Nations Unies

CRPD/C/27/D/55/2018

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

25 janvier 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Décision adoptée par le Comité au titre du Protocole facultatif, concernant la communication no 55/2018 * , **

Communication présentée par :K. S. (représenté par un conseil, Valida Cicen, du Centre suédois d’assistance juridique aux réfugiés)

Victime(s) présumée(s) :L’auteur

État partie :Suède

Date de la communication :22 septembre 2018 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :26 août 2022

Question(s) de fond :Expulsion vers l’Afghanistan

1.L’auteur de la communication est K. S., de nationalité afghane, qui dit être né en 1999. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 15, 16, 22, 25, 26 et 27 de la Convention. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 14 janvier 2009. L’auteur est représenté par un conseil.

2.Le 5 août 2015, l’auteur a déposé une demande d’asile en Suède. Le 25 août 2016, au cours d’un entretien avec l’Office suédois des migrations, il a déclaré avoir été harcelé et maltraité quotidiennement par les Taliban. Toutefois, il n’a pas été en mesure de donner des précisions sur les viols systématiques qu’il aurait subis de 11 à 14 ans. L’auteur affirme que sa réaction durant l’entretien est due aux barrières culturelles qui, en Afghanistan, empêchent les garçons de parler d’agressions sexuelles par crainte d’être stigmatisés. Faute de pouvoir être interrogé par une personne connaissant ce type de traumatisme, il n’avait pas pu expliquer sa situation. En conséquence, sa demande d’asile a été rejetée, car son histoire n’avait pas été jugée crédible. De plus, les informations sur son âge avaient été jugées contradictoires. Au lieu d’ordonner l’engagement d’une procédure de détermination de l’âge, l’Office des migrations a estimé que l’auteur était né le 4 août 1998 et pouvait donc être considéré comme un adulte dans le cadre de la procédure d’asile.

3.Le 6 avril 2017, le Tribunal administratif de l’immigration a rejeté le recours de l’auteur. Il a établi que l’auteur aurait besoin d’une protection s’il était renvoyé à Parwan, mais pourrait demeurer à Hérat, où l’accompagnement médical et psychologique spécialisé dont il avait besoin était disponible. Le 13 juin 2017, la Cour administrative d’appel de l’immigration a refusé la demande d’autorisation de recours déposée par l’auteur et la décision d’expulsion visant ce dernier est devenue définitive et non susceptible d’appel.

4.L’auteur affirme que son état psychologique s’est ensuite dégradé. Il a souffert de dépression et de flashbacks traumatiques. Sa dépression l’a conduit à renier l’islam et à devenir athée.

5.Le 22 novembre 2017, l’Office des migrations a annoncé un nouvel examen de la demande de permis de séjour de l’auteur. Depuis le 4 octobre 2017, l’auteur était hospitalisé dans le service psychiatrique de l’hôpital Säter. À l’issue d’un examen par le médecin-chef, S. V., son état psychologique et mental avait été considéré très préoccupant. L’auteur avait fait plusieurs tentatives de suicide, y compris pendant son hospitalisation.

6.Le 2 mars 2018, l’Office des migrations a rejeté la demande de l’auteur et mis en question son handicap intellectuel et psychosocial, en dépit des déclarations des psychiatres et des psychologues, et des éléments attestant de son athéisme.

7.Le 9 avril 2018, l’auteur a contesté la décision de l’Office des migrations devant le Tribunal administratif de l’immigration. Il a été débouté. Le 8 juin 2018, il a aussi été débouté par la Cour administrative d’appel de l’immigration.

8.L’auteur affirme que son expulsion vers l’Afghanistan porterait atteinte aux droits qu’il tient des articles 15, 16, 22, 25, 26 et 27 de la Convention, compte tenu de l’absence d’installations médicales adaptées à ses besoins dans ce pays. Il affirme également qu’en cas de retour en Afghanistan, les risques auxquels il serait exposés pourraient être directement liés à son handicap intellectuel et mental présumé. À l’appui de ses dires, il renvoie à un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés selon lequel, en Afghanistan, les « personnes présentant un handicap, notamment un handicap mental, et les personnes présentant une maladie mentale font visiblement l’objet de mauvais traitements de la part de membres de la société, notamment de la part de membres de leur famille, au motif que leur maladie ou leur handicap est une punition pour des péchés commis par la personne touchée ou par ses parents ». L’auteur soutient que, s’il était expulsé vers l’Afghanistan dans son état actuel, il serait maltraité, car son problème de santé mentale serait considéré comme une punition pour ses péchés ou ceux de ses parents ou comme la conséquence d’une « offense à Dieu ».

9.Le 2 octobre 2018, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur spécial chargé des communications, a décidé d’enregistrer la communication et d’accorder des mesures provisoires, en priant l’État partie de surseoir à l’expulsion de l’auteur vers l’Afghanistan tant que sa communication serait à l’examen.

10.Dans ses observations datées du 7 juin 2019, l’État partie a affirmé que la communication était irrecevable ratione materiae et ratione loci, ainsi que pour non‑épuisement des recours internes. Il a aussi affirmé que la communication était insuffisamment étayée et dénuée de fondement. Il a fait remarquer, entre autres, que la décision d’expulsion de l’auteur serait frappée de prescription le 13 juin 2021. Le 17 août 2019, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond de la communication.

11.À une réunion tenue le 26 août 2022, le Comité a pris note du document d’orientation juridique établi par l’Office des migrations de l’État partie en date du 30 novembre 2021, selon lequel la situation en Afghanistan avait évolué au point qu’aucune protection efficace ne pouvait être obtenue des autorités du pays, et une autre forme de protection interne n’était possible que dans des cas exceptionnels, ce qui rendait nécessaire un nouvel examen de la demande de l’auteur. Compte tenu de ce qui précède, et constatant que l’auteur ne risquait plus d’être expulsé vers l’Afghanistan, le Comité a conclu que la communication no 55/2018 était devenue sans objet et a décidé de mettre fin à son examen.