité pendant la procédure de détermination du statut de réfugié, il a retenu que les Taliban étaient convaincus que le requérant était impliqué dans une tentative d’attentat-suicide perpétrée par deux individus devant son magasin ; que le requérant et son père avaient été enlevés par les Taliban qui les avaient torturés pendant plusieurs mois ; que le requérant avait vu son père se faire décapiter, qu’il était parvenu à échapper aux Taliban et qu’il craignait de ce fait de rentrer en Afghanistan. Toutefois, le Ministère a considéré que le requérant ne serait pas persécuté en raison de ses origines tadjikes et qu’il pourrait se réinstaller sans trop de difficultés dans une autre région d’Afghanistan, y compris à Kaboul, et qu’il n’était donc pas sincère lorsqu’il disait courir le risque de subir des dommages. Le Ministère a conclu que la crainte d’être persécuté mise en avant par le requérant, telle qu’elle est précisée par la Convention relative au statut des réfugiés, n’était pas fondée.

4.7Les griefs du requérant ont été appréciés au regard des dispositions relatives à la protection complémentaire de la loi sur les migrations, tant dans le cadre du réexamen indépendant au fond que dans le cadre des procédures internes ultérieures. L’examinateur a considéré que, sur certains points, les allégations du requérant ne semblaient pas crédibles. Il a conclu que l’intéressé ne courait pas un risque réel d’être persécuté par les Taliban en Afghanistan et n’a pas retenu ses déclarations sur l’attentat‑suicide et sur son enlèvement ultérieur par les Taliban.

4.8La Cour fédérale de première instance a annulé le premier réexamen indépendant au fond pour vice de procédure, au motif que les garanties d’équité requises n’avaient pas été offertes au requérant. Lors du second réexamen indépendant au fond, l’examinateur a évalué la capacité du requérant à étayer ses allégations et examiné les documents du Service de soins et de réadaptation pour les victimes d’actes de torture et de traumatismes de la Nouvelle-Galles du Sud (New South Wales Service for the Treatment and Rehabilitation of Torture and Trauma Survivors) attestant du fait que le requérant souffrait d’un syndrome de stress post-traumatique. S’il a estimé que l’intéressé était en mesure d’apporter des éléments de preuve concrets, il a relevé que la présentation d’éléments discordants et la soumission tardive de nouveaux griefs importants pouvaient avoir une incidence sur la crédibilité des déclarations du requérant. Il a conclu qu’il n’y avait pas de risque réel de persécution ou de mauvais traitements en cas de renvoi en Afghanistan. Il n’a pas ajouté foi à l’affirmation selon laquelle les Taliban avaient pris le requérant pour cible en raison de sa prétendue collaboration avec les autorités ou avec des forces étrangères, et a fait valoir que le profil du requérant ne présentait plus d’intérêt pour lesTaliban. L’examinateur a aussi écarté l’affirmation du requérant selon laquelle il serait pris pour cible à son retour en Afghanistan parce qu’il avait présenté une demande d’asile en Australie.

4.9Le 27 mars 2014, le Tribunal de circuit fédéral a rejeté la demande de contrôle juridictionnel du requérant, considérant que l’examinateur avait tenu compte des critères applicables à la protection complémentaire et avait donc été équitable sur le plan procédural.

4.10Le 6 août 2014, la Cour fédérale de l’Australie a rejeté l’appel interjeté par le requérant contre la décision du Tribunal de circuit fédéral. Le requérant avait fait appel devant la Cour fédérale en faisant valoir que le juge de première instance avait commis une erreur en considérant que l’examinateur avait appliqué les critères pertinents pour déterminer si les conditions d’octroi de la protection complémentaire étaient remplies en l’espèce. L’examinateur avait considéré comme étant établi que des mauvais traitements avaient été infligés au requérant par les Taliban, mais il avait écarté l’allégation de ce dernier selon laquelle ils l’avaient pris pour cible. L’examinateur avait donc conclu qu’en cas de renvoi en Afghanistan, le profil du requérant ne présenterait pas d’intérêt particulier pour les Taliban et que l’intéressé ne courrait aucun risque réel de subir un préjudice grave. La Cour fédérale a considéré infondé le grief du requérant selon lequel l’examinateur avait commis une erreur en reprenant les conclusions de fait qu’il avait tirées au regard des critères de la Convention relative au statut des réfugiés dans son examen des critères applicables à la protection complémentaire. Elle a également relevé que le requérant n’avait pas démontré l’existence d’une quelconque erreur, que ce soit de la part du juge de première instance ou de celle de l’examinateur, et a rejeté le recours. Elle a néanmoins déclaré : « On ne peut qu’éprouver une grande compassion pour le requérant. Il est établi qu’il a énormément souffert aux mains des Taliban en Afghanistan. Il a été torturé et a assisté à la décapitation de son père ainsi qu’à d’autres brutalités commises par les Taliban. Il n’est pas étonnant qu’il s’avère avoir une réelle crainte de retourner en Afghanistan. Cependant, un fonctionnaire du Ministère et un examinateur ont conclu qu’il ne faisait pas partie des personnes auxquelles l’Australie devait protection. La raison essentielle en est que tous deux ont considéré que le requérant pouvait retourner à Kaboul en toute sécurité. Le temps de cette procédure administrative, le requérant a passé environ deux ans en centre de détention pour immigrants. Aujourd’hui, il a été libéré et il travaille. (…) Il est très probable qu’il sera reconduit en Afghanistan. En tout état de cause, cette issue est extrêmement dure pour lui. Elle doit être difficile à comprendre pour lui (et pour bien d’autres aussi, peut-être). Néanmoins, quoi que l’on pense de la décision rendue et quelle que soit la compassion que l’on puisse avoir pour le requérant dans ces circonstances, il n’a pas été démontré que le réexamen avait été entaché de la moindre erreur de droit. Il n’y a pas de fondement juridique pour l’annuler ».

4.11Le requérant a ensuite sollicité à deux reprises l’évaluation de sa demande de protection postérieure au réexamen et soumis au Ministre une demande tendant à ce qu’il lui accorde un visa au nom de l’intérêt général. Le Ministère de l’immigration et de la protection des frontières a conclu que la demande de protection du requérant avait été soigneusement examinée dans le cadre du second réexamen indépendant au fond et que le requérant n’avait soumis depuis lors aucune nouvelle information crédible justifiant le renvoi de sa demande au Ministre pour examen. Le Ministère a par ailleurs conclu que le dossier ne faisait apparaître aucune circonstance extraordinaire et exceptionnelle propre à étayer les problèmes humanitaires et de santé mis en avant par le requérant. Celui-ci ne remplissait pas les conditions énoncées à l’article 195A des directives relatives à la saisine du Ministre. Toutefois, il était indiqué dans la décision du Ministère en date du 8 octobre 2014 que depuis 2012, lorsqu’il avait été constaté que des erreurs avaient été commises pendant le premier réexamen, la santé mentale du requérant s’était détériorée, en raison essentiellement du fait qu’il avait assisté à l’exécution de son père et de sa détention prolongée dans un centre pour immigrants. Le 16 octobre 2014, le Ministère des affaires sociales, après avoir examiné le dossier dans le cadre de sa procédure de règlement des cas complexes, a conclu que la demande d’examen présentée par le requérant au titre de l’article 195A n’était pas recevable, conformément aux conditions de saisine du Ministre. À cet égard, il est indiqué dans le dossier du Ministère que le requérant a bénéficié d’un programme de soins de santé physique et mentale supervisé par la Croix-Rouge australienne et qu’il a été examiné par un neurologue le 27 août 2014 pour des convulsions et des pertes de conscience. Il y est aussi mentionné que le requérant souffre d’anxiété, de dépression et d’un syndrome de stress post-traumatique, qu’il bénéficie d’une aide médicale communautaire et reçoit les traitements nécessaires. Bien que l’état actuel des soins de santé mentale soit « moins avancé » en Afghanistan, le Ministère n’avait été saisi d’aucun élément portant à croire que le requérant serait privé d’accès à des soins ou à un traitement pour quelque raison que ce soit, ni que son état aggraverait son profil de risque au point de l’exposer à un risque de préjudice grave ou important en Afghanistan dans un avenir prévisible.

4.12En ce qui concerne les divers articles de presse et rapports cités par le requérant à l’appui de ses allégations relatives au risque de torture auquel seraient exposés les demandeurs d’asile déboutés renvoyés en Afghanistan et de l’argument selon lequel le Gouvernement afghan ne serait pas en mesure d’offrir une protection contre la torture, l’État partie affirme que l’existence, dans un pays donné, d’un risque général de violence ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’une personne risque d’être soumise à la torture en cas de renvoi dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’individu courrait personnellement un risque. L’État partie a examiné les pièces versées au dossier par le requérant et considère qu’elles ne permettent pas de conclure à l’existence de tels motifs.

Observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

5.1L’État partie a soumis ses observations complémentaires le 31 mars 2016. Il considère que le requérant n’a pas étayé ses allégations concernant le risque de préjudice irréparable auquel il serait exposé et prie le Comité de retirer sa demande de mesures provisoires de protection et de procéder sans délai à l’examen de la requête. À la suite de ses évaluations, conduites conformément à sa politique en matière de demandes de mesures provisoires de protection, l’État partie réaffirme que les éléments soumis par le requérant ne comportent aucune nouvelle information crédible et conclut qu’il n’y a pas de motif sérieux de croire que l’intéressé court un risque réel de torture en cas de renvoi en Afghanistan.

5.2L’État partie rappelle que des procédures internes très complètes ont été mises en œuvre, notamment l’examen au fond par le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés, le contrôle juridictionnel par le Tribunal fédéral de circuit et par la Cour fédérale de l’Australie, y compris le dépôt auprès du Ministre de l’immigration et de la protection des frontières d’une demande tendant à ce qu’il exerce son pouvoir discrétionnaire d’intervention en faveur des personnes dont la demande de visa a été rejetée. Il rappelle qu’il a été systématiquement constaté, dans le cadre de ces procédures internes, que le requérant n’était fondé à obtenir ni la protection au titre de la Convention relative au statut des réfugiés ni la protection complémentaire, et que les obligations de non-refoulement de l’État partie envers le requérant, qui découlent notamment de l’article 3 de la Convention, n’étaient pas engagées.

5.3Dans le cas où le Comité déciderait de ne pas retirer sa demande de mesures provisoires de protection, l’État partie le prie de procéder à l’examen de la requête sans tarder dès lors que celle-ci ne présente pas de difficultés particulières, que le dossier est complet et que toutes les procédures internes applicables ont été épuisées.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

6.1Le 11 avril 2016, le requérant a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il affirme que le réexamen au fond de son dossier par l’État partie est loin d’être « solide et très complet » puisqu’il a été effectué selon le régime non officiel, c’est‑à‑dire en dehors du cadre des dispositions de la loi de 1958 sur les migrations, par des décisionnaires et des contractuels du Ministère. Le requérant fait observer que la décision rendue à l’issue du second réexamen indépendant au fond ne renvoie aux dispositions relatives à la protection complémentaire que dans quatre paragraphes seulement, ce qui ne reflète pas une évaluation solide et très complète.

6.2Le requérant soutient en outre avoir été privé de la possibilité d’obtenir le réexamen indépendant au fond « solide et très complet » de sa demande par le Tribunal des recours administratifs, prévu par le régime officiel établi par la loi de 1958 sur les migrations. Dans l’État partie, le contrôle juridictionnel ne peut porter que sur la question très précise d’éventuelles erreurs de droit commises par les décideurs administratifs. Le contrôle juridictionnel ne permet pas de véritable examen au fond. Les tribunaux ne s’emploient pas à déterminer si le requérant est un réfugié ou s’il remplit les conditions pour bénéficier des dispositions relatives à la protection complémentaire.

6.3De plus, dans ses décisions du 8 septembre 2014 concernant la demande de protection postérieure au réexamen et du 8 octobre 2014 concernant l’application des directives ministérielles, le fonctionnaire du Ministère concerné n’a pas du tout évalué les obligations de non-refoulement et s’est borné à vérifier que les conclusions précédentes des autres décideurs internes étaient toujours valables.

6.4Le requérant soutient que, contrairement à ce qu’affirme l’État partie, il a établi l’existence de circonstances nouvelles. Dans son courrier du 8 février 2013, le Conseil australien des Hazaras a indiqué qu’un parlementaire afghan avait examiné son dossier et conclu que son père avait été exécuté par les Taliban qui le soupçonnaient d’espionnage pour les autorités afghanes. Le requérant ajoute qu’il est un fait largement reconnu qu’il n’y a pas de services de santé mentale en Afghanistan. S’ils ont conclu que le requérant ne serait pas privé de soins en Afghanistan, les décideurs qui ont examiné le dossier n’ont pas vérifié si ses problèmes de santé mentale pouvaient effectivement être traités en Afghanistan, ni évalué si l’impossibilité d’accéder à un tel traitement constituerait un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Le requérant prie par conséquent le Comité de ne pas retirer sa demande de mesures provisoires de protection.

Délibérations

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas actuellement en cours d’examen par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.2Le Comité note l’argument de l’État partie qui affirme que la communication est manifestement mal fondée étant donné que le requérant n’a pas établi qu’il courrait personnellement un risque de torture en cas de renvoi en Afghanistan et que la communication est de ce fait irrecevable en vertu de l’article 113 b) du règlement intérieur du Comité. Le Comité rappelle que, pour être recevable en vertu de l’article 22 de la Convention et de l’article 113 b) de son règlement intérieur, une requête doit apporter le minimum de preuves requis aux fins de recevabilité. Le Comité considère que le requérant a exposé les faits et les fondements de ses griefs au titre de l’article 3 de la Convention suffisamment en détail pour lui permettre de prendre une décision et considère donc que ses griefs sont suffisamment motivés aux fins de la recevabilité.

7.3Le Comité, relevant que l’État partie ne conteste pas la recevabilité de la requête pour d’autres motifs, conclut qu’il n’y a pas d’autres obstacles à la recevabilité. Par conséquent, le Comité déclare la requête recevable et procède à son examen au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été communiquées par les parties.

8.2En l’espèce, le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Afghanistan, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite par le paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il existe des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

8.3Le Comité doit déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait personnellement d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Afghanistan. Pour ce faire, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, y compris l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Le Comité rappelle toutefois que le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé court personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Dès lors, l’existence dans un pays d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives, ne constitue pas en soi une raison suffisante pour établir qu’une personne risque d’être soumise à la torture à son retour dans le pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser qu’elle courrait personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

8.4Le Comité rappelle aussi son observation générale no 1 et réaffirme que l’existence d’un risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable, la charge de la preuve incombe généralement au requérant qui doit présenter des arguments défendables établissant qu’il encourt un risque « prévisible, réel et personnel ». Le Comité accorde un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie intéressé, mais n’est pas lié par de telles constatations et est au contraire habilité, en vertu du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, à apprécier librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire.

8.5Le Comité note que le requérant affirme avoir été détenu et torturé par les Taliban pendant près de cinq mois en 2008 en raison de son origine ethnique et de sa religion, puisqu’il était accusé de travailler pour un gouvernement étranger et soupçonné d’être impliqué dans les préparatifs d’un attentat‑suicide. Il note également que le requérant affirme avoir assisté à la décapitation de son père et d’un autre détenu, ce qui l’a profondément traumatisé ; que s’il rentrait en Afghanistan, les autorités afghanes ne voudraient ou ne pourraient pas le protéger étant donné qu’elles sont infiltrées à tous les niveaux par les Taliban (voir le paragraphe 2.8 ci-dessus) ; et qu’après son arrivée en Australie, il a été établi par un médecin qu’il souffrait d’anxiété, de dépression et d’un syndrome de stress post-traumatique, certainement aggravés par la durée de sa détention dans un centre pour immigrants dans l’État partie. Le Comité relève en outre qu’il n’y a pas en Afghanistan de traitement adapté pour répondre aux besoins du requérant et que la santé mentale de ce dernier s’est détériorée depuis 2012, en raison essentiellement du fait qu’il a assisté à l’exécution de son père et qu’il a été détenu de façon prolongée dans un centre pour immigrants après la constatation d’erreurs commises pendant le premier réexamen (voir le paragraphe 4.11 ci-dessus). Le Comité prend également note des observations du requérant selon lesquelles les décideurs de l’État partie n’ont pas examiné la question de savoir si ses problèmes de santé mentale pouvaient être traités en Afghanistan et si l’impossibilité d’accéder à un traitement adapté serait assimilable à un traitement cruel, inhumain ou dégradant dans son cas. Ces allégations, présentant de nouveaux éléments à l’appui des demandes de protection complémentaire soumises après le réexamen, n’ont pas été contestées par l’État partie.

8.6Le Comité prend note par ailleurs de l’argument de l’État partie selon lequel le requérant n’a pas établi qu’il courrait personnellement un risque réel de torture en cas de renvoi vers l’Afghanistan et que l’existence d’un risque général de violence dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’une personne donnée risquerait d’être soumise à la torture si elle y était renvoyée. Le Comité relève cependant que l’État partie n’a pas contesté les allégations du requérant relatives au risque qu’il courrait, en tant que demandeur d’asile débouté, de subir des actes de torture ou des mauvais traitements en cas de renvoi en Afghanistan et à l’incapacité des autorités afghanes de le protéger contre la torture. Le Comité note en outre que le Ministère de l’immigration et de la protection des frontières a conclu que le requérant pourrait se réinstaller sans trop de difficultés dans une autre région d’Afghanistan, y compris à Kaboul, tout en reconnaissant que son père et lui avaient été enlevés et torturés pendant plusieurs mois par les Taliban et que son père avait été décapité sous ses yeux, raison pour laquelle il craignait de retourner en Afghanistan (voir le paragraphe 4.6 ci-dessus). Il note également que l’État partie a relevé des contradictions et des incohérences dans les déclarations du requérant. Toutefois, le Comité considère que l’on ne peut guère s’attendre à ce que le récit des victimes de torture soit d’une parfaite exactitude et estime que leur état de santé mentale devrait être suffisamment pris en compte. De plus, s’il a conclu que le requérant ne serait pas privé de soins en Afghanistan, l’État partie a reconnu que l’état actuel des soins de santé mentale y était « moins avancé ».

8.7Le Comité a conscience de la situation des droits de l’homme en Afghanistan et note que les autorités australiennes en ont tenu compte pour évaluer le risque auquel serait exposé le requérant en cas de renvoi dans son pays d’origine. Quant aux allégations du requérant relatives au risque qu’il courrait en tant que demandeur d’asile débouté ayant vécu plusieurs années dans un pays occidental, le Comité note que l’État partie n’a avancé aucun argument pour les réfuter. Le Comité relève également que le requérant affirme qu’il a été torturé par des acteurs non étatiques et que l’État partie ne pourrait pas le protéger contre une telle menace s’il était renvoyé en Afghanistan. Le Comité rappelle à cet égard que dans sa jurisprudence et dans son observation générale no 2 (2008) sur l’application de l’article 2, il a traité du risque de torture par des acteurs non étatiques et du manquement d’un État partie à exercer la diligence voulue pour intervenir et mettre un terme aux actes interdits par la Convention, qui peut engager la responsabilité dudit État. Il prend note des informations figurant dans les rapports disponibles sur la torture et les mauvais traitements, la détention arbitraire et le non-respect du droit à un procès équitable en Afghanistan, ainsi que des informations faisant état de mauvais traitements à l’encontre de demandeurs d’asile déboutés de profil semblable à celui du requérant.

8.8Le Comité note également que les arguments du requérant et les éléments de preuve qu’il a soumis pour les étayer ont été examinés par les autorités de l’État partie. Il rappelle que, même s’il incombe au requérant d’établir que sa demande d’asile est à première vue fondée, cela ne dispense pas l’État partie de consentir un effort important pour déterminer s’il y a des motifs de croire que le requérant serait exposé à un risque de torture en cas de renvoi. Le Comité considère comme un fait établi que le requérant a été détenu et torturé par les Taliban et que son état de santé est fragile puisqu’un médecin a conclu qu’il souffrait d’anxiété, de dépression et d’un syndrome de stress post-traumatique liés à ce qu’il a enduré en Afghanistan, certainement aggravés par la durée de sa détention dans l’État partie, et que le risque de torture ou de préjudice important ne peut pas être exclu étant donné que l’État partie a recommandé à l’intéressé de s’installer dans une autre région d’Afghanistan (voir par. 4.6).

8.9En conséquence, le Comité considère que lorsqu’il a émis des doutes, par exemple au sujet de la crédibilité des allégations du requérant quant à un risque de torture et aux menaces qui pesaient sur lui, l’État partie a conclu au manque de crédibilité de l’intéressé sans avoir suffisamment examiné un aspect essentiel de sa demande, qui est celui de savoir si le fait d’avoir été torturé par le passé, expérience exacerbée par les troubles mentaux dont il est maintenant atteint du fait des actes de torture et des traitements inhumains subis en Afghanistan, ne pourraient pas faire de lui une personne exposée à un risque de préjudice grave ou important dans l’éventualité d’un retour en Afghanistan. Le Comité considère donc qu’en rejetant la demande d’asile sans accorder tout le poids voulu à l’impossibilité des autorités afghanes de protéger le requérant contre de nouvelles persécutions des Taliban, l’État partie n’a pas étudié de manière assez approfondie la question de savoir si l’intéressé risquait d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements s’il était renvoyé en Afghanistan. Renvoyant à sa jurisprudence, il estime à cet égard que le fait de trouver refuge ou de s’installer dans une autre région du pays n’est pas une solution fiable et durable lorsque l’absence de protection est généralisée et exposerait l’intéressé à un risque supplémentaire de persécution ou de préjudice important, en particulier lorsque les persécutions de civils par des éléments hostiles au Gouvernement interviennent souvent de manière aveugle dans le pays d’origine du requérant. Le Comité considère en outre que les autorités n’ont pas évalué de manière satisfaisante l’état de santé mentale du requérant, la disponibilité effective d’un traitement adapté en Afghanistan et les conséquences, pour sa santé mentale, d’un renvoi dans son pays d’origine. Le Comité considère par conséquent que, dans les circonstances particulières de la présente affaire, le renvoi du requérant en Afghanistan constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

9.Compte tenu de ce qui précède, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, considère que l’État partie a l’obligation, conformément à l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser le requérant vers l’Afghanistan ou vers tout autre pays dans lequel il existe un risque réel d’expulsion ou de renvoi en Afghanistan.

10.Conformément au paragraphe 5 de l’article 118 de son règlement intérieur, le Comité prie l’État partie de l’informer, dans un délai de quatre‑vingt‑dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures prises pour donner suite aux observations ci‑dessus.