Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Qatar *

Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Qatar (CEDAW/C/QAT/2) à ses 1690e et 1691e séances (voir CEDAW/C/SR.1690 et CEDAW/C/SR.1691), tenues le 2 juillet 2019. La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/QAT/Q/2 et les réponses du Qatar dans le document CEDAW/C/QAT/Q/2/Add.1.

A.Introduction

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir présenté dans les délais son deuxième rapport périodique. Il le remercie également de la suite donnée aux observations finales précédentes du Comité (CEDAW/C/QAT/CO/1/Add.1) et des réponses écrites qu’il a fournies à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail de présession, ainsi que de la présentation orale faite par la délégation et des éclaircissements apportés en réponse aux questions posées oralement par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation de haut niveau dirigée par le Ministre d’État et Ministre des affaires étrangères, Soltan bin Saad al-Muraikhi. Cette délégation comprenait également le Directeur du département des droits de la personne du Ministère des affaires étrangères, Faisal bin Abdullah al-Henzab ; une représentante du Conseil de la choura, Hend Abdulrahman al-Muftah ; l’Ambassadrice et Représentante permanente du Qatar auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales sises à Genève, Ali Khalfan al‑Mansouri ; ainsi que des représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l’intérieur, du Ministère du développement administratif, du travail et des affaires sociales, du Ministère de la santé publique, du Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur, de l’Autorité de la planification et des statistiques et d’autres représentantes et représentants de la Mission permanente du Qatar auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les efforts fournis par l’État partie dans la mise en œuvre de mesures législatives depuis l’examen en 2014 de son rapport initial, et notamment l’adoption des lois suivantes :

a)La loi no 13 de 2018 modifiant les dispositions de la loi no 21 de 2015, qui régit l’entrée, la sortie et le séjour des expatriés, afin d’autoriser certains groupes de travailleuses migrantes couvertes par la loi sur le travail (loi no 4 de 2004) à quitter l’État partie sans avoir à obtenir un visa de sortie, en octobre 2018 ;

b)La loi no 10 de 2018 sur la résidence permanente, en octobre 2018 ;

c)La loi no 11 de 2018 sur l’asile politique, en septembre 2018 ;

d)La loi no 15 de 2017 relative aux travailleuses et travailleurs domestiques, en août 2017 ;

e)La loi no 13 de 2017 instituant une ou plusieurs commissions compétentes pour le règlement de tous les différends nés de l’application de la loi sur le travail (loi no 4 de 2004) ou de l’exécution des contrats de travail, en août 2017 ;

f)La loi no 1 de 2015 modifiant les dispositions de la loi sur le travail (loi no 4 de 2004), relative au système de protection des salaires des travailleuses et travailleurs, en février 2015.

Le Comité salue les efforts de l’État partie visant à améliorer son cadre d’action afin d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, tels que l’adoption, en mars 2018, d’une deuxième stratégie nationale de développement, couvrant la période 2018 à 2022, qui vise à augmenter le nombre de femmes aux postes de responsabilité et à créer une organisation de la société civile pour promouvoir les questions relatives aux femmes, comme indiqué dans la Vision nationale du Qatar à l’horizon 2030.

Le Comité note avec satisfaction que, pendant la période ayant suivi l’examen du rapport précédent, l’État partie a adhéré aux instruments internationaux suivants :

a)Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en mai 2018 ;

b)Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en mai 2018.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de l’appui international que reçoivent les objectifs de développement durable et invite l’État partie à instaurer une égalité des genres de droit et de fait, conformément aux dispositions de la Convention, dans le cadre de la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030. Il salue également les mesures prises par l’État partie en faveur de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et des objectifs de développement durable, notamment l’adoption de la Vision nationale du Qatar à l’horizon 2030 et de sa Stratégie nationale de développement 2018-2022. Le Comité rappelle l’importance de l’objectif 5 et de la prise en compte des principes de l’égalité et de la non-discrimination dans les 17 objectifs de développement durable. Il encourage vivement l’État partie à considérer les femmes comme le moteur de son développement durable et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle déterminant que joue le pouvoir législatif s’agissant d’assurer la mise en œuvre intégrale de la Convention (voir A/65/38, Deuxième partie, annexe VI). Il invite le Conseil consultatif à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales d’ici à la présentation de son prochain rapport périodique au titre de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Réserves

Le Comité prend acte avec satisfaction des informations fournies par la délégation de l’État partie concernant l’adoption d’une stratégie visant à examiner les réserves émises par l’État partie à l’égard des instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, y compris la Convention, dans le cadre de son approche progressive de la réforme juridique. Il reste néanmoins préoccupé par le fait que l’État partie continue de maintenir ses réserves aux articles 2 a), 9 2), 15 1), 4) et 16 1) a), c) et f) de la Convention. Par ailleurs, le Comité exprime de nouveau sa préoccupation face aux réserves formulées par l’État partie aux articles 2 et 16 car elles sont contraires à l’objet et au but de la Convention et portent atteinte à la mise en œuvre du principe fondamental de l’égalité formelle et matérielle entre les femmes et les hommes dans tous les aspects de la vie publique et privée (CEDAW/C/QAT/CO/1, par. 7).

Rappelant ses précédentes observations finales (ibid., par.  8), le Comité recommande à l ’ État partie de fixer un calendrier précis pour l ’ examen de ses réserves concernant la Convention, en mettant particulièrement l ’ accent sur les articles 2 et 16, étant donné leur rôle central eu égard au but et à l ’ objectif de la Convention, en vue de leur retrait.

Visibilité de la Convention et recommandations générales du Comité

Le Comité prend acte avec satisfaction des activités entreprises par la Direction des affaires familiales du Ministère du développement administratif, du travail et des affaires sociales et par la Commission nationale des droits de la personne pour sensibiliser le public aux droits des femmes. Toutefois, il exprime de nouveau sa préoccupation face à l’absence de mesures adéquates de l’État partie pour promouvoir la visibilité de la Convention, et à la méconnaissance par les fonctionnaires, les juges, les membres du Conseil consultatif et le grand public des droits des femmes au titre de la Convention, du concept d’égalité réelle entre les femmes et les hommes et des recommandations générales du Comité.

Rappelant ses précédentes observations finales (ibid., par.  10), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter des mesures globales pour garantir que la Convention et le concept d ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes soient suffisamment connus du grand public et que les femmes en particulier connaissent leurs droits au titre de la Convention et les voies de recours possibles pour dénoncer des violations de leurs droits  ;

b) D ’ entreprendre un renforcement systématique et régulier des capacités afin de garantir que la Convention et le concept d ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes soient connus des fonctionnaires, des juges et des membres du Conseil consultatif, pour une application effective des dispositions de la Convention par toutes les branches du gouvernement.

Cadre constitutionnel et législatif et lois discriminatoires

Le Comité prend note de l’information communiquée par l’État partie selon laquelle tous les traités internationaux conclus par l’Émir sont incorporés à l’ordre juridique national conformément à l’article 68 de la Constitution et les articles 18, 19, 34 et 35 comportent des garanties juridiques du principe d’égalité. Le Comité prend note également de l’information selon laquelle l’État partie a récemment créé un comité chargé d’examiner la législation nationale dans le but de la mettre en conformité avec les traités internationaux relatifs aux droits de la personne. Toutefois, le Comité reste préoccupé par :

a)L’imprécision quant au statut de la Convention dans l’ordre juridique national, faisant observer que l’article 68 de la Constitution dispose que les traités relatifs aux droits des citoyens ou ceux qui entraînent une modification des lois nationales n’entreront en vigueur qu’après avoir été « publiés dans une loi » ;

b)L’absence, dans la législation interne, de définition de la discrimination à l’égard des femmes, qui interdise expressément la discrimination directe et indirecte, ainsi que les formes croisées de discrimination, dans la sphère publique comme dans la sphère privée, conformément à l’article premier de la Convention ;

c)L’absence de progrès s’agissant d’abroger ou de modifier les dispositions discriminatoires figurant dans les lois mentionnées dans les précédentes observations finales (ibid., par. 15), notamment dans le Code de la famille (loi no 22 de 2006), la loi sur la nationalité (loi no 38 de 2005) et le Code pénal ;

d)L’absence de cour constitutionnelle dans l’État partie, en dépit de l’adoption de la loi no 12 de 2008 qui prévoit la création d’une telle cour.

Rappelant ses précédentes observations finales (ibid., par.  12, 14 et 16) et les liens entre les articles 1 et 2 de la Convention et la cible 5.1 des objectifs de développement durable, qui consiste à mettre fin à toutes les formes de discrimination à l ’ égard de toutes les femmes et les filles sur l ’ ensemble du territoire, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De préciser la place de la Convention dans l ’ ordre juridique national et d ’ adopter la législation voulue pour intégrer les dispositions de la Convention dans le droit interne  ;

b) D ’ adopter une législation complète contre la discrimination, qui comporte une définition de la discrimination à l ’ égard des femmes conforme à l ’ article premier de la Convention, qui englobe la discrimination directe et indirecte et les formes de discrimination croisées, dans la sphère publique comme dans la sphère privée, et garantisse des voies de recours utiles aux victimes de discrimination fondée sur le genre  ;

c) D ’ abroger toutes les dispositions juridiques restantes qui opèrent une discrimination à l ’ égard des femmes et des filles, en particulier dans les domaines du mariage, du divorce, de la garde des enfants, de l ’ héritage et des droits de propriété, de la nationalité et s ’ agissant de l ’ obligation faite à toute jeune femme célibataire de moins de 25 ans qui souhaite se rendre à l ’ étranger d ’ obtenir l ’ autorisation d ’ un tuteur  ;

d) De prendre immédiatement des mesures pour donner effet à la loi n o 12 de 2008 afin de mettre en place sans plus attendre une cour constitutionnelle pleinement opérationnelle.

Accès à la justice

Le Comité se dit préoccupé par l’absence de pouvoir judiciaire indépendant dans l’État partie, dont la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats s’est inquiétée (voir A/HRC/29/26/Add.1), et par le fait que, à de nombreuses étapes du système de justice, les femmes se heurtent à la discrimination institutionnalisée, notamment lorsqu’elles déposent plainte auprès des services de police ou lorsqu’elles comparaissent devant les tribunaux. Le Comité est également préoccupé par le fait que les femmes et les filles, notamment les migrantes et les femmes et les filles handicapées, victimes de formes de discrimination croisées, se heurtent à des obstacles importants pour accéder à la justice, la conséquence étant l’impunité pour les violations de leurs droits.

Rappelant sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De poursuivre ses efforts tendant à renforcer l ’ indépendance et l ’ efficacité du système de justice, notamment en mettant en œuvre les recommandations énoncées par la Rapporteuse spéciale sur l ’ indépendance des juges et des avocats dans son rapport (ibid.)  ;

b) De garantir qu ’ il est donné effet au principe de l ’ égalité devant la loi, en procédant à l ’ abolition de toute loi, procédure, réglementation, jurisprudence et pratique en place qui opère, directement ou indirectement, une discrimination à l ’ égard des femmes, y compris la règle de la corroboration qui opère une discrimination à l ’ égard des femmes en tant que témoins, plaignantes et prévenues en leur imposant une charge de la preuve plus lourde que pour les hommes lorsqu ’ il s ’ agit d ’ établir une infraction ou d ’ exercer un recours, et les procédures qui excluent le témoignage des femmes ou y accordent une valeur moindre  ;

c) De redoubler d ’ efforts en vue d ’ éliminer les obstacles que rencontrent les femmes et les filles pour accéder à la justice, en particulier les migrantes et les femmes et les filles handicapées, notamment en mettant à leur disposition une aide juridique et des services de traduction et d ’ interprétation indépendants et professionnels quand elles en ont besoin, et en abrogeant toute disposition du Code civil et de tout autre texte de loi qui restreint la capacité juridique des femmes et des filles handicapées  ;

d) De veiller à ce que la Convention et les recommandations générales du Comité deviennent partie intégrante des programmes d ’ études et de formation en droit dispensés aux juges, aux procureurs et aux avocats, le but étant de donner à ces professionnels les moyens d ’ appliquer la Convention directement ou d ’ interpréter les dispositions juridiques nationales dans le sens de la Convention.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité prend note du fait que le Conseil suprême des affaires familiales a été supprimé et qu’une direction des affaires familiales, chargée de la condition féminine, a été créée au sein du Ministère du travail, du développement administratif et des affaires sociales, en application du décret de l’Émir no 4 de 2016. Le Comité demeure préoccupé, toutefois, par le mandat, l’autorité et la capacité limités dont cette direction a été dotée pour garantir que la législation et les politiques relatives à l’égalité des genres sont correctement élaborées et pleinement respectées et appliquées dans les activités de tous les ministères et de toutes les administrations publiques. En particulier, le Comité relève avec préoccupation que cette direction a pour tâche de préserver la solidité et l’homogénéité des familles et de promouvoir les valeurs morales et religieuses, et que ses programmes et activités sont axés sur la cohésion au sein de la famille et le rôle des femmes dans la famille, plutôt que sur la promotion et la protection des droits des femmes, quelle que soit leur situation matrimoniale.

Le Comité, renvoyant aux orientations générales données dans le Programme d ’ action de Beijing au sujet des conditions nécessaires pour assurer le bon fonctionnement des mécanismes nationaux, recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter une stratégie claire pour renforcer et consolider la capacité du mécanisme national de promotion de la femme et de veiller à ce que ce mécanisme dispose du pouvoir de décision et des moyens humains et financiers voulus, y compris d ’ experts en questions d ’ égalité des genres, pour garantir la mise en œuvre effective de la Convention et la prise en compte des questions de genre au sein de toutes les entités de l ’ administration et dans toutes les activités ayant trait à la législation et aux orientations stratégiques  ;

b) De veiller à ce que le mécanisme national élabore des politiques et des programmes visant à atteindre l ’ égalité des genres et l ’ égalité de droits pour toutes les femmes, quelle que soit leur situation matrimoniale  ;

c) D ’ améliorer la collecte de données, ventilées par sexe, âge, situation matrimoniale , appartenance ethnique, situation migratoire, handicap et autres facteurs pertinents, afin de suivre et d ’ évaluer les effets et l ’ efficacité des politiques et programmes mis en œuvre par les mécanismes nationaux.

Institution nationale de défense des droits de la personne

Le Comité salue l’adoption de la loi no 12 de 2015 qui vise à préserver l’indépendance et l’immunité fonctionnelle des membres de la Commission nationale des droits de la personne, et prend note avec intérêt du travail accompli en vue de promouvoir les droits des femmes, notamment de la publication de recommandations visant à mettre la législation de l’État partie en conformité avec la Convention et de la conduite de campagnes de sensibilisation à la Convention. Cela étant, le Comité se dit préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas mis en œuvre les recommandations que lui avait faites la Commission nationale des droits de la personne, et par l’absence d’informations sur l’issue des affaires de violation des droits des femmes examinées par cet organisme.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De mettre pleinement en œuvre les recommandations formulées par la Commission nationale des droits de la personne, tendant à mettre la législation nationale en conformité avec la Convention et à faire en sorte que toutes les affaires de violation des droits des femmes dont la Commission nationale des droits de la personne est saisie fassent l ’ objet d ’ une enquête, que les auteurs doivent rendre des comptes et que les victimes aient accès à des recours utiles  ;

b) De doter la Commission nationale des droits de la personne des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour qu ’ elle puisse s ’ acquitter efficacement de son mandat de promotion et de protection des droits des femmes conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris)  ;

c) De prendre des mesures concrètes pour donner suite aux préoccupations exprimées par le Sous-comité d ’ accréditation de l ’ Alliance globale des institutions nationales des droits de l ’ homme dans son rapport de novembre 2015, notamment celle ayant trait à l ’ adoption d ’ une procédure de sélection de ses membres qui soit transparente, participative et fondée sur le mérite et celle concernant des dispositions garantissant protection contre les conflits d ’ intérêts, réels ou perçus.

Organisations de la société civile

Le Comité prend note avec satisfaction de la présence d’organisations non gouvernementales subventionnées par les pouvoirs publics de l’État partie pendant l’examen du rapport, ainsi que des informations communiquées par ces organisations. Toutefois, il exprime de nouveau sa préoccupation face à l’absence d’organisations de la société civile indépendantes qui défendent les droits des femmes dans l’État partie, à la lourdeur de la procédure d’enregistrement de ces organisations et à l’interdiction qui leur est faite de s’investir dans les questions politiques, prévue dans la loi no 12 de 2004 sur les associations et les organisations privées (CEDAW/C/QAT/CO/1, par. 29).

Rappelant ses précédentes observations finales (ibid., par.  30), le Comité recommande à l ’ État partie de modifier la loi n o 12 de 2004 sur les associations et les organisations privées de façon à créer un climat favorable dans lequel les organisations de la société civile, en particulier les associations et organisations non gouvernementales de femmes, pourront être constituées librement et pourront prendre part à la vie politique et à la vie publique, conformément à l ’ alinéa c) de l ’ article 7 de la Convention.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité, prenant note des renseignements communiqués par l’État partie au sujet des lois et des politiques qu’il considère être des mesures temporaires spéciales visant à promouvoir les droits des femmes, notamment des mesures garantissant le droit au congé de maternité à plein salaire, le droit à des pauses d’allaitement et le droit à un salaire égal pour un travail égal, rappelle ses précédentes observations finales (ibid., par. 20) et reste préoccupé par la méconnaissance de l’État partie concernant la nature des mesures temporaires spéciales. Il regrette l’absence de telles mesures, y compris d’un système de quotas, visant à parvenir à l’égalité réelle entre les hommes et les femmes selon un calendrier et des critères précis.

Rappelant ses précédentes observations finales (ibid., par.  21), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter et d ’ appliquer des mesures temporaires spéciales, y compris des objectifs assortis de délais, des quotas ou un traitement préférentiel, en vue de réaliser concrètement l ’ égalité de fait entre les femmes et les hommes dans les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées  ;

b) De faire appel à l ’ assistance technique internationale pour garantir une compréhension précise de la notion de mesures temporaires spéciales, au sens du paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention, telle que précisée par le Comité dans sa recommandation générale n o 25 (2004) concernant les mesures temporaires spéciales, de la part des agents de l ’ État concernés.

Stéréotypes discriminatoires liés au genre

Le Comité note les efforts faits par l’État partie pour promouvoir la participation des femmes au monde du travail et par les médias pour lutter contre les stéréotypes discriminatoires liés au genre. Il n’en reste pas moins préoccupé par la persistance de comportements patriarcaux et de stéréotypes discriminatoires profondément ancrés concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société, qui mettent l’accent sur le rôle de mère et d’éducatrice des femmes. Le Comité est particulièrement préoccupé par :

a)La déclaration de l’État partie au titre de l’alinéa a) de l’article 5 a) Convention, selon laquelle « la question de la modification des “schémas” figurant à l’alinéa a) de l’article 5 ne doit pas être entendue comme un encouragement de la femme à délaisser son rôle de mère et d’éducatrice, ce qui ébranlerait l’entité familiale » ;

b)Les lois qui renforcent les stéréotypes discriminatoires, comme le Code de la famille (loi no 22 de 2006) qui spécifie que le devoir de la femme est d’obéir au mari, d’être responsable du ménage et de s’occuper des enfants ;

c)Les programmes et les politiques ayant pour objet d’aider les femmes à concilier leurs obligations familiales et professionnelles qui renforcent ces stéréotypes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De procéder à un examen complet de sa législation nationale et de modifier toutes les dispositions qui légitiment ou perpétuent les stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société  ;

b) D ’ examiner les programmes et les projets ayant pour objet de renforcer la cohésion familiale et d ’ aider les femmes à concilier leurs obligations familiales et professionnelles, en vue d ’ éliminer les stéréotypes qui limitent le rôle des femmes à un rôle de mère et d ’ éducatrice  ;

c) D ’ encourager la participation des hommes aux responsabilités domestiques et à la garde des enfants, conformément à l ’ alinéa b) de l ’ article 5 de la Convention, notamment en lançant des campagnes publiques où les hommes soient représentés dans ce rôle et qui expliquent les avantages qui en découlent pour la famille et la société toute entière  ;

d) De renforcer le dialogue avec la société civile, notamment avec les hommes et les garçons , ainsi qu ’ avec les médias pour mettre fin aux stéréotypes discriminatoires liés au genre et à leurs formes croisées  ;

e) De retirer sa déclaration concernant l ’ alinéa a) de l ’ article 5 de la Convention.

Violence fondée sur le genre à l’égard des femmes

Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie sur l’action menée par le Département de la police de proximité du Ministère de l’intérieur consistant à tenir une permanence téléphonique pour le signalement de la violence domestique, à porter assistance aux victimes et à intervenir rapidement pour prévenir la violence fondée sur le genre. Il salue également les activités menées par diverses associations financées par l’État, dont le Centre de protection et de réadaptation sociale Aman, qui prêtent assistance aux victimes de violence domestique. Il est préoccupé cependant par :

a)L’absence de progrès pour ce qui est de faire en sorte que la violence domestique et le viol conjugal soient expressément incriminés dans la législation nationale ;

b)La sous-déclaration des cas de violence domestique et de violence sexuelle en raison de la stigmatisation culturelle et sociale et de la crainte de représailles contre les victimes et leur famille, ainsi que la méconnaissance de leurs droits par les victimes ;

c)Le manque de sensibilisation et de formation des juges, des procureurs et des fonctionnaires de police en matière de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles, qui ne leur permet pas d’intervenir efficacement dans ces affaires avec le souci des questions de genre ;

d)L’absence de données complètes sur la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles, y compris sur le nombre de plaintes, de poursuites, de condamnations et de sanctions imposées aux auteurs, ainsi que sur les recours offerts aux victimes.

Rappelant sa recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence fondée sur le genre à l ’ égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter une législation pour incriminer toutes les formes de violence fondée sur le genre à l ’ égard des femmes, y compris la violence domestique et le viol conjugal, sans dérogation et selon un calendrier précis  ;

b) D ’ adopter un plan d ’ action national pour lutter contre toutes les formes de violence fondée sur le genre à l ’ égard des femmes, l ’ accent étant mis en particulier sur la violence domestique  ;

c) D ’ encourager le signalement des cas de violence fondée sur le genre à l ’ égard des femmes et des filles en luttant contre la stigmatisation culturelle et sociale liée au signalement de cette violence, et en veillant à ce que des recours utiles soient offerts de manière accessible à toutes les victimes  ;

d) De veiller à ce que les victimes de violence fondée sur le genre, y compris les travailleuses domestiques, aient effectivement accès à la justice, à des mesures de protection, à des services d ’ assistance appropriés, à une réadaptation et à des recours et des mesures de réparation appropriés, y compris à une indemnisation  ;

e) De prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que les auteurs d ’ infractions aient à répondre de leurs actes, en s ’ acquittant de l ’ obligation qui lui incombe d ’ exercer la diligence voulue pour empêcher les cas de violence fondée sur le genre à l ’ égard des femmes, y compris les travailleuses domestiques  ;

f) De prévoir une formation obligatoire à l ’ intention des juges, des procureurs et des policiers sur le caractère criminel de toutes les formes de violence fondée sur le genre à l ’ égard des femmes et sur les méthodes d ’ interrogatoire sensibles au genre  ;

g) De recueillir systématiquement des données sur toutes les formes de violence fondée sur le genre à l ’ égard des femmes et des filles, ventilées par âge et par lien entre la victime et l ’ auteur.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité salue l’adoption d’un plan national de lutte contre la traite des êtres humains, couvrant la période de 2017 à 2022, et la création en 2017 d’un comité national de lutte contre la traite des êtres humains, ainsi que l’action menée par l’État partie pour lutter contre la traite dans la région. Il prend note également des renseignements communiqués par l’État partie sur les enquêtes relatives à des affaires de travail forcé et de traite. Il note cependant avec préoccupation :

a)Le fait que l’État partie reste un pays de transit et de destination pour les femmes et les filles soumises à la traite des personnes, notamment à des fins de travail forcé ;

b)Le manque d’informations sur le nombre de plaintes, de poursuites et de condamnations dans les affaires de traite, et le nombre de femmes et de filles qui ont été recensées comme victimes de la traite, et sur l’assistance et le soutien dont elles ont bénéficié ;

c)Les informations selon lesquelles des victimes de la traite seraient arrêtées, placées en détention et expulsées pour atteinte à la loi sur l’immigration, tentative de se soustraire à leur employeur ou leur parrain ou exercice de la prostitution ;

d)L’absence de mesures visant à dépénaliser la prostitution féminine, qui reste passible d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à cinq ans.

Rappelant ses recommandations antérieures (ibid., par.  26), ainsi que la cible 5.2 des objectifs de développement durable, qui vise à éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence faite aux femmes et aux filles, y compris la traite et l ’ exploitation sexuelle et d ’ autres types d ’ exploitation, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ assurer l ’ application effective du plan national de lutte contre la traite des êtres humains en allouant à sa mise en œuvre des ressources techniques, financières et humaines suffisantes  ;

b) D ’ enquêter sur les affaires de traite de femmes et de filles et de poursuivre et sanctionner ceux qui s ’ y livrent, en veillant à ce que les peines prononcées soient proportionnées à la gravité de l ’ infraction et à ce que les victimes soient dégagées de toute responsabilité pénale  ;

c) De mettre en place des mécanismes visant à ce que les victimes de la traite soient rapidement identifiées et orientées vers des services d ’ assistance et de soutien appropriés, et de veiller à ce qu ’ elles aient un accès effectif à la justice  ;

d) De faire en sorte que les travailleuses domestiques migrantes qui sont victimes de la traite puissent porter plainte sans crainte d ’ être arrêtées, incarcérées ou expulsées, notamment en veillant à ce qu ’ elles soient informées de leurs droits dans une langue qu ’ elles comprennent et par des moyens accessibles  ;

e) De soutenir plus résolument les femmes et les filles victimes de la traite, particulièrement les migrantes, en veillant à ce qu ’ elles reçoivent une protection et aient dûment accès à des services de conseil et de réadaptation, des mesures de réparation et une indemnisation  ;

f) De modifier la législation applicable pour dépénaliser la prostitution féminine et de prévoir des programmes de sortie pour les femmes qui souhaitent quitter la prostitution  ;

g) De prendre des mesures pour réduire la demande de prostitution, y compris en réalisant des campagnes publiques d ’ éducation et de sensibilisation, particulièrement en direction des hommes et des garçons, en s ’ attachant à lutter contre toute idée de subordination de la femme et toute forme d ’ objectivation de la femme.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité note avec satisfaction le nombre croissant de femmes qui participent à la vie politique et à la vie publique dans l’État partie ainsi que l’adoption de la décision de l’Émir no 22 de 2017, qui prévoit la nomination de femmes au Conseil consultatif pour la première fois. Le Comité note cependant avec préoccupation que :

a)Les femmes restent sous-représentées au Conseil consultatif, avec seulement 4 femmes sur 45 membres (moins de 10 pour cent) ;

b)Des comportements patriarcaux et des traditions culturelles profondément ancrés continuent de faire obstacle à la participation politique des femmes ;

c)Les femmes sont sous-représentées dans les conseils municipaux, aux postes ministériels et aux postes de décision du service diplomatique, de l’appareil judiciaire et des professions juridiques.

Rappelant ses précédentes observations finales (ibid., par.  28), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre des mesures supplémentaires aux fins de réaliser la parité femmes-hommes au sein du Conseil consultatif et de veiller à ce que, outre les femmes nommées par l ’ Émir, des femmes soient aussi élues selon un processus démocratique  ;

b) D ’ adopter et d ’ appliquer des mesures temporaires spéciales, notamment des quotas minimum, accompagnées de critères et de calendriers précis, pour accroître la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique dans l ’ État partie, notamment dans les conseils municipaux et dans les administrations locales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité  ;

c) En adoptant les lois nécessaires, de veiller à ce que les partis politiques désignent un nombre égal de candidates et de candidats, d ’ allouer un financement suffisant aux campagnes des femmes qui se présentent à une élection, et d ’ imposer des amendes aux partis qui ne respectent pas ces lois  ;

d) De mettre en place des programmes sur les compétences en matière d ’ encadrement et de négociation à l ’ intention des femmes qui se présentent à une élection  ;

e) De supprimer les obstacles structurels à l ’ accès des femmes aux postes de décision de l ’ appareil judiciaire, du service diplomatique et de la fonction publique, y compris les portefeuilles ministériels, où les hommes ont dominé jusqu ’ à présent.

Nationalité

Le Comité salue l’adoption de la loi no 10 de 2018, qui offre un statut de résident permanent dans l’État partie aux enfants nés de mères qataries mariées à des étrangers, leur permettant d’avoir accès à l’éducation, aux soins de santé et à la propriété. Toutefois, il demeure préoccupé par l’absence de progrès dans la révision de la loi sur la nationalité (loi no 38 de 2005) pour permettre aux femmes qataries de transmettre leur nationalité à leurs enfants et à leur conjoint étranger sur un pied d’égalité avec les hommes qataris, comme le Comité l’a précédemment recommandé (ibid., par. 32). Le Comité est également préoccupé de constater que les enfants nés de mères qataries mariées à des conjoints étrangers et titulaires du statut de résident permanent ne peuvent pas jouir des mêmes droits que les nationaux et qu’ils continuent d’être exposés à un risque élevé d’apatridie.

Rappelant ses précédentes observations finales (ibid.), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De modifier son Code de la nationalité (loi n o 38 de 2005) de manière à le rendre conforme à l ’ article 9 de la Convention et permettre aux femmes qataries de transmettre leur nationalité à leurs enfants et à leur conjoint étranger sur un pied d ’ égalité avec les hommes qataris  ;

b) De retirer sa réserve concernant l ’ alinéa a) de l ’ article 9 de la Convention  ;

c) D ’ adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Éducation

Le Comité salue les progrès enregistrés par l’État partie pour garantir l’égalité d’accès des femmes et des filles à l’éducation, outre les taux élevés de scolarisation des filles à tous les niveaux d’éducation. Il note également que le Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur examine actuellement les programmes scolaires, en collaboration avec la Commission nationale des droits de la personne, afin d’y inclure l’éducation aux droits de la personne et à l’égalité des genres. Il note cependant avec préoccupation :

a)La concentration des femmes et des filles dans des domaines d’études traditionnellement dominés par les femmes et le faible pourcentage de filles inscrites en sciences, en technologie, en ingénierie et en mathématiques ;

b)La position de certaines universités, notamment celles offrant des programmes d’études médicales et pharmaceutiques, qui n’acceptent actuellement que des femmes en raison « des besoins de l’État fondés sur les particularités du marché du travail », ce qui peut perpétuer les stéréotypes liés au genre et la ségrégation horizontale des emplois ;

c)Les difficultés d’accès à un enseignement de qualité, notamment des femmes et des filles migrantes et handicapées confrontées à des formes de discrimination croisées ;

d)La persistance des stéréotypes liés au genre dans les programmes scolaires, qui représentent des femmes au foyer et des hommes au travail, ainsi que le manque de formation des enseignants sur les droits des femmes et la question de l’égalité des genres ;

e)Le manque de cours adaptés à l’âge sur la santé sexuelle et procréative et sur les droits correspondants ;

f)Le fait que la majorité des postes de professeurs et de décision dans l’enseignement supérieur sont occupés par des hommes.

Conformément à l ’ article 10 de la Convention et à la recommandation générale n o  36 (2017) du Comité sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, ainsi qu ’ à l ’ objectif de développement durable 4 visant à assurer l ’ accès de toutes et tous à un enseignement de qualité, sur un pied d ’ égalité, et à promouvoir les possibilités d ’ apprentissage tout au long de la vie, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales, afin d ’ accroître le nombre de filles et de femmes qui choisissent des domaines d ’ études et des carrières à prédominance masculine, en particulier en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques  ;

b) D ’ éliminer, dans des domaines spécifiques de l ’ enseignement supérieur, les politiques d ’ admission réservées aux femmes, qui perpétuent des stéréotypes de genre et la concentration des femmes dans des professions où elles dominent traditionnellement  ;

c) D ’ améliorer l ’ accès à une éducation inclusive et de qualité pour toutes les femmes et les filles confrontées à des formes de discrimination croisées, y compris les migrantes et les femmes et les filles handicapées  ;

d) De continuer de réviser les programmes et manuels scolaires à tous les niveaux d ’ éducation pour éliminer les stéréotypes discriminatoires liés au genre, et de former davantage les enseignants sur les droits des femmes et les questions d ’ égalité des genres  ;

e) D ’ intégrer dans tous les programmes scolaires des cours, obligatoires et adaptés à l ’ âge des élèves, sur la santé et les droits en matière sexuelle et procréative, y compris sur les comportements sexuels responsables, la notion de consentement dans les relations sexuelles et le caractère criminel de la violence fondée sur le genre et du harcèlement sexuel  ;

f) De prendre des mesures, y compris des mesures temporaires spéciales, pour augmenter le nombre de femmes occupant des postes de professeurs et de décision dans l ’ enseignement supérieur.

Emploi

Le Comité se félicite que l’État partie ait donné la priorité à l’augmentation de la participation des femmes au marché du travail, comme indiqué dans la Vision nationale du Qatar à l’horizon 2030, et adopté des lois visant à renforcer la protection des droits des travailleurs et des travailleuses domestiques migrants et migrantes. Cependant, il reste préoccupé par :

a)Le maintien de réglementations et de pratiques discriminatoires de facto qui obligent les femmes qataries à présenter une lettre de consentement d’un tuteur masculin pour obtenir un emploi ;

b)La sous-représentation des femmes sur le marché du travail formel, prenant note des informations fournies dans le rapport qui indique que la majorité des femmes qataries « restent à la maison comme femmes au foyer » ;

c)La sous-représentation des femmes aux postes de direction et de décision dans les secteurs public et privé ;

d)Les écarts persistants de rémunération entre les femmes et les hommes, notant que ces derniers ont gagné 29 à 38 pour cent de plus que les femmes entre 2011 et 2015 ;

e)Les dispositions discriminatoires du Droit du travail (loi no 14 de 2004) qui interdisent aux femmes, mais pas aux hommes, d’exercer un travail dangereux, pénible, préjudiciable à leur santé ou à leur moralité, ou d’autres types d’emploi spécifiés par le Ministère du développement administratif, du travail et des affaires sociales, et n’autorisent les femmes à travailler que pendant les heures fixées par décision du ministère ;

f)L’absence de dispositions dans la loi sur le travail (loi no 14 de 2004) garantissant le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/QAT/CO/1 , par.  36), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ abolir les réglementations et les pratiques discriminatoires de facto qui obligent les femmes qataries à présenter une lettre de consentement d ’ un tuteur masculin pour obtenir un emploi  ;

b) De prendre des mesures volontaristes et spécifiques, y compris des mesures temporaires spéciales, pour améliorer l ’ accès des femmes au marché du travail formel et pour augmenter leur représentation aux postes de décision dans les secteurs public et privé  ;

c) De renforcer les mesures visant à encourager les femmes et les filles à choisir des carrières non traditionnelles, y compris en favorisant et en améliorant l ’ accès à l ’ apprentissage et à la formation professionnelle dans les domaines où elles sont sous-représentées, en vue d ’ éliminer la ségrégation professionnelle horizontale et verticale dans les secteurs public et privé  ;

d) De promouvoir le partage équitable des responsabilités familiales et domestiques entre hommes et femmes, notamment en instaurant un congé de paternité ou un congé parental partagé obligatoire après l ’ accouchement et en augmentant le nombre de structures de garde d ’ enfants pour permettre aux femmes de poursuivre leur carrière  ;

e) D ’ abroger les sections 94 et 95 de la loi sur le travail (loi n o  14 de 2004), qui interdisent aux femmes d ’ exercer un travail dangereux, pénible, ou préjudiciable à leur santé ou à leur moralité, et qui imposent des restrictions arbitraires à la durée du travail des femmes  ;

f) De modifier la loi sur le travail (loi n o  14 de 2004) pour garantir un salaire égal pour un travail de valeur égale  ;

g) D ’ envisager de ratifier la Convention (n o  100) sur l ’ égalité de rémunération de 1951, la Convention ( n o 156) sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales de 1981, ainsi que d ’ autres conventions applicable de l ’ Organisation internationale du travail (OIT).

Santé

Le Comité se félicite des mesures adoptées par l’État partie pour améliorer l’accès des femmes à des soins de santé de qualité, notamment l’adoption d’une stratégie nationale pour la santé pour la période 2017 à 2022). Toutefois, il se déclare une fois de plus préoccupé par le fait que l’avortement continue d’être érigé en infraction, même dans les cas de viol ou d’inceste, et que les travailleuses migrantes sont tenues de se soumettre à un test de dépistage du VIH et sont expulsées si le résultat est positif.

Le Comité renouvelle sa précédente recommandation (ibid., par.  40) demandant à l ’ État partie  :

a) De légaliser l ’ avortement dans les cas de viol, d ’ inceste, de risque pour la vie ou la santé de la mère et de malformation fœtale et de le dépénaliser dans tous les autres cas, conformément à la recommandation générale n o  24 (1999) du Comité sur les femmes et la santé  ;

b) De veiller à ce que les femmes et les filles, y compris les travailleuses migrantes, aient un accès effectif aux informations et services de santé sexuelle et procréative, y compris les méthodes modernes de contraception  ;

c) De revoir la politique de dépistage obligatoire du VIH pour les travailleuses migrantes afin d ’ interdire tout dépistage non consenti du VIH/sida et de mettre fin à l ’ expulsion des travailleuses migrantes atteintes du VIH.

Avantages économiques et sociaux

Le Comité se déclare préoccupé par le fait que les veuves et les femmes divorcées rencontrent des difficultés pour bénéficier de concessions de terres et de prêts au logement accordés par l’État partie, à cause du manque de transparence des procédures d’accès à ces avantages et en raison d’une condition d’admissibilité restrictive prévue par la loi sur le logement (loi no 2 de 2007) selon laquelle, pour être éligible, la femme doit être célibataire et âgée de plus de 35 ans, ou divorcée ou veuve depuis au moins cinq ans.

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir la loi sur le logement (loi n o  2 de 2007) pour garantir à toutes les veuves et femmes divorcées l ’ égalité d ’ accès aux concessions de terres et aux prêts au logement, afin de leur garantir un accès à la propriété foncière et au logement sur un pied d ’ égalité avec les autres femmes et les hommes.

Problématique femmes-hommes et changements climatiques

Le Comité se félicite de la création d’un comité sur les changements climatiques et le développement propre chargé de donner suite aux recommandations formulées au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de son protocole de Kyoto, et salue la participation de l’État partie à l’Alliance mondiale des terres arides afin de lutter contre l’insécurité alimentaire et les impacts environnementaux et économiques négatifs liés au changement climatique. Il reste toutefois préoccupé par le fait que les émissions de carbone par habitant dans l’État partie sont parmi les plus élevées au monde, ce qui a des répercussions négatives importantes sur les droits des femmes et des filles, comme précisé dans la recommandation générale no37 (2018) du Comité relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques.

Rappelant sa recommandation générale n o  37, le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour réduire ses émissions de carbone et de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur  :

a) La participation des femmes à l ’ élaboration et à la mise en œuvre d ’ initiatives visant à lutter contre les changements climatiques, notamment le Comité national sur les changements climatiques et le développement propre et l ’ Alliance mondiale des terres arides  ;

b) Les mesures prises pour prendre en compte les questions de genre dans les initiatives d ’ adaptation aux changements climatiques et d ’ atténuation de leurs effets.

Travailleuses migrantes

Le Comité se félicite des mesures adoptées par l’État partie pour renforcer les droits des travailleuses migrantes, y compris la loi no15 de 2017 sur les travailleuses domestiques, la loi n° 1 de 2017 relative à la réglementation de l’entrée, de la sortie et du séjour des expatriés et la loi no 13 de 2017 portant création d’un comité de règlement des conflits du travail. Il se félicite également de la signature en novembre 2017 d’un programme de coopération technique de trois ans avec l’OIT, destiné à assurer le respect des conventions de l’OIT ratifiées par l’État partie, y compris en supprimant le système de parrainage appelé kafala. Toutefois, le Comité est préoccupé de constater que :

a)Les travailleurs domestiques, qui sont principalement des femmes, ne bénéficient pas de la même protection juridique que les autres travailleuses et travailleurs migrants dont les droits sont protégés par la loi sur le travail (loi no 14 de 2004). On observe en particulier que la loi no 15 de 2017 sur les travailleuses et les travailleurs domestiques ne prévoit pas de garantie de salaire minimum, le droit au congé de maladie, le droit de bénéficier des avantages sociaux et protections liés à la maternité, le droit de créer un syndicat ou d’y adhérer, et ne comporte par ailleurs aucune garantie permettant de veiller à ce que les travailleuses et travailleurs migrants bénéficient de périodes de repos journalier et hebdomadaire convenues entre elles et eux et leur employeur, en particulier en l’absence d’inspections du travail, ce qui peut entraîner de l’exploitation et des actes de violence ;

b)Les travailleuses migrantes, en particulier les employées de maison, continuent de se heurter à des obstacles importants lorsqu’elles veulent porter plainte contre leurs employeurs et obtenir réparation en cas de violence, notamment parce qu’elles craignent de subir des représailles, d’être mises en détention ou d’être expulsées ;

c)Les informations disponibles sont insuffisantes sur la situation des migrantes détenues dans le Centre d’expulsion et de détention de Doha, y compris les femmes enceintes et celles accompagnées d’enfants, sur le nombre de plaintes pour violence, y compris celle fondée sur le genre, déposées par des travailleuses migrantes au cours de la période considérée, et sur le nombre d’enquêtes, de poursuites et de peines prononcées à l’encontre des auteurs.

Rappelant ses précédentes observations finales (ibid., par.  38), ainsi que sa recommandation générale n° 26 sur les travailleuses migrantes, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre des mesures législatives supplémentaires pour veiller à ce que les travailleuses et travailleurs domestiques bénéficient de la même protection juridique que les autres travailleuses et travailleurs migrants dont les droits sont couverts par la loi sur le travail (loi n o 14 de 2004), d ’ élaborer et de mettre en œuvre des mesures d ’ inspection du travail, de répression et de sanction en tenant compte des caractéristiques particulières du travail domestique  ;

b) De continuer à collaborer avec l ’ OIT dans le cadre du programme de coopération technique visant à abolir le système appelé kafala  ;

c) De veiller à ce que les travailleuses migrantes, en particulier les employées de maison, aient un accès effectif aux mécanismes d ’ assistance judiciaire et de plainte, aux refuges et aux services de réinsertion  ;

d) D ’ enquêter systématiquement sur toutes les allégations d ’ exploitation, de maltraitance et de violence à l ’ encontre de travailleuses et de travailleurs domestiques migrants et de veiller à ce que les employeurs incriminés aient à répondre de leurs actes et reçoivent des sanctions proportionnelles à la gravité de leur infraction  ;

e) De fournir des informations sur la situation des migrantes détenues dans le Centre d ’ expulsion et de détention de Doha, y compris les femmes enceintes et celles accompagnées d ’ enfants, sur le nombre de plaintes pour violence, y compris celle fondée sur le genre, déposées par des travailleuses migrantes, et sur le nombre d ’ enquêtes, de poursuites et de peines prononcées à l ’ encontre des auteurs  ;

f) De ratifier la Convention de l ’ OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) de 2011.

Femmes et filles handicapées

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour sensibiliser sur la question des femmes handicapées, notamment par la diffusion d’un programme télévisé hebdomadaire destiné à combattre les stéréotypes les concernant. Toutefois, il reste préoccupé par le fait que les femmes et les filles handicapées sont victimes de discriminations dans divers domaines, notamment en matière d’accès à l’emploi, et qu’elles sont exposées à des risques plus élevés de violence et de mauvais traitements.

Rappelant sa recommandation générale n o 18 (1991) sur les femmes handicapées, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De fournir dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur la situation des femmes et des filles handicapées et sur les mesures prises en vue de traiter leur situation particulière concernant tous les aspects couverts par la Convention  ;

b) D ’ intégrer les droits des femmes et des filles handicapées dans ses politiques et programmes de développement nationaux visant à promouvoir et à protéger les droits des femmes, en consultation avec les organisations qui les représentent.

Mariage et relations familiales

Le Comité note avec préoccupation le manque de progrès réalisés dans la modification de la loi sur la famille (loi no 22 de 2006), qui comprend toujours des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes en ce qui concerne le mariage et les relations familiales. En particulier, il réitère ses préoccupations concernant les points suivants :

a)L’âge minimum du mariage reste de 16 ans pour les filles et de 18 ans pour les garçons, des exceptions légales permettant par ailleurs le mariage de filles âgées de moins de 16 ans ;

b)Les femmes ne peuvent se marier qu’avec l’autorisation d’un tuteur masculin ;

c)La polygamie reste autorisée pour les hommes qui ont le droit d’épouser jusqu’à quatre femmes simultanément ;

d)Les hommes peuvent divorcer unilatéralement de leur(s) épouse(s) (talaq), tandis que les femmes ne le peuvent pas, à moins que cette possibilité ne soit stipulée dans le contrat de mariage et que la femme verse à l’époux une indemnité convenue d’un commun accord ;

e)Une fois divorcées, les femmes se voient refuser la garde de leur(s) enfant(s) si elles se remarient avec quelqu’un qui n’appartient pas au cercle familial ;

f)Les filles obtiennent la moitié de l’héritage auquel leurs frères ont droit.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/QAT/CO/1 , par.  42), ainsi que sa recommandation générale n° 21 (1994) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux et sa recommandation générale n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage et des liens familiaux et de leur dissolution, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ abroger sans plus attendre les dispositions discriminatoires de la loi sur la famille (loi n o 22 de 2006) et de veiller à ce que la loi garantisse à toutes et tous l ’ égalité de droits des femmes et des hommes pour toutes les questions relatives au mariage et aux relations familiales. En particulier, il recommande à l ’ État partie  :

a) De relever à 18 ans l ’ âge minimum du mariage pour les filles, de supprimer toutes les exceptions légales et de garantir aux femmes le droit de se marier sans la permission d ’ un tuteur  ;

b) D ’ interdire la polygamie et de sensibiliser l ’ opinion publique aux effets néfastes de la polygamie sur les femmes, conformément à la recommandation générale n o 21 du Comité et à la Recommandation générale/observation générale conjointe n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant (2014) sur les pratiques préjudiciables  ;

c) De veiller à ce que les femmes et les hommes jouissent des mêmes droits en matière de divorce, y compris lorsqu ’ il est question des motifs et des procédures pour l ’ obtention du divorce  ;

d) D ’ accorder des droits égaux aux deux parents concernant la garde légale après la dissolution du mariage, dans l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant, que la femme se remarie ou non  ;

e) De garantir l ’ égalité des droits des femmes et des hommes en matière d ’ héritage  ;

f) De s ’ inspirer de pays ayant un contexte religieux et des systèmes juridiques similaires, qui ont concilié leur législation nationale avec les instruments internationaux juridiquement contraignants qu ’ ils ont ratifiés, notamment en ce qui concerne l ’ égalité des droits des femmes et des hommes dans les domaines du mariage, du divorce, de la garde des enfants et de l ’ héritage.

Collecte et analyse des données

Le Comité déplore le manque de données statistiques, ventilées par genre, âge, appartenance ethnique, situation migratoire, handicap et autres facteurs pertinents, qui permettraient à l’État partie de déterminer l’ampleur et la nature de la discrimination à l’égard des femmes et des filles, d’élaborer des politiques éclairées et ciblées, mais aussi de suivre et d’évaluer systématiquement les progrès vers la réalisation de l’égalité réelle des femmes et des hommes dans tous les domaines visés par la Convention, ainsi que des cibles relatives à l’égalité des genres associées aux objectifs de développement durable.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer la collecte, l ’ analyse et la diffusion de données complètes, ventilées par sexe, âge, appartenance ethnique, situation migratoire, handicap et d ’ autres facteurs pertinents, ainsi que l ’ utilisation d ’ indicateurs mesurables permettant d ’ apprécier l ’ évolution de la situation des femmes et les progrès vers la réalisation de l ’ égalité réelle des femmes et des hommes dans tous les domaines visés par la Convention, ainsi que des cibles relatives à l ’ égalité des genres associées aux objectifs de développement durable.

Protocole facultatif à la Convention et amendement du paragraphe 1 de l’Article 20 de la Convention

Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif de la Convention et à accepter, dès que possible, la modification du paragraphe 1 de l ’ Article 20 de la Convention, relatif à la durée des réunions du Comité.

Déclaration et programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, et à évaluer de manière plus approfondie la réalisation des droits inscrits dans la Convention dans le contexte de l ’ Examen après 25 ans de la Déclaration et du Programme d ’ action afin de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Diffusion

Le Comité invite l ’ État partie à veiller à ce que les présentes observations finales soient diffusées rapidement, dans la langue officielles de l ’ État partie, auprès des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local) et à ce qu ’ elles soient communiquées en particulier au Gouvernement, au Conseil consultatif et à l ’ appareil judiciaire, afin qu ’ ils puissent y donner pleinement suite.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie de conjuguer la mise en œuvre de la Convention avec ses efforts de développement, et de mettre à profit l ’ assistance technique régionale ou internationale à cet effet.

Ratification des autres traités

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme permettrait aux femmes de jouir de leurs droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Par conséquent, le Comité encourage l ’ État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n ’ est pas partie.

Suite à donner aux observations finales

Le Comité invite l ’ État partie à fournir dans un délai de deux ans des informations écrites sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations contenues dans les paragraphes 14 a), 14 d), 46 a) et 50 a) ci ‑ dessus.

Préparation du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son troisième rapport périodique, prévu pour juillet 2023, en veillant à ce qu ’ il soit remis dans les délais et porte sur l ’ ensemble de la période se terminant au moment de la présentation.

Le Comité demande à l ’ État partie de suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).