Nations Unies

CAT/C/60/D/573/2013

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

22 juin 2017

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 573/2013 *

Communication p résentée par :

D. C. et D. E. (non représentés par un conseil)

Au nom de :

Les requérants

État partie :

Géorgie

Date de la requête :

1er juillet 2013 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :

12 mai 2017

Objet :

Torture et mauvais traitements au moment de l’arrestation

Questions de procédure :

Recevabilité, défaut manifeste de fondement ; épuisement des recours internes

Questions de fond :

Torture, obligation de procéder immédiatement à une enquête impartiale, traitement des détenus

Article(s) de la Convention :

1er, 11, 12, 13, 16 et 22

1.Les requérants sont deux ressortissants géorgiens, D. C., né le 10 mai 1955, et son fils D. E., né le 21 mars 1980. Ils se déclarent victimes de violations par la Géorgie des articles 1er, 11, 12, 13 et 16 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La Géorgie a fait la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention contre la torture le 30 juin 2005. Les requérants ne sont pas représentés par un conseil.

Rappels des faits présentés par les requérants

2.1Le premier requérant est médecin et a travaillé pour une organisation non gouvernementale. Le second vit grâce à une pension que lui verse l’État en raison d’une incapacité due au diabète.

2.2Le 10 octobre 2010, vers 16 h 30, des agents de la police criminelle ont arrêté le premier requérant dans la cour du domicile de son fils (le second requérant) et l’ont fait monter à bord d’un véhicule. Les agents ayant procédé à l’arrestation ont ensuite menacé le premier requérant et lui ont donné des coups de poing sur le corps et la tête. Les policiers ont falsifié le procès‑verbal de son arrestation afin de dissimuler le temps exact pendant lequel il était resté sous leur garde ; ainsi ils ont écrit − ce qui était faux − que le requérant avait été arrêté à 17 h 40 et conduit à un poste de police à 21 h 10, et aussi que le requérant ne présentait pas de lésion visible sur le corps.

2.3Le second requérant a appelé la police pour demander où se trouvait son père, après quoi des policiers se sont présentés à son appartement. Comme le second requérant refusait de laisser entrer les agents, l’un d’eux l’a frappé à la tête avec la crosse de son pistolet. Alors que le requérant était étourdi, le policier a pris les clefs de son appartement dans la poche de son manteau et y a mis quatre balles provenant d’un pistolet Makarov. Les policiers sont entrés dans l’appartement et y ont dissimulé un chargeur à munitions ainsi que 20 ampoules de morphine. Le deuxième requérant a alors été arrêté lui aussi ; le procès‑verbal d’arrestation indique qu’il a été pris en charge au poste de police à 21 h 10, et que la seule lésion constatée sur lui à ce moment‑là est la blessure infligée par le policier qui a procédé à l’arrestation.

2.4Les autorités ont accusé les requérants d’enlèvement, et de détention illégale de munitions et de stupéfiants. Ils ont été interrogés pendant environ huit heures ; ils étaient menottés, ont reçu des coups de poing et des coups de pied, ont été étranglés et menacés d’être défenestrés. Le second requérant a été brûlé à la cigarette et a subi une tentative de viol. Les policiers les ont menacés de leur infliger d’autres sévices et d’arrêter des membres de leur famille s’ils ne s’avouaient pas coupables. Des policiers et des agents du Bureau du Procureur, en particulier un dont les initiales sont T. A., ont participé aux actes de torture.

2.5 Le 11 octobre 2010 après minuit, les requérants ont été transférés dans un centre de détention temporaire où ils ont été examinés par le médecin de garde. D’après les certificats médicaux produits par les requérants, le premier requérant présentait de nombreuses abrasions cutanées autour du cou et de la clavicule et des ecchymoses à la jambe, et le second présentait des plaies à la tête, il avait l’arcade sourcilière et la mâchoire enflées et de multiples abrasions cutanées autour du cou et de la clavicule.

2.6Le second requérant signale également que, pendant toute la durée de sa détention au poste de police et dans le centre de détention temporaire, il n’a jamais été autorisé à faire ses injections d’insuline, ce qui a aggravé son état de santé.

2.7À une date non précisée, les requérants ont été déclarés coupables des infractions visées aux articles 181 (extorsion), 144 (enlèvement), 260 (préparation, production, achat, détention, envoi, transfert ou vente illicites de stupéfiants) et 236 (achat, détention, port, production, envoi, transfert ou vente illicites d’armes à feu, de munitions, de matières explosives ou d’engins explosifs) du Code pénal, et condamnés à une peine d’emprisonnement de trente ans pour le premier et de trente-deux ans pour le second. Par la suite, la Cour suprême a annulé en appel les condamnations pour infraction à l’article 181. Le 28 décembre 2012, le Parlement nouvellement élu a adopté une loi d’amnistie pour plusieurs infractions, dont les infractions qualifiées aux articles 236 et 260 du Code pénal, et les peines prononcées contre les requérants ont été réduites à un emprisonnement de neuf ans pour chacun.

2.8 En 2011 et 2012, les requérants ont adressé à différentes institutions 43 plaintes pour dénoncer les actes de torture qu’ils avaient subis ; en 2013, ils ont déposé 58 autres plaintes. Les requérants affirment n’avoir pas reçu de réponse dans la majorité des cas. Leur dossier a toutefois été examiné par le Défenseur public de Géorgie, qui l’a transmis au Bureau du Procureur de la Géorgie le 26 novembre 2011. Le Bureau du Procureur de la Géorgie a ouvert une enquête sur les plaintes des requérants pour excès de pouvoir (art. 333 du Code pénal).

2.9Les requérants affirment que l’État partie n’a procédé à aucune enquête diligente sur les plaintes qu’ils ont déposées, étant donné qu’ils n’ont été interrogés qu’une seule fois, en qualité de témoins. Ils déclarent qu’ils n’avaient pas la qualité de « victimes » pendant la procédure, qu’à leur connaissance aucune autre mesure d’enquête n’a été prise et qu’aucune enquête n’a été ouverte au titre des dispositions du Code pénal relatives à la torture. Ils estiment que le Bureau du Procureur de la Géorgie a l’intention de clore l’enquête à l’expiration du délai de prescription.

Teneur de la plainte

3.Les requérants affirment être victimes de violations par l’État partie des articles 1er, 11, 12, 13 et 16 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1L’État partie confirme que les requérants ont été arrêtés par des agents de la police criminelle le 10 octobre 2010. Le premier requérant a été arrêté pour enlèvement en application d’une décision judiciaire du 10 octobre 2010 ; le second a été arrêté pour détention illégale de munitions. Après leur arrestation, les requérants ont été conduits dans un service de police où ils ont été interrogés. Après l’interrogatoire, ils ont été placés dans le centre de détention temporaire no 2 de Tbilissi. Le 13 octobre 2010, le tribunal municipal de Tbilissi a ordonné leur placement en détention provisoire et ils ont été incarcérés à la prison no 8 de Tbilissi.

4.2Le 10 octobre 2010, dès son arrivée au centre de détention temporaire, le premier requérant a subi un examen médical, et un rapport décrivant certaines lésions a été établi. Il a affirmé que ces lésions étaient antérieures à sa détention et qu’il n’avait donc aucun grief contre les membres des forces de l’ordre. Le 19 octobre 2011, après un an de détention, le premier requérant a saisi le Bureau du Procureur de Tbilissi d’une plainte pour mauvais traitements subis lors de son arrestation. Le Bureau du Procureur de Tbilissi a ouvert une enquête le 12 novembre 2011. Le 23 février 2012, un enquêteur a interrogé le premier requérant pour vérifier ses allégations, en présence d’un avocat et d’un interprète. Des enquêteurs ont également interrogé les policiers qui avaient participé à l’arrestation et ont obtenu les rapports des examens médicaux du premier requérant établis au centre de détention temporaire et à la prison no 8 de Tbilissi. L’État partie fait observer que l’examen médical pratiqué le 13 octobre 2010 n’a révélé aucune lésion traumatique. L’enquêteur a ordonné un examen médico‑légal, qui a débuté le 5 mars 2012 et s’est achevé le 16 mars 2012. Selon l’avis définitif des experts, qui se fondait sur les différents rapports médicaux, les requérants avaient subi des blessures légères mais il n’était pas possible de dater celles-ci avec précision. L’enquête portait également sur d’autres éléments (non spécifiés).

4.3Le 11 octobre 2010, dès son arrivée au centre de détention temporaire, le second requérant a été examiné par un médecin qui a constaté plusieurs lésions. Il a déclaré que des policiers l’avaient agressé physiquement, ce qui ressortait du rapport de l’examen médical. Les autorités compétentes ont veillé à ce que ce rapport soit remis immédiatement à l’organe d’enquête. Le 6 novembre 2010, dès réception du rapport médical, une enquête a été ouverte par le service d’enquête du Bureau du Procureur de Tbilissi. Le même jour, des enquêteurs ont interrogé les policiers qui avaient procédé à l’arrestation du second requérant. Le 11 novembre 2010, un enquêteur a interrogé le second requérant sur les allégations notées dans le rapport médical. Celui‑ci a toutefois déclaré qu’il n’avait aucun grief contre les policiers et a expliqué qu’il s’était plaint parce qu’il était en colère à cause de son arrestation. Les autorités d’enquête ont obtenu le dossier médical du second requérant auprès du centre de détention temporaire et de la prison no 8 de Tbilissi. L’État partie fait observer que l’examen médical du second requérant à son arrivée à la prison no 8 de Tbilissi, le 13 octobre 2010, n’a révélé aucune lésion. L’enquêteur a également ordonné un examen médico‑légal, qui a eu lieu le 5 mars 2012 et qui a confirmé que les rapports médicaux datés des 11 et 13 octobre 2010 faisaient état de blessures légères mais n’établissaient pas à quelle date elles avaient été reçues. Le 9 mars 2012, l’enquêteur a de nouveau interrogé le second requérant, qui a déclaré qu’il avait été agressé physiquement par la police.

4.4Le 15 février 2013, le responsable du service d’enquête du Bureau du Procureur de Tbilissi a joint les différentes enquêtes ouvertes sur les griefs des requérants. Lorsque l’État partie a fait parvenir ses observations (6 mai 2014), l’enquête était toujours en cours.

4.5L’État partie soutient que la communication devrait être déclarée irrecevable parce que les requérants n’ont pas épuisé les recours internes et que les allégations sont manifestement infondées. Il affirme en particulier qu’à aucun moment le second requérant n’a déclaré qu’il avait été victime d’une tentative de viol, brûlé à la cigarette ou menacé d’être défenestré, pendant l’interrogatoire officiel ou d’autres procédures internes. L’État partie signale que, si l’avocat du second requérant a demandé un examen médico-légal le 2 novembre 2010, c’était uniquement en rapport avec le diabète de son client. L’État partie fait également observer que le requérant n’a apporté dans sa requête au Comité aucun élément à l’appui des allégations de brûlure à la cigarette ou de tentative de viol qu’il aurait subies.

4.6.L’État partie affirme en outre que les requérants n’ont pas épuisé les recours internes, comme l’exige le paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, en ce qu’ils n’ont pas attendu l’issue de l’enquête sur les allégations de torture avant de saisir le Comité. Il soutient que la charge de la preuve incombe généralement au requérant, qui doit montrer que les recours internes ont été épuisés ou qu’ils sont inefficaces. L’État partie renvoie à l’affaire R. c. France,dans laquelle le Comité a considéré que la communication était irrecevable parce que l’auteur n’avait pas démontré que les recours internes avaient peu de chances d’aboutir.

4.7L’État partie affirme qu’en l’espèce les requérants n’ont pas montré que les recours internes étaient inutiles ; au contraire, les autorités de l’État partie ont enquêté sur les griefs des requérants malgré le manque de cohérence de ceux-ci. L’État partie conteste l’affirmation du premier requérant qui dit que l’enquête sur les plaintes pour mauvais traitements a débuté le 26 novembre 2011 (plus d’un an après son arrestation), et précise qu’en réalité l’enquête a été ouverte peu de temps après son arrestation, le 6 novembre 2010, après que les autorités d’enquête eurent reçu le rapport de l’examen médical du second requérant. Néanmoins, le premier requérant n’a pas « fait preuve de la diligence raisonnable requise » et a saisi le Bureau du Procureur de Tbilissi un an seulement après la date à laquelle il dit avoir subi des mauvais traitements, ce qui a nui à l’efficacité de l’enquête. L’État partie fait observer que le premier requérant a déclaré, le 10 octobre 2010, lors de l’examen médical pratiqué après son placement dans le centre de détention temporaire, que les lésions constatées pendant cet examen étaient antérieures à son arrestation et qu’il n’avait aucun grief contre les agents des forces de l’ordre. L’État partie note en outre que, pendant son premier interrogatoire, le 11 novembre 2010, le second requérant est revenu sur ses allégations de mauvais traitements, mais que les autorités se sont toutefois efforcées d’obtenir des preuves et ont procédé à un examen médico-légal après que le second requérant eut réitéré ses allégations pendant le second interrogatoire, le 9 mars 2012.

4.8L’État partie affirme que, sur le plan institutionnel comme dans la pratique, le Bureau du Procureur de Tbilissi, qui a ouvert l’enquête officielle sur les allégations des requérants, est indépendant des personnes impliquées dans les mauvais traitements allégués, et que les mesures d’enquête qui ont été prises ont consisté notamment en plusieurs examens médicaux et de nombreux interrogatoires de témoins. Compte tenu de cette activité d’investigation par les autorités, l’État partie maintient que les requérants auraient dû attendre l’issue de l’enquête avant de saisir le Comité.

4.9L’État partie ajoute que, le 25 juin 2011, le tribunal municipal de Tbilissi a reconnu les requérants coupables des infractions visées aux articles 144 (enlèvement), 181 (extorsion), 236 (achat, détention, port, production, envoi, transfert ou vente illicites d’armes à feu, de munitions, de matières explosives ou d’engins explosifs) et 260 (préparation, production, achat, détention, envoi, transfert ou vente illicites de stupéfiants) du Code pénal, et les a condamnés à une peine d’emprisonnement de trente ans pour le premier et de trente-deux ans pour le second. Par un arrêt rendu le 26 décembre 2011, la Cour d’appel de Tbilissi a confirmé le jugement de la juridiction inférieure. Le 16 mars 2012, la Cour suprême a examiné le recours formé par les requérants et, après avoir apprécié les faits de la cause, a ramené les peines d’emprisonnement à vingt-quatre ans pour le premier requérant et à vingt-six ans pour le second.

Commentaires des requérants sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans une lettre du 28 juillet 2014, les requérants ont informé le Comité qu’à la suite d’une amnistie accordée en 2012, les chefs d’inculpation énoncés aux articles 260 (détention de stupéfiants) et 236 (détention de munitions) du Code pénal avaient été retirés, et que leur peine avait été ramenée de douze à neuf ans d’emprisonnement.

5.2Pour ce qui est de l’argument de l’État partie qui affirme qu’ils n’ont pas épuisé les recours internes, les requérants renvoient à une lettre du Bureau du Défenseur public reçue le 22 mai 2014, à laquelle était jointe une copie d’une ordonnance datée du 19 mai 2014 et indiquant que l’enquête sur leurs plaintes avait été confiée à l’Inspection générale du Bureau du Procureur de la Géorgie, en date du 29 mars 2013. Selon les requérants, l’Inspection générale n’a pris aucune mesure d’enquête réelle, et la dernière mesure d’instruction sérieuse prise en l’espèce remonte à mars 2012. Cela démontre l’inefficacité des recours internes qui leur sont ouverts. En outre, les requérants affirment que l’un des principaux suspects (T. A., voir par. 2.4) n’a jamais été interrogé et qu’ils n’ont jamais été convoqués à une séance d’identification, qui leur aurait permis de reconnaître les policiers qui les avaient maltraités. Le 5 septembre 2013, les requérants ont déposé plainte auprès du Bureau du Procureur, lui faisant grief de ne pas avoir identifié et puni les personnes qui les avaient maltraités.

5.3Les requérants contestent l’objection de l’État partie qui affirme que le second requérant n’a jamais dit devant les autorités nationales qu’il avait été victime d’une tentative de viol et brûlé à la cigarette. Ils relèvent également que les détenus qui dénoncent des agressions sexuelles se mettent en danger car ils pourraient être qualifiés d’homosexuels et s’exposer à un risque élevé de subir des violences de la part d’autres détenus. Ils ajoutent que dans le rapport de l’expertise pratiquée sur le second requérant, qu’ils ont obtenu le 15 avril 2014, le médecin constate une cicatrice sur la main provoquée par l’exposition à une forte température, et une cicatrice sur la fesse gauche qui correspond aux allégations de tentative de viol. Les requérants ont envoyé ce rapport ainsi qu’une description des traitements subis à de nombreuses institutions de l’État, notamment au Président, au Défenseur public, au Président de la Cour suprême et aux commissions parlementaires.

5.4Les requérants contestent en outre la fiabilité des examens médicaux pratiqués à leur arrivée à la prison no 8 de Tbilissi, le 13 octobre 2010, et affirment que les blessures constatées dans le rapport médical du centre de détention temporaire, daté du 10 octobre 2010, ne pouvaient pas avoir complètement disparu quand ils ont été transférés. Ils soutiennent que le médecin de garde de la prison no 8 n’a pas mentionné leurs lésions, que le dossier médical établi à la prison no 8, le 29 février 2012, contient beaucoup d’erreurs, et que le rapport médico‑légal de 2012 est également erroné car il est fondé sur ces documents antérieurs. Ils indiquent qu’ils se sont plaints du médecin de la prison no 8 auprès du Bureau du Procureur, qui n’a donné aucune suite.

5.5Les requérants affirment en outre que les agents de l’État partie ont cherché à les empêcher de saisir les autorités et le Comité et les ont menacés ainsi qu’un membre de leur famille. Le second requérant fait valoir qu’il a été contraint de signer la déclaration recueillie lors de son interrogatoire du 11 novembre 2010, dans laquelle il disait qu’il avait accusé les agents de police de l’avoir maltraité uniquement parce qu’il était en colère contre eux. Il affirme que l’enquêteur l’a menacé et l’a obligé à signer cette déclaration rédigée en géorgien, langue qu’il ne lit pas et qu’il parle à peine. Les requérants affirment en outre que, le 17 juin 2013, ils ont demandé à un travailleur social de la prison de faire une copie de la communication qu’ils avaient l’intention d’adresser au Comité, mais que le directeur adjoint de la prison l’a interceptée et l’a envoyée au Bureau du Procureur, conformément au paragraphe 4 de l’article 14 du règlement de la prison, qui permet une telle immixtion dans la correspondance des détenus s’il existe un risque d’atteinte à l’ordre ou à la sécurité publics ou aux droits et libertés d’autrui. Leur communication ne leur a été restituée que le 3 juillet 2013, et la plainte qu’ils ont déposée ensuite pour rétention de ce document est restée sans suite. Les requérants ajoutent que, en octobre 2013, le fils du premier requérant (le frère du second requérant) a été agressé par des individus qui lui ont dit agir sur ordre du Ministre de l’exécution des peines et qui lui ont conseillé d’avertir les requérants de cesser de déposer des plaintes. Le second requérant affirme qu’il a aussi été menacé par des individus non identifiés alors qu’il passait un examen médical dans un dispensaire situé à l’extérieur de la prison en février 2014. Les requérants mentionnent plusieurs autres cas où ils ont été maltraités ou menacés en prison.

5.6Les requérants réaffirment que, pendant toute la durée de la garde à vue et du placement dans le centre de détention temporaire, les injections d’insuline nécessitées par le diabète du second requérant lui ont été refusées, ce qui a entraîné un diabète décompensé et une baisse de sa vision.

Observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

6.1Dans une note du 5 mars 2015, l’État partie a réitéré ses observations sur la recevabilité de la communication. Il a ajouté que les enquêtes sur les allégations des requérants, jointes en une seule procédure le 15 février 2013 par le responsable du service d’enquête du Bureau du Procureur de Tbilissi, étaient toujours en cours.

6.2L’État partie objecte en outre que les faits de la cause ne font pas apparaître de violation de la Convention étant donné que, même si les affirmations des requérants sont véridiques, les mauvais traitements allégués n’ont pas atteint le niveau minimum de gravité suffisant pour constituer des actes de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’État partie maintient que « tous les types de mauvais traitements » n’entrent pas dans le champ d’application de la Convention et que les examens médico‑légaux effectués ont révélé des lésions relevant de la catégorie des blessures légères qui n’ont pas entraîné de dommages pour la santé des requérants. En outre, aucune lésion n’a été constatée à l’arrivée des requérants à la prison no 8 de Tbilissi le 13 octobre 2010, ce qui montre que leurs blessures n’étaient pas graves. D’après les rapports médicaux, quand il a été placé dans le centre de détention temporaire, le 11 octobre 2010, le second requérant avait une plaie sur la partie supérieure du front et une petite ecchymose sur la pommette droite, l’arcade sourcilière et la partie droite de la mâchoire enflées, et de multiples écorchures autour du cou et des clavicules. Il avait déclaré avoir été maltraité par des policiers. Une enquête a été ouverte le 6 novembre 2010 et les policiers qui avaient procédé à l’arrestation ont été interrogés et ont nié avoir maltraité le requérant pendant ou après l’arrestation. Ils ont également affirmé qu’ils n’avaient consigné dans le procès‑verbal d’arrestation que les lésions qu’ils avaient relevées juste après l’arrestation. Le nouvel examen médical effectué après son transfèrement à la prison no 8 de Tbilissi n’a montré aucune lésion. Le 11 novembre 2010, il est revenu sur ses allégations.

6.3Le 4 janvier 2012, le second requérant a déposé une plainte auprès du Bureau du Procureur dans laquelle il réaffirmait qu’il avait été maltraité pendant son arrestation. Le 1er mars 2012, l’enquêteur a ordonné un examen médico‑légal, qui a eu lieu le 5 mars 2012 ; sur la base des rapports médicaux en date des 11 et 13 octobre 2010, les experts ont conclu que le second requérant avait reçu des blessures légères, mais ils n’ont pas été en mesure de préciser à quelle date elles avaient été infligées. Interrogé le 9 mars 2012, le second requérant a réaffirmé avoir été maltraité par les policiers qui l’avaient arrêté et a donné le nom d’un enquêteur (B. D.) qui l’avait agressé pendant sa détention. Il a ajouté qu’un autre agent (T. A.) était venu le voir en prison et l’avait averti que son frère serait arrêté et que sa peine serait prolongée s’il continuait à formuler des plaintes. Le second requérant s’est plaint également de n’avoir pas reçu l’insuline dont il avait besoin entre le moment de son arrestation et son placement au centre de détention temporaire.

6.4En ce qui concerne l’avis de l’expert médical en date du 10 avril 2014, que les requérants ont fait parvenir au Comité, l’État partie souligne que l’expert a constaté la présence de cicatrices sur la main du second requérant et a conclu, sans toutefois être catégorique, qu’elles pouvaient avoir été causées par une brûlure. L’expert a également constaté une marque à l’intérieur du quadrant inférieur gauche de la fesse, mais n’était pas en mesure de déterminer avec quel objet cette blessure avait été infligée. L’expert n’a pas pu déterminer la date exacte à laquelle le second requérant avait subi ces lésions. L’État partie affirme que, dans la mesure où ces blessures n’étaient pas mentionnées dans le rapport médical à l’arrivée au centre de détention temporaire, elles ont pu être infligées à tout moment après l’arrestation. En outre, le second requérant n’a jamais fait mention de ces blessures dans sa plainte aux autorités nationales.

6.5L’État partie souligne que les autorités d’enquête ont interrogé les agents qui avaient participé à l’arrestation et que ces derniers ont « nié tout acte de violence verbale ou physique à l’égard des requérants pendant ou après l’arrestation ». Les policiers ont renvoyé au procès‑verbal de l’examen médical du premier requérant selon lequel celui‑ci avait déclaré qu’il n’avait « aucun grief à formuler à propos de la détention » et que « les lésions constatées sur son corps [étaient] antérieures à sa détention ». L’État partie ajoute que certains agents ont aussi « nié tout acte illicite » de la part de l’enquêteur T. A., « ainsi que de la part d’autres agents ». L’État partie renvoie en outre aux rapports médicaux concernant les deux requérants et aux résultats de l’examen médico-légal du 16 mars 2012. Il soutient que les résultats des activités d’enquête concernant le premier requérant « ont permis de démontrer clairement qu’il n’y avait pas eu de mauvais traitement » et qu’une « enquête complète et objective sur les allégations du second requérant est en cours, conformément à l’obligation qui lui incombe en vertu de la Convention ».

6.6L’État partie maintient que les méthodes et les pratiques d’interrogatoire utilisées par ses agents ainsi que le traitement qu’ils ont réservé aux requérants sont pleinement conformes aux dispositions de la Convention. Il considère que toutes les mesures d’instruction ont été accomplies de façon impartiale, dans le respect de la Convention, et n’ont mis en évidence aucun signe de torture ou d’actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’État partie demande au Comité de constater qu’il n’y a pas eu violation des articles 1er, 11, 12, 13 ou 16 de la Convention.

Commentaires des requérants sur les observations complémentaires de l’État partie

7.1Dans leur réponse datée du 9 juillet 2015, les requérants signalent que, lors de leur première audience, le 13 octobre 2010, leur avocat a demandé un examen médical afin de déterminer la nature des lésions, mais qu’un juge du tribunal municipal de Tbilissi a refusé. Les requérants ont saisi le Conseil suprême de la magistrature et ont été informés que le juge s’était vu appliquer une sanction disciplinaire de six mois, mais ils n’ont jamais reçu aucun document confirmant cette mesure. Ils n’ont réussi à obtenir un rapport médico‑légal qu’en 2014.

7.2Les requérants réaffirment que, lorsqu’ils ont présenté leur communication au Comité, en 2015, le dernier acte d’instruction effectué dans le cadre de l’enquête sur leurs plaintes pour torture remontait au 21 mars 2013 et que deux des personnes qu’ils accusaient (T. A. et A. A.) n’avaient jamais été interrogées. Ils réaffirment que les autorités de l’État partie attendaient l’expiration du délai de prescription afin de clore l’enquête.

7.3En réponse à l’argument de l’État partie qui affirme que le premier requérant a entravé l’enquête en attendant le 19 octobre 2011 avant de présenter une plainte, les requérants font observer que le premier requérant a été interrogé le 3 novembre 2010 par un fonctionnaire du Bureau du Procureur (un certain D. N.), mais que celui-ci a tenté de le « convaincre » de ne pas porter plainte. De même, le 11 novembre 2010, le second requérant a été contraint de signer une déposition par laquelle il retirait ses griefs. Les requérants font observer que l’État partie renvoie à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Stefan Iliev c. Bulgarie mais que, contrairement au requérant dans cette affaire, ils n’avaient pas opposé de résistance à leur arrestation.

7.4Le premier requérant conteste l’allégation de l’État partie qui affirme que ses blessures étaient mineures et ne résultaient pas d’actes de torture, et il soutient que le fait d’avoir vu son fils roué de coups, étranglé, victime d’une tentative de viol et détenu pendant des jours sans pouvoir faire les injections d’insuline dont il avait besoin, et ce, dans le but de lui faire avouer un crime qu’il n’avait pas commis, constitue en soi une torture au sens de l’article premier de la Convention.

7.5Les requérants réaffirment qu’ils ont déposé de nombreuses plaintes auprès de différentes institutions de l’État, dont beaucoup ont été transmises au Bureau du Procureur. Ils demandent au Comité de déclarer la communication recevable, de l’examiner sur le fond et de conclure à la violation des articles 1er, 11, 12, 13 et 16 de la Convention.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la communication est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.2 Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune requête sans s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles. Le Comité relève que l’État partie affirme que la communication devrait être déclarée irrecevable au motif que des enquêtes ont été ouvertes par le service d’enquête du Bureau du Procureur de Tbilissi, le 12 novembre 2011 pour les allégations de torture formulées par le premier requérant, et le 6 novembre 2010 pour celles formulées par le second requérant, et que ces enquêtes, qui ont été jointes en une seule procédure en 2013, sont toujours en cours. Cependant, le Comité note l’allégation des requérants, qui n’est pas contestée, selon laquelle les dernières mesures d’enquête approfondie qui ont été prises remontent à mars 2012. Le Comité constate qu’à ce jour l’État partie n’a fourni aucune information sur l’issue de la procédure. Étant donné que cinq ans se sont écoulés depuis la dernière mesure d’enquête approfondie prise en l’espèce, le Comité est d’avis que les procédures de recours internes ont excédé des délais raisonnables, ce qui les rend inefficaces. En conséquence, les dispositions du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention n’empêchent pas le Comité d’examiner la présente communication.

8.3Le Comité rappelle que, pour être recevable en vertu de l’article 22 de la Convention et de l’article 113 b) de son règlement intérieur, une requête doit apporter le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité. Il prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que la communication est manifestement infondée, faute d’être suffisamment étayée. Le Comité considère que les griefs des requérants soulèvent des questions de fond au regard des articles 1er, 12, 13 et 16 de la Convention, et qu’ils doivent être examinés au fond.

8.4Les requérants font valoir que l’État partie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11 de la Convention, mais ils ne donnent aucune information à l’appui de cette affirmation. En conséquence, le Comité conclut que ce grief n’est pas suffisamment étayé et qu’il est irrecevable, en application de l’article 22 de la Convention et de l’article 113 b) de son règlement intérieur.

8.5Ne voyant aucun autre obstacle à la recevabilité, le Comité déclare la présente communication recevable en ce qui concerne les griefs tirés des articles 1er, 12, 13 et 16 de la Convention et procède à son examen au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la requête en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été communiquées par les parties.

9.2Le Comité relève que les requérants disent avoir été soumis à la torture, telle que définie au paragraphe 1 de l’article premier, et/ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, tels que définis au paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention. Il note que les deux requérants affirment qu’après leur arrestation ils ont été interrogés par des policiers et des fonctionnaires du Bureau du Procureur pendant environ huit heures, au cours desquelles ils sont restés menottés, ont reçu des coups de poing et des coups de pied, ont été étranglés et menacés d’être défenestrés. Le Comité relève que, pour le premier requérant, le fait d’avoir vu les autorités infliger un tel traitement à son fils − le second requérant − pour les forcer tous les deux à avouer des crimes constitue en soi une torture au sens de l’article premier de la Convention.

9.3Le Comité relève en outre que le médecin de garde du centre de détention temporaire a constaté, le 10 octobre 2010 pour l’un et le 11 octobre 2010 pour l’autre, que les deux requérants avaient des abrasions cutanées et des ecchymoses et que les lésions consignées dans le rapport concordaient avec leur récit. L’État partie note que les rapports des examens médicaux ultérieurs, pratiqués à l’arrivée des requérants à la prison no 8 de Tbilissi le 13 octobre 2010, ne mentionnent aucune de ces blessures et que les examens médico-légaux ordonnés par les enquêteurs, qui ont analysé les différents rapports médicaux, concluent que les blessures infligées aux requérants étaient sans gravité ; toutefois, le Comité considère que les documents du centre de détention temporaire constituent des éléments de preuve suffisants pour corroborer le récit des requérants. Le Comité estime, en se fondant sur les éléments dont il est saisi, que le récit des requérants est crédible. De plus, ce récit dénonce un comportement des autorités de l’État partie qui a causé « des douleurs et des souffrances aiguës », au sens du paragraphe 1 de l’article premier de la Convention.

9.4Le Comité note également l’argument du second requérant, diabétique, qui affirme qu’il n’a pas été autorisé à faire ses injections d’insuline pendant toute la durée de la garde à vue et de la détention au centre de détention temporaire, soit du 10 au 13 octobre 2010, ce qui a aggravé son état de santé. L’État partie n’a pas réfuté ces allégations. En conséquence, le Comité considère que le traitement décrit est cruel et inhumain au sens de l’article 16 de la Convention et que l’État partie a violé le paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention à l’égard du second requérant.

9.5 Pour ce qui est de l’allégation des requérants qui affirment que les agents de l’État partie ont violé l’article 12 de la Convention en ne procédant pas immédiatement à une enquête impartiale, le Comité souligne que la simple ouverture d’une enquête ne suffit pas à assurer le respect des obligations qui incombent à l’État partie. Le Comité prend note des arguments des requérants, non contestés par l’État partie, qui indiquent que les enquêteurs ont attendu jusqu’en mars 2012 pour ordonner que les rapports médicaux des requérants fassent l’objet d’un examen médico‑légal, soit seize mois après avoir ouvert une enquête sur les plaintes du second requérant, en novembre 2010, que les enquêteurs n’ont jamais interrogé l’un des individus que les requérants accusent de les avoir torturés (« T. A. ») et qu’aucune mesure d’enquête approfondie n’a été prise en ce qui concerne leur cas depuis mars 2012. L’État partie indique que l’enquête suit son cours, mais il n’a fourni aucune information permettant de penser qu’une mesure d’enquête approfondie a été prise depuis mars 2012, ni donné aucune indication de la date d’une décision éventuelle. Le Comité considère qu’une enquête de plus de six ans − notamment un intervalle de plus de cinq ans depuis la dernière mesure d’enquête approfondie − ne satisfait pas à l’obligation qui est faite à l’État partie par l’article 12 de la Convention de procéder immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis.

9.6L’État partie n’a pas non plus rempli l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 13 de la Convention d’assurer le droit de porter plainte, qui présuppose que les autorités apportent une réponse adéquate à une plainte par le déclenchement d’une enquête prompte et impartiale. Les requérants affirment en outre que les agents de l’État partie ont cherché à les empêcher de saisir les autorités et le Comité, et qu’ils ont menacé un membre de leur famille. Le second requérant affirme qu’il a été menacé par un enquêteur, qui l’a contraint à signer une déposition dans laquelle il revenait sur ses allégations de torture. Les requérants signalent que les agents pénitentiaires ont intercepté la plainte qu’ils comptaient adresser au Comité et qu’un de leurs parents a été agressé et menacé par des personnes agissant pour le compte des autorités, suite aux démarches qu’ils avaient entreprises. L’État partie n’a pas apporté d’information susceptible de réfuter cette partie de la communication. Le Comité constate donc une violation de l’article 13 de la Convention.

10.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 12 et de l’article 13, lu conjointement avec l’article premier de la Convention, à l’égard des deux requérants ainsi qu’une violation du paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention à l’égard du second requérant.

11.Conformément au paragraphe 5 de l’article 118 de son règlement intérieur, le Comité demande instamment à l’État partie d’ouvrir une enquête impartiale sur tous les faits de l’affaire, en vue de traduire en justice les responsables du traitement infligé aux victimes, d’accorder une réparation appropriée aux requérants, y compris une indemnisation équitable et adéquate pour les souffrances qu’ils ont subies, conformément à l’observation générale no 2 (2008) du Comité sur l’application de l’article 2 par les États parties, et de leur assurer des moyens de réadaptation médicale. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas. Le Comité invite l’État partie à l’informer des mesures prises pour donner suite à la présente décision dans un délai de quatre‑vingt‑dix jours suivant la date de sa transmission.