Nations Unies

CAT/OP/CHE/RONPM/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

22 mars 2021

Original : français

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite effectuée en Suisse du 27 janvier au 7 février 2019 : recommandations et observations adressées au mécanisme national de prévention

Rapport établi par le Sous-Comité * , **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Mécanisme national de prévention4

III.Préoccupations et recommandations à l’intention du mécanisme national de prévention5

A.Recommandations relatives aux questions juridiques, institutionnelles et structurelles5

B.Recommandations sur la méthode à suivre concernant les visites8

IV.Étapes suivantes10

Annexes

I.Liste des interlocuteurs du Sous-Comité12

II.Liste des lieux de privation de liberté visités par le Sous-Comité14

IIIListe des lieux de privation de liberté visités conjointement par le Sous-Comité et le mécanisme national de prévention15

I.Introduction

1.Conformément au mandat que lui confère le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a effectué sa première visite en Suisse du 27 janvier au 7 février 2019. La Suisse a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants le 2 décembre 1986 et le Protocole facultatif le 24 septembre 2009.

2.La délégation du Sous-Comité était composée de Catherine Paulet (Chef de délégation), Satyabhooshun Gupt Domah, Gnambi Garba Kodjo, Petros Michaelides, Abdallah Ounnir et Haimoud Ramdan. Elle était assistée de trois spécialistes des droits de l’homme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et de quatre interprètes.

3.Les objectifs principaux de la visite étaient les suivants :

a)Se rendre dans divers lieux de privation de liberté afin d’aider l’État partie à s’acquitter pleinement des obligations qui lui incombent au titre du Protocole facultatif, notamment celle de renforcer la protection des personnes privées de liberté contre le risque de torture et de mauvais traitements ;

b)Fournir des conseils et une assistance technique au mécanisme national de prévention de la Suisse, soit la Commission nationale de prévention de la torture, et examiner dans quelle mesure les autorités nationales et cantonales appuient ses travaux et donnent suite à ses recommandations, compte tenu des directives du Sous-Comité concernant les mécanismes nationaux de prévention (CAT/OP/12/5).

4.Le Sous-Comité a tenu des réunions avec les personnes dont le nom figure à l’annexe I et a visité des lieux de privation de liberté dont la liste figure à l’annexe II ; il s’est entretenu avec des personnes privées de liberté, des membres des forces de l’ordre et des agents pénitentiaires, des membres du personnel médical et d’autres personnes. Il a tenu des réunions avec des membres du mécanisme national de prévention, ce qui lui a permis d’examiner le mandat et les méthodes de travail de cet organe et d’étudier les moyens d’améliorer son efficacité. Pour mieux comprendre le mode de fonctionnement du mécanisme national de prévention, la délégation du Sous-Comité a également visité, en compagnie de membres du mécanisme, un lieu de privation de liberté choisi par celui-ci (voir annexe III). Cette visite a été conduite par un représentant du mécanisme, les membres du Sous-Comité ayant qualité d’observateurs.

5.À la fin de la visite, la délégation a présenté oralement ses observations préliminaires confidentielles aux autorités et représentants du Gouvernement ainsi qu’au mécanisme national de prévention.

6.Le présent rapport rend compte des observations et des recommandations du Sous-Comité au mécanisme national de prévention, concernant la prévention des actes de torture et des mauvais traitements dont pourraient être victimes les personnes privées de liberté en Suisse.

7.Le Sous-Comité se réserve le droit de formuler des observations complémentaires, qu’elles soient ou non mentionnées dans le présent rapport, au cours de ses échanges avec le mécanisme national de prévention concernant le présent rapport. L’absence dans le présent rapport d’observations sur un établissement ou lieu de privation de liberté que le Sous-Comité a visité ne signifie pas qu’il adopte un avis positif ou négatif sur l’établissement ou le lieu en question.

8.Le Sous-Comité recommande que le présent rapport soit distribué à tous les organes, services et établissements concernés, notamment − mais pas exclusivement − à ceux qu’il mentionne expressément.

9.Conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif, le présent rapport restera confidentiel jusqu’à ce que le mécanisme national de prévention décide de le rendre public. Le Sous-Comité est convaincu que la publication du présent rapport contribuerait à la prévention de la torture et des mauvais traitements en Suisse.

10.Le Sous-Comité recommande au mécanisme national de prévention de demander la publication du présent rapport conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif.

11.Le Sous-Comité attire l’attention du mécanisme national de prévention sur le Fonds spécial établi en vertu de l’article 26 du Protocole facultatif. Seules les recommandations formulées dans les rapports de visite du Sous-Comité qui ont été rendus publics peuvent servir de base à la soumission de demandes au Fonds spécial, conformément aux critères établis par celui-ci.

12.Le Sous-Comité tient à remercier les autorités suisses et la Commission nationale de prévention de la torture pour l’aide et l’assistance qu’elles lui ont apportées pendant la planification et la réalisation de sa visite, tout particulièrement Sandra Imhof, en tant que point de contact pour la visite du Sous-Comité au sein de la Commission.

II.Mécanisme national de prévention

13.Entrée en vigueur le 1er janvier 2010, la loi fédérale no 150.1 du 20 mars 2009 sur la Commission de prévention de la torture a créé la Commission nationale de prévention de la torture, lui a attribué la fonction de mécanisme national de prévention de la torture pour la Suisse et l’a dotée d’une compétence sur l’ensemble du territoire de l’État partie.

14.Les membres de la Commission nationale de prévention de la torture sont désignés par le Conseil fédéral sur proposition du Département fédéral de justice et police et du Département fédéral des affaires étrangères. Les organisations non gouvernementales peuvent proposer des candidats à ces départements. La Commission a été créée en tant que structure rattachée administrativement au Département fédéral de justice et police.

15.La Commission nationale de prévention de la torture est composée de 12 membres. Experts issus des domaines liés à la privation de liberté, aux droits de l’homme et au domaine médical, notamment psychiatrique, ils exercent à temps partiel et ne sont pas rémunérés. Le mandat des membres de la Commission a une durée de quatre années, renouvelable deux fois. La Commission dispose d’un secrétariat permanent composé d’un secrétaire travaillant à plein temps, de quatre collaborateurs à temps partiel et d’un stagiaire. L’ensemble équivaut à 3,7 postes à temps plein.

16.La Commission nationale de prévention de la torture dispose en outre d’une équipe de neuf observateurs dont la mission est la surveillance régulière des rapatriements sous contrainte par voie aérienne, y compris le transfert à l’aéroport par les forces de police, en application du droit des étrangers.

17.En vertu de la loi, la Commission nationale de prévention de la torture examine régulièrement la situation des personnes privées de liberté et visite les lieux où ces personnes se trouvent ou pourraient se trouver ; elle formule des recommandations à l’intention des autorités compétentes aux fins d’amélioration du traitement et de la situation des personnes privées de liberté, et de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La Commission fait également des propositions et des observations relativement à la législation en vigueur et aux projets de loi en la matière, notamment la loi fédérale no 150.1.

18.La Commission nationale de prévention de la torture publie des rapports et des recommandations à l’issue de chaque visite, à l’intention des autorités fédérales et cantonales. Les recommandations contenues dans ses rapports sont également examinées par les départements compétents, y compris le Département fédéral de justice et police. En général, selon la Commission elle-même, ses recommandations sont bien accueillies par les autorités, et la plupart d’entre elles sont mises en pratique.

III.Préoccupations et recommandations à l’intention du mécanisme national de prévention

A.Recommandations relatives aux questions juridiques, institutionnelles et structurelles

Structure et indépendance

19.D’un point de vue structurel, le Sous-Comité constate que la Commission nationale de prévention de la torture ne jouit pas d’une identité institutionnelle distincte de celle du Département fédéral de justice et police. Cette situation ne permet pas de reconnaître la Commission comme entité indépendante dans le domaine de la prévention de la torture.

20.Bien qu’il existe de nombreux modèles de mécanismes compatibles avec le Protocole facultatif, il n’en demeure pas moins que le mécanisme doit être structuré de manière à remplir son mandat en conformité avec les principes énoncés dans le Protocole facultatif, développés par les directives du Sous-Comité concernant les mécanismes nationaux de prévention (CAT/OP/12/5) et explicités dans la compilation d’avis formulés par le Sous-Comité en réponse aux demandes émanant de mécanismes nationaux de prévention, annexée à son neuvième rapport annuel (CAT/C/57/4).

21.L’expérience montre qu’un mécanisme national de prévention exerce plus efficacement son mandat s’il est totalement indépendant, et si cette indépendance est concrétisée et transposée au niveau de sa structure, de son statut, de son fonctionnement et de son personnel.

22.Le budget de la Commission nationale de prévention de la torture est intégré dans celui du Secrétariat général du Département fédéral de justice et police. La Commission n’apparaît pas comme une entité autonome, la souveraineté budgétaire étant exercée par le Secrétariat général. Dans le cadre du budget global (960 600 francs suisses) qui lui est attribué annuellement, la Commission ne dispose que d’une flexibilité limitée quant à ses dépenses de fonctionnement, ce qui la contraint à une stricte priorisation des dépenses et limite, par conséquent, l’exercice effectif de ses missions.

23.Le statut administratif de la Commission nationale de prévention de la torture a été évalué dans l’avis juridique conduit par Walter Kälin et Manfred Nowak, lesquels considèrent que la Commission n’est pas une unité administrative juridiquement indépendante et qu’elle est sans personnalité juridique. Leur avis mentionne en outre que l’attribution de la responsabilité administrative au Secrétariat général du Département fédéral de justice et police ne correspond pas aux critères d’indépendance du mécanisme national de prévention fixés par le paragraphe 1 de l’article 18 du Protocole facultatif.

24.Cet avis juridique est fondé sur une interprétation juridique de l’indépendance fonctionnelle des mécanismes nationaux de prévention au sens du paragraphe 1 de l’article 18 du Protocole facultatif, à la lumière du droit international, de la pratique du Sous-Comité et des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

25. Le Sous-Comité soutient la volonté de la Commission nationale de prévention de la torture , dans le dialogue engagé avec l’ É tat partie, de mettre fin à son rattachement administratif et budgétaire au Département fédéral de justice et police, de manière à pouvoir fonctionner en toute indépendance et exercer des activités et des fonctions formellement distinctes de celles du Département fédéral de justice et police, grâce à une structure, à un statut, à un personnel et à un budget propres.

Ressources financières

26.Il est prévu dans le texte du Conseil fédéral relatif à la loi fédérale no 150.1, qui a établi la Commission nationale de prévention de la torture, que celle-ci effectue 20 à 30 visites par an dans les lieux de privation de liberté.

27.En Suisse, les cantons sont chargés de l’exécution des peines, et chacun des 26 cantons dispose d’un ou de plusieurs lieux de privation de liberté. Les documents fournis par le Gouvernement fédéral au Sous-Comité avant la visite indiquent qu’il existe plus de 400 lieux de privation de liberté sur l’ensemble du territoire (hôtels de police, prisons, centres de requérants d’asile, hôpitaux psychiatriques, établissements d’éducation et de mesures pour mineurs et jeunes adultes, établissements militaires fédéraux, etc.).

28.Néanmoins, selon les informations fournies par la Commission nationale de prévention de la torture, outre la centaine d’établissements pénitentiaires et de détention, le nombre total de lieux de privation de liberté serait proche de 700, si l’on tient compte de tous les lieux correspondant aux critères de l’article 4 du Protocole facultatif. À l’actuelle cadence moyenne de 15 visites par an, chaque lieu de privation de liberté de l’État partie ne peut être visité de manière suffisamment régulière, et l’efficacité du mécanisme national de prévention s’en trouve amoindrie, eu égard au mandat énoncé à l’article19 du Protocole facultatif d’examiner régulièrement la situation des personnes privées de liberté se trouvant dans les lieux de privation de liberté visés à l’article 4 du Protocole facultatif.

29.Le Sous-Comité est préoccupé par le manque de ressources financières allouées à la Commission nationale de prévention de la torture, qui constitue un obstacle majeur à son fonctionnement efficace et rationnel, comme le démontre le faible nombre de visites effectuées par rapport au nombre de lieux de privation de liberté existants.

30.L’insuffisance chronique des ressources a été évoquée dans le rapport que le Sous-Comité a adressé à l’État partie, dans lequel il est souligné que l’État partie doit doter le mécanisme national de prévention de ressources financières suffisantes pour créer les conditions préalables nécessaires à son bon fonctionnement et lui permettre de s’acquitter des obligations qui lui incombent au titre du Protocole facultatif.

31. Le Sous-Comité recommande à la Commission nationale de prévention de la torture de présenter à l’ É tat partie un budget prévisionnel suffisant pour s’acquitter de son mandat, pour visiter un nombre adéquat de lieux de privation de liberté, mais également pour être en mesure de recourir aux services d’experts externes, d’interprètes dans diverses langues et d’ autres personnes ou services susceptibles de lui permettre de mener à bien son mandat, en fonction de ses besoins.

32. Le Sous-Comité recommande également à la Commission nationale de prévention de la torture d’insister auprès de l’ É tat partie sur la nécessité d’augmenter ses ressources financières, en rappelant de manière transparente et concrète les tâches non accomplies et ce qui pourrait être réalisé grâce à une augmentation de ses ressources.

Membres de la Commission nationale de prévention de la torture

33.Le Sous-Comité est préoccupé par le fait que les 12 membres de la Commission nationale de prévention de la torture accomplissent leurs tâches à temps partiel et sans rémunération, même s’il s’agit d’une tradition existante au sein de l’État partie, dite de « milice », partie intégrante de la coutume participative qui s’exerce dans différents domaines, y compris politique et social.

34.Le Sous-Comité a pu constater que, malgré l’effort louable des membres de la Commission nationale de prévention de la torture et de leur engagement dans la prévention de la torture, leur disponibilité est de facto réduite, entravant un exercice optimal de leur mandat, notamment pour ce qui est du nombre, de la durée et de la régularité des visites.

35. Le Sous-Comité recommande à la Commission nationale de prévention de la torture d’ inviter l’ É tat partie à revoir le mode d’exercice de ses membres, afin de leur permettre de se consacrer pleinement aux activités de la Commission , notamment en prévoyant la possibilité d ’ un exercice à plein temps pour certains d’entre eux et l’allocation de ressources financières nécessaires à leur rémunération.

Ressources humaines : le secrétariat de la Commission nationale de prévention de la torture

36.Les ressources humaines du secrétariat permanent du mécanisme national de prévention correspondent seulement à l’équivalent de 3,7 postes à temps plein, dont une seule personne (la Secrétaire) est effectivement à temps plein, ce qui limite de facto le temps consacré à la préparation et au suivi des visites, à l’établissement des rapports de visite et des rapports thématiques, aux actions de formation et de prévention, au dialogue et à la sensibilisation des parties prenantes, etc.

37.Par ailleurs, le personnel du secrétariat de la Commission nationale de prévention de la torture est intégré au Département fédéral de justice et police, nommé par la Commission de la fonction publique et soumis aux règles générales relatives à la mobilité des agents publics. Or, pour que son indépendance fonctionnelle soit garantie, le mécanisme national de prévention doit avoir la pleine maîtrise de la gestion de ses effectifs.

38.Ainsi, le fait que la Commission nationale de prévention de la torture ne dispose pas de personnel, pour son secrétariat, qui lui soit exclusivement rattaché et que les membres chargés de l’exécution de son mandat doivent aussi s’acquitter d’autres tâches non liées à la Commission, rend plus difficile l’adoption d’une stratégie opérationnelle efficace.

39. Le Sous-Comité recommande à la Commission nationale de prévention de la torture d’ inviter l’ É tat partie à augmenter de manière significative les effectifs du s ecrétariat et à faire en sorte que son personnel soit permanent, sous son contrôle direct, et non sous le contrôle du Département fédéral de justice et police. Il lui recommande également d’établir et de présenter ses besoins directement aux autorités fédérales pour déterminer la meilleure manière d’y répondre, en accord avec le mandat énoncé dans le Protocole facultatif .

Un mécanisme national de prévention renforcé

40.Le Sous-Comité estime que, malgré l’insuffisance des ressources humaines et financières qui lui sont allouées et les interrogations sur son indépendance vis-à-vis des autres institutions fédérales, la Commission nationale de prévention de la torture se caractérise par un grand professionnalisme et une grande expertise.

41. Le Sous-Comité est d’avis qu’une augmentation significative des ressources financières et humaines (membres et secrétariat) serait de nature à permettre à la Commission nationale de prévention de la torture d’avoir un fonctionnement optimal, une meilleure stratégie opérationnelle et de plus grande s capacité et efficience en matière de visites, de recommandations à l’intention des autorités compétentes ainsi que de propositions et d’ observations au sujet de la législation pertinente, eu égard aux dispositions de l’article 19 du Protocole facultatif . L’augmentation de s ressources pourrait également permettre à la Commission de renforcer sa coopération internationale avec d’autres mécanismes, au bénéfice de la prévention de la torture dans le monde.

42. Le Sous-Comité est d’avis que les conclusions de l’avis juridique établi par Walter Kälin et Manfred No w ak peuvent servir de base de travail aux autorités et à la Commission nationale de prévention de la torture pour mettre en œuvre l’indépendance de cette dernière , en accord avec le Protocole facultatif, notamment son article 18, et renforcer ses capacités fonctionnelles, ce qui lui permettra d’être davantage en mesure de s’acquitter efficacement des responsabilités mises à sa charge.

Visibilité

43.Le Sous-Comité a constaté que la plupart des représentants des administrations publiques rencontrés par la délégation connaissaient l’existence et le rôle de la Commission nationale de prévention de la torture. Le même constat a été fait chez les parties prenantes concernées, notamment les membres de la société civile et le public en général, ainsi que les personnes privées de liberté. La Commission jouit d’une bonne visibilité, et son rôle et la nature de ses travaux sont connus.

44.Cependant, le Sous-Comité souligne que le fait que la Commission nationale de prévention de la torture ne puisse pas être pleinement considérée comme une autorité indépendante est de nature à entacher quelque peu son image et, partant, la pleine efficacité de son mandat de prévention.

45. Le Sous-Comité recommande à la Commission nationale de prévention de la torture d’engager un plaidoyer auprès du G ouvernement fédéral et des autres parties prenantes, pour que l’indépendance de son statut soit reconnue, devienne effective et ainsi lui soit bénéfique en matière de visibilité et d’exercice de son mandat.

46. D ans ce même objectif, le Sous-Comité encourage la Commission nationale de prévention de la torture à mener des campagnes de sensibilisation du public et à entreprendre , en coopération avec un large éventail de parties prenantes, des activités d’information sur son mandat et les activités qu’elle mène dans les lieux de privation de liberté, à l’intention des autorités publiques compétentes , y compris les cantons, de la société civile, des avocats , des magistrats et des autres professionnels du champ juridique .

B.Recommandations sur la méthode à suivre concernant les visites

Préparation et objectifs de la visite

47.Le Sous-Comité a accompagné la Commission nationale de prévention de la torture dans son action effective de protection des personnes privées de liberté, lors d’une visite annoncée d’un lieu de privation de liberté, soit la prison régionale de Berne. Cet établissement ayant déjà été visité par la Commission quatre ans auparavant, cette visite conjointe avait pour objectif de vérifier si les recommandations formulées avaient été mises en œuvre. Pour des raisons logistiques, trois membres de la délégation seulement ont accompagné la Commission.

48. Tout en reconnaissant qu’il est difficile pour la Commission nationale de prévention de la torture d’avoir une stratégie globale efficace et un plan d’activité s avec des ressources humaines réduites, le Sous-Comité recommande à la Commission d’élaborer une stratégie ciblée sur des visites inopinées et des visites de suivi plus fréquentes, afin de se rendre compte de la mise en œuvre de ses recommandations dans un délai plus court.

Déroulement de la visite

Présentation du mécanisme national de prévention

49.Le Sous-Comité a pu constater que les autorités pénitentiaires ont une bonne connaissance du mandat du mécanisme national de prévention, lequel est clairement identifié comme étant la Commission nationale de prévention de la torture en Suisse. Le Sous-Comité relève aussi avec satisfaction que la Commission présentait sa mission avec la clarté et la pédagogie nécessaires.

Entretiens

50.La délégation a pu observer que les entretiens se déroulaient selon les règles, avec attention et doigté.

51.À l’occasion, elle a toutefois pu noter l’oubli de l’information à donner sur le caractère confidentiel de l’entretien ou sur le mandat du mécanisme national de prévention.

52. Bien conscient du fait que les membres de la Commission nationale de prévention de la torture agissent de façon très professionnelle, le Sous-Comité leur recommande néanmoins de se présenter aux personnes interrogées en précisant leur nom, leur fonction, en expliquant le mandat du mécanisme, et en mettant plus particulièrement l’accent sur l’aspect préventif. Le consentement explicite et informé des personnes interrogées devrait toujours être obtenu ; il convient de préciser que l’entretien est confidentiel et volontaire , et peut être interrompu à tout moment à la demande du détenu. Le Sous-Comité est d’avis qu’une présentation en bonne et due forme des membres procédant à la visite et à l’entretien inspire la confiance de la personne interrogée et facilite la communication et l’échange d’informations.

53. Le Sous-Comité recommande également à la Commission nationale de prévention de la torture de choisir avec soin le lieu des entretiens individuels afin de s’assurer que leur contenu reste confidentiel.

54. Les membres de la Commission nationale de prévention de la torture devraient également faire savoir aux personnes interrogées qu’elles peuvent signaler toutes représailles dont elles seraient victimes à la suite de la visite , et les encourager à le faire. Si nécessaire, des visites spécifiques de suivi devraient être entreprises.

55. Le Sous-Comité recommande à la Commission nationale de prévention de la torture d’établir une brochure décrivant son mandat et ses méthodes de travail, expliquant la notion de consentement éclairé et indiquant les informations nécessaires pour la contacter , et de la diffuser de la manière la plus large possible.

56.Le Sous-Comité a remarqué que les membres du mécanisme national de prévention ne portaient pas de signe d’identification distinctif.

57. Le Sous-Comité recommande à la Commission nationale de prévention de la torture d’identifier son équipe de visiteurs, par exemple par le port d’un insigne ou d’un gilet.

Interprètes

58.Compte tenu du pourcentage élevé de personnes privées de liberté d’origine étrangère, il est indispensable que la Commission nationale de prévention de la torture puisse avoir les moyens de s’entretenir avec n’importe quel détenu dans une langue qu’il comprenne.

59. Le Sous-Comité recommande à la Commission nationale de prévention de la torture de prendre les mesures adéquates pour disposer d’un nombre suffisant d’interprètes. Il lui recommande également de mettre à disposition des documents d’information sur son mandat dans des langues autres que les langues officielles de la Suisse.

Représailles

60.Le Sous-Comité souligne la nécessité de veiller à la protection des personnes interrogées contre d’éventuelles représailles, même lorsque les risques semblent minimes. La délégation a remarqué avec satisfaction que la Commission nationale de prévention de la torture signalait clairement aux autorités pénitentiaires, lors de la réunion de bilan, que toute forme d’intimidation ou de représailles contre les personnes privées de liberté constituait une violation de l’obligation qui incombe à l’État partie au titre de l’article 13 de la Convention et de l’article 21 du Protocole facultatif.

61. L e Sous-Comité encourage la Commission nationale de prévention de la torture à poursuivre le dialogue avec les autorités sur le caractère inadmissible des représailles et le suivi qu’elle en assure. La Commission devrait également, si nécessaire, effectuer des visites de suivi préventives.

Restitution orale à la fin de la visite

62.La délégation du Sous-Comité a assisté à la restitution de la visite par la Commission nationale de prévention de la torture avec les autorités de la prison régionale de Berne. La délégation était d’avis que le temps dévolu à la discussion avait été insuffisant pour couvrir toutes les questions faisant l’objet du suivi, alors même que la dernière visite de la prison régionale de Berne avait eu lieu quatre ans auparavant.

63. Le Sous-Comité encourage la Commission nationale de prévention de la torture à consacrer le temps nécessaire aux restitutions avec les autorités des lieux visités.

Rapports établis à l’issue des visites

64.Le Sous-Comité constate avec satisfaction que des rapports de visite sont établis et qu’il existe une politique claire concernant la transmission systématique de ces rapports et des recommandations qui y sont formulées aux autorités des établissements visités et aux ministères compétents, ainsi que la publication systématique de ces rapports.

65. Le Sous-Comité encourage la Commission nationale de prévention de la torture à continuer à publier, après chaque visite, un rapport dans lequel elle fait part de ses préoccupations et formule ses recommandations (voir CAT/OP/12/5, par. 36 et 37). Après la transmission du rapport, la Commission devrait suivre systématiquement l’application des recommandations et utiliser le rapport en tant que base pour entretenir un dialogue régulier avec la direction des lieux visités et les autorités compétentes.

IV.Étapes suivantes

66. Le Sous-Comité demande qu’une réponse lui soit communiquée dans les six mois à compter de la date de transmission du présent rapport à la Commission nationale de prévention de la torture . Dans ce document, la Commission doit répondre directement à toutes les recommandations et demandes de renseignements complémentaires formulées dans le présent rapport, et rendre compte en détail des mesures déjà prises ou prévues , accompagnées de calendriers d’exécution , pour donner suite aux recommandations. Cette réponse doit contenir des renseignements sur la mise en œuvre des recommandations portant spécifiquement sur certaines institutions ainsi que sur les politiques et pratiques en général .

67. L’article 15 du Protocole facultatif interdit toutes les sanctions et représailles, quelles qu’en soient la forme et la source, visant une personne qui a été en contact avec le Sous-Comité. Le Sous-Comité rappelle qu’il incombe à la Commission nationale de prévention de la torture de contribuer à prévenir de telles sanctions ou représailles et la prie de fournir, dans sa réponse, des renseignements sur les mesures prises à cet égard .

68. Le Sous-Comité considère que sa visite et le présent rapport font partie d’un dialogue continu. Il sera heureux d’aider la Commission nationale de prévention de la torture à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Protocole facultatif en lui fournissant de plus amples conseils et une assistance technique en vue d’atteindre leur objectif commun, qui est de prévenir la torture et les mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté. Le Sous-Comité estime que le moyen le plus efficace de poursuivre le dialogue serait pour lui de rencontrer la Commission dans les six mois qui suivent la réception de la réponse au présent rapport .

69. Le Sous-Comité recommande à la Commission nationale de prévention de la torture , conformément à l’alinéa d) de l’article 12 du Protocole facultatif, d’ engage r le dialogue avec le Sous-Comité au sujet de la suite donnée à ses recommandations dans les six mois qui suivent la réception par le Sous-Comité de la réponse au présent rapport. Il recommande également à la Commission d’entamer des discussions avec le Sous-Comité sur les modalités de ce dialogue au moment où il soumettra sa réponse au présent rapport.

Annexe I

Liste des interlocuteurs du Sous-Comité

A.Autorités

Office fédéral de la justice (Département fédéral de la justice et la police) :

•Bernardo Stadelmann, sous-directeur de l’OFJ et chef du domaine de direction Droit pénal

•Ronald Gramigna, chef de l’unité Exécution des peines et des mesures

•Béatrice Kalbermatter, cheffe suppléante de l’unité Exécution des peines et des mesures, responsable du domaine des mineurs

•Aimée Zermatten, unité Exécution des peines et des mesures

•Alain Chablais, chef de l’unité Protection internationale des droits de l’homme et Agent du Gouvernement suisse (Représentation de la Suisse devant la Cour européenne des droits de l’homme et le Comité contre la torture)

•Folco Galli, Chef de l’information

•Florian Mauron, stagiaire scientifique

Secrétariat d’Etat aux migrations (Département fédéral de la justice et la police) :

•Beat Perler, Chef unité Bases du retour et aide au retour

Direction politique (Département fédéral des affaires étrangères) :

•Sandra Lendenmann, cheffe de la section Politique des droits de l’homme, Division Sécurité humaine DSH

Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) :

•Alain Hofer, secrétaire général adjoint de la CCDJP

•Fredy Fässler, Conseiller d’Etat du canton de St-Gall, Chef du Département de la sécurité et de la justice, membre du comité de la CCDJP et Président du conseil de fondation CSCSP

•Claudio Stricker, collaborateur scientifique, Secrétariat général de la CCDJP

Centre suisse de compétence en matière d’exécution des sanctions pénales (CSCSP) :

•Patrick Cotti, directeur du CSCSP

•Blaise Péquignot, membre du conseil de fondation du Centre suisse de compétences en matière d’exécution des sanctions pénales (CSCSP) et secrétaire général de la Conférence latine des chefs des départements de justice et police (CLDJP)

Conférence des commandants des polices cantonales :

•Vladimir Novotny, secrétaire général

•Ministère public de la Confédération :

•Michael Lauber, Procureur général de la Confédération

•Julie Noto, responsable section terrorisme

B.Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) 

•Alberto Achermann, président

•Sandra Imhof, cheffe du Secrétariat

•Daniel Bolomey

•Alexandra Kossin

•Philippe Gutmann

•Giorgio Battaglioni

•Leo Naf

•Deliad Cinno

•Ursula Klopfiler

•Nadja Kunzle

•David Wagen-Magnon

C.Organisations non-gouvernementales

•Roger Staub, Fondation Pro Mente Sana

•Kathi Hermann, Fondation Pro Mente Sana

•Valentina Darbellay, Terre des Hommes

•Sarah Frehner, Organisation Suisse d’aide aux réfugiés

•Muriel Trummer, Amnesty International

•Dominique Joris, ACAT-Suisse

•Manuela Ernst, Croix Rouge Suisse

Annexe II

Liste des lieux de privation de liberté visités par le Sous-Comité

Canton de Berne

•Polizeiwache Waisenhaus (commissariat de police)

•Polizeiwache Bahnhof Bern (poste de police de la gare)

Canton de Zürich

•Flughafengefängnis Zürich (prison d’aéroport de Zürich, les deux sections)

•Justizvollzugsanstalt Pöschwies (prison de Pöschwies)

•Gefängnis Zürich (prison à Zürich)

•Psychiatrische Universitätsklinik Zürich (clinique psychiatrique)

•Kantonal Polizeigefängnis (police cantonale)

Canton de Genève

• Etablissement fermé de Favra

• Etablissement concordataire de Frambois

•10. Police de la sécurité internationale (PSI) (à l’aéroport)

•PSI-SARA [service asile – rapatriement] (à l’aéroport)

•Centre de transit aéroportuaire Genève « aile nord » (centre pour requérants d’asile)

•Hôtel de Police (Boulevard Carl-Vogt)

•Poste de Police, gare Cornavin

•Poste de police cantonale des Pâquis

Canton de Vaud

•Hôtel de Police de Lausanne

•Centre de la Blécherette, Police cantonale (zone carcérale)

•Etablissements de la Plaine de l’Orbe (E.P.O.), prison de Bochuz

Annexe III

Liste des lieux de privation de liberté visités conjointement par le Sous-Comité et le mécanisme national de prévention

•Regionalgefängnis Bern (prison régionale de Berne)