Nations Unies

CRPD/C/PRY/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

15 mai 2013

Français

Original: espagnol

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport initialdu Paraguay, approuvées par le Comitéà sa neuvième session (15-19 avril 2013)

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Paraguay (CRPD/C/PRY/1) à ses 95e et 96e séances, tenues respectivement les 15 et 16 avril 2013, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 102e séance, le 19 avril 2013.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Paraguay, qui a été rédigé conformément à ses directives concernant l’établissement des rapports. Ilremercie l’État partie de ses réponses écrites (CRPD/C/PRY/Q/1/Add.1) à la liste des points à traiter (CRPD/C/PRY/Q/1).

3.Le Comité se déclare satisfait du dialogue engagé avec la délégation de l’État partie. Il se félicite de la composition de la délégation, qui comptait dans ses rangs des membres de ministères et la directrice du Secrétariat national aux droits fondamentaux des personnes handicapées (SENADIS).

II.Aspects positifs

4.Le Comité félicite l’État paraguayen pour l’adoption de la loi no 4720 de 2012 portant création du SENADIS en remplacement de l’Institut national de protection des personnes en situation spéciale. Cet organe a pour principale fonction de concevoir les politiques nationales relatives aux personnes handicapées, ainsi que les mesures nécessaires à la mise en œuvre des programmes nationaux, et de les soumettre au Président de la République pour approbation.

5.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi no 4336 de 2011, qui instaure l’obligation d’utiliser la langue des signes dans les bulletins d’information des médias audiovisuels.

6.Le Comité se félicite des efforts accomplis en matière d’accessibilité physique, dont atteste l’adoption de la loi no 4616 de 2012.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Obligations et principes généraux (art. 1er à 4)

7.Le Comité est inquiet de l’utilisation par l’État partie d’une terminologie et de définitions désobligeantes envers les personnes handicapées dans différents textes et instruments de collecte de données, y compris dans le rapport initial et les réponses à la liste des points à traiter. Cette terminologie montre que le modèle caritatif et l’approche médicale du handicap continuent de prévaloir.

8. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier la terminologie qu ’ il utilise à l ’ égard des personnes handicapées et de mettre sa législation en conformité avec les dispositions de la Convention et les obligations qui en découlent . Il lui recommande également de promouvoir des plans et programmes qui envisagent le handicap selon une approche fondée sur les droits de l ’ homme et les principes fondamentaux de la Convention .

9.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas institué de mécanismes de consultation permettant d’associer les organisations de personnes handicapées à l’adoption des textes de loi et politiques concernant les droits des personnes handicapées et aux travaux des organes de décision, tels que la Commission nationale pour les droits des personnes handicapées (CONADIS).

10. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un processus permanent de consultation avec les organisations de personnes handicapées, en application du paragraphe 3 de l ’ article 4 de la Convention, en tenant compte de la diversité des handicaps, eu égard à l ’ article premier de la Convention, et en veillant à associer au processus l es femmes et l es enfants handicapés, ainsi que l es personnes handicapées appartenant à la population autochtone du pays.

11.Le Comité note qu’il est fait mention des personnes handicapées dans l’un des objectifs stratégiques du Plan national relatif aux droits de l’homme, mais que la section correspondante est conçue en termes généraux et ne prévoit aucune mesure spécifique visant à promouvoir les droits des personnes handicapées.

12. Le Comité invite l ’ État partie à intégrer de manière transversale la question des personnes handicapées dans toutes les composantes du Plan national relatif aux droits de l ’ homme et à veiller à ce que les stratégies et mesures prévues visent à garantir à ces personnes la pleine jouissance, dans des conditions d ’ égalité, des droits consacrés par la Convention ainsi qu ’ à éliminer toutes les formes de discrimination à  leur égard .

B.Droits particuliers (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

13.Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie en vue de promouvoir les droits de l’homme et d’interdire la discrimination à l’égard des personnes handicapées. Ils’inquiète cependant de l’absence d’une norme spécifique destinée à prévenir le phénomène, à envenir à bout et à le sanctionner, de même que de dispositions définissant expressément le refus d’aménagement raisonnable comme étant une forme de discrimination.

14. Le Comité engage instamment l ’ État partie à prendre les mesures législatives et administratives nécessaires pour mettre fin à la discrimination fondée sur le handicap, par l ’ adoption d ’ une législation qui interdise la discrimination, et à veiller, dans le cadre de ces mesures, à ce que le refus d ’ aménagement raisonnable soit expressément reconnu comme constituant l ’ une de ces formes de discrimination.

15.Le Comité prend note de l’adoption du Plan pour l’égalité et la non-discrimination dans la fonction publique. Il s’inquiète cependant de ce que cet instrument ne s’étende pas expressément aux personnes handicapées et de l’insuffisance des efforts entrepris pour garantir sa mise en œuvre à l’égard de ces personnes.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en œuvre des mesures visant à garantir l ’ égalité matérielle des personnes handicapées dans la fonction publique et de promouvoir, en parallèle du Plan pour l ’ égalité et la discrimination dans la fonction publique, une politique globale d ’ égalité et de non ‑discrimination dans tous les domaines, fondée sur les principes de la Convention .

Femmes handicapées (art. 6)

17.Le Comité prend acte de l’adoption du troisième Plan national sur l’égalité des chances entre les femmes et les hommes (2008-2017), qui recoupe toutes les questions concernant les femmes handicapées. Néanmoins, il juge préoccupant que les facteurs structurels qui empêchent ces femmes d’exercer leurs droits ne soient pas pris en compte. Le Comité est préoccupé en outre par l’absence d’informations sur les risques de violence auxquels sont exposées les femmes handicapées, notamment la stérilisation forcée, l’exploitation sexuelle et économique, la maltraitance et la traite.

18. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en œuvre sans délai les mesures efficaces nécessaires en matière d ’ identification, de prévention et de protection pour lutter contre les formes multiples de discrimination que subissent les femmes et les filles handicapées, en particulier celles qui présentent un handicap intellectuel ou psychosocia l , ou encore auditif. Il recommande également la création de centres accessibles pour la prise en charge des femmes et des filles victimes de ces formes de violence, en milieu urbain comme dans les zones rurales, en concertation avec les organisations de femm es handicapées.

Enfants handicapés (art. 7)

19.Le Comité s’inquiète de voir que le Programme national de prise en charge complète des enfants et adolescents handicapés porte uniquement sur la prévention et la détection précoce du handicap, mettant ainsi l’accent sur l’approche médicale, au détriment de l’ensemble des droits reconnus aux enfants handicapés. Il relève aussi avec préoccupation que les ressources disponibles pour mettre en œuvre une politique publique d’intégration des enfants handicapés sont insuffisantes. Le Comité regrette l’absence d’informations sur les enfants handicapés exposés au risque de sévices et de maltraitance, notamment les enfants handicapés autochtones.

20. Le Comité engage l ’ État partie à consacrer des ressources suffisantes à la mise en œuvre d ’ une politique globale d ’ intégration des enfants handicapés dans tous les milieux de vie, notamment au sein de la famille et de la communauté, et à étendre les programmes inclusifs de réadaptation de proximité à l ’ intention de ces enfants, comme le Comité des droits de l ’ enfant l ’ a recommandé dans ses observations finales concernant le troisième rapport périodique que le Paraguay lui a présenté ( CRC/C/PRY/CO/3, par. 49 ). Le Comité prie également l ’ État partie de mener des recherches et de rassembler des informations sur la situation des enfants handicapés dans les zones rurales et au sein des communautés autochtones en vue de leur offrir une protection contre les sévices et la maltraitance.

Sensibilisation (art. 8)

21.Le Comité constate avec préoccupation que les campagnes de sensibilisation en faveur des personnes handicapées reposent sur une approche médicale du handicap et mettent davantage l’accent sur les activités de prévention que sur la reconnaissance de ces personnes en tant que détenteurs de droits. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas lancé de campagnes visant à éliminer les attitudes négatives à l’égard des personnes handicapées, en particulier dans le domaine du travail.

22. Le Comité engage l ’ État partie à lancer de vastes campagnes de sensibilisation qui renforcent l ’ image des personnes handicapées en tant que détenteurs de tous les droits fondamentaux consacrés par la Convention. Il l ’ exhorte en particulier à informer largement les intéressés , mais aussi la société dans son ensemble, des droits fondamentaux des personnes handicapées, à travers différents moyens, modes et formes de communication, comme le braille ou la langue des signes, ainsi que sous d ’ autres formes accessibles, et à favoriser une culture de respect de ces droits par l ’ information, la communication et l ’ éducation.

Accessibilité (art. 9)

23.Le Comité prend acte de la promulgation de la loi sur l’accès des personnes handicapées à l’environnement physique, mais s’inquiète de l’absence totale de normes relatives à l’accessibilité de l’information, de la communication et des technologies de l’information et de la communication, des lacunes constatées dans la mise en œuvre de la loi et de la définition limitée de l’accessibilité en particulier, ainsi que de l’absence de mécanismes de contrôle du respect des prescriptions. Il regrette en outre l’absence d’actions concrètes visant à rendre les équipements publics accessibles aux personnes handicapées et de garanties quant au respect des normes dans le secteur privé, et déplore le manque total d’informations et de normes relatives à l’accessibilité dans les départements et municipalités du pays.

24. Le Comité encourage vivement l ’ État partie à mettre en œuvre la loi sur l ’ accès des personnes handicapées à l ’ environnement physique , en mobilisant des ressources financières à cette fin, et à établir un calendrier pour le réaménagement des infrastructures et des bâtiments, ainsi des mécanismes de contrôle et de sanction en cas de manquement aux prescriptions, en consultant largement à cet effet les organisations de personnes handicapées et en leur permettant de participer au suivi de l ’ avancement des travaux .

25.Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour former le personnel des transports publics. Il regrette toutefois l’absence d’un cadre juridique rendant obligatoire l’accessibilité des transports publics.

26. Le Comité invite instamment l ’ État partie à adopter des normes et des instruments relatifs à l ’ accessibilité des transports publics et à l a mise en œuvre de cette accessibilité au niveau national , conformément aux articles 1 er et 9 de la Convention, qui concerne ro nt notamment les infrastructures des gares et les véhicules, la signalisation et la mise au point de plans sous des formes accessibles et compréhensibles.

Situations de risque et situations d’urgence humanitaire (art. 11)

27.Le Comité note que l’État partie a achevé le processus de formulation de la politique nationale de gestion des risques et de protection civile. Il s’inquiète cependant de l’absence d’objectifs et de stratégies visant expressément à prendre en considération les personnes handicapées, malgré la vulnérabilité de ces personnes dans les situations de risque etd’urgence.

28. Le Comité engage vivement l ’ État partie à adopter sans délai la politique nationale de gestion des risques, en veillant à associer au processus les organisations de personnes handicapées et à tenir compte de leurs appor ts et de leurs recommandations.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

29.Le Comité exprime sa préoccupation face au mécanisme de retrait de la capacité juridique des personnes handicapées et regrette une méconnaissance de la portée de l’article 12 de la Convention. Il est également préoccupé par l’absence de données et d’informations sur les personnes handicapées déclarées juridiquement incompétentes, car la procédure considérée entrave le respect de la capacité juridique de ces personnes et fait obstacle au plein exercice par elles de cette capacité dans tous les domaines, notamment, mais pas exclusivement, le domaine patrimonial.

30. Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ abroger les dispositions du Code civil régissant la procédure de retrait de la capacité juridique fondée sur le handicap et d ’ adopter un mécanisme de révision indépendant visant à rétablir pleinement dans leurs droits les personnes ayant été déclarées juridiquement incompétentes. Il lui recommande également de mettre en place les mécanismes de garantie nécessaires à l ’ intention des personnes handicapées et d ’ appliquer un modèle d ’ accompagnement dans le processus de prise de décisions qui soit respectueux de l ’ autonomie, de la volonté et des préférences de la personne, ainsi que de son droit de donner son consentement libre et éclairé à un acte médical, d ’ accéder à la justice, de voter, de se marier et de choisir son lieu de résidence, entre autres.

Accès à la justice (art. 13)

31.Le Comité constate avec préoccupation que la législation pénale de l’État partie prévoit des sanctions appelées «mesures de protection» qui peuvent être appliquées aux personnes handicapées sans que les garanties d’une procédure régulière soient respectées.

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier sa législation pénale de façon que les personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel qui se voient imposer des sanctions bénéficient des mêmes garanties et soient soumises aux mêmes conditions que toute autre personne faisant l ’ objet d ’ une procédure, en prévoyant, dans leur cas, des aménagements raisonnables et des ajustements procéduraux.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

33.Le Comité regrette l’absence d’informations sur les personnes handicapées internées contre leur volonté et sur les procédures qui permettent de procéder à ce genre d’internement.

34. Le Comité invite instamment l ’ État partie à créer un mécanisme de protection des droits de l ’ homme indépendant chargé de rassembler des données sur les personnes handicapées placées en institution, à surveiller et suivre la situation de ces personnes, et à prendre des mesures en vue de leur réinsertion dans la société et dans la communauté.

35.Le Comité constate avec préoccupation que certaines mesures privatives de liberté fondées sur le handicap, comme l’internement d’enfants ou d’adultes handicapés en foyer d’hébergement ou en hôpital psychiatrique, sont prises pour des périodes prolongées sans le consentement libre et éclairé de ces personnes. Le Comité est particulièrement préoccupé par les mesures que l’État partie prend actuellement en vue de renforcer le dispositif qui prive des personnes de liberté en raison de leur handicap, comme c’est le cas dans les foyers Albino Luis et Pequeño Cotolengo.

36. Le Comité engage vivement l ’ État partie à revoir les procédures d ’ internement fondé sur le handicap pour permettre aux personnes handicapées qui en font l ’ objet d ’ exercer pleinement leur capacité juridique, comme le prescrit la Convention. En outre, il  l ’ exhorte à élaborer une stratégie globale d ’ intégration dans la communauté des personnes handicapées sans abri, en particulier celles qui présentent un handicap intellectuel ou psychosocial, comportant un programme d ’ accompagnement pour les aider à prendre des décisions.

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 15)

37.Le Comité prend note avec satisfaction de la création du mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est toutefois préoccupé par le peu de progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations du Sous-Comité pour la prévention de la torture, en particulier s’agissant des personnes présentant un handicap psychosocial internées au centre pénitentiaire de Tacumbú.

38. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le mandat du mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants comprenne la surveillance des hôpitaux psychiatriques et foyers d ’ hébergement, et des conditions de vie des personnes présentant un handicap psychosocial internées dans ces établissements, une attention particulière devant être accordée au centre pénitentiaire de Tacumbú. En outre, le Comité demande à l ’ État partie de favoriser le transfert des personnes présentant un handicap psychosocial dans des centres de réadaptation sociale, ainsi que leur insertion dans la communauté.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

39.Le Comité regrette que les délits d’exploitation, de violence ou de maltraitance commis contre des personnes handicapées passent actuellement inaperçus, les instances judiciaires ne tenant pas de registre systématique des cas.

40. Le Comité engage vivement l ’ État partie à mettre en œuvre, en concertation avec les organisations de personnes handicapées, une stratégie globale et respectueuse de l ’ égalité des sexes pour la prévention et la répression de l ’ exploitation, de la violence ou de la maltraitance dont font l ’ objet des personnes handicapées, ainsi que des programmes visant à leur rétablissement et à leur réinsertion sociale, pour leur permettre de jouir pleinement de leurs droits fondamentaux et de les exercer. Il invite instamment les instances judiciaires à participer à cette stratégie. Le Comité prie en outre l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des données sur les plaintes déposées et les décisions rendues en faveur des personnes handicapées victimes d ’ exploitation, de violence ou de maltraitance.

41.Le Comité juge préoccupant que l’État partie n’ait pas fourni de données sur le nombre de personnes handicapées en situation d’abandon et sur les cas d’exploitation, de traite ou de maltraitance.

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de procéder à une étude approfondie de la situation des personnes handicapées qui se trouvent en état d ’ abandon ou sont victimes de la traite, et d ’ adopter les mesures nécessaires à leur protection, comme le placement en foyer d ’ accueil, solution s ’ adressant aux personnes qui sont en situation d ’ abandon ou vivent de la mendicité. Le Comité appelle en outre à la mise en place de centres d ’ accueil pour les victimes de la traite, où celles-ci bénéficieraient d ’ une prise en charge psychosociale et d ’ une assistance juridique.

43.Le Comité est préoccupé par les informations reçues de différentes sources, et confirmées par les autorités de l’État partie ayant participé au dialogue interactif, selon lesquelles il existe au Paraguay des organisations criminelles qui exploitent les personnes handicapées et les contraignent à la mendicité.

44. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De créer, au sein des organes d ’ application de la loi compétents, un groupe spécial d ’ enquête chargé de déterminer quel est le mode opératoire de ces réseaux;

b) De mettre en place des mesures de protection en faveur des victimes et  de faire en sorte que celles-ci aient accès à des programmes de réadaptation, en  prévoyant l ’ accompagnement et les aménagements raisonnables nécessaires, afin qu ’ elles puissent exercer leurs droits professionnels ;

c ) De traduire en justice les responsables de l ’ exploitation et de les sanctionner comme il convient.

Droit de circuler librement et nationalité (art. 18)

45.Le Comité s’inquiète du non-enregistrement des enfants handicapés et de l’absence de mesures concrètes propres à favoriser l’inscription de ces enfants à l’état civil, en particulier dans les zones rurales.

46. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de lancer un programme destiné à promouvoir l ’ enregistrement des enfants handicapés à l ’ état civil dès la  naissance, sur la base de l ’ égalité avec les autres enfant s, et de faire en sorte que les  services d ’ état civil soient décentralisés et que la procédure d ’ enregistrement soit simple, rapide et gratuite.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

47.Le Comité regrette que l’État partie n’ait guère progressé dans la mise en place d’une politique de santé mentale prévoyant des mesures de désinstitutionnalisation des personnes handicapées internées en hôpital psychiatrique, placées en institution pour enfants handicapés ou vivant en foyer pour personnes handicapées, en particulier des enfants handicapés en situation d’abandon.

48. Le Comité demande à l ’ État partie de mettre en œuvre une politique de désinstitutionn alisation progressive des personnes handicapées, comportant des échéances précises et des i ndicateurs de suivi, qui prévoit la création de services de proximité, y compris des services de santé mentale fondés sur les droits de l ’ homme.

49.Le Comité est préoccupé de voir que l’État partie n’a pas pris conscience de l’importance que revêt pour les personnes handicapées le fait de pouvoir être autonomes et intégrées dans la société. Il est également préoccupé par l’absence de mesures et de politiques axées sur l’insertion de ces personnes dans la société, ainsi que par le peu d’intérêt manifesté par les autorités et institutions locales en la matière.

50. Le Comité exhorte l ’ État partie à encourager l a création de services visant à  l ’ intégration des personnes handicapées dans la communauté et à associer à cette entreprise les autorités à tous les niveaux, en particulier aux niveaux local et communautaire. Il l ’ exhorte également à procéder aux consultations nécessaires et à  favoriser la participation des organisations de personnes handicapées à ces services.

Mobilité personnelle (art. 20)

51.Le Comité s’inquiète de l’absence d’une stratégie globale visant à fournir des équipements et des aides à la mobilité aux personnes handicapées, et notamment à concevoir des dispositifs peu coûteux de conception universelle.

52. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de veiller à ce que les personnes handicapées aient accès en temps voulu et en qualité aux équipements et aides à la mobilité dont elles ont besoin pour pouvoir exercer leur droit à la mobilité et à la libre circulation, de manière autonome et indépendante . Il l ’ exhorte aussi à encourager la  recherche et le développement de dispositifs d ’ aide à la mobilité peu coûteux.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

53.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi no 4336 de 2011, qui prévoit l’emploi obligatoire de la langue des signes dans les bulletins d’information des médias audiovisuels. Il s’inquiète cependant de voir que cet effort est insuffisant pour garantir la liberté d’expression et d’opinion et l’accès à l’information, en particulier au sein des institutions et services publics ou privés s’adressant au grand public.

54. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter la loi qui confère un caractère officiel aux langues des signes utilisées par les personnes handicapées et de veiller à ce que l ’ ensemble des informations destinées au grand public soient disponibles dans des modes et sous des formes accessibles, conformément à ce que prévoit la Convention.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

55.Le Comité relève avec préoccupation que l’État partie renforce les dispositifs d’hébergement des enfants handicapés en foyer, sans égard pour le droit de ces enfants de vivre en famille.

56. Le Comité engage vivement l ’ État partie à adopter des mesures en vue de favoriser le dispositif des familles d ’ accueil et d ’ aide r financièrement les familles à  faible revenu ayant des enfants handicapés pour que ces derniers puissent rester dans leur famille et participer activement à la société. Il lui demande aussi instamment de garantir l ’ égalité de traitement des enfants handicapés dans le cadre du programme de placement en famille d ’ accueil des enfants et adolescents faisant l ’ objet de mesures de protection et d ’ accompagnement, ai nsi que de réviser le projet de règlement relatif à l ’ allocation de subventions aux familles d ’ accueil et aux institutions de séjour et de l ’ adapter aux prescriptions énoncées à l ’ article 23 de la Convention.

Éducation (art. 24)

57.Le Comité est préoccupé par le faible taux d’inscription scolaire (moins de 1 %) des enfants handicapés, qui fréquentent en majorité des établissements d’enseignement spécialisé, et par l’usage persistant pour la classification des niveaux d’enseignement d’une terminologie calquée sur le modèle médical du handicap. Il regrette en outre l’absence de données sur le taux de scolarisation en zone urbaine et en zone rurale, et d’indications sur la mise en place d’un enseignement adapté sur les plans ethnique et linguistique.

58. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en œuvre une stratégie qui permette l ’ intégration de tous les enfants et adolescents handicapés dans le système éducatif national et de veiller à ce que l ’ éducation soit tout à la fois inclusive à tous les niveaux et sur l ’ ensemble du territoire national, respectueuse de l ’ égalité des sexes et adaptée sur les plans ethnique et linguistique . Le Comité prie instamment l ’ État partie de modifier la terminologie de l ’ éducation calquée sur le modèle médical ainsi que d ’ accompagner et de promouvoir le passage d ’ un système d ’ enseignement spécialisé et séparé au modèle inclusif.

Santé (art. 25)

59.Le Comité s’inquiète du peu d’informations sur les services de santé destinés aux personnes handicapées, en particulier sur l’existence de tels services, y compris de services liés au VIH, au niveau local. Il est également préoccupé par la difficulté d’accès aux services de médecine générale et spécialisée, y compris les obstacles à l’accès aux installations matérielles, ainsi qu’à l’équipement ou au mobilier médical, ainsi que par la discrimination dans la fourniture des services de santé sexuelle et génésique.

60. Le Comité demande à l ’ État partie de prendre les mesures qui s ’ imposent pour faire en sorte que tous les services de santé soient pleinement accessibles aux personnes ha ndicapées à tous les niveaux, y  compris au niveau communautaire, et de veiller à ce que ces mesures tiennent compte des considérations de genre.

Adaptation et réadaptation (art. 26)

61.Le Comité est préoccupé par le fait que l’adaptation et la réadaptation sont uniquement axées sur la santé, à l’exclusion d’autres domaines comme ceux de l’éducation, du travail et de l’accès au logement.

62. Le Comité engage instamment l ’ État partie à mettre en œuvre au niveau national une stratégie globale de réadaptation à l ’ intention des personnes handicapées, qui s ’ accompagne de la création des services de proximité requis et prévoit un renforcement des services qui peuvent être fournis localement et sont compatibles avec les besoins individuels.

Travail et emploi (art. 27)

63.Le Comité prend acte de l’existence d’un système de quotas pour l’emploi des personnes handicapées dans la fonction publique, mais constate avec préoccupation l’absence de politique d’encouragement de l’emploi dans le secteur privé. En outre, il est préoccupé de voir que les programmes de formation professionnelle sont circonscrits aux activités et métiers manuels et artisanaux, et que rien n’est fait pour promouvoir l’égalité des chances dans l’emploi.

64. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter sans délai des politiques en faveur de l ’ e mploi des personnes handicapées tant dans la fonction publique que dans le secteur privé, y compris des mesures volontaristes, ainsi que d ’ offrir aux personnes handicapées la possibilité d ’ exercer une activité indépendante en leur permettant de suivre une formation professionnelle dans les domaines de leur choix et d ’ accéder au crédit à des conditions favorables.

65.Le Comité est gravement préoccupé par l’absence de dispositions législatives visant à protéger les personnes handicapées contre la discrimination au travail et par le refus d’apporter des aménagements raisonnables dans ce domaine.

66. Le Comité engage instamment l ’ État partie à favoriser l ’ adoption de dispositions législatives qui interdisent et sanctionnent véritablement toutes les formes de discrimination au travail à l ’ égard des personnes handicapées et à mettre en place des mécanismes permettant aux personnes victimes de violation de leurs droits professionnels d ’ obtenir réparation.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

67.Le Comité note que les personnes handicapées perçoivent une allocation de solidarité. Il relève cependant avec préoccupation que le montant de cette allocation non contributive n’est pas satisfaisant au regard du droit des personnes handicapées à un niveau de vie adéquat. Le Comité s’inquiète aussi de l’insuffisance des mesures de compensation en faveur des personnes handicapées et de leur famille, dont les revenus sont moindres à cause du handicap. Il juge également préoccupante l’absence de politiques d’accès au logement et au développement.

68. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une politique publique de développement qui comprenne des stratégies respectueuses de l ’ égalité des sexes expressément axées sur la réduction de la pauvreté et l ’ accès au développement des personnes handicapées et de leur famille, y compris la garantie de l ’ accès à un logement digne , sur la base de l ’ égalité avec les autres, une attention particulière devant être prêtée aux personnes vivant en zone rurale.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

69.Le Comité prend note avec préoccupation de la loi no 834 (Code électoral), qui prévoit des restrictions à l’exercice du droit de vote par les personnes sourdes. Il regrette également le manque d’informations concernant le nombre de personnes handicapées frappées d’une interdiction d’exercer le droit de vote. Il déplore en outre que les organisations de personnes handicapées n’aient pas été consultées pour l’adoption d’un dispositif de vote secret et universel à l’intention des personnes présentant un handicap visuel et qu’il n’existe pas de mesures visant à promouvoir le droit des personnes handicapées de se porter candidates à des fonctions électives.

70. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ abroger les dispositions législatives restreignant l ’ exercice du droit de vote par les personnes atteintes d ’ un handicap quel qu ’ il soit et d ’ adopter des mesures, conçues en concert ation avec les organisations de  personnes handicapées, qui garantissent l ’ exercice du droit à un suffrage universel et secret.

C.Observations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données (art. 31)

71.Le Comité constate l’absence de données ventilées sur la situation des personnes handicapées. Il prend note des résultats préliminaires du dernier recensement de la population, mais s’inquiète de l’absence d’informations sur les procédures utilisées pour collecter les données relatives aux personnes handicapées, en particulier les critères employés pour mettre au point les instruments de recensement.

72. Le Comité recommande à l ’ État partie de collecter des données ventilées sur les personnes handicapées, selon l ’ approche fondée sur les droits de l ’ homme, et de consulter l es organisations de personnes handicapées au sujet des critères utilisés dans la collecte de telles données.

73.Le Comité note qu’il existe une attestation de handicap ouvrant accès à des droits et des prestations liés au handicap. Il trouve cependant préoccupant que cette attestation soit délivrée sur la base des incapacités physiques uniquement, et non à partir de l’approche fondée sur les droits de l’homme préconisée par la Convention.

74. Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir et de modifier les critères d ’ évaluation qui régissent la délivrance des attestations de handicap afin qu ’ ils soient conformes aux principes de la Convention, et d ’ établir une procédure simple et gratuite pour leur obtention.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

75.Le Comité prend acte de la création du SENADIS, qui a pour mandat de coordonner les politiques relatives aux droits des personnes handicapées en concertation avec la CONADIS. Il s’inquiète toutefois de ce que le SENADIS soit chargé de la mise en œuvre et du suivi indépendant de la Convention alors que cette institution n’est pas conforme aux Principes de Paris.

76. Le Comité recommande à l ’ État partie de créer un mécanisme indépendant qui soit conforme aux Principes de Paris et doté des ressources nécessaires pour assurer le suivi de la Convention, et de veiller à ce que ce mécanisme consulte en permanence les organisations de personnes handicapées au niveau national .

77.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur les progrès accomplis dans l’application des articles 17 (Protection de l’intégrité de la personne), 20 (Mobilité personnelle), 22 (Respect de la vie privée) et 23 (Respect du domicile et de la famille).

78. Le Comité prie l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des informations exhaustives sur les mesures adoptées pour garantir le respect, la protection et la réalisation des droits énoncés aux articles susmentionnés.

Coopération technique

79.Le Comité recommande à l’État partie de solliciter la coopération technique des organismes appartenant au Groupe d’appui interorganisations pour la Convention afin de bénéficier de conseils et d’une assistance pour la mise en œuvre de la Convention et des présentes observations finales.

Suivi des observations finales et diffusion

80.Le Comité prie l’État partie de lui présenter par écrit, dans un délai de douze mois et conformément au paragraphe 2 de l’article 35 de la Convention, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations figurant aux paragraphes 44 a), 58 et 70 des présentes observations finales.

81.Le Comité demande à l’État partie de donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui recommande de transmettre ces observations, en vue de leur examen ou de l’adoption de mesures, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux fonctionnaires des ministères compétents, aux membres de l’appareil judiciaire et des groupes professionnels concernés, tels que les professionnels de l’éducation, de la santé et de la justice, ainsi qu’aux autorités locales, au secteur privé et aux médias, en recourant à des stratégies de communication sociale accessibles.

82.Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales sous des formes accessibles, en particulier auprès des organisations non gouvernementales et des organisations qui représentent les personnes handicapées, ainsi qu’auprès de ces personnes et de leurs proches.

83.Le Comité encourage l’État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l’élaboration de ses prochains rapports périodiques.

Prochain rapport

84.Le Comité prie l’État partie de lui présenter ses deuxième et troisième rapports périodiques, en un seul document, le 3 octobre 2018.