Nations Unies

CRPD/C/27/2

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

13 octobre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Rapport du Comité des droits des personnes handicapées sur sa vingt-septième session (15 août‑9 septembre 2022)

I.États parties à la Convention et au Protocole facultatif s’y rapportant

1.Au 9 septembre 2022, date de clôture de la vingt-septième session du Comité des droits des personnes handicapées, le nombre des États parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées était de 185 et celui des États parties au Protocole facultatif s’y rapportant de 100. La liste des États parties à chacun de ces deux instruments figure sur le site Web du Bureau des affaires juridiques du Secrétariat.

II.Ouverture de la vingt-septième session du Comité

2.La vingt-septième session a été ouverte en séance publique par la Chef de la Section des requêtes et des actions en urgence de la Division des mécanismes relevant du Conseil des droits de l’homme et des instruments relatifs aux droits de l’homme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), qui a souhaité la bienvenue aux participants. Le texte de l’allocution de bienvenue est disponible sur le site Web du Comité.

3.La Présidente du Comité a fait un rapport oral sur les activités intersessions.

4.Le Comité a examiné puis adopté l’ordre du jour et le programme de travail provisoires de la vingt-septième session.

III.Composition du Comité

5.La liste des membres du Comité au 9 septembre 2022, avec mention de la durée de leur mandat, figure sur le site Web du Comité.

IV.Méthodes de travail

6.Le Comité a débattu de diverses questions ayant trait à ses méthodes de travail et décidé de poursuivre l’actualisation et la simplification de ces dernières pendant la période intersessions.

V.Activités se rapportant aux observations générales

7.Le Comité a adopté son observation générale no 8 (2022) sur le droit des personnes handicapées au travail et à l’emploi.

8.Le Comité a adopté ses lignes directrices pour la désinstitutionnalisation, y compris dans les situations d’urgence. Les lignes directrices complètent l’observation générale no 5 (2017) et les directives du Comité relatives au droit à la liberté et à la sécurité des personnes handicapées, à la lumière desquelles elles doivent être lues.

VI.Activités se rapportant au Protocole facultatif

9.Le Comité a examiné quatre communications. Il a conclu à des violations de la Convention dans deux des cas soumis : Bellini et consorts c. Italie, concernant l’absence de reconnaissance des aidants familiaux de personnes handicapées et l’absence de soutien social à ces aidants, et Henley c. Australie, concernant l’absence de service d’audiodescription sur les chaînes de télévision en clair. Dans l’affaire J. S. c. Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d ’ Irlande du Nord, concernant l’arrêt des traitements de maintien des fonctions vitales d’une personne handicapée, le Comité a déclaré la communication irrecevable après avoir conclu que la question avait déjà été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme. Le Comité a décidé de mettre fin à l’examen de la communication relative à l’affaire K. S. c. Suède, concernant une expulsion vers l’Afghanistan, car l’affaire devait être réexaminée au niveau national et l’auteur ne risquait plus d’être renvoyé en Afghanistan.

10.Les constatations et décisions adoptées au sujet des communications seront publiées sur le site Web du Comité. On trouvera à l’annexe III du présent rapport un résumé des constatations et décisions adoptées à la vingt-septième session.

11.Le Comité a examiné des questions relatives à la procédure d’enquête prévue aux articles 6 et 7 du Protocole facultatif.

VII.Prochaines sessions

12.Il est prévu, à titre provisoire, que le Comité tienne sa vingt-huitième session à Genève, du 6 au 24 mars 2023, avant la dix-septième réunion du groupe de travail de présession (27-31 mars 2023). Compte tenu de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), le HCDH continuera de déterminer si les sessions des organes conventionnels peuvent avoir lieu en présentiel. Si une session en présentiel n’est pas envisageable, la Présidente du Comité décidera de la marche à suivre avec l’aide de la secrétaire.

VIII.Accessibilité des séances du Comité

13.La vingt-septième session du Comité s’est tenue sous une forme hybride. Les membres du Comité et les délégations des États parties y ont participé en personne à Genève ou à distance, en ligne. Les parties prenantes, parmi lesquelles figuraient des organisations de personnes handicapées, des organisations de la société civile, des institutions nationales des droits de l’homme, des institutions spécialisées et d’autres organes de l’Organisation des Nations Unies, ont également participé en personne ou en ligne. Des services d’interprétation en signes internationaux et en langue des signes nationale ainsi que des services de sous-titrage à distance étaient assurés et des documents en braille étaient disponibles. Les séances publiques ont été diffusées sur le Web. Aucun document n’était disponible en langue simplifiée ou en langage facile à lire et à comprendre pendant la session. Aucune salle de conférence pleinement accessible n’était disponible au Palais des Nations. Le logiciel utilisé pour l’inscription des participants à la réunion n’était pas accessible aux personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle. Les protocoles concernant l’entrée des véhicules dans l’enceinte du Palais des Nations posaient encore des obstacles aux participants handicapés ayant besoin de services de transport accessibles. Peu d’aménagements raisonnables, y compris dans l’organisation des déplacements des membres du Comité ayant un handicap, avaient été apportés.

IX.Coopération avec les organes compétents

A.Coopération avec les organes de l’ONU et les institutions spécialisées des Nations Unies

14.À la séance d’ouverture de la session, les représentants des organismes, départements et programmes des Nations Unies dont la liste suit ont prononcé des allocutions : le Comité permanent sur l’assistance aux victimes des mines et la réintégration sociale et économique établi dans le cadre de la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, l’Organisation internationale du Travail, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l’Organisation mondiale de la Santé et l’Organisation internationale pour les migrations.

B.Coopération avec des organisations non gouvernementales et d’autres organismes

15.À la séance d’ouverture de la session, des allocutions ont été prononcées par des représentants des organisations suivantes : l’International Disability Alliance, l’International Communication Rights Alliance, la Fundación Saraki, l’administration judiciaire de la ville de Buenos Aires, l’Asociación Síndrome de Down de la República Argentina et le Disability and Data Partnership de l’Université de York (Canada).

16.Les représentants du Mécanisme indépendant de surveillance de Nouvelle-Zélande et des institutions nationales des droits de l’homme d’Indonésie et de République de Corée ont participé à l’examen public des rapports initiaux de leurs pays respectifs par le Comité. Lors des séances privées consacrées à la situation dans les pays à l’examen, le Comité a recueilli des informations et s’est entretenu avec plusieurs organisations de personnes handicapées, organisations de la société civile et cadres indépendants de surveillance, notamment des institutions nationales des droits de l’homme.

17.À la séance de clôture de la session, des représentants des organisations et des organismes dont la liste suit ont pris la parole devant le Comité : l’International Disability Alliance, Transforming Communities for Inclusion et le Center for the Human Rights of Users and Survivors of Psychiatry.

X.Examen des rapports soumis en application de l’article 35 de la Convention

18.Le Comité a tenu huit dialogues constructifs, dont sept en présentiel et un sous une forme hybride. Le Comité a examiné les rapports initiaux du Bangladesh, de l’Indonésie, du Japon, de la République démocratique populaire lao et de Singapour. Il a examiné les rapports valant deuxième et troisième rapports périodiques de la Chine (y compris Hong Kong (Chine) et Macao (Chine)), de la Nouvelle-Zélande et de la République de Corée. Il a adopté des observations finales concernant ces rapports. Une liste des États parties dont les rapports initiaux sont attendus depuis plus de cinq ans figure à l’annexe II du présent rapport.

XI.Situation des personnes handicapées en Ukraine et dans les pays dans lesquels elles ont fui depuis le 24 février 2022, à la suite de l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie

19.Depuis le 24 février 2022, le Comité a reçu des informations concernant de graves violations présumées des droits humains des personnes handicapées dans le contexte de l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie.

20.En application de l’article 36 (par. 1) de la Convention, le Comité peut à tout moment demander aux États parties tous renseignements complémentaires relatifs à l’application de la Convention.

21.Le Comité a demandé des informations écrites aux États parties suivants, y compris ceux qui, selon le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, avaient accueilli un grand nombre de demandeurs d’asile ukrainiens : Allemagne, Bélarus, Bulgarie, Estonie, Fédération de Russie, Finlande, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République de Moldova, Roumanie, Slovaquie, Suède, Tchéquie, Türkiye, Ukraine et Union européenne. Les États parties suivants ont fourni des soumissions écrites : Bélarus, Bulgarie, Finlande, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, République de Moldova et Ukraine.

22.Le Comité a tenu deux réunions à huis clos avec des organisations ukrainiennes de personnes handicapées, des organisations de la société civile et des entités des Nations Unies, les 15 et 16 août 2022. Le 17 août 2022, un dialogue public a eu lieu entre le Comité et les États parties suivants, qui avaient exprimé le souhait de faire le point sur la situation des personnes handicapées touchées par le conflit armé : Lettonie, Lituanie, République de Moldova, Türkiye, Union européenne et Ukraine.

23.En application de l’article 11 de la Convention, les États parties sont tenus de prendre, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international, notamment le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, toutes mesures nécessaires pour assurer la protection et la sûreté des personnes handicapées dans les situations de risque, y compris les conflits armés, les crises humanitaires et les catastrophes naturelles.

24.En vertu de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (quatrième Convention de Genève), les États sont tenus d’assurer la protection et la sûreté des « personnes protégées », y compris des personnes handicapées, sans aucune distinction de caractère défavorable. Toute forme de discrimination dans le traitement des personnes civiles et des personnes hors de combat fondée sur des critères autres que médicaux est interdite. Conformément à l’article 27 de la quatrième Convention de Genève, les personnes protégées doivent être traitées en tout temps avec humanité et protégées notamment contre tout acte de violence ou d’intimidation. Elles ont droit, en toutes circonstances, au respect de leur personne, de leur honneur, de leurs droits familiaux, de leurs convictions et pratiques religieuses, de leurs habitudes et de leurs coutumes. Conformément aux articles 31 à 34, les personnes protégées ne doivent pas être soumises à la contrainte, à la torture ou à des peines collectives et elles ne doivent pas être prises en otage.

Mesures positives

25.Le Comité salue les diverses mesures prises par les États parties concernés pour protéger les droits des personnes handicapées dans le contexte du conflit armé :

a)L’Ukraine a indiqué avoir pris des mesures pour inclure les personnes handicapées, y compris les enfants handicapés vivant en institution, dans les plans d’évacuation, ainsi que des mesures pour enregistrer systématiquement les personnes handicapées déplacées à l’intérieur du pays et leur garantir un niveau de vie adéquat, notamment en préservant leur accès aux régimes de protection sociale, pendant la durée du conflit ;

b)La direction générale Protection civile et opérations d’aide humanitaire européennes de l’Union européenne a informé le Comité des mesures prises pour intégrer le handicap dans les stratégies et programmes d’aide humanitaire financés par l’Union européenne en Ukraine et dans les États membres de l’Union européenne, pour faciliter l’évacuation sanitaire des citoyens ukrainiens gravement malades ou blessés vers des États membres de l’Union européenne dans le cadre du Mécanisme de protection civile de l’Union européenne et pour faciliter l’accès des personnes handicapées à des appareils et équipements d’assistance ;

c)La direction générale Migration et affaires intérieures de l’Union européenne a communiqué des informations sur les mesures prises pour intégrer le handicap dans le régime d’asile européen commun, notamment dans la Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 (Directive « protection temporaire »), dans la Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 (Directive « procédure »), dans la Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 (Directive « accueil ») et dans la Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 (Directive « qualification ») ;

d)D’autres États parties concernés ont rendu compte des mesures prises pour assurer la protection et la sûreté des personnes handicapées ukrainiennes qui avaient demandé une protection internationale sur leur territoire, notamment des mesures pour leur garantir un logement et un niveau de vie adéquat, dans des conditions d’égalité avec les citoyens du pays d’accueil ; des mesures pour leur fournir des services de santé et de réadaptation accessibles et culturellement adaptés, y compris des services psychologiques ; des mesures pour prévoir la fourniture ou l’entretien et la réparation des appareils et équipements d’assistance ; des mesures pour permettre à toutes les personnes handicapées de vivre de façon indépendante et de participer pleinement à tous les aspects de la vie dans le pays d’accueil, y compris à l’éducation et à l’emploi, et des mesures pour atténuer le risque d’exploitation des personnes handicapées déplacées, en particulier des enfants handicapés non accompagnés.

Défaut de coopération avec le Comité

26.La Fédération de Russie n’a pas fourni d’informations sur la situation des personnes handicapées dans les territoires de l’Ukraine sous son contrôle et a contesté la compétence du Comité pour s’occuper de la situation.

Jurisprudence du Comité se rapportant à l’article 11 de la Convention

27.Selon la jurisprudence du Comité, les États parties sont tenus, entre autres choses :

a)D’adopter des stratégies nationales d’intervention d’urgence, y compris des plans d’évacuation, qui soient inclusives et accessibles à toutes les personnes handicapées, de la conception à la mise en application, ou de modifier en ce sens les stratégies existantes ;

b)De faire en sorte que toutes les informations relatives aux situations d’urgence soient disponibles sous des formes accessibles à toutes les personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, y compris aux personnes sourdes grâce à l’interprétation en langue des signes et aux personnes ayant des handicaps intellectuels et personnes ayant des handicaps psychosociaux grâce à des documents en langage facile à lire et à comprendre et en langue simplifiée ;

c)De veiller au respect du principe de non-discrimination dans toutes les situations de risque et situations d’urgence humanitaire, s’agissant en particulier de l’accès, dans des conditions d’égalité avec les autres, aux produits et services de première nécessité, comme l’eau, l’assainissement, les soins de santé, la nourriture et le logement ;

d)De garantir la participation des organisations de personnes handicapées aux stratégies d’intervention d’urgence et de tenir dûment compte de leurs contributions et de leurs recommandations, notamment lors de la définition des priorités en matière d’évacuation et de distribution de l’aide ;

e)D’intégrer le handicap dans les politiques relatives aux migrations et aux réfugiés ainsi que dans tous les mécanismes d’aide humanitaire, et de dispenser des cours de sensibilisation au handicap à l’ensemble du personnel de la protection civile, des services de secours et des services d’urgence et à tous les acteurs susceptibles d’intervenir dans des situations d’urgence humanitaire ;

f)D’assurer et de faire primer la sûreté de tous les enfants handicapés, en particulier ceux qui vivent encore en institution, dans les zones de conflit ;

g)D’enregistrer systématiquement les personnes handicapées déplacées à l’intérieur de leur propre pays et de surveiller leur situation afin de s’assurer qu’elles ont un niveau de vie adéquat.

Préoccupations et recommandations

28.À l’issue de consultations avec les États parties et les autres parties prenantes, notamment des organisations de personnes handicapées, des organisations de la société civile et des entités des Nations Unies, le Comité exprime des préoccupations et formule des recommandations préliminaires concernant :

a)Les personnes handicapées vivant sur le territoire et sous la juridiction de l’Ukraine ;

b)Les personnes handicapées vivant sur les territoires de l’Ukraine occupés par la Fédération de Russie ;

c)Les personnes handicapées qui ont été transférées de force en Fédération de Russie ;

d)Les personnes handicapées qui se trouvent dans des pays dans lesquels elles ont fui pour demander une protection internationale.

29.Les recommandations ci-après s’adressent à tous les États parties concernés, à savoir : l’Ukraine ; la Fédération de Russie, en ce qui concerne les personnes handicapées vivant sur les territoires ukrainiens sous occupation russe ; les États parties susmentionnés dans lesquels des personnes handicapées ont fui pour demander une protection internationale. Certaines recommandations s’adressent uniquement à l’Ukraine ou uniquement à la Fédération de Russie, en ce qui concerne les personnes handicapées vivant sur les territoires ukrainiens sous occupation russe.

30.Le Comité est profondément préoccupé par le risque disproportionné de décès ou de blessure auquel sont exposées les personnes handicapées lors des attaques sans discrimination menées contre la population civile du fait que les protocoles de préparation aux situations d’urgence et d’intervention d’urgence ne sont ni inclusifs ni accessibles.

31. Le Comité engage instamment les États parties concernés à modifier les plans et protocoles d ’ intervention d ’ urgence, en concertation avec les organisations de personnes handicapées, afin de les rendre inclusifs et accessibles aux personnes handicapées, de la conception à la mise en application.

32.Le Comité constate avec préoccupation que les personnes handicapées ne participent pas réellement à l’élaboration des plans de préparation aux situations d’urgence et plans d’intervention d’urgence, notamment à la définition des priorités en matière d’évacuation et de distribution de l’aide.

33. Le Comité recommande à tous les États parties concernés et à tous les intervenants humanitaires de veiller à la participation active des personnes handicapées, par l ’ intermédiaire des organisations qui les représentent, y compris les organisations de femmes handicapées et d ’ enfants handicapés, à l ’ élaboration des plans de préparation aux situations d ’ urgence et plans d ’ intervention d ’ urgence, ainsi qu ’ à la coordination et à la consultation effective avec ces organisations et personnes .

34.Le Comité est préoccupé par le manque d’accessibilité de l’information et des mécanismes d’alerte dans les procédures d’évacuation, en particulier pour :

a)Les personnes ayant des handicaps intellectuels et personnes ayant des handicaps psychosociaux qui vivent en institution ;

b)Les personnes ayant un handicap auditif ou visuel ;

c)Les personnes à mobilité réduite, notamment celles qui ne peuvent se déplacer qu’en position allongée ;

d)Les hommes handicapés et les hommes s’occupant de proches parents handicapés qui souhaitent quitter l’Ukraine et demander une protection internationale dans un autre pays.

35. Le Comité engage instamment tous les États parties concernés à faire en sorte que toutes les informations relatives aux situations d ’ urgence soient disponibles sous des form e s accessibles à toutes les personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, conformément à son observation générale n o  2 (2014).

36.Le Comité regrette que l’Ukraine n’ait pas suffisamment appliqué ses précédentes recommandations ; il est profondément préoccupé par :

a)La généralisation, en Ukraine, du placement en institution des personnes handicapées, en particulier des personnes ayant des handicaps intellectuels et personnes ayant des handicaps psychosociaux ;

b)Les réglementations nationales qui empêchent d’assurer la prise en charge, dans un cadre familial au sein de la communauté, des enfants handicapés qui sont évacués des institutions situées dans des zones de conflit armé, ce qui entraîne le replacement en institution de ces enfants en Ukraine et dans les pays accueillant des réfugiés ;

c)L’incapacité des deux parties au conflit à procéder en priorité à l’évacuation des institutions situées dans des zones de conflit.

37. Le Comité prie l ’ Ukraine et la Fédération de Russie, en ce qui concerne les territoires ukrainiens sous occupation russe  :

a) D ’ accélérer la désinstitutionnalisation de toutes les personnes handicapées qui vivent encore en institution pour personnes handicapées sur le territoire de l ’ Ukraine et d ’ assurer un contrôle indépendant de ce processus, en étroite collaboration avec les organisations de personnes handicapées ;

b) D e veiller à ce que les enfants handicapés puissent exercer leurs droits à la vie en famil le et, à cette fin, d ’ abroger les réglementations nationales qui empêchent de fournir un accompagnement de proximité aux enfants handicapés évacués des institutions et d’assurer la prise en charge de ces enfants dans un cadre familial au sein de la communauté ; de mettre en place des mesures de soutien pour les femmes qui s’occupent d ’ enfants ou de parents handicapés afin de réduire leur charge de travail domestique non rémunéré et de leur donner la possibilité de s ’ épanouir sur les plans personnel et professionnel  ; d ’ investir dans un large éventail de services, notamment les services à domicile, les services d ’ assistance personnelle, les services d ’ intervention précoce et les services de réadaptation, en Ukraine et dans les pays accueillant des réfugiés ;

c) De faire en sorte que toutes les personnes handicapées vivant dans des institutions pour personnes handicapées soient prises en compte et de procéder en priorité à l eur évacuation des institutions situées dans des zones de conflit armé ;

d) D ’ engager un dialogue avec d ’ autres pays afin de fournir une assistance intégrée aux personnes handicapées qui peuvent être relocalisées en dehors de l ’ Ukraine, en examinant notamment les risques de traite et les moyens d ’ y remédier ;

e) De garder à l’esprit les obligations que leur impose le droit international humanitaire et de s ’ abstenir d ’ établir des positions militaires dans des zones résidentielles ou à proximité de biens de caractère civil et d ’ impliquer des personnes handicapées dans des opérations militaires.

38.Le Comité note avec inquiétude que l’Ukraine n’a pas procédé en priorité à l’évacuation des personnes handicapées des zones de conflit armé vers des zones de sécurité à l’intérieur du pays ou à l’étranger.

39. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier les protocoles d ’ évacuation afin que toutes les personnes handicapées puissent recevoir un soutien adéquat et accessible, dans des conditions d ’ égalité avec les autres. Les protocoles d ’ évacuation doivent accorder la priorité aux personnes handicapées en cas d ’ évacuation d ’ urgence et garantir à ces personnes la possibilité d ’ emporter leurs appareils et équipements d ’ assistance en cas d ’ évacuation ou, si cela n ’ est pas possible, d ’ en obtenir le remplacement.

40.Le Comité constate avec préoccupation le manque persistant de services de proximité et de logements sociaux destinés aux personnes handicapées vivant en Ukraine, en particulier aux personnes ayant des handicaps intellectuels, aux personnes ayant des handicaps psychosociaux et aux personnes autistes, et note que ce manque s’est aggravé à la suite de l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie et a des effets négatifs sur le droit des personnes handicapées à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société.

41. Le Comité engage instamment les États parties concernés à faire en sorte que toutes les personnes handicapées aient accès à la protection et à des services d ’ accompagnement de proximité tenant compte des questions de genre, y compris des services d ’ aide à domicile, des services en établissement et d ’ autres services d’accompagnement .

42.Le Comité est préoccupé par l’absence de services de proximité accessibles, notamment de programmes d’assistance, de logements convenables, de moyens de communication et de transport, qui touche de manière disproportionnée les personnes handicapées déplacées à l’intérieur de leur propre pays et les expose davantage à la pauvreté, à l’exclusion sociale et au placement en institution.

43. Rappelant les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l ’ intérieur de leur propre pays , le Comité engage les États parties concernés à veiller à ce que les personnes handicapées déplacées à l ’ intérieur de leur propre pays se voient proposer des services de proximité accessibles, y compris de s logements accessibles.

44.Le Comité est vivement préoccupé par :

a)Des informations selon lesquelles des personnes handicapées vivant dans des institutions pour personnes handicapées dans les territoires sous le contrôle de la Fédération de Russie se sont vu refuser l’évacuation et l’accès aux services de première nécessité, ce qui, selon les premiers éléments d’information, a entraîné la mort d’au moins 12 personnes handicapées ;

b)Des informations selon lesquelles des personnes handicapées sont détenues dans des conditions inhumaines par la Fédération de Russie dans le contexte de l’attaque armée ;

c)Des informations selon lesquelles des personnes handicapées sont détenues au secret ou transférées de force vers la Fédération de Russie ou vers les territoires ukrainiens sous contrôle russe.

45. Rappelant les obligations que le droit international humanitaire impose aux États parties, le Comité engage instamment la Fédération de Russie à :

a) Veiller à ce que toutes les personnes handicapées vivant dans des territoires sous occupation russe puissent bénéficier d ’ une évacuation volontaire et sûre vers le lieu de leur choix, soient protégées contre la violence, la maltraitance et les mauvais traitements et aient pleinement accès aux services de première nécessité, y compris à l ’ eau et à l ’ assainissement, au soutien social, à l ’ éducation, aux soins de santé, aux transports et à l ’ information ;

b) Faire en sorte que les représentants et le personnel des institutions internationales des droits de l ’ homme et des organisations humanitaires, y compris des institutions spécialisées des Nations Unies, puissent accéder en temps voulu, en toute sécurité et sans restriction aux personnes handicapées détenues sur son territoire ou dans des régions occupées par elle et communiquer aux parties concernées la liste exhaustive de ces personnes en précisant où elles se trouvent.

46.Le Comité constate avec préoccupation que le conflit armé a davantage exposé les femmes handicapées et les enfants handicapés à la négligence, à la violence domestique, à la violence sexuelle liée aux conflits, à la traite et à l’exploitation sexuelle, tout en restreignant l’application des lois et en rompant les mécanismes de soutien et de protection. Par ailleurs, il note avec inquiétude que, bien que les femmes handicapées et les enfants handicapés aient à présent des besoins accrus de protection, ils se heurtent à des difficultés supplémentaires lorsqu’ils tentent d’accéder à l’aide humanitaire.

47. Le Comité engage tous les États parties concernés à :

a) Élaborer des stratégies globales pour recenser et atténuer les risques d ’ exploitation, de violence et de maltraitance à l’égard des personnes handicapées, en particulier d es femmes handicapées et d es enfants handicapés déplacés de force ;

b) Garantir une protection adéquate aux femmes handicapées et aux enfants handicapés et leur permettre un accès facile et rapide aux services généraux et spécialisés, y compris à des services médicaux, juridiques, psychologiques, sociaux et éducatifs adaptés à leur âge et à leur genre.

48.Le Comité constate avec préoccupation qu’alors que le nombre de personnes touchées par des traumatismes et des blessures liés aux conflits augmente en raison des hostilités armées, le système de santé ukrainien est gravement perturbé du fait des attaques incessantes menées contre des hôpitaux et d’autres installations médicales et que l’accès aux services de santé et de réadaptation, y compris aux services de santé mentale et de soutien psychologique, est limité, voire inexistant.

49. Rappelant les Principes fondamentaux touchant la protection des populations civiles en période de conflit armé et les obligations que le droit international humanitaire impose aux États parties, le Comité engage instamment la Fédération de Russie à cesser immédiatement les attaques contre des civils et des infrastructures civiles, y compris des hôpitaux, cliniques, centres de réadaptation, maternités, ambulances et agents de santé. Il recommande à tous les États parties concernés de veiller à ce que les services de santé et de réadaptation soient accessibles et culturellement adaptés aux personnes handicapées déplacées de force et à ce que l ’ accès aux services de santé et de réadaptation leur soit accordé dans des conditions d ’ égalité avec les autres.

50.Le Comité note avec préoccupation que, même si les données ventilées sur la situation des personnes handicapées sont essentielles à l’élaboration de politiques inclusives en matière d’intervention humanitaire, les États parties et les intervenants humanitaires ne recueillent et ne partagent pas systématiquement des données ventilées selon des indicateurs relatifs au handicap. Le manque de données est particulièrement marqué dans les territoires ukrainiens occupés par la Fédération de Russie.

51. Le Comité recommande à tous les États parties concernés :

a) De veiller à ce que toutes les personnes handicapées soient prises en compte, de recueillir et de partager des données ventilées par sexe, âge et handicap et de faire primer la transparence et le partage des données non identifiables recueillies avec les parties prenantes ;

b) De veiller à ce que tous les secteurs intègrent la collecte de données ventilées par sexe, âge et handicap dans leurs interventions , et de solliciter la contribution de toutes les populations touchées par le conflit, y compris les femmes handicapées et les enfants handicapés ;

c) D ’ exiger l ’ utilisation de marqueurs de genre et de marqueurs de handicap lors de l ’ affectation de fonds destinés aux interventions humanitaires.

52.Le Comité est préoccupé par l’harmonisation insuffisante des programmes internationaux d’aide humanitaire, y compris ceux de l’Union européenne, avec l’objet et les dispositions de la Convention et par le manque de participation des organisations ukrainiennes de personnes handicapées aux consultations sur les programmes de coopération internationale, notamment ceux visant à fournir une aide humanitaire, ainsi qu’à leur élaboration et à leur mise en application. Il exprime son inquiétude au sujet des informations selon lesquelles des institutions ont du mal à couvrir les frais de subsistance et les frais médicaux des résidents et dépendent du soutien des donateurs pour garantir aux résidents l’accès aux produits et services de base, y compris le chauffage au cours des mois d’hiver.

53.Le Comité encourage tous les États parties concernés à faire en sorte que la coopération internationale soit inclusive et accessible à toutes les personnes handicapées et que, dans tous les cas, elle respecte les normes énoncées dans la Convention. Il rappelle également à tous les États parties concernés l ’ obligation qui leur incombe , lorsqu ’ ils utilisent les fonds de coopération internationale, y compris ceux de l ’ Union européenne, d ’ assurer la participation des personnes handicapées et des organisations qui les représentent à la prise de décisions. Enfin, le Comité engage instamment tous les États parties concernés à veiller à ce que les fonds internationaux ne soient pas investis dans la reconstruction, l ’ agrandissement ou la rénovation d ’ institutions pour personnes handicapées, mais soient plutôt destinés à l ’ élaboration de dispositions pour l ’ autonomie de vie, en vue de créer des équipements et des services d ’ accompagnement de proximité, des services à domicile et des services d’accompagnement personnalisés accessibles, en fournissant notamment aux personnes handicapées des logements abordables dans la société, sur la base de l ’ égalité avec les autres, et de rénover les installations existantes.

54.Le Comité constate avec préoccupation le manque d’accessibilité du cadre bâti en Ukraine, notamment en ce qui concerne les abris d’urgence, les services publics et les transports publics, en particulier dans les zones rurales et les petites villes, et que la situation s’est aggravée depuis le 24 février 2022.

55. Le Comité recommande à l ’ Ukraine de garantir l ’ accessibilité en appliquant les principes de conception universelle à tous les plans et stratégies de reconstruction d ’ après-guerre, en particulier lors de l ’ élaboration des plans et de la reconstruction des infrastructures et installations publiques.

56.Le Comité restera saisi de la question.

57.Le Comité rappelle sa déclaration du 14 avril 2022 et engage une nouvelle fois la Fédération de Russie à mettre immédiatement fin aux hostilités et à observer et respecter les principes du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

XII.Autres décisions

58.Le Comité a adopté le présent rapport sur sa vingt-septième session.

59.La liste complète des décisions adoptées par le Comité figure à l’annexe I du présent rapport.

Annexe I

Décisions adoptées par le Comité à sa vingt-septième session

1.Le Comité a adopté des observations finales concernant les rapports initiaux du Bangladesh, de l’Indonésie, du Japon, de la République démocratique populaire lao et de Singapour. Il a également adopté des observations finales concernant les rapports valant deuxième et troisième rapports périodiques des pays suivants : Chine, y compris Hong Kong (Chine) et Macao (Chine), Nouvelle-Zélande et République de Corée.

2.Le Comité a examiné quatre communications émanant de particuliers qui lui avaient été soumises au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Il a conclu à des violations de la Convention dans les cas soumis dans deux d’entre elles, a déclaré la troisième irrecevable et a décidé de mettre fin à l’examen de la quatrième. On trouvera à l’annexe III du présent rapport un résumé des constatations et décisions adoptées par le Comité. Ces constatations et décisions seront communiquées aux parties dès que possible, avant d’être publiées.

3.Le Comité a examiné des questions touchant aux enquêtes menées en application du Protocole facultatif.

4.Le Comité a adopté son observation générale no 8 (2022) sur le droit des personnes handicapées au travail et à l’emploi.

5.Le Comité a adopté les Lignes directrices pour la désinstitutionnalisation, y compris dans les situations d’urgence. Ces lignes directrices complètent l’observation générale no 5 (2017) et les Directives du Comité relatives au droit à la liberté et à la sécurité des personnes handicapées, à la lumière desquelles elles doivent être lues.

6.Le Comité a adopté une déclaration commune avec le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes sur la situation des personnes handicapées touchées par les inondations au Pakistan.

7.Le Comité a décidé d’organiser, avec le soutien du groupe de travail sur les femmes et filles handicapées, une table ronde en ligne sur la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et filles handicapées, qui se tiendrait pendant la campagne « 16 journées de mobilisation contre la violence de genre » en 2022.

8.Le Comité a décidé de créer un groupe de travail chargé d’élaborer un projet d’observation générale sur l’article 11 de la Convention.

9.Le Comité a décidé que sa vingt-huitième session aurait lieu à Genève du 6 au 24 mars 2023, sous réserve que le secrétariat confirme que la session pourrait se tenir en présentiel, avant la dix-septième réunion du groupe de travail de présession (27-31 mars 2023). Il a adopté le programme de travail provisoire de la vingt-huitième session.

10.Le Comité a décidé de poursuivre ses travaux visant à actualiser et simplifier ses méthodes de travail. Il s’est dit préoccupé par l’insuffisance des ressources humaines du secrétariat et a réaffirmé qu’il avait besoin de ressources supplémentaires pour pouvoir remplir son mandat principal et faire face à sa charge de travail croissante.

11.Le Comité a décidé de poursuivre ses échanges avec l’Office des Nations Unies à Genève et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en vue d’améliorer la fourniture de services de conférence accessibles et la mise en place d’aménagements raisonnables pour les membres du Comité et participants ayant un handicap lors de ses réunions.

12.Le Comité a décidé de mettre en application, à titre expérimental, un projet de base de données proposé par la Fundación Saraki.

13.Le Comité a adopté le rapport sur sa vingt-septième session, qui comprenait une section consacrée à la situation des personnes handicapées en Ukraine.

Annexe II

États parties dont les rapports initiaux sont attendus depuis plus de cinq ans

Partie

Date à laquelle le rapport aurait dû être soumis

Guinée

8 mars 2010

Saint-Marin

22 mars 2010

Lesotho

2 janvier 2011

Yémen

26 avril 2011

République arabe syrienne

10 août 2011

République-Unie de Tanzanie

10 décembre 2011

Malaisie

19 août 2012

Saint-Vincent-et-les Grenadines

29 novembre 2012

Belize

2 juillet 2013

Cabo Verde

10 novembre 2013

Nauru

27 juillet 2014

Eswatini

24 octobre 2014

Dominique

1er novembre 2014

Cambodge

20 janvier 2015

Barbade

27 mars 2015

Papouasie-Nouvelle-Guinée

26 octobre 2015

Côte d’Ivoire

10 février 2016

Grenade

17 septembre 2016

Congo

2 octobre 2016

Guyana

10 octobre 2016

Guinée-Bissau

24 octobre 2016

Annexe III

Résumé des constatations et des décisions adoptées par le Comité concernant les communications soumises par des particuliers en vertu du Protocole facultatif

Henley c. Australie

1.Le Comité a examiné la communication concernant l’affaire Henley c. Australie. L’auteure de la communication affirmait que l’État partie avait violé les droits qu’elle tenait des articles 9 (par. 1 b)) et 30 (par. 1 b)), lus conjointement avec les articles 4 (par. 1 et 2) et 5 (par. 3) de la Convention, car, faute de diffuser des programmes en audiodescription sur les chaînes de télévision en clair, l’État partie ne lui avait pas permis, en tant que personne handicapée, de vivre de façon indépendante et de participer pleinement à tous les aspects de la vie.

2.L’auteure était atteinte de cécité complète depuis qu’elle avait été blessée dans un accident de la circulation survenu en 2006. Elle soutenait qu’elle n’avait pas accès, dans des conditions d’égalité avec les autres téléspectateurs, aux programmes des chaînes de télévision en clair de l’État partie puisqu’aucun service d’audiodescription, à savoir la description narrative d’éléments visuels diffusés pendant une émission télévisée, un film ou un événement retransmis en direct, n’était disponible. Lorsqu’une pause intervenait dans un dialogue, l’audiodescription permettait de décrire les éléments visuels qui apparaissaient à l’écran, tels que la scène, le décor, l’action, les costumes et le texte. La fourniture d’un service d’audiodescription permettait aux personnes aveugles ou malvoyantes de suivre des programmes télévisés qui, sans cela, ne leur étaient pas accessibles. L’auteure affirmait en outre qu’aucun service d’audiodescription n’était fourni sur les services télévisés gratuits proposés en différé sur Internet par les diffuseurs de l’État partie.

3.Dans ses constatations, le Comité a pris note de l’argument de l’auteure selon lequel les mesures prises par l’État partie pour proposer des programmes télévisés en audiodescription, notamment les essais effectués et les ressources budgétaires allouées, étaient insuffisantes et non conformes au principe de réalisation progressive. Il a également pris note des arguments de l’auteure selon lesquels l’État partie n’avait fourni aucun élément démontrant qu’il manquait de ressources ou se heurtait à des difficultés financières et qu’en tout état de cause, des contraintes budgétaires n’auraient su justifier le fait que l’État partie n’adopte pas de législation et n’élabore pas de stratégies, de plans et de cadres de suivi visant à garantir, par des mesures délibérées et concrètes, la pleine réalisation des droits consacrés par la Convention.

4.Le Comité a également rappelé que le principe de la réalisation progressive signifiait que les États parties avaient l’obligation précise et constante d’œuvrer aussi rapidement et efficacement que possible pour atteindre la pleine réalisation des droits. Il a estimé que les mesures prises à cette fin devaient avoir un caractère délibéré et concret, et viser aussi clairement que possible la réalisation des obligations énoncées dans la Convention. Il a également rappelé que, conformément à la Convention, les États parties n’étaient pas autorisés à utiliser les mesures d’austérité comme excuse pour éviter d’assurer progressivement l’accessibilité pour les personnes handicapées et que l’obligation d’assurer l’accessibilité était inconditionnelle.

5.Tout en tenant dûment compte des mesures que l’État partie avait prises, comme la conduite d’une étude, l’organisation d’essais (en 2012 et 2015) et l’octroi de moyens financiers aux principaux télédiffuseurs (en 2020), afin que les personnes ayant une déficience visuelle aient accès à des services d’audiodescription, le Comité a observé que ces efforts ne permettaient pas de conclure à l’existence d’une stratégie visant à prendre progressivement et effectivement les mesures voulues pour offrir de manière durable des programmes en audiodescription aux personnes ayant une déficience visuelle. Il a observé, en particulier, que l’État partie n’avait pas adopté de législation spécifique ni de cadre stratégique et n’avait pas prévu d’allocation budgétaire durable ou d’autres mesures démontrant sa volonté d’offrir à long terme des services d’audiodescription aux personnes ayant une déficience visuelle. Le Comité a donc conclu que l’État partie avait manqué aux obligations que lui imposaient les articles 9 (par. 1 b)) et 30 (par. 1 b)), lus conjointement avec l’article 4 (par. 1 et 2), de la Convention.

Bellini et consorts c. Italie

6.Le Comité a examiné la communication concernant l’affaire Bellini et consorts c. Italie. L’auteure avait soumis la communication en son nom et au nom de sa fille et de son compagnon. Elle affirmait que l’État partie avait violé les droits qu’ils tenaient des articles 5, 8, 12, 16, 19, 23, 25 et 28 de la Convention.

7.L’auteure jouait le rôle d’aidante pour sa fille et son compagnon, tous deux handicapés. L’auteure affirmait que l’absence de reconnaissance juridique du statut d’aidant familial dans le système juridique italien et l’absence de services de soutien personnalisés pour sa famille, y compris l’absence de soutien financier, de services de soutien social, de services de soins ou de services de prise en charge de répit, constituaient une violation des droits qu’elle-même, sa fille et son compagnon tenaient de la Convention.

8.Dans sa décision concernant la recevabilité, le Comité a examiné l’argument de l’auteure selon lequel elle avait qualité pour agir en son nom propre en raison des responsabilités qu’elle assumait en tant qu’aidante familiale. Il a rappelé qu’au regard de l’article premier de la Convention, celle-ci a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme par les personnes handicapées. Il avait toutefois conscience que, dans certains cas, la réalisation des droits des personnes handicapées passait par la protection des aidants familiaux. L’article 28 (par. 2 c)) disposait expressément que les États parties devaient assurer aux personnes handicapées et à leurs familles, lorsque celles-ci vivaient dans la pauvreté, l’accès à l’aide publique pour couvrir les frais liés au handicap, notamment les frais permettant d’assurer adéquatement une formation, un soutien psychologique, une aide financière ou une prise en charge de répit. Le Comité a donc conclu qu’en vertu de l’article 28 (par. 2 c)), le droit des membres de la famille des personnes handicapées était indissociablement lié à la protection des droits des personnes handicapées elles-mêmes, et que l’article 28 (par. 2 c)) conférait aux membres de la famille qui n’étaient pas handicapés le droit de présenter une requête en leur propre nom en vertu de la Convention, à condition que ce droit soit une condition préalable nécessaire à la réalisation des droits des personnes handicapées. Il a rappelé son observation générale no 6 (2018) sur l’égalité et la non-discrimination, dans laquelle il avait noté que la large portée de l’article 5 de la Convention et l’intégration de la notion de « discrimination par association » tenaient à la nécessité d’éliminer et de combattre toutes les situations discriminatoires liées au handicap. Le Comité a donc conclu que l’article premier du Protocole facultatif ne l’empêchait pas d’examiner les griefs présentés par l’auteure en son propre nom au titre de l’article 28 (par. 2 c)), lu conjointement avec l’article 5 de la Convention.

9.S’agissant du fond de l’affaire, le Comité a conclu que le fait que la fille de l’auteure et son compagnon n’avaient pas bénéficié de services d’accompagnement personnalisés, que l’État partie n’avait pas fait en sorte de promouvoir, favoriser et adopter des mesures législatives, administratives, budgétaires, judiciaires, programmatiques ou promotionnelles, entre autres, visant à assurer la pleine réalisation du droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société, consacré par la Convention, et que l’État partie n’offrait pas aux aidants familiaux des services d’accompagnement appropriés leur permettant d’aider leurs proches à vivre de manière autonome dans la société constituait une violation des droits que la fille de l’auteure et son compagnon tenaient de l’article 19 de la Convention. Le Comité a aussi considéré qu’en n’accordant pas à la famille de l’auteure un soutien approprié au titre du droit au respect du domicile et de la famille, l’État partie avait violé les droits que la fille de l’auteure et son compagnon tenaient de l’article 23 de la Convention. Enfin, le Comité a conclu que l’absence de mesures de protection sociale, d’aides permettant de couvrir les dépenses liées au handicap, de formation adéquate, d’accompagnement psychologique, de soutien financier ou de prise en charge de répit proposés par l’État partie constituait une violation par celui-ci des droits que l’auteure, sa fille et son compagnon tenaient de l’article 28 (par. 2 c)), lu conjointement avec l’article 5 de la Convention.

10.Le Comité a donc conclu que l’État partie était dans l’obligation, entre autres choses, de prendre les mesures voulues afin que la famille de l’auteure bénéficie de services d’accompagnement appropriés et personnalisés, notamment de services de prise en charge de répit, d’un soutien financier, de services de conseil, de soutien social et d’autres formes appropriées de soutien, afin de garantir l’exercice des droits que les membres de la famille de l’auteure tenaient des articles 19, 23 et 28 (par. 2 c)) de la Convention, et de veiller à ce que les programmes de protection sociale répondent aux besoins des personnes handicapées, dans toute leur diversité et dans des conditions d’égalité avec les autres, en apportant des modifications à sa législation, si nécessaire.

J. S. c. Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d ’ Irlande du Nord

11.Le Comité a examiné la communication concernant l’affaire J. S. c. Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d ’ Irlande du Nord. La communication avait été soumise par J. S. au nom de son fils, S. S. L’auteure affirmait qu’il y avait eu violation par l’État partie des droits garantis à son fils par les articles 10, 15, 22 (par. 1) et 25 (al. f)) de la Convention.

12.S. S. avait eu une crise cardiaque en 2020. Il avait été privé d’oxygène pendant au moins quarante-cinq minutes et était dans le coma depuis lors. Les médecins de l’hôpital et un expert désigné par le tribunal avaient estimé que l’intéressé était dans un état végétatif et qu’il était dans son intérêt d’arrêter de l’hydrater et de l’alimenter. L’épouse de S. S. était favorable à l’arrêt des traitements de maintien des fonctions vitales, tandis que la mère et les sœurs de l’intéressé y étaient opposées. Dans le cadre de la procédure interne, le tribunal avait conclu, compte tenu des éléments dont il disposait, que S. S. n’aurait pas souhaité être maintenu en vie dans l’état de santé dans lequel il se trouvait. Le tribunal avait donc estimé qu’il était légal et dans l’intérêt supérieur de S. S. de cesser de l’alimenter et de l’hydrater.

13.Dans sa décision, le Comité a noté que, le 7 janvier 2021, la Cour européenne des droits de l’homme avait rejeté la requête déposée par l’auteure au nom de son fils pour défaut manifeste de fondement. Il a également noté que la Cour avait estimé que les faits dénoncés par l’auteure ne faisaient apparaître aucune violation manifeste des droits et libertés garantis dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou ses Protocoles et que les griefs de l’auteure étaient manifestement mal fondés. Le Comité a noté que l’État partie affirmait que la même question avait été examinée au fond par la Cour, que la requête n’avait pas été rejetée pour des raisons de procédure et que, par conséquent, rien ne justifiait que le Comité rouvre le dossier.

14.Le Comité a conclu que la requête déposée par l’auteure auprès de la Cour européenne des droits de l’homme portait sur la même question que la communication soumise à son examen. Il a considéré que la requête de l’auteure devant la Cour européenne des droits de l’homme avait fait l’objet d’un examen de recevabilité qui avait dépassé le strict plan de la procédure et que les motifs fournis par la Cour montraient qu’elle avait examiné le fond de la requête dans une certaine mesure. En conséquence, le Comité a estimé que les dispositions de l’article 2 (al. c)) du Protocole facultatif l’empêchaient d’examiner la communication et a déclaré celle-ci irrecevable.