NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/21/Add.3

25 juillet 2001

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESEN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Rapports initiaux des États parties devant être soumis en 1993

Additif

Bénin*

[12 février 2001]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

INTRODUCTION GÉNÉRALE1-144

A.Territoire et population1-74

B.Contexte politique et socioéconomique8-145

I.RENSEIGNEMENTS D’ORDRE GÉNÉRAL15-387

A.Cadre juridique général de l’interdiction etde l’élimination de la torture au Bénin15-167

B.Dispositions de la Constitution et conséquences17-267

C.La Constitution et la Convention contre la torture etautres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants27-3210

D.Recours possibles pour les victimes de torture etstructures de lutte contre la torture au Bénin3311

E.Programmes de réadaptation34-3513

F.L’application de la Convention contre la torture au Bénin36-3813

II.COMMENTAIRES DES ARTICLES DE LA CONVENTION39-18314

Article 239-4314

Article 344-4615

Article 447-5716

Article 558-6518

Article 666-7219

Article 773-7720

Article 878-8621

Article 987-8923

Article 1090-12023

Article 11121-14230

Article 12143-15135

Article 13152-15737

Article 14158-17638

Article 15177-18041

Article 16181-18342

INTRODUCTION GÉNÉRALE

A. Territoire et population

1.Situation géographique du Bénin

1.Le Bénin ressemble à un bras qui sort de la mer et qui s’étire sur 700 km vers le Sahel où il forme un gros poing, large de 325 km. Il s’étend sur une superficie de 114 763 km2. Il est limité à l’est par le Nigéria, à l’ouest par le Togo, au sud par l’océan Atlantique, avec une façade maritime de 120 km et au nord par le Burkina‑Faso et le Niger.

2.Relief et climat

2.Le relief du Bénin, qui est peu accidenté, est constitué essentiellement de pénéplaines et de plateaux. Il s’élève progressivement depuis les régions sédimentaires situées au sud du pays, vers les plateaux ferrallitiques et ferrugineux du centre et du nord. L’Atakora, qui culmine à environ 600 mètres est le château d’eau d’où prennent source la plupart des cours d’eau. L’Ouémé est le plus long fleuve, avec environ 450 km. Le climat du Bénin est chaud et humide. Au sud, il est de type subéquatorial avec deux saisons pluvieuses et deux saisons sèches. Le nord connaît un climat de type soudanais, avec une saison sèche relativement importante et une saison de pluies.

3.Population

3.La population actuelle du Bénin est estimée à 5,7 millions d’habitants avec un taux d’accroissement naturel de 3,2 %, ce qui est assez élevé par rapport à l’ensemble des pays les moins avancés. Selon l’enquête démographique et de santé réalisée en 1996, la fécondité, une des plus importantes de l’Afrique subséquatoriale, montre qu’une femme a environ 6,1 enfants. La population béninoise est très jeune. Les femmes constituent 51 % de cette population. Près de la moitié de la population est âgée de moins de 15 ans, et 46 % a entre 15 et 59 ans.

4.Les principales maladies qui affectent en particulier les enfants sont le paludisme, les infections respiratoires aiguës et les maladies diarrhéiques. Elles sont favorisées par le manque d’eau potable et par des conditions d’hygiène insuffisantes. L’espérance de vie est de 54,2 ans (56,6 ans pour les femmes et 51,8 ans pour les hommes).

5.La population béninoise est répartie inégalement dans six départements divisés en circonscriptions urbaines et en sous-préfectures. Environ 70 % de cette population habite dans le sud du pays dont 21 % dans l’Atlantique, 17,8 % dans l’Ouémé, 16,7 % dans le Zou et 13,8 % dans le Mono. La densité y avoisine 250 habitants au km2.

6.Elle se compose de quarante‑deux groupes ethniques parlant plus d’une cinquantaine de langues. Les langues les plus importantes sont les suivantes:

–Le fon est la langue dominante dans le sud et elle est parlée par 42,2 % de la population;

–L’adja est parlé par 15,6 % de la population;

–Le yoruba est parlé par 12,1 % de la population;

–Le dendi est une langue de communication assez répandue dans le nord du pays;

–Le bariba est parlé par 8,6 % de la population.

7.La population béninoise pratique plusieurs religions, à savoir: l’animisme (35 %), le christianisme (35 %), l’islam (20,6 %) et d’autres religions (1,9 %) ainsi que les religions non déclarées (0,7 %). Le Bénin compte également beaucoup d’étrangers qui forment souvent des communautés intégrées aux autochtones. On peut citer, entre autres, les communautés africaines de Nigérians, Togolais, Ghanéens, Nigériens, Sénégalais, Maliens. Il y a également des Syriens, des Libanais et des Asiatiques qui font essentiellement du commerce. Des ressortissants d’autres continents travaillent dans les institutions des Nations Unies, ou sont installés à leur propre compte.

B. Contexte politique et socioéconomique

1.Contexte politique

8.Après avoir expérimenté pendant deux décennies la révolution socialiste, le Bénin vit actuellement une période démocratique qui témoigne du bon fonctionnement des institutions mises en place lors de l’historique Conférence nationale des forces vives, qui s’est tenue du 19 au 28 février 1990. En effet, la fin du mandat de cinq ans du Président Nicéphore Dieudonné Soglo s’est réalisée, en avril 1996, avec l’arrivée d’un gouvernement de coalition des partis ayant soutenu la candidature du Président Mathieu Kérékou. Le nouveau Gouvernement a procédé à des changements au niveau de certains départements ministériels et précise, dans son programme d’action, ses orientations politiques et sa vision de l’État de droit.

9.Le programme du Gouvernement actuel est axé sur:

–Le renforcement de la démocratie, l’État de droit et le rayonnement du Bénin;

–La consolidation de l’unité nationale;

–Le développement de l’économie et de l’emploi;

–La mise en œuvre de la réforme administrative;

–La protection de l’environnement.

10.La réalisation de ce programme permettra:

–De faire respecter dans le pays la Constitution, les droits de l’homme et les libertés publiques;

–D’assurer la sécurité juridique et judiciaire;

–De renforcer la démocratie par des projets de loi sur le statut de l’opposition, par l’élaboration avec les partis politiques, la presse et les syndicats, de modes d’appui à leur fonctionnement, la démonopolisation de l’audiovisuel, et par l’élaboration d’un programme d’éducation à la démocratie diffusé grâce à l’instruction civique;

–De définir et de mettre en œuvre un plan de sécurité publique et un plan de défense;

–D’assurer la préservation de l’intégrité territoriale;

–D’assurer le renforcement de la coopération internationale pour le développement.

11.Le Ministère de la justice et de la législation est devenu Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme, avec de nouvelles Directions, dont celle des droits de l’homme (DDH) et celle de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse (DPJEJ). Ce Ministère prévoit, dans son plan d’action, un programme de promotion et de protection des droits de l’homme qui vise, entre autres, à promouvoir les droits de l’homme par une campagne nationale de vulgarisation de la Constitution et des textes relatifs aux droits de l'homme et aux libertés publiques, en vue de leur appropriation par les citoyens et du respect de ces normes par l’administration publique. Cette campagne a commencé et fait appel à tous les moyens de communication possibles, et à l’utilisation maximale des mass média. Son évaluation est prévue pour les prochains mois.

2.Contexte socioéconomique

12.Depuis l’avènement de la démocratie en février 1990, le Bénin est entré dans le libéralisme économique. Il en est à son troisième Programme d’ajustement structurel. Ces programmes, qui s’articulent autour de la stabilité macroéconomique et de la mise en œuvre de politiques et de stratégies sectorielles à moyen terme, ont quelque peu négligé les secteurs sociaux. La situation socioéconomique s’est aggravée avec la dévaluation du franc CFA intervenue en janvier 1994.

13.L’agriculture, qui est la première activité économique du Bénin, attend d’être réorganisée par une politique qui assurera à tous l’autosuffisance alimentaire et qui permettra aux secteurs secondaire et tertiaire de se développer harmonieusement.

14.La croissance économique enregistrée ces dernières années ne semble pas encore concluante, puisque la balance des paiements courants accuse un déficit de 8,6 % du PIB. Les seuils de pauvreté globaux par an et par équivalent adulte restent des plus bas: il est de 56 500 francs CFA en milieu rural et de 135 000 francs CFA en ville. Les seuils de pauvreté alimentaire sont estimés respectivement à 38 800 francs CFA et à 62 500 francs CFA. Plus de la moitié des ménages ruraux sont au-dessous du seuil de pauvreté ou vulnérables à la pauvreté, d’après le résultat de l’enquête démographique et de santé effectuée en 1996. En terme de développement, le Bénin est classé comme le 144e pays du monde, ce qui constitue une nette évolution par rapport à sa situation antérieure. En 1993, il était classé comme le 162e pays par le Programme des Nations Unies pour le développement.

I. RENSEIGNEMENTS D’ ORDRE GÉNÉRAL

A. Cadre juridique général de l’interdiction et de l’élimination de la torture au Bénin

15.Pendant plusieurs décennies, notre pays a été tristement célèbre en matière de violation des droits de l’homme et des liberté individuelles. Cet état de fait a connu son point culminant pendant la période révolutionnaire, de 1972 à 1990. Avec le changement intervenu lors de la Conférence nationale des forces vives, un mouvement a réellement été amorcé, et a sorti de la clandestinité les nombreux groupes qui luttent contre les violations des droits de l’homme. Notre pays a alors quitté, pour ainsi dire, le groupe des 149 pays mis en cause par Amnesty International. Une journée de lutte contre la torture et les sévices corporels a même été instaurée le 7 mai de chaque année.

16.Les violations massives des droits de l’homme et des libertés individuelles sont donc devenues un souvenir lointain. La suppression des juridictions d’exception est une des mesures prises ayant contribué à atteindre les objectifs fixés. Toutefois, quelques petits dérapages persistent en ce qui concerne les arrestations et les détentions arbitraires, les gardes à vue hors délais, et les rares cas de violence signalés par les citoyens devant les juridictions de droit commun, ou devant la Cour constitutionnelle. Cette évolution a été constatée grâce à notre Constitution du 11 décembre 1990. Elle a en effet apporté, à travers les règles qui y sont édictées, quelques changements positifs dans le sens du renforcement des droits et des libertés des citoyennes et des citoyens béninois.

B. Dispositions de la Constitution et conséquences

17.Dans son préambule, elle réaffirme l’opposition fondamentale du peuple béninois à «tout régime politique fondé sur l’arbitraire, la dictature, l’injustice, la corruption, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel». Le peuple béninois y exprimait ainsi sa ferme volonté de défendre et de sauvegarder sa dignité aux yeux du monde entier et de se positionner comme l’un des pionniers de la démocratie et de la défense des droits de l’homme en Afrique.

18.La Constitution affirme également solennellement la détermination du pays à «créer un état de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l’homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois, tant dans sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle» .

19.Par ailleurs, faisant référence aux droits de l’homme tels qu’énoncés dans la Charte des Nations Unies de 1945, dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, ainsi que dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée en 1981 par l’Organisation de l’unité africaine, et ratifiée le 20 janvier 1986, notre peuple réaffirme ainsi son attachement à tous les principes relatifs à ces instruments internationaux qui ont une valeur supérieure à la loi interne. En stipulant en outre, dans son article 8, que la personne humaine est sacrée et inviolable, la Constitution affiche sa détermination à lutter contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

20.Par ailleurs, pour rester conforme à sa nouvelle politique en matière de droits de l’homme, le Bénin s’est doté d’un certain nombre de textes qui attestent sa volonté confirmée, et constituent des supports réglementaires et juridiques pour lutter contre la violation des droits de l’homme, notamment la torture. Il s’agit notamment de la loi n° 90-028 du 9 octobre 1990 portant amnistie des faits autres que les faits de droit commun du 26 octobre 1972 jusqu’à la date de promulgation de la présente loi et le décret n° 90-374 du 4 décembre 1990 portant création d’une Commission mixte spéciale pour la mise en application de la loi citée ci‑dessus, dont ont bénéficié les personnes condamnées à mort pour des raisons politiques ou des convictions syndicales. On peut également noter le décret n° 91-95 du 27 mai 1991 créant la Commission interministérielle chargée de l’étude de la journée nationale des victimes de torture et sévices corporels, et de proposer une date en vue de son instauration. Cette Commission avait également pour mission de procéder au recensement des victimes de torture et de sévices corporels, et de déterminer les circonstances de la disparition de certaines d’entre elles.

21.D’autres actions ont été entreprises dans le but de bannir la torture et autres mauvais traitements ou traitements inhumains. Il s’agit entre autres de:

La suppression du «Petit Palais». Ce centre de détention était aussi le poste de commandement d’où partaient les ordres d’arrestation, de détention et de torture visant toutes les personnes soupçonnées d’avoir des attitudes, des positions ou des propos anti‑révolutionnaires;

La lutte pour la suppression des arrestations arbitraires et de la maltraitance dans les commissariats, les brigades de gendarmerie et les camps militaires ou autres;

L’amélioration des conditions de vie dans les prisons;

La rétrocession, par voies administrative ou judiciaire, aux exilés politiques supposés ou reconnus anti‑révolutionnaires, de leurs biens arbitrairement confisqués par l’administration;

La libéralisation de la presse;

La lutte pour le respect du délai de 48 heures pendant la garde à vue;

La suppression de la délivrance sous contrainte physique ou morale des reconnaissances de dettes ou autres décharges dans les lieux de détention;

La libéralisation des pratiques religieuses;

L’autorisation, donnée à certaines organisations non gouvernementales, d’exercer leurs activités.

22.On note également la création ou l’existence d’un certain nombre de structures et d’associations qui coopèrent avec le Ministère de la justice dans le but de lutter contre les violations des droits de l’homme, ce qui laisse à penser que le changement intervenu depuis l’historique Conférence nationale des forces vives a marqué un point positif dans la vie de toutes les populations et couches sociales de notre pays. Il s’agit notamment des structures suivantes:

la Ligue béninoise des droits de l’homme;

la Commission béninoise des droits de l’homme;

l’Association des femmes juristes du Bénin;

l’Association de lutte contre le racisme, l’ethnocentrisme et le régionalisme;

Amnesty International‑Bénin;

l’Association Défense des enfants‑Bénin;

l’Association pour la promotion des droits de l’homme;

l’Association chrétienne pour l’abolition de la torture;

la Croix‑Rouge béninoise.

23.Afin de prouver sa détermination en matière de défense des droits de l’homme, le Bénin a ratifié plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, ou y a adhéré, notamment:

La Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid, adoptée le 30 novembre 1973, et ratifiée par le Bénin le 30 novembre 1974;

La Convention relative à l’esclavage, adoptée le 25 septembre 1926, et ratifiée le 4 avril 1962;

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté le 19 décembre 1966, et ratifié le 12 mars 1992;

La Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée le 20 novembre 1989, et ratifiée le 3 août 1990;

La Charte africaine des droits et du bien‑être de l’enfant, adoptée en juillet 1990, et ratifiée en mai 1996;

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée le 18 décembre 1979, et ratifiée en 1981;

La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée le 21 décembre 1965;

La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, objet du présent rapport, adoptée le 10 décembre 1984, et ratifiée par le Bénin le 12 mars 1992.

24.Un comité national, composé des représentants de tous les ministères, a été créé par décret n° 96‑433 du 4 octobre 1996, pour suivre l’application de ces différents instruments internationaux. Les Béninois étant de plus en plus sensibles au respect des droits de l’homme; ce changement a rencontré l’adhésion spontanée de la plupart des citoyens.

25.Les mass média ainsi que les diverses structures non gouvernementales qui se sont constituées au lendemain, ou plutôt à l’avènement, du Renouveau démocratique, sont très vigilants et dénoncent tout acte allant à l’encontre de la Constitution en matière de droits et de libertés des citoyens.

26.Par ailleurs, depuis quelque temps, des révisions et actualisations de certains textes juridiques, notamment du Code pénal et du Code de procédure pénale, sont effectuées. Un projet de code des personnes et de la famille ainsi qu’un projet de loi sur l’état civil sont, entre autres, en étude à l’Assemblée nationale. Il en est de même des projets de loi concernant le statut de l’opposition, l’exercice du droit de grève, le code de la publicité, l’organisation judiciaire, le statut de la magistrature et l’orientation de l’éducation.

C. La Constitution et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

27.Ainsi que le prévoit l’article 147 de la Constitution béninoise, les traités ou accords régulièrement ratifiés ont dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. Le Bénin reconnaît donc la suprématie de la Convention contre la torture soient commis sur ses lois nationales. Les dispositions de la Convention peuvent ainsi être invoquées et recevoir application devant toute instance nationale, qu’elle soit administrative, législative ou judiciaire.

28.À la lecture de la Convention, notamment ses dispositions de fond, il ressort que tout État partie doit prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis sur son territoire, et veiller à ce que de tels actes ou leur tentative soient qualifiés comme infractions et réprimés par son droit pénal, en fonction de leur gravité. La Constitution béninoise reconnaît, en son article 9, que toute personne, auteur d’actes de torture, de sévices corporels ou de toutes autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, devra en répondre conformément à la loi. Par conséquent, tout acte de torture constitue une violation de la Constitution.

29.La Cour constitutionnelle est compétente pour connaître de toute violation des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques. À ce titre, elle connaît de tout fait ou acte relevant de la Convention contre la torture. Elle est la plus haute juridiction de l’État et est souvent saisie lorsque des citoyens s’estiment avoir été victimes d’actes de torture ou de barbarie, d’arrestations illégales ou de détentions arbitraires. Ses décisions ne sont susceptibles d’aucun recours et s’imposent aux cours et aux tribunaux. Selon l’article 125 de la Constitution, le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême ainsi que par les cours et tribunaux créés conformément à la Constitution.

30.La loi n° 64-28 du 9 décembre 1964, portant organisation judiciaire, reconnaît la compétence des tribunaux, de la Cour d’appel et de la Cour suprême. C’est l’ordonnance 21‑PR du 26 avril 1966 qui porte composition, organisation, fonctionnement et attribution de la Cour suprême. Aux termes de l’article 31 de cette ordonnance, la chambre administrative de la Cour suprême est compétente pour les recours en annulation pour excès de pouvoir des décisions des autorités administratives et, sur renvoi de l’autorité judiciaire, pour les recours en interprétation et en appréciation de la légalité des actes des mêmes autorités.

31.La Chambre judiciaire, quant à elle, statue sur tout pouvoir pour incompétence, ou violation de la loi ou de la coutume, dirigée contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les cours et tribunaux. Elle est également compétente pour:

Des demandes de révision;

Des demandes de renvoi d’une juridiction à une autre pour cause de suspicion légitime;

Des demandes de prise à partie contre un juge ou une juridiction de l’ordre judiciaire;

Des contrariétés de jugements ou arrêts rendus en dernier ressort par différentes juridictions entre les mêmes parties et sur les mêmes moyens.

32.Les autorités administratives du Bénin pouvant également connaître des faits relatifs à la violation des droits de l’homme sont les suivantes:

Le Ministère de l’intérieur, de la sécurité et de l’administration territoriale, en ce qui concerne les faits commis dans les commissariats de police;

Le Ministère de la défense nationale, pour les faits commis dans les brigades de gendarmerie, les camps militaires ou de gendarmerie;

Le Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme, pour tous les faits;

Le Ministère des affaires étrangères et de la coopération en matière d’entraide judiciaire et d’extradition;

La Présidence de la République, pour tous les faits.

D. Recours possibles pour les victimes de torture et structures de lutte contre la torture au Bénin

33.Toute personne victime de torture dispose de plusieurs recours:

Recours auprès de la Cour constitutionnelle, qui statue sur la constitutionnalité de l’acte;

Recours juridictionnel, avec toutes les garanties de procédure devant les tribunaux de première instance, les cours d’appel et la cour suprême;

Recours administratif par une plainte déposée auprès de l’autorité supérieure hiérarchique ou du juge administratif;

Recours auprès de diverses structures de défense des droits de l’homme telles que:

–La Commission béninoise des droits de l’homme, créée en vertu de la loi n° 89‑004 du 12 mai 1989 est dotée d’une personnalité juridique et d’une autonomie financière. Ses deux principales missions sont la promotion et la sauvegarde des droits de l’homme (voir par. 106 et 107 du présent rapport).

–La Ligue pour la défense des droits de l’homme, fondée en 1990, s’emploie à dénoncer avec véhémence toute violation ou tentative de violation des droits de l'homme, et à défendre les droits des victimes, en particulier les victimes de torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants (voir par. 108 à 112).

–Amnesty International, dont le but est de promouvoir le respect des dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Sa section béninoise a vu le jour en 1990. Elle soutient les activités des organisations et institutions qui travaillent à la mise en application de la Déclaration universelle des droits de l'homme (voir par. 113 et 114).

–Le Groupe d’études et de recherche sur la démocratie et le développement économique et social a été créé le 19 mai 1990. Son objectif est de promouvoir la démocratie au Bénin afin d’accélérer le développement économique et social.

–L’Institut des droits de l’homme et de la démocratie au quotidien créé le 14 avril 1993, a pour mission d’enseigner dans tout le pays les concepts fondamentaux des droits de l’homme et les principes démocratiques.

–L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture a été créée au Bénin le 17 août 1990 (voir par. 115 du présent rapport). S’appuyant sur l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et sur l’article 18 de la Constitution l’association s’est fixée pour mission de contribuer à la création, à la promotion et à la diffusion d’instruments juridiques contre la torture et d’exercer une fonction de prévention et d’éducation en matière de droits de l’homme afin que nul ne soit soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains, dégradants ou humiliants.

–L’Association des femmes juristes du Bénin, créée le 20 janvier 1990, a pour but de défendre les droits de l’homme, et en particulier ceux des femmes et des enfants (voir par. 119 du présent rapport).

–Défense des Enfants‑International. La section béninoise de cette association a été créée en juin 1990 et lutte pour la promotion et la défense des droits de l’enfant. Elle œuvre en faveur de la sensibilisation, de la formation et de l’éducation aux droits de l’enfant et propose des conseils juridiques. Elle s’occupe également des cas d’enfants travaillant notamment comme domestiques et lutte pour que leurs droits soient respectés (voir par. 120 du présent rapport).

–La Croix‑Rouge béninoise, créée en 1959, sa section béninoise fonctionne sur la base des Conventions de Genève du 12 août 1949 et de leurs protocoles additionnels, et œuvre, en toute impartialité en faveur de la prévention des droits de l’homme et l’atténuation des souffrances humaines (voir par. 116 à 118 du présent rapport).

E. Programmes de réadaptation

34.La loi n° 90-028 du 9 octobre 1990, portant amnistie des faits autres que des faits de droit commun s’étant produits du 26 octobre 1972 jusqu’à la date de sa promulgation, a permis la libération des victimes de torture et la création par décret n° 90-374 du 4 décembre 1990 d’une commission mixte spéciale, chargée des modalités de son application, conformément aux dispositions des articles 4 à 6 de ladite loi. Le décret n° 91-79 du 13 mai 1991 a fixé les conditions et les modalités d’application de la loi d’amnistie précitée. Une série d’arrêtés ministériels a également été édictée par le Ministre de la justice et de la législation et le Ministre de l’intérieur aux fins d’établir les listes des bénéficiaires des dispositions de cette loi.

35.Si on ne peut pas réellement parler d’un programme de réadaptation, des efforts ont cependant été faits pour réintégrer les victimes de torture dans la vie sociale. En effet, une commission interministérielle a été instituée par décret n° 91-95 du 27 mai 1991 pour recenser lesdites victimes et pour réfléchir aux moyens de leur offrir réparation. Les fonctionnaires ont ainsi été réintégrés dans la fonction publique, avec tous leurs droits, et les non‑fonctionnaires ont été indemnisés sur la base d’un taux journalier fixé par la commission. Conformément aux résolutions issues de la Conférence nationale des forces vives, une journée a également été instituée, en souvenir des victimes de la torture et des sévices subis sous le régime militaro‑marxiste. Cette journée a été célébrée pour la première fois le 7 mai 1994. À cet effet, un message a été adressé à la nation par le Ministre de la justice et de la législation. Des cultes religieux ont été célébrés et des interventions de certains participants de la société civile ont été enregistrées.

F. L’application de la Convention contre la torture au Bénin

36.Le Bénin est partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants depuis le 12 mars 1992 et le rapport initial est dû depuis le 10 avril 1993. On a pu, depuis, constater une évolution sensible de la situation en matière de respect des droits de l’homme. En effet, s’il y a eu des violations massives avant l’avènement de la Conférence nationale des forces vives, les différentes organisations non gouvernementales s’investissant dans le domaine veillent aujourd’hui au respect des engagements internationaux pris par notre pays en matière des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne la lutte contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants.

37.De son côté, l’État béninois a manifesté sa volonté politique et son souci de mieux garantir les droits fondamentaux et les libertés individuelles en réorganisant le Ministère de la justice et de la législation, rajoutant à ses activités traditionnelles la protection et la promotion des droits de l’homme. En effet, le décret n° 97-30 du 29 janvier 1997, portant attributions, organisation et fonctionnement du Ministère de la justice et de la législation et des droits de l’homme, prévoit à son paragraphe 7, une direction des droits de l’homme (voir annexe 5). Cette direction a pour mission la promotion et la défense des droits de l’homme. Elle a en charge:

–D’établir une meilleure adéquation entre la législation interne et les dispositions des instruments internationaux;

–De visiter les lieux de détention afin d’apprécier les conditions de détention et de vie des prisonniers et de prévenir des cas de détention abusive et arbitraire;

–De procéder à la vérification des cas de violation des droits de l’homme et d’exploiter les requêtes dénonçant toutes les violations de ces droits;

–D’œuvrer en vue de la protection et de la défense des droits et des libertés du citoyen, des personnes privées de liberté, des étrangers et des réfugiés;

–De promouvoir et de garantir tous les droits reconnus aux femmes et aux enfants par les divers instruments internationaux des droits de l’homme.

38.Il faut en outre signaler que cette volonté manifeste de l’État béninois s’est traduite par la création du Comité national du suivi de l’application des instruments internationaux dont les membres ont déjà suivi un certain nombre de formations organisées par le Ministère de la justice et de la législation et des droits de l’homme, en collaboration avec le Centre des droits de l’homme et le PNUD-Bénin. En ce qui concerne l’obligation pour tout État partie à la Convention d’intégrer les dispositions de cette dernière dans sa législation nationale, on note qu’à ce jour, soit quatre ans après la ratification, aucun texte spécifique national ne définit ni ne réprime la torture. Les victimes ne peuvent donc intenter une action devant les tribunaux que par rapport aux actes qui sous-tendent la torture, matériellement et au plan pénal.

II . COMMENTAIRES DES ARTICLES DE LA CONVENTION

Article 2

39.La législation nationale du Bénin ne définit nulle part la torture. Toutefois, la Commission interministérielle créée par le décret n° 91-95 du 27 mai 1991 et chargée du recensement des victimes de torture et des sévices corporels au Bénin, après avoir constaté que la torture est souvent assimilée aux sévices et traitements inhumains, reconnaît qu’elle dépasse l’horizon d’une simple atteinte à l’intégrité physique. Tenant compte du fait que les techniques de torture ont considérablement évolué dans le temps et varient d’une civilisation à une autre, ladite Commission a adopté la définition que donnent les Nations Unies de la torture dans la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, objet de la résolution 3452 de l’Assemblée générale, en date du 9 décembre 1975.

40.D’après cette résolution, le «terme “torture” désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont délibérément infligées à une personne par des agents de la fonction publique ou à leur instigation, aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’un tiers des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle a commis ou qu’elle est soupçonnée d’avoir commis ou de l’intimider ou d’intimider d’autres personnes». Cette définition correspond, sur le fond, à celle de la Convention. Cette dernière paraît néanmoins plus complète et plus précise en ce qui concerne les auteurs d’actes de torture et les victimes qui sont élargies aux tiers.

Sanctions et mesures préventives

41.Aussi note-t-on, à la lecture de l’article premier de la Déclaration que la Commission n’a pas pris en compte toutes les précisions qu’en donnent les alinéas 1 et 2 dudit article, ni la définition qu’en propose l’article 2.

42.La loi n° 90-32 du 11 décembre 1990, portant constitution de la République du Bénin, dispose à son article 8 que la personne humaine est sacrée et inviolable et que l’État a l’obligation de la respecter et de la protéger. Aux termes de l’article 15, tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne. Les dispositions de l’article 18 stipulent que nul ne sera soumis à la torture ni à des sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. De plus, nul ne peut être détenu dans un établissement pénitentiaire s’il ne tombe sous le coup d’une loi pénale en vigueur. L’article 18 précise quant à lui les droits du détenu ou du prévenu et lui garantit le droit de se faire examiner par un médecin de son choix. Par ailleurs, la durée de sa détention ne peut être supérieure à 48 heures que sur décision du magistrat en charge du dossier. Ce délai ne peut en tout état de cause être prolongé que dans les cas prévus par la loi et ne peut excéder une période de huit jours. L’article 19 dispose que tout individu sera puni conformément à la loi s’il se rend coupable d’actes de torture, de sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l’exercice, ou à l’occasion de l’exercice, de ses fonctions, que ce soit sur sa propre initiative ou sur instruction.

43.L’examen, ne serait‑ce que sommaire, de ces différentes dispositions, démontre la volonté de l’État béninois de prévenir la torture et tous les traitements cruels, inhumains ou dégradants, et de les réprimer. En effet, le Code pénal en vigueur au Bénin prévoit, en son titre II, chapitre premier, des dispositions pour la répression des crimes et délits contre les personnes. La Cour constitutionnelle reçoit de temps à autres des plaintes pour détentions arbitraires et abusives ou pour coups, violences et tortures corporelles subis pendant une détention.

Article 3

44.Par interprétation, l’interdiction d’extrader une personne vers un autre État où elle risque d’être torturée peut être déduite de tous les accords de coopération juridique passés entre le Bénin et d’autres États, à l’exception du Traité d’extradition du 10 décembre 1984 qui n’est pas aussi précis sur la question, en se référant aux alinéas 1 et 2 de l’article 42 de la Convention générale de coopération en matière de justice, d’une part, et à l’article 54 (LIV) de l’Accord de coopération en matière de justice, d’autre part (voir annexes 7 à 9).

45.Ces deux articles réaffirment donc la nécessité pour les États parties de ne pas extrader leurs ressortissants respectifs pour des raisons bien évidentes. Cependant si plusieurs articles de conventions existantes organisent la procédure d’extradition, aucun d’entre eux n’aborde le problème de l’autorité prenant l’initiative de l’extradition, ni celui de la contestation d’une telle décision et de la marche ou la procédure à suivre. Tout au plus peut‑on lire dans l’Accord de coopération en matière de justice, à ses articles 7 et 60 (LX), que «la demande d’extradition sera adressée par voie diplomatique». Seul le premier alinéa de l’article 49 de la Convention générale de coopération juridique indique clairement l’autorité qui doit recevoir cette demande: «la demande d’extradition sera adressée directement au Procureur général de l’État requis».

46.Il y a donc lieu de constater, avec regret, le silence des textes, non seulement sur l’identification claire et nette de la personne qui doit prendre la décision d’extradition, mais aussi sur la possibilité de la contester. Ces mêmes textes restent muets sur la procédure de contestation à laquelle il faut recourir dans de tels cas qui, au plan des statistiques, font d’ailleurs défaut. Enfin, faute de mentions précises sur les éléments cités ci‑dessus, il est difficile de déterminer le type de formation spécifique dont le décideur a besoin pour être compétent en matière d’extradition afin d’anticiper les risques de torture encourus par les personnes à extrader.

Article 4

47.Le Code pénal en vigueur au Bénin a prévu un certain nombre de dispositions pour réprimer les diverses infractions dont les effets peuvent être assimilés à la torture. Ainsi, les dispositions de l’article 186 répriment les abus d’autorité contre les particuliers. Il dit que «lorsqu’un fonctionnaire ou un officier public, un administrateur, un agent ou un préposé du Gouvernement ou de la police, un exécuteur des mandats de justice ou des jugements, un commandant en chef ou en sous‑ordre de la force publique, aura, sans motif légitime, usé ou fait user de violence envers les personnes dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, il sera puni selon la nature et la gravité de ses violences et en élevant la peine suivant la règle posée par l’article 198».

48.Lesdites peines varient suivant la qualification de l’infraction et sont aggravées en tenant compte du statut de l’auteur. S’il s’agit d’un délit de police correctionnelle, les auteurs subiront le maximum de la peine attachée à l’espèce du délit. La répression des crimes est alors organisée comme suit:

la réclusion, lorsque la peine prévue pour tout autre coupable de crime est le bannissement et la dégradation civique;

les travaux forcés à temps, lorsque la peine prévue pour tout autre coupable de crime est la réclusion ou la détention;

les travaux forcés à perpétuité, lorsque la peine prévue pour tout autre coupable de crime est la déportation ou les travaux forcés à temps.

49.En dehors des cas qui viennent d’être cités, la peine reste commune à tout auteur, sans aggravation. En ce qui concerne les crimes commis à l’encontre de particuliers, le meurtre est puni par les articles 295 et 304 du Code pénal qui le définissent comme un homicide volontaire, passible de la peine de travaux forcés à perpétuité, sauf lorsqu’il aura précédé, accompagné ou suivi un autre crime, ou aura eu pour objet de préparer, de faciliter ou d’exécuter un délit, ou de favoriser la fuite, ou d’assurer l’impunité, des auteurs ou complices d’un délit, dans quels cas le meurtre sera passible de la peine de mort.

50.Lorsque, pour commettre leurs crimes, des malfaiteurs font usage de tortures ou commettent des actes de barbarie, ils seront punis comme coupables d’assassinat, donc passibles de la peine de mort (art. 302 et 303 du Code pénal). Notons à ce sujet que si la peine de mort n’a pas été supprimée du Code pénal, il faut reconnaître qu’elle n’est plus appliquée dans la pratique depuis plusieurs décennies. Plusieurs voix, notamment celle de la société civile, s’élèvent de plus en plus pour réclamer une harmonie entre la législation nationale et les normes internationales en la matière.

51.Les coups et blessures volontaires sont réprimés par les articles 309 à 312 du Code pénal. Les peines varient selon qu’il y a eu préméditation ou guet-apens, privation, amputation, perte d’un œil, privation de l’usage d’un membre ou autre infirmité permanente, selon qu’il y a eu, ou non, intention de donner la mort ou que la victime est un enfant de moins de quinze ans. Les peines encourues sont multiples et diverses. Elles varient de six jours à deux ans assortis d’une amende de 4 000 à 48 000 francs CFA ou de l’une de ces deux peines, lorsque les coups et blessures n’ont occasionné aucune maladie ou incapacité de travail et, en cas de préméditation, les peines vont de deux à cinq ans d’emprisonnement assortis d’une amende de 12 000 à 120 000 francs CFA; il y a condamnation à la réclusion ou aux travaux forcés à temps dans les autres cas. Le crime de castration est puni par l’article 316 du Code pénal par des travaux forcés à perpétuité, sauf en cas de décès de la personne dans les quarante jours, où le crime est puni de la peine de mort.

52.Il importe de souligner qu’une personne coupable de délit ou de crime ne peut être ni poursuivie ni condamnée si l’homicide, les blessures et les coups ont été ordonnés par la loi, ou commandés par l’autorité légitime ou par la nécessité de la légitime défense (art. 327 et 328 du Code pénal).

a)Arrestations illégales et séquestrations de personnes

53.Les arrestations illégales et les séquestrations de personnes sont punies de la peine de travaux forcés à temps. Ces peines s’appliquent aussi bien aux coupables qu’à leurs complices, notamment quiconque aurait prêté un lieu pour exécuter la détention ou la séquestration (art. 341 du Code pénal).

54.L’article 342 du même Code stipule que toute détention ou séquestration de plus d’un mois est possible de la peine de travaux forcés à perpétuité. Par contre, lorsque la victime a été relâchée avant dix jours, la peine est réduite à un emprisonnement de deux à cinq ans. La peine prévue est celle des travaux forcés à perpétuité lorsque l’arrestation a été faite avec un faux uniforme, sous un faux nom, ou sur un faux ordre émanant de l’autorité publique, ou si l’individu arrêté, détenu ou séquestré a été menacé de mort. De même les coupables sont passibles de la peine de mort si des tortures corporelles ont été infligées aux victimes (art. 344 du Code pénal).

b)Autres actes visés au paragraphe 1 de l’article 4

55.En ce qui concerne la tentative de pratiquer la torture, les dispositions préliminaires du Code pénal prévoient, en leur article 2, que toute tentative de crime sera punie de la même peine que le crime lui‑même s’il y a eu commencement d’exécution ou si cette tentative n’a manqué son effet que par suite de circonstance indépendante de la volonté de son auteur. Par contre, la tentative de délit n’est considérée comme le délit lui‑même que dans les cas expressément prévus par la loi.

56.La complicité est, au regard du droit pénal béninois, un fait accessoire et doit en conséquence être nécessairement rattaché à un fait principal puni par la loi. De ce fait, les complices d’un crime ou d’un délit sont passibles de la même peine que l’auteur principal, sauf dispositions contraires de la loi (art. 59). Les exceptions sont indiquées pour chacun des crimes ou délits auxquels elles s’appliquent. La tentative est donc caractérisée par le seul fait que le prévenu ait agi dans le but et avec l’intention de commettre l’acte. Elle est donc punissable dès qu’il y a commencement d’exécution et que la victime n’est pas relâchée immédiatement.

57.La complicité suppose l’existence d’un fait principal punissable qualifié de crime ou de délit, la coopération ou la fourniture de moyens (dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables), d’armes, d’instruments ou de moyens quelconques, d’instructions, d’aide ou d’assistance dans les faits qui ont préparé, facilité ou consommé l’action principale.

Article 5

58.Le Code de procédure pénale de la République du Dahomey du 7 août 1967, toujours en vigueur, prévoit dans son article 341, que le tribunal de première instance a compétence pour juger les délits et les contraventions tels que définis par la loi pénale. L’article 342 du même Code établit, pour le jugement des délits, la compétence du tribunal du lieu d’infraction, du lieu de résidence du prévenu ou de son lieu d’arrestation, même si cette arrestation a été opérée pour une autre cause. La compétence du tribunal s’étend aux délits et aux contraventions qui forment, avec l’infraction déférée au tribunal, un ensemble indivisible; elle peut aussi s’étendre aux délits et contraventions connexes. Aux termes de l’article 180, sous réserve de ces dispositions, le tribunal du lieu d’infraction est seul compétent en ce qui concerne le jugement des contraventions.

59.En matière criminelle, seule la cour d’assises est compétente. Elle a plénitude de juridiction pour juger tout individu renvoyé devant elle par la chambre d’accusation (art. 207 du Code de procédure pénale). L’analyse de ces dispositions permet d’affirmer que la législation pénale béninoise ne distingue pas, en ce qui concerne les faits commis sur son territoire, la nationalité du prévenu.

60.Le titre 9 du Code de procédure pénale béninois est consacré aux crimes et délits commis à l’étranger, soit par des citoyens béninois, soit par des étrangers. Selon l’article 557 dudit Code, est réputée commise sur le territoire de la République toute infraction dont un acte caractérisant un de ses éléments constitutifs a été accompli au Bénin.

61.De même, selon l’article 558 du Code de procédure pénale, toute personne de nationalité étrangère peut être poursuivie et jugée pour des infractions commises en dehors du territoire national par les juridictions béninoises, si elle est arrêtée au Bénin ou si elle fait l’objet d’une extradition obtenue par le Gouvernement.

62.Une victime d’actes de torture peut se fonder sur les dispositions générales énoncées dans les articles 15 et 19 de la Constitution. En effet, alors que l’article 19 prévoit la répression, conformément à la loi, de tout acte de torture, sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’article 15 réaffirme, quant à lui, le droit de tout individu à la vie, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne.

63.Si l’auteur présumé d’actes de torture se trouve au Bénin, les mêmes règles de compétence sont applicables, sans distinction de son origine ou de sa nationalité, et quelle que soit la nationalité de l’auteur non extradé. La juridiction saisie qui statue sur la culpabilité et prononce la peine, règle en même temps la question des intérêts civils, si elle peut se prononcer en l’état sur la demande de dommages et intérêts. Dans le cas contraire, elle peut accorder une provision, selon l’article 429 du Code de procédure pénale.

64.Toute victime conserve également la possibilité de recourir aux juridictions civiles, sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil. Cet article édicte que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. Les conditions d’exercice de l’action sont dans ce dernier cas définies dans les articles 4 à 6 du Code de procédure pénale.

65.Il ressort de ces dispositions que l’action civile, exercée en même temps et devant la même juridiction, est recevable pour les dommages matériels et les préjudices corporels ou moraux à la charge de l’auteur de l’infraction poursuivie. En cas d’exercice séparé des deux, il est sursis à statuer sur l’action civile. Si la partie civile attrait l’auteur des faits devant la juridiction civile, il n’est plus fondé à en saisir postérieurement, pour la même affaire, les juridictions répressives. Le Code de procédure pénale reconnaît néanmoins cette faculté au ministère public, tant qu’une décision n’est pas encore rendue sur le fond. Mais, selon l’article 438 du Code de procédure pénale, la partie civile qui succombe est tenue aux frais, sauf décision spéciale du tribunal pour l’en décharger en tout, ou en partie, et quelle que soit sa nationalité.

Article 6

66.Dans la législation en vigueur au Bénin, les préoccupations de l’article 6 de la Convention contre la torture sont en partie prises en compte par les dispositions de l’article 40 du décret n° 97-30 du 29 janvier 1997, selon lesquelles «les établissements pénitentiaires servent à la détention des personnes condamnées à des peines privatives de liberté et à celle des personnes soumises à une information judiciaire en cours ou en attente du jugement définitif; ce principe s’applique à tout détenu sans condition de nationalité».

67.L’article 39 de la Constitution du 11 décembre 1990 prévoit également que «les étrangers bénéficient sur le territoire de la République du Bénin des mêmes droits et libertés que les citoyens béninois et ce, dans les conditions déterminées par la loi. Ils sont tenus de se conformer à la Constitution, aux lois et aux règlements de la République».

68.Tout individu soupçonné d’avoir commis un acte de torture ou d’avoir infligé d’autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, doit également être soumis à une enquête préliminaire, conformément aux dispositions des articles 43, 46, 50 à 53 et 64 à 66 du Code de procédure pénale (voir, en annexe, les textes de ces articles).

69.Par ailleurs, il ressort des dispositions de la Convention générale de coopération en matière de justice du 12 septembre 1961, ratifiée à Kinshasa le 28 janvier 1969, entre le Bénin et onze pays africains (art. 4) d’une part, et de l’Accord de coopération en matière de justice, du 27 février 1975, entre le Gouvernement de la République du Dahomey et le Gouvernement de la République française, d’autre part, que les parties contractantes ont un accès libre et facile aux tribunaux tant administratifs que judiciaires, et bénéficient de l’assistance judiciaire au même titre que les nationaux eux‑mêmes, conformément à la loi du pays (voir annexes 7 et 9).

70.Ces textes, tout comme le Traité d’extradition entre la République populaire du Bénin et la République togolaise prévoient que la procédure d’extradition ne peut être déclenchée sans demande de l’État requérant. Cette demande sera exercée par voie diplomatique et précisera les faits reprochés ou mis en cause, le temps ou le lieu où ils ont été commis, la qualification légale et les références, ainsi que le texte des dispositions légales qui lui sont applicables dans l’État requis, et toute indication sur son identité et sa nationalité. Il importe de préciser que la procédure d’extradition ne peut être déclenchée que contre une personne poursuivie ou condamnée dans l’État requérant. Une demande d’arrestation provisoire peut être faite en attendant la demande formelle d’extradition, mais devra être confirmée par voie diplomatique.

71.Le Code de procédure pénale consacre un chapitre spécial à la détention préventive et à l’exécution des peines privatives de liberté et des sentences pénales. La détention préventive s’exécute dans une prison. Le détenu ne doit pas être soumis au travail, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur de la maison d’arrêt, sauf s’il en fait la demande. Il doit lui être garanti toutes communications ou facilités compatibles, pour l’exercice de sa défense, avec les exigences de la discipline et de la sécurité de la prison (art. 568 et 571 du Code de procédure pénale). Au regard de ces dispositions, toute personne détenue dans les conditions précitées peut bénéficier de ces garanties en saisissant par voie hiérarchique les autorités compétentes.

72.Dans la pratique, les autorités chargées d’appliquer ces dispositions sont des officiers de la police judiciaire, des régisseurs et des gardiens-chefs de prison et de maison d’arrêt. Ont qualité d’officiers de la police judiciaire:

–Les officiers, adjudants-chefs, adjudants, maréchaux de logis - chefs de la gendarmerie;

–Les maréchaux de logis de la gendarmerie, après examen professionnel, par arrêté ministériel des Ministères de la justice et de la défense;

–Les commissaires de police et officiers de police;

–Les inspecteurs de police désignés après examen professionnel, par arrêté ministériel des Ministères de la justice et de l’intérieur.

Article 7

73.En vertu de l’article 39 de la Constitution, les étrangers bénéficient, sur le territoire de la République du Bénin, des mêmes droits et libertés que les citoyens béninois et ce, dans les conditions déterminées par la loi. Ils sont tenus de se conformer à la Constitution, aux lois et aux règlements de la République.

74.Sur cette base, l’étranger soupçonné et non extradé doit être jugé comme un citoyen béninois contre lequel toutes ces accusations ont été relevées. Du moins, c’est ce qui devrait se faire conformément aux dispositions du Code de procédure pénale en vigueur au Bénin. L’article premier édicte que l’action civile pour l’application des peines, est engagée et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires désignés par la loi ou par la partie lésée elle‑même.

75.Les autorités chargées de l’action civile et de l’instruction sont:

–La police judiciaire

–Les officiers de la police judiciaires;

–Les agents de la police judiciaire;

–Les fonctionnaires et agents auxquels sont attribuées, par la loi, certaines fonctions de la police judiciaire parmi lesquels on peut citer les maires, les chefs de villages, les sous‑préfets et les préfets.

–Le ministère public

–Le Procureur de la République et ses substituts;

–Le Procureur général et ses substituts.

–Le juge d’instruction

L’intéressé peut saisir le doyen des juges d’instruction, directement sur plainte, avec constitution de partie civile. Aucune disposition légale n’autorise cette autorité, au Bénin, à traiter différemment l’auteur présumé d’une infraction selon sa nationalité. Dans ces conditions, sa décision doit intervenir dans les mêmes conditions que pour tout crime ou délit prévu par la loi.

76.Les règles de l’administration de la preuve qui sont applicables à toute espèce sont celles prévues dans le Code de procédure pénale dans ses articles 397 à 422. Tout mode de preuve est admis aux termes de ces dispositions, tel que l’aveu, les procès‑verbaux, les auditions de témoins, les pièces à conviction. Cependant, quel que soit le mode de preuve utilisé, le juge décidera en fonction de son intime conviction, en fondant sa décision sur les preuves qui lui auront été apportées au cours des débats.

77.En ce qui concerne les exemples pratiques de la mise en œuvre des dispositions de l’article 7 de la Convention, les juridictions béninoises n’ont pas connu de cas de tortionnaires étrangers. En conséquence, aucun exemple de jugement rendu à cet effet ne peut être joint au présent rapport.

Article 8

78.Divers accords sur l’extradition ont été signés par le Bénin avec d’autres États parties en vue de faciliter un échange régulier d’informations judiciaires sur les délinquants ressortissant d’un pays État partie à ces accords et passibles de sanctions pénales.

79.Parmi les textes existant en matière de justice, il faut notamment citer, par ordre chronologique:

–La Convention générale de coopération en matière de justice, signée à Tananarive le 12 septembre 1961, et ratifiée à Kinshasa le 28 janvier 1969 par douze États africains contractants dont, la République du Dahomey (voir annexe 7);

–L’Accord de coopération en matière de justice, signé entre la République du Dahomey et la République française, le 27 février 1975 (voir annexe 9);

–Le Traité d’extradition entre le Bénin, le Ghana, le Nigéria et le Togo, en date du 10 décembre 1984 (voir annexe 8).

80.Tous ces instruments énoncent clairement des dispositions générales pour la répression des crimes et délits commis par des délinquants dans les États signataires mais n’évoquent pas, de manière explicite, la lutte contre toutes les formes de torture. En revanche, on peut y lire l’interdiction formelle d’extrader une personne pour des infractions à caractère politique ou pour des infractions connexes, pour des crimes ou délits d’opinion en raison de la race, de la religion ou de la nationalité.

81.En effet, la Convention générale de coopération en matière de justice et l’Accord de coopération en matière de justice stipulent respectivement dans leurs articles 44 et LVI «que l’extradition pourra être refusée si l’infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par l’État requis comme une infraction politique ou comme une infraction connexe à une telle infraction». L’article LVI précise en outre que «pour l’application du présent accord, l’attentat à la vie d’un chef d’État ou d’un membre de sa famille ne sera pas considéré comme une infraction politique».

82.L’article 4 du Traité d’extradition va beaucoup plus loin que les instruments précédents. Il dispose que «l’extradition ne sera pas accordée pour crime et délit à caractère politique, ou s’il est dénoncé que la demande d’extradition est faite en vue de juger ou de punir un individu pour crime ou délit à caractère politique, ou si la demande vise à poursuivre en justice ou à punir en raison de la race, de la religion, de la nationalité ou pour une opinion politique».

83.Dans la pratique, peu d’extraditions ont eu lieu au Bénin. Dans la jurisprudence plutôt rare, il faut surtout citer le cas du couple nigérian Banjo accusé de détention illégale d’armes et de matériel de guerre, arrêté puis condamné au Bénin à 12 mois de prison ferme au terme du jugement n° 396/B du 3 décembre 1996 rendu par la chambre correctionnelle du Tribunal de première instance de Cotonou. L’extradition de ce couple, demandée par la suite, par le Nigéria, ne s’est pas faite, bien qu’il existe entre le Bénin et ce pays une Convention d’extradition en date du 10 décembre 1984, et ce grâce à la vigilance de la Ligue pour les droits de l'homme du Bénin qui a su dénoncer cette extradition à temps et exercer des pressions sur les autorités béninoises pour les empêcher de mener une telle action.

84.La Constitution de la République du Bénin affirme, dans son préambule, l’opposition fondamentale du peuple béninois à tout régime fondé sur l’arbitraire. En vue de garantir la sécurité judiciaire et juridique, le pays dispose depuis 1960 de huit tribunaux de première instance, quelques tribunaux de conciliation qui n’ont aucune fonction ou pouvoir juridictionnel; le Bénin a une seule cour d’appel à Cotonou, qui a compétence sur l’ensemble du territoire national.

85.Les États généraux de la justice, tenus à Cotonou du 4 au 7 novembre 1996, ont permis à toutes les catégories sociales et professionnelles, ainsi qu’aux institutions gouvernementales et non gouvernementales, de s’exprimer sur l’appareil judiciaire de notre pays et de définir les défis de la justice béninoise à partir des problèmes rencontrés par les professionnels et les usagers. Les décisions prises devraient permettre de répondre au manque de ressources humaines, matérielles et financières, de juger le nombre exorbitant de dossiers, et de supprimer ainsi la lenteur judiciaire qui est de nature à décourager le justiciable.

86.La Constitution affirme, dans son article 125, que «le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est exercé par la cour suprême, les cours et les tribunaux». Dans le préambule de son programme d’action, le Gouvernement a affirmé sa détermination à créer un état de droit. Il faut noter que d’autres actions urgentes initiées par la Ligue des droits de l’homme, respectivement en date du 10 et 12 juin 1996, ont permis de surseoir au retour forcé au Togo d’opposants togolais civils réfugiés au Bénin à la demande des autorités togolaises (voir annexe 20-b).

Article 9

87.L’entraide judiciaire est un principe qui a été consacré dans tous les instruments en matière d’extradition contractés par le Bénin. Ainsi, aux termes de l’article premier de la Convention générale de coopération en matière de justice, il est stipulé que «les parties contractantes instituent un échange régulier d’informations en matière d’organisation judiciaire, de législation et de jurisprudence». Des dispositions similaires se retrouvent dans l’article premier de l’Accord de coopération en matière de justice où il est mentionné que «la République du Dahomey (Bénin) et la République française instituent un échange régulier d’informations en matière d’organisation judiciaire, de législation et de jurisprudence».

88.Le Traité d’extradition du 10 décembre 1984 est par contre le seul texte qui n’incorpore pas expressément d’article sur la question. Mais cette volonté d’échange d’informations peut se déduire aisément du contenu du préambule qui se lit comme suit: «les parties contractantes […] désireu[ses] de renforcer la coopération juridique, désireu[ses] de combattre la criminalité sous toutes ses formes et notamment de faciliter l’arrestation et le jugement des délinquants qui se seraient enfuis du territoire d’une des parties contractantes sur le territoire d’une autre […]».

89.Comme on peut le constater, tous ces instruments ont un point commun entre eux: inscrire dans les dispositions générales préliminaires la préoccupation d’une coopération juridique basée sur un vaste échange d’informations. Des commissions rogatoires existent très souvent entre les États parties concernant des crimes et délits de toute nature. Les cas liés spécifiquement à la torture, que ce soit de manière directe ou indirecte, sont cependant quasi absents dans la pratique.

Article 10

90.D’une manière générale, les catégories professionnelles visées dans cet article sont tenues, comme tout citoyen béninois, de se conformer aux dispositions constitutionnelles relatives aux droits de la personne humaine, en particulier au regard des articles 8, 15, 18, 19 et 34 à 36 de la Constitution du 11 décembre 1990.

1.Personnel civil

1.1La police

91.La formation assurée au personnel de la police n’inclut pas, de manière express, de dispositions relatives à l’information concernant l’interdiction de la torture. Mais en pratique, il est enseigné, voire inculqué à chaque agent de police l’intérêt de ne pas s’impliquer dans les procédures suivies par lui. Dans les cours de procédure pénale, l’enseignement de la procédure en ce qui concerne notamment les enquêtes préliminaires, souligne la nécessité de respecter la dignité du citoyen et l’obligation de n’exercer aucune forme de violence ou de sévices corporels sur la personne interrogée. Il apparaît donc clairement que cet enseignement interdit toutes formes de sévices et de torture.

1.2Les fonctionnaires et agents des administrations et des services publics

92.L’article 23 du Code de procédure pénale indique que les fonctionnaires et agents des administrations et des services publics, auxquels des lois spécifiques attribuent certains pouvoirs de police judiciaire, devront exercer ces pouvoirs dans les conditions et les limites fixées par la loi. À ce titre, les chefs d’arrondissement, de village ou de quartier peuvent informer sans délai la gendarmerie ou les services de police des crimes et délits portés à leur connaissance. Ils peuvent assurer la conservation des indices, traces, armes et instruments susceptibles de disparaître jusqu’à l’arrivée des autorités de police judiciaire et, dans les cas de crimes ou délits flagrants passibles d’une peine d’emprisonnement, ils doivent appréhender l’auteur et le faire conduire à l’autorité judiciaire la plus proche.

2.Personnel militaire

2.1La gendarmerie

93.Elle est régie par le décret n° 95‑383 du 22 novembre 1995 (voir annexe), portant attributions, organisation et fonctionnement de la gendarmerie nationale. Elle fait partie des forces armées nationales et s’intègre dans les dispositifs administratif, judiciaire et militaire du pays. Selon les articles 1 et 3 dudit décret, la gendarmerie constitue une force humaine au service de l’État et des populations, qui a pour charge de veiller à la sûreté publique et d’assurer l’ordre public ainsi que l’application des lois et des règlements. Elle assure une mission de renseignement, participe à la défense opérationnelle du territoire, et assure une surveillance continue, tant au niveau préventif que répressif, au profit des divers départements ministériels, en particulier le Ministère de la défense nationale dont elle est un organe de commandement (art. 12 du décret n° 97-143 du 25 mars 1997 portant attributions, organisation et fonctionnement du Ministère de la défense nationale, le Ministère de l’intérieur et le Ministère de la justice.

94.C’est à la direction générale de la gendarmerie nationale que revient la charge de recruter et de former du personnel de gendarmerie, en fonction des directives du Gouvernement (art. 18). Elle s’appuie sur trois groupements régionaux créés par décrets qui rassemblent, sous leur commandement, les unités de gendarmerie départementale et des structures spécialisées.

95.Il faut constater que l’interdiction de la torture n’existe pas dans les disciplines enseignées à la gendarmerie nationale du Bénin. Mais, depuis peu, certains programmes se mettent en place. Au mois de juillet 1997, par exemple, pendant un mois et demi, le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a proposé une série d’exposés aux élèves gendarmes. Début août 1997, dans le cadre de la promotion du droit international humanitaire, les élèves gendarmes en formation ont également suivi un séminaire pendant deux semaines. Ils ont ainsi été initiés à la manière d’aborder les prisonniers et les victimes en temps de guerre, et à ne pas les brimer ou pratiquer sur eux la torture. L’enthousiasme des élèves gendarmes ainsi que le désir manifeste des instructeurs de voir se répéter de telles expériences, voire de les inclure en permanence dans le programme de formation des gendarmes, permettent d’espérer des changements de comportement envers les citoyens en temps de paix.

96.De plus, de manière générale, la gendarmerie nationale a pour mission d’être au service de l’État de droit où la dignité et le respect de la personne humaine doivent être observés. Cela se traduit d’ailleurs par l’attitude très courtoise des gendarmes. Les principes fondamentaux de la déontologie du gendarme sont affichés dans les unités de gendarmerie, et insistent notamment sur les relations publiques. Dans l’exécution de sa mission, la gendarmerie nationale a donc un devoir d’assistance à toute personne en danger et doit ainsi veiller à la sécurité individuelle. Il faut également noter que lors des cours préparatoires aux examens d’officiers de police judiciaire, les gendarmes sont sensibilisés à l’interdiction de pratiquer la torture.

2.2L’armée

97.Les militaires n’ont aucune compétence, sauf cas exceptionnels, pour procéder à des enquêtes ou punir une personne pour un acte qu’elle est soupçonnée avoir commis. Les militaires ne sont donc pas formés à intervenir dans ces domaines, ce qui suppose qu’ils ne devraient pas infliger intentionnellement des douleurs ni des souffrances aiguës, physiques ou mentales dans le but d’obtenir des renseignements ou des aveux, conformément à l’article premier de la Convention.

98.Cependant, au cours de la période révolutionnaire de 1972 à 1990, des militaires ont été investis de missions politiques d’investigation pour des délits d’opinion ou des crimes supposés contre la sûreté de l’État et ont fait usage de force et de violence. Ils représentent aujourd’hui la grande majorité des tortionnaires tristement célèbres au Bénin.

99.Une nouvelle organisation a été mise en place suite à la Conférence nationale des forces vives, en février 1990. Les forces armées populaires du Bénin, qui regroupaient auparavant les fonctions de la police, de la gendarmerie et de l’armée ont ainsi été réorganisées de manière à séparer de nouveau ces fonctions. Le personnel militaire relève aujourd’hui du Ministère de la défense nationale qui est actuellement régis par le décret n° 97-143 du 25 mars 1997, (voir annexe 2). Selon ce décret, le Ministère de la défense nationale est garant de la lutte pour un état de droit au Bénin. L’article 23, consacré à la Direction de la programmation, de la prospective et de la coopération militaire, lui fixe pour mission de conduire des réflexions sur la doctrine stratégique du Bénin. L’article 24 organise quant à lui la coordination des mesures nécessaires à la protection des renseignements, objets, documents ou procédés intéressant la défense au sein des forces armées et des organismes relevant du Ministère de la défense nationale.

100.Même si formellement le programme de formation militaire n’incorpore pas l’enseignement et l’information concernant l’interdiction de la torture, des cours intitulés «droits de l’homme», «libertés publiques», «procédure pénale théorique» et «procédure pénale pratique» sont dispensés aux officiers de police judiciaire en stage. Par ailleurs, ces cours sont, depuis quelques années, appuyés par des séminaires de formation sur les droits de l’homme en général et sur le droit international humanitaire, en particulier, dans le cadre de la vulgarisation et de l’application effective des Conventions de Genève du 12 août 1949 et de leurs protocoles additionnels.

101.Le but de cet enseignement est de préparer les sous‑officiers de l’armée à accomplir efficacement les missions concernant la police judiciaire, telles que définies par la loi, et de les rendre plus aptes à servir en brigade. Le programme, en vigueur depuis le 11 février 1997, dans le cadre des stages de formation, de recyclage et de perfectionnement du personnel de la gendarmerie nationale, ne fait qu’appuyer la volonté réelle de l’État béninois de respecter les dispositions des instruments internationaux qu’il a ratifiés.

3.Personnel médical

102.La faculté de médecine de l’Université nationale du Bénin forme les étudiants aux sciences de la santé. Elle relève du Ministère de l’éducation nationale et de la recherche scientifique. L’enseignement, avant les années de spécialisation, dure sept ans et est organisé comme suit: cours et stages pratiques de la première à la cinquième année, internat la sixième année et soutenance de thèse d’État en médecine la dernière année. Tout médecin béninois est soumis, avant sa prise de fonction, au serment d’Hippocrate qui lui impose des attitudes positives vis‑à‑vis de la personne humaine. Ce serment énonce les principes généraux de la déontologie médicale en matière de droit à la santé. L’esprit de l’enseignement donné vise à protéger l’intégrité physique et mentale de l’homme et à lui faire recouvrer, par les moyens les plus adéquats, sa santé aussi bien physique que mentale. Les programmes d’enseignement sont aménagés par le doyen de la faculté, en collaboration avec ses pairs du corps professoral.

103.La torture est étudiée dans le cursus de formation des médecins et figure essentiellement dans les cours de médecine légale de cinquième année. Il est souvent fait appel à un spécialiste étranger pour les assurer. On peut également relever que le personnel médical n’apprend pas l’aspect juridique de la torture; il n’en étudie ni les éléments constitutifs comme infraction réprimée par le droit pénal, ni les peines correspondantes. Le programme de formation est axé sur tout ce qui a trait à la personne humaine: viol, torture, coups et blessures volontaires, meurtres et assassinats et toutes autres formes de violence. Il aide le personnel médical à reconnaître aisément tout traumatisme causé par de tels actes.

104.Il y a lieu de souligner qu’un cours de psychologie médicale incluant des notions sur la torture y est dispensé sur deux ans dès la première année de formation. Cet enseignement vise à déterminer, à partir des lésions constatées sur les victimes, les causes de celles‑ci et les moyens utilisés par les auteurs de tels actes. L’étude des lésions permet de constater, ou de déterminer, le sexe de la victime examinée, son âge, et s’il s’agit d’un enfant ou d’un adulte. Il faut en outre noter que, depuis la ratification de la Convention contre la torture, ce programme ne semble pas avoir connu de réelles modifications.

4.Participation des organisations non gouvernementales à l’enseignement et à l’information concernant l’interdiction de la torture

105.Il est difficile d’affirmer que des organisations non gouvernementales interviennent dans la formation spécifique sur l’interdiction de la torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elles proposent le plus souvent une formation générale en matière de droits de l’homme et de libertés individuelles. Les organisations non gouvernementales sont en effet très actives en matière de lutte contre la violation des droits de l’homme, sous quelque forme que ce soit. Elles dénoncent leurs violations flagrantes par l’intermédiaire de programmes d’information, de conférences, de séminaires ou de publications. En ce qui concerne la torture, de nombreuses activités ont été entreprises par plusieurs organisations non gouvernementales. On peut, à titre indicatif, citer les organisations suivantes:

4.1La Commission béninoise des droits de l’homme

106.Créée par la loi n° 89-004 du 12 mai 1989, la Commission béninoise des droits de l’homme participe à toutes les actions en faveur de la promotion ou de la défense des droits de l'homme. Dans le cadre de la promotion des droits de l’homme, elle a organisé de nombreux séminaires et conférences dans tous les départements du Bénin sur des thèmes variés. Elle a également effectué la traduction de la Déclaration universelle des droits de l’homme en huit langues nationales. Elle travaille aussi activement pour la célébration de la Journée des droits de l'homme au Bénin, le 21 octobre de chaque année.

107.Dans le cadre de la défense des droits de l’homme, la Commission béninoise des droits de l’homme lutte contre les diverses violations des droits de l’homme; elle donne des consultations et organise des visites inopinées dans des commissariats, brigades de gendarmerie ou autres maisons de détention ou d’arrêt. Comme moyen d’action, elle rédige des communiqués de presse, effectue des dénonciations publiques (radios, journaux, télévision) et organise des séminaires ou des conférences. Elle prépare un bilan sur l’état des droits de l’homme au Bénin et a également entamé l’exécution d’un programme de formation en droit de la personne destiné aux forces de sécurité publique, au personnel de commandement, aux responsables politiques et autres institutions s’occupant des droits de l’homme.

4.2La Ligue pour la défense des droits de l’homme

108.Elle effectue périodiquement des publications des conférences ou des déclarations faisant état de protestations contre des cas précis de violation des droits de l’homme ou des libertés individuelles. La Ligue pour la défense des droits de l’homme s’est spécialisée dans la lutte contre la torture et son impunité et contre l’extradition des réfugiés lorsqu’elle estime que leur sécurité serait menacée s’ils étaient renvoyés dans leur pays d’origine.

109.Au nombre de ses publications se trouve «La nomenclature des tortionnaires de la République du Bénin, de 1972 à 1991», dont la deuxième édition est une mise à jour allant jusqu’en 1995. Dans cette brochure, la Ligue a publié un dossier d’enquêtes répertoriant les tortionnaires de la période considérée, leurs commanditaires et leurs complices avec, à chaque point, la liste de leurs victimes.

110.Il paraît intéressant de citer la définition, donnée par la Ligue, du tortionnaire: «Le tortionnaire, ce n’est pas nécessairement le bras qui a frappé, mais c’est d’abord et surtout celui qui a donné les ordres, celui qui a armé le bras exécuteur. Le tortionnaire, ce n’est pas tout homme en treillis. Le tortionnaire, ce n’est pas seulement le militaire, le gendarme ou le policier, mais c’est aussi le bureaucrate civil qui a ordonné la répression et l’incarcération des innocents».

111.L’association des anciens détenus politiques et victimes de la répression au Bénin, dont est issue la Ligue des droits de l’homme, a, conformément à sa mission d’urgence, publié «Le livre blanc sur la torture au Bénin. 1972-1990». L’objectif a été de dénoncer les violations des droits de l’homme avant 1990 et d’informer l’opinion publique nationale et internationale sur l’état des droits de l’homme au Bénin sous le régime militaire révolutionnaire du parti unique de la révolution populaire. Ce document présente de nombreux témoignages sur les conditions d’arrestation et de détention ainsi que sur les traitements subis par les victimes de la torture, et les séquelles auxquelles elles doivent faire face.

112.Des rapports sont également présentés semestriellement et font le point sur toutes les activités menées, dont celles contre la torture. Les publications de la Ligue des droits de l’homme du 25 octobre 1990 et du 20 mai 1991 parlent, entre autres, des activités de l’organisation contre la torture et de ses corollaires au Bénin.

4.3Amnesty International

113.Son action se base sur l’indivisibilité et l’interdépendance des droits de la personne humaine et sur la promotion des droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans d’autres instruments internationaux. Mouvement mondial composé de bénévoles, cette organisation tente d’empêcher les gouvernements de commettre certaines des violations les plus graves des droits de l’homme. Elle cherche essentiellement à obtenir:

–La libération de tous les prisonniers d’opinion, c’est-à-dire des personnes détenues du fait de leurs convictions, de leur couleur ou de leur langue (et qui n’ont pas usé de violence, ni préconisé son usage);

–Un procès équitable dans un délai raisonnable pour les prisonniers politiques;

–L’abolition de la peine de mort, de la torture et de tout traitement cruel à l’égard des prisonniers;

–La fin des exécutions extrajudiciaires et des disparitions.

114.La torture est l’une des préoccupations majeures d’Amnesty International dans de nombreux pays. La section béninoise participe à cette mission en organisant des conférences et des campagnes d’éducation aux droits de l'homme, et en effectuant des publications annuelles sur les violations enregistrées dans le pays et sur les cas de torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle demande au Gouvernement de veiller à ce que toutes les allégations de torture fassent l’objet d’une enquête appropriée (voir rapport 1997, p. 379). La dénonciation des violations des droits de l’homme et les publications sont quelques‑unes de ses activités en matière d’information et d’enseignement concernant l’interdiction de la torture. Il faut noter que les rapports annuels d’Amnesty International de 1996 et de 1997 n’ont pas traité de cas de violations constatées au Bénin.

4.4L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture - Bénin

115.Toute son action est fondée sur l’article 18 de la Constitution et sur l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

4.5La Croix-Rouge

116.La section béninoise de la Croix-Rouge a été créée en 1959 et fonctionne sur la base des Conventions de Genève du 12 août 1949 et de leurs protocoles additionnels. Elle a pour mission de prévenir et d’atténuer les souffrances, en toute impartialité, sans aucune discrimination basée notamment sur le sexe, la classe, la religion ou l’option politique de la personne.

117.À cet effet, ses objectifs sont, notamment:

–D’agir en cas de conflits armés et de se préparer à servir, en temps de paix, d’auxiliaire des services sanitaires publics dans tous les domaines prévus par les Conventions de Genève, et en faveur de toutes les victimes civiles ou militaires;

–De contribuer à l’amélioration de la santé, à la prévention des maladies et à l’allègement des souffrances, selon les nécessités et les conditions nationales et locales;

–D’organiser, dans le cadre du plan national en vigueur, les secours d’urgence en faveur des victimes de désastres de toute nature;

–De recruter, d’instruire et d’affecter le personnel nécessaire à l’accomplissement des tâches qui lui sont confiées;

–De propager les principes humanitaires de la Croix-Rouge en vue de développer au sein de la population, notamment parmi les enfants, les idéaux de paix, de respect et de compréhension mutuelle entre tous les hommes et tous les peuples.

118.En matière de diffusion et d’information, la Croix-Rouge béninoise s’efforce d’intensifier, avec le soutien de la délégation de la Croix-Rouge internationale du Bureau de Lomé, la promotion et la vulgarisation du droit international humanitaire dans les écoles, lycées et collèges, à l’université et dans les garnisons, les écoles de police et de gendarmerie.

4.6Association des femmes juristes du Bénin

119.Cette association assure une formation en matière de droits de l’homme, et plus particulièrement les droits de la femme. Dans le cadre des séances de sensibilisation ou code de la famille, elle a ouvert des centres d’aide juridique où sont traités des problèmes de droit en mettant l’accent sur les problèmes spécifiques au milieu concerné. L’Association des femmes juristes du Bénin a initié un vaste programme de formation d’étudiants juristes dans certaines localités du Bénin, notamment à Dangbo, au sud, Savalou, au centre et Parakou, au nord-est. Des notions élémentaires de droits y sont abordées et des guides juridiques ont été confectionnés afin de mener à bien cette mission.

4.7Défense des enfants-International

120.Cette association assure un enseignement en matière de droits de l’enfant. Cette formation est donnée lors de conférences et de séminaires, comme par exemple le séminaire sur le droit à la vie et les pratiques coutumières au Bénin qui a eu lieu à Parakou en novembre 1995 et qui a été réalisé en collaboration avec l’Association béninoise d’assistance à l’enfant et à la famille. Ce séminaire avait pour objectif de lutter contre les violations des droits de l’enfant qui ont lieu pour des raisons culturelles ou sociologiques, et qui entraînent l’abandon ou le rejet des enfants, la torture physique ou mentale, voire l’infanticide culturel. Les rapports de ces séminaires sont envoyés à toutes les institutions étatiques qui travaillent sur les questions de l’enfance. Cette association se préoccupe également de la torture infligée à l’enfant, tant sur le plan physique que mental. Elle a également engagé une lutte contre la maltraitance et les violences infligées aux enfants, en collaboration avec l’Association béninoise d’assistance à l’enfant et à la famille.

Article 11

a)La garde à vue

121.La garde à vue est strictement réglementée par le Code de procédure pénale et ne peut durer, en règle générale, plus de 48 heures. Ce délai peut être prolongé de 24 heures sur autorisation du Procureur de la République en cas d’indices graves et concordants contre une personne qui doit lui être présentée au préalable. Exceptionnellement, et dans les cas strictement prévus par la loi, ce délai peut être prorogé en vertu de l’article 18 de la Constitution, sans toutefois excéder huit jours.

122.Cette mesure policière privative de liberté peut être prise par des fonctionnaires et des militaires ayant reçu de la loi la qualité d’officier de police judiciaire. Pour les nécessités d’enquête, toute personne présente sur les lieux d’une infraction susceptible de fournir des renseignements sur les faits peut être gardée à vue pour 24 heures si l’enquête se déroule dans la localité où il réside, et 48 heures dans tous les autres cas. Peut également être gardée à vue toute personne contre laquelle l’enquête rassemble des indices ou des preuves qui laissent apparaître sa culpabilité. Aux termes de l’article 52 du Code de procédure pénale, il est stipulé que tout officier de police judiciaire doit mentionner, sur le procès-verbal de toute personne gardée à vue, la durée des interrogatoires auxquels elle a été soumise et celle des repos qui ont séparé ces interrogatoires, le jour et l’heure à partir desquels elle a été gardée à vue, ainsi que le jour et l’heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit amenée devant le magistrat compétent ou tenue à la disposition de ce magistrat.

b)Le contrôle des conditions de détention

123.La République du Bénin a adhéré à toutes les Conventions consacrant les droits de l’homme ainsi qu’à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et aux garanties qui en découlent, telles que le droit d’être jugé équitablement, d’avoir une défense et le droit à un traitement digne et conforme aux prescriptions internationales en matière de droits de l’homme.

124.Ces droits sont préservés par la Cour constitutionnelle que tout citoyen peut saisir et qui doit rendre sa décision dans un délai très court (de huit jours). Au-delà de cette institution dont les décisions sont sans recours, les procureurs généraux et les procureurs de la République, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale, exercent une surveillance et un contrôle directs sur l’action de la police et de la gendarmerie, notamment en matière de garde à vue. Ces dernières ne peuvent, dans le cadre de leurs enquêtes, arrêter une personne pendant plus de 24 heures sans recevoir l’aval des magistrats qui ont le devoir de mettre fin immédiatement à toute arrestation arbitraire.

125.De plus, lorsque la personne retenue par la police au cours de son enquête paraît être la personne coupable des faits poursuivis, quelle que soit la gravité de son acte, elle ne peut faire l’objet de torture ou de sévices. Si tel est néanmoins le cas, elle a la possibilité de formuler une plainte contre ses tortionnaires qui subiront les rigueurs de la loi. Ce fut le cas d’Ibrahim Zakarycontre le Sergent Billa Konso, chef de poste du 6 au 7 janvier 1990, au camp militaire situé près de l’hôtel PLM Alédjo, du sergent Apollinaire Hounkpatin, chef de poste du 7 au 8 janvier 1990, du soldat de première classe Nicolas Agossou en service du 7 au 8 janvier 1990 dans le même camp, et du nommé Cosme Agoli-Agbo, gendarme domicilié au quartier Banikani, à Parakou (voir annexe 20-a).

126.Ce fut également le cas dans l’affaire Boubacar Diawara c. Seïdou, Fousséni Gomina et Jean N’tcha. Les personnes mises en cause étaient de hauts responsables des services de sécurité qui, sur plainte de M. Diawarra, ont été appréhendés, poursuivis et jugés pour avoir infligé des mauvais traitements à un détenu du nom de Balde Samba Tene qui en serait décédé. (voir rapport d’Amnesty International, 1992, p. 69). Elles sont accusées et poursuivies pour arrestation et séquestration arbitraires, complicité de coups mortels, extorsion de fonds et abus de confiance. Ce dossier est encore actuellement pendant devant la Chambre d’accusation qui est la dernière étape avant la saisine de la Cour d’assises devant laquelle des personnes risquent des condamnations pouvant aller jusqu’aux travaux forcés à perpétuité.

127.En tout état de cause, la détention de la personne poursuivie ne peut se faire que sur la base de charges sérieuses et suivant un titre délivré par une autorité judiciaire compétente, qu’il s’agisse d’un juge d’instruction ou d’un procureur de la République en cas de flagrance. Cette détention doit s’opérer dans des conditions humainement acceptables, l’État a le devoir de lui assurer la sécurité en veillant à préserver sa santé et à garantir sa subsistance.

128.Des informations recueillies et des constats qui ont été faits, il ressort que les détenus et tous les observateurs assimilent les conditions de vie dans ces maisons d’arrêt à une forme de torture et d’avilissement de la personne humaine. En effet, la plupart des détenus se plaignent de sous‑alimentation, de mauvaise alimentation ou de l’insuffisance des rations. De même, quand ils tombent malades, des soins leur sont prodigués dans les centres de santé ou dans les hôpitaux, mais il leur est pratiquement impossible d’obtenir les médicaments prescrits. Ils doivent souvent recourir aux organisations non gouvernementales, aux missionnaires ou aux bonnes volontés des responsables des maisons d’arrêt pour acheter des produits pharmaceutiques.

129.Il faut également noter que les prisons sont surpeuplées comme l’indique le tableau ci‑après.

c)Évolution de la situation carcérale

Prisons civiles

Condamnés

Inculpés

Prévenus

Total

Cotonou

506

580

245

1 331

Porto‑Novo

273

345

139

757

Ouidah

184

78

30

292

Abomey

131

367

177

675

Athiémé

186

143

19

348

Parakou

140

98

39

277

Kandi

89

60

19

168

Natitingou

76

82

26

184

Effectif total: 4 032.

130.À la date du 17 novembre 1997, la prison civile de Natitingou était composée de 165 hommes, 6 femmes, soit 171 personnes au total, dont aucun mineur. On y relevait 63 condamnés contre 108 détenus préventifs. Le bâtiment B5 dit le «bateau» avec ses dimensions de 6 mètres sur 10 accueille à lui seul, dans cette prison, 76 personnes. Il importe de noter à ce niveau une baisse de l’effectif par rapport aux statistiques du 24 septembre 1997 qui faisaient apparaître un effectif de 184 personnes.

131.Il en est de même de la population carcérale de Kandi qui présentait, à la date du 14 novembre 1997, un effectif de 163 détenus contre 168 le 24 septembre 1997. Par contre, à Parakou, la population carcérale était de 290 personnes le 12 novembre 1997 contre 277 le 24 septembre 1997, soit une augmentation de 13 personnes. Le cas le plus marquant est celui de la prison civile d’Athiémé où il n’y a pas de bâtiments pour mineurs et où la population carcérale reste très élevée. La clôture rustique de la prison est en panneaux de tôle et le toit est en chaume. De plus, il n’existe aucune douche dans l’établissement. Les détenus vont heureusement bientôt intégrer la nouvelle prison de Lokossa construite et inaugurée en décembre 1997. On peut également citer le cas de la prison civile de Natitingou, qui est située sur les lieux du marché de la localité.

132.Les efforts entrepris par les gouvernements successifs se sont toujours avérés insuffisants. Au niveau des parquets, la pratique de mise à disposition des personnes déférées a été supprimée. Aujourd’hui chaque procureur de la République a charge de recevoir immédiatement tout individu qui lui a été déféré avec le procès-verbal qui l’accompagne, et de donner l’orientation nécessaire pour la suite de la procédure: information judiciaire, flagrant délit ou citation directe. Désormais, seuls les déférés pour lesquels un mandat de dépôt est nécessaire sont donc écroués, ce qui n’était pas le cas auparavant. Il en résulte que toute personne contre laquelle des charges sont insuffisantes ou se révèlent pratiquement inexistantes, après examen du procès-verbal, est immédiatement mise en liberté, et la procédure poursuivie sans mandat ou le dossier classé sans suite.

133.Les efforts sont également faits par les juges dans le souci d’alléger la vie des incarcérés. Pour améliorer les conditions de vie des détenus, de nouvelles prisons sont en construction. Cependant, la criminalité persistante maintient pratiquement au même niveau le taux de la population carcérale. De plus, la plupart des prisonniers récidivent, ce qui ne permet pas de constater l’impact des efforts déployés, le supplément de détenus revenant toujours au même niveau du jour au lendemain.

134.De même, un projet a été mis en place pour assainir les prisons par l’arrêté n° 265/MJLDH/DC/SG/DAP du 16 octobre 1997, portant création du Comité technique de suivi des opérations de dératisation, désinfection, et désorientation des prisons civiles de Porto-Novo, Cotonou et Ouidah. Sont membres de ce Comité les représentants:

–Du Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme composé de la direction de l’administration pénitentiaire et de la direction de la programmation et de la prospective;

–Du Ministère des finances (direction des marchés et du matériel);

–Du Ministère de la santé, de la protection sociale et de la condition féminine (direction de l’hygiène et de l’assainissement);

–Du Ministère du développement rural (centre de fumination de Cotonou)

135.Le Comité technique de suivi a pour mission de vérifier la conformité et la qualité des produits à acheter par les entreprises et leur date de péremption, et de contrôler la quantité des produits, des appareils à utiliser et le nombre de personnel. Une campagne d’assainissement, organisée en exécution dudit arrêté s’est déroulée le 9 octobre 1997 dans la prison civile de Cotonou (avec pour maître d’ouvrage la société Sotico, le 14 octobre 1997 dans la prison civile de Ouidah (avec pour maître d’ouvrage la société Sotico et le 3 novembre 1997 dans la prison civile de Ouidah (avec pour maître d’ouvrage la société Medirat).

136.Aussi, compte tenu des plaintes des détenus en ce qui concerne leur alimentation, un arrêté a été pris par le garde des sceaux pour la gestion des vivres destinées à leur alimentation. Il s’agit de l’arrêté n° 290/MJLDH/DC/SG/DAP du 18 novembre 1997 portant création d’un comité de gestion de vivres dans chaque prison civile du Bénin. Ce comité, présidé par le Procureur de la République ou son représentant a pour tâche de réceptionner et de contrôler la distribution des rations. Toutefois, des dispositions sont envisagées pour servir aux détenus des repas chauds dès l’année prochaine.

137.Le décret n° 73-293 du 15 janvier 1973, portant régime pénitentiaire, organise le traitement des détenus en milieu carcéral. Les dispositions de l’article 65 dudit décret donnent compétence au bureau social du Ministère de la justice pour assurer une assistance sociale aux détenus. Dans la pratique, le matériel de couchage prévu par l’article 59, ainsi que la ration hebdomadaire de savon pour la toilette et l’entretien des vêtements ne sont pas assurés aux détenus. Ce vide est souvent comblé par les organisations non gouvernementales qui interviennent dans les prisons par des dons de toute nature: vivres, produits pharmaceutiques et autres. On peut citer entre autres la Croix‑Rouge, la loterie nationale du Bénin, la Commission béninoise des droits de l’homme, sans oublier une multitude de personnes morales et physiques qui s’investissent dans des activités à caractère non lucratif.

138.Les infractions au règlement de l’administration pénitentiaire peuvent être punies, pour une durée ne pouvant pas excéder un mois, de privation du droit de visite, de privation du droit de fumer, de privation de correspondance, de privation de recevoir des vivres de l’extérieur. Elles peuvent être punies d’une peine de cellule entraînant automatique ces quatre peines pour une durée pouvant excéder un mois. Les autorités compétentes pour infliger des peines au prisonnier sont le régisseur, le Procureur de la République et le Ministre de la justice (art. 45 à 48). Le régisseur de la prison peut infliger les quatre premières peines et une peine de cellule ne pouvant excéder huit jours. le Procureur de la République peut infliger une peine de 30 jours de cellule. Quant au Ministre de la justice, il peut prononcer une peine de 45 jours de cellule, mais l’article 47 du décret susmentionné lui permet de prononcer jusqu’à trois mois de cellule. L’exécution de cette dernière peine sera faite en deux temps, avec un intervalle d’un mois de détention normale après 45 jours.

139.Lorsque la personne détenue a des plaintes à faire valoir, elle s’adresse au Procureur général, au Procureur de la République, au juge d’instruction, ou au Président de la chambre d’accusation, selon les cas, ou à la direction spécialisée du Ministère de la justice chargée de l’administration pénitentiaire. Le décret n° 97‑30 du 29 janvier 1997, portant attributions, organisation et fonctionnement du Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme, fixe la mission de la direction de l’administration pénitentiaire comme suit. Elle est responsable de la réglementation, de l’organisation et du contrôle de l’application des peines, et assure la gestion des personnels et des équipements affectés à ces tâches. À ce titre, et en matière de gestion des personnes incarcérées, elle est chargée:

–D’assurer de bonnes conditions de vie à toute personne détenue dans une prison;

–De suivre les prisonniers durant l’exécution de leur peine;

–De régler les problèmes se rapportant à leur demande de grâce, de libération conditionnelle, de réhabilitation et d’amnistie, en collaboration avec les services des ministères chargés de la sécurité et des affaires sociales;

–De contrôler la population carcérale;

–D’appliquer et d’améliorer la législation pénitentiaire;

–De centraliser et d’exploiter les rapports périodiques des commissions de surveillance des prisons;

–De participer à la mise en œuvre et au contrôle des mesures alternatives à l’incarcération;

–De préparer le retour des détenus à la liberté et de favoriser leur réinsertion sociale et professionnelle.

140.À cet effet, les autorités concernées rendent visite aux détenus pour les écouter et apprécier leur situation afin d’y trouver une solution appropriée, ou convoquent les intéressés dans leur cabinet. Selon les cas, la demande est transmise à la juridiction compétence pour saisine, attributions et mesures à prendre.

141.Dans le même ordre d’idées, le décret n° 97-176 du 21 avril 1997 portant attributions, organisation et fonctionnement du Ministère de l’intérieur, de la sécurité et de l’administration territoriale lui attribue comme mission, entre autres, d’assurer l’ordre public, notamment la sécurité intérieure et extérieure de l’État et de prendre toutes les mesures tendant à assurer la prévention, la recherche et la répression de tous les faits susceptibles de troubler l’ordre public.

Ainsi donc, il peut prendre tout acte de nature à réglementer, au plan civil, la vie des citoyens, la circulation des personnes et des biens, conformément aux lois et règlements en vigueur et assurer, sur toute l’étendue du territoire national, la protection des personnes et des biens.

142.Pour y parvenir, le Ministère possède des directions spécialisées comme:

–La direction des affaires intérieures, qui est chargée des affaires à caractère national touchant à la vie des populations, qui reçoit les plaintes de celles‑ci par l’intermédiaire du Ministère, et qui les convoque, les écoute, et essaie de parvenir à un règlement amiable;

–L’inspection générale des forces de sécurité, qui est placée sous l’autorité directe du Ministre, et qui est chargée d’assurer le contrôle et le suivi des activités des forces de sécurité, d’exercer un contrôle sur les agents des forces de sécurité dans l’accomplissement de leur mission de police relevant du Ministère de l’intérieur, d’une part, et de centraliser et de redistribuer l’information pour une plus grande efficacité des actions entreprises ou à entreprendre dans le cadre de la lutte contre la criminalité, du maintien de l’ordre public et de la sécurité des personnes et des biens, d’autre part;

–La direction générale de la police nationale, dont la mission est de faire assurer, par les services de la police, le respect de l’ordre public et la protection des institutions de l’État, le respect des libertés publiques et la protection des personnes et des biens.

Article 12

143.Au Bénin, les autorités compétentes, conformément à l’article 12 de la Convention, et qui sont souvent saisies par les victimes sont les suivantes:

–Le Ministère de l’intérieur, de la sécurité et de l’administration territoriale composé de la direction des affaires intérieures, chargée des problèmes ayant trait à la vie des populations, la direction de la police nationale, regroupant les commissaires de police et les inspecteurs de police, et l’inspection générale des forces de sécurité;

–Le Ministère de la défense nationale regroupant les commandants de brigade et tous officiers de police judiciaire qui travaillent dans les brigades de gendramerie;

–Le Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme ainsi que les cours et les tribunaux.

144.Une fois saisies, ces institutions procèdent à des enquêtes visant à définir les responsabilités pour les cas de tortures et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

145.L’autorité administrative invite les intéressés à comparaître aux fins d’opérer un règlement amiable de l’affaire ou de mieux cerner les données du problème posé, en vue de son orientation vers le ministère compétent pour un règlement définitif au niveau des juridictions. Dans cet objectif, le dossier peut être directement transmis pour enquête préliminaire, soit par voie hiérarchique au commissariat de police soit à la brigade de gendarmerie de la localité pour compétence et attribution.

146.L’autre possibilité offerte à la victime est de saisir le Procureur général ou le juge d’instruction. Un Procureur général, saisi d’une telle requête, doit la communiquer immédiatement au Procureur de la République compétent. À charge pour celui‑ci d’organiser l’enquête suivant la qualité de l’autorité. Celle-ci peut être un militaire, un agent de police ou un gendarme officier ou non de la police judiciaire.

147.Une procédure spéciale est seulement prévue, en vertu de l’article 551 du Code de procédure pénale. Lorsqu’un officier de police judiciaire est susceptible d’être inculpé d’un crime ou d’un délit qui aurait été commis dans la circonscription où il est territorialement compétent, en dehors ou dans l’exercice de ses fonctions, le Procureur de la République saisi de l’affaire présente sans délai une requête à la chambre judiciaire de la cour suprême qui procède et statue, comme en matière de règlement de juges, et désigne la juridiction devant se charger de l’instruction ou du jugement de l’affaire. La chambre judiciaire saisie doit se prononcer dans un délai de huit jours à partir de la date d’arrivée de la requête.

148.L’article 552 stipule que jusqu’à ce que la juridiction compétente, en vertu des dispositions du présent titre, se trouve saisie, la procédure est suivie conformément aux règles de compétence du droit commun. Il résulte de ces dispositions que l’enquête, établie suivant les procédures habituelles de droit commun, doit être déclenchée de manière impartiale dès que l’infraction a été commise. C’est ce qui s’est produit dans les deux cas cités dans le commentaire de l’article 11 du présent rapport. Il ressort également du rapport de 1994 présenté par Amnesty International qu’à la suite du décès, en mars 1992, du nommé Gbéa Orou Sianvi préalablement détenu à la brigade de gendarmerie de Ségbana, les enquêtes ont été ouvertes aux fins de vérifier s’il est décédé des suites de torture. Cependant, les autorités se seraient satisfaites d’un rapport médical établissant que le décès de l’intéressé était dû à une hypoglycémie aiguë, sans toutefois préciser si cet état pathologique avait été la conséquence de torture (voir Amnesty International, rapport 1994, p. 75).

149.En 1995, leur rapport faisait mention de trois agriculteurs condamnés à une peine d’emprisonnement pour avoir refusé de payer la taxe civique, et bien qu’ils aient été arrêtés à une réunion du PCB. Le rapport faisait mention de traitements dégradants et de torture dont ces personnes et leurs parents venant leur rendre visite ont été victimes, et qui n’ont fait l’objet d’aucune enquête malgré la requête présentée par leur avocat (voir rapport 1995, p. 73).

150.Les deux rapports ci‑dessus mentionnés parlent également du cas de trois agriculteurs, tous membres du syndicat des agriculteurs (Migbé Aya, ce qui signifie non à la pauvreté), qui ont été arrêtés en décembre 1992 et détenus pendant environ deux ans en attente d’être jugés pour homicide volontaire alors qu’ils auraient été appréhendés pour avoir conseillé à un particulier de porter plainte suite à une tentative de vol à main armée impliquant plusieurs gendarmes. Les informations selon lesquelles ils auraient été enchaînés pendant les premiers temps de leur détention n’ont donné lieu à aucune enquête.

151.Amnesty International a relevé que d’une manière générale, les tribunaux n’enquêtent pas sur les plaintes pour torture, passages à tabac ou autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants, et a prié les autorités de faire ouvrir des enquêtes indépendantes sur toutes les accusations de torture.

Article 13

152.Aucune disposition législative béninoise ne permet qu’ait lieu une discrimination procédurale entre les victimes d’une infraction pénale, quelle qu’elle soit. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, a le droit de porter plainte devant les autorités compétentes. Ces dernières ont le devoir de procéder à l’ouverture immédiate d’une enquête.

153.Les autorités garantissent à toute victime que les règles, méthodes et pratiques d’interrogatoire, telles que prévues à l’article 11 de la Convention, seront respectées, en complément de l’enquête impartiale dont la victime bénéficie immédiatement et selon les modalités exposées dans l’article 12. Le même contrôle est exercé par les autorités citées dans le commentaire de l’article 11, afin de prévenir tout mauvais traitement ou toute intimidation, suite au dépôt de la plainte.

154.Il n’existe aucune disposition spéciale fixant, pour le Procureur de la République, des critères pour examiner des allégations de torture. En effet, comme pour toute affaire pénale, la procédure est la même. Le procureur ou le juge d’instruction saisi a le droit, conformément à l’alinéa 5 de l’article 34 et à l’alinéa 2 de l’article 38 du Code de procédure pénale, de requérir directement la force publique. Cette prérogative leur permet d’assurer, le cas échéant, la protection des plaignants et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation, en raison de la plainte déposée ou d’une déposition faite.

155.L’article 33 du Code de procédure pénale prévoit que le Procureur de la République reçoit les plaintes et dénonciations et juge de la suite à leur donner. Il procède ou fait procéder, conformément à l’article 34 du même code, à tous les actes nécessaires à la poursuite des infractions à la loi pénale et dirige à cette fin l’activité des officiers et agents de la police judiciaire dans le ressort du tribunal. Il peut procéder à des confrontations ou demander des expertises (art. 37).

156.Tout plaignant est avisé par le Procureur de la République de la date d’audience. Devant le juge d’instruction, toute personne qui prétend être lésée par un crime ou un délit peut, en portant plainte, se constituer partie civile (art. 72 du Code de procédure pénale). La plainte est communiquée au Procureur de la République pour qu’il prenne des mesures contre la personne dénoncée ou non déterminée. Le témoin bénéficie des mêmes garanties de procédure que le plaignant.

157.Sur le plan constitutionnel, toute autorité compétente saisie est tenue, conformément à l’article 7 de la Constitution, de respecter les droits et devoirs proclamés et garantis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et qui font partie intégrante de la Constitution et du droit béninois. Ladite Charte, à l’alinéa 1 de son article 7, dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend notamment le droit de saisir les juridictions nationales compétentes pour tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les lois, les règlements et coutumes en vigueur, le droit à la présomption d’innocence et le droit d’être jugée dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale. Toutefois, et pour éviter d’être récusé, tout juge peut se déporter en refusant de connaître d’une affaire pour cause d’empêchement personnel: lien de parenté, maladie, congés, etc. Un autre magistrat est alors immédiatement désigné par le chef de la juridiction pour le remplacer. Dans tout autre cas, il se rend coupable du déni de justice (art. 185 du Code pénal).

Article 14

158.Le dispositif législatif et réglementaire béninois prévoit, pour toute victime d’un acte de torture, le droit à une réparation et à une indemnisation équitable. Comme il l’a été constaté dans les commentaires des articles précédents, toute victime d’un acte de torture peut fonder son action sur les dispositions des articles 2 à 10 du Code de procédure pénale relatifs aux conditions d’exercice de l’action civile qui peut être engagée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction, ou séparément.

159.Il en résulte que lorsque les mauvais traitements sont établis, la victime d’un acte de torture, ou ses ayants droit en cas de décès, a droit à une réparation proportionnelle au préjudice subi. Il revient au Procureur de la République, ou à tout autre magistrat ou fonctionnaire auquel l’action publique est confiée, de la mettre en mouvement. C’est le cas du juge d’instruction devant lequel toute personne se prétendant lésée pour un crime ou un délit peut, en portant plainte, se constituer partie civile (art. 72 du Code de procédure pénale). Dans ce dernier cas, si elle n’a pas obtenu l’assistance judiciaire, la partie civile qui met en mouvement l’action publique doit, sous peine de non‑recevabilité de sa plainte, consigner au greffe la somme nécessaire pour les frais de procédure. Le montant de cette somme est fixé par ordonnance du juge d’instruction. Par principe, cette caution est insignifiante pour être à la portée du justiciable.

160.La partie civile a faculté de saisir directement le juge civil. Dans ce cas, l’indemnité due par le responsable des faits de torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, doit réparer non seulement l’atteinte à l’intégrité physique de la victime, mais aussi, le cas échéant, tout préjudice moral ou d’agrément. C’est ce que stipule l’article 1382 du Code civil qui, par la généralité de ses termes, s’applique aussi bien au dommage moral qu’au dommage matériel (voir le commentaire de l’article 5).

161.L’action civile appartient donc à toute personne ayant souffert du dommage causé directement par l’infraction, ce qui lui garantit le droit à une indemnisation équitable et à une réparation adéquate. Ces mesures législatives et juridiques sont applicables aussi bien à un citoyen béninois qu’à un étranger. En effet, selon les dispositions de l’article 39 de la Constitution, les étrangers bénéficient, sur le territoire de la République, des mêmes droits et libertés que les citoyens béninois, et ce dès lors qu’ils se conforment à la Constitution, aux lois et aux règlements de la République.

162.En matière pénale, les condamnations en dommages et intérêts peuvent être exécutées par voie de contrainte par corps dont la durée est fixée par la juridiction de jugement. Pour les procédures civiles, les décisions peuvent être exécutées par la voie de saisie.

Procédure à suivre pour une réadaptation et une indemnisation

163.Pour évaluer les droits de la victime, le juge saisi peut recourir à une expertise médicale et psychiatrique aux fins de faire procéder à un examen général de l’état de santé de la victime et de son état mental ou physique. L’expert commis à cette fin devra dresser un rapport dans les délais à lui fixer par la décision de justice (art. 140 du Code de procédure pénale). Il peut aussi comparaître à l’audience pour un rapport supplémentaire oral visant à éclairer la décision du tribunal.

164.Comme signifié plus haut, la victime d’actes de torture peut demander réparation en déposant une plainte auprès des autorités administratives: Président de la République, Ministre de l’intérieur, Ministre de la justice, préfets, sous-préfets, maires, délégués de quartier, et autres. Ces autorités peuvent procéder à un règlement à l’amiable ou transmettre la plainte, suivant les cas, aux autorités judiciaires compétentes.

Réparation offerte aux victimes de torture

165.Une étude du rapport produit par la Commission interministérielle créée par le décret 91‑95 du 27 mai 1991 pour recenser les victimes de tortures et de sévices corporels a permis de procéder à une classification des dommages ou préjudices subis, des motifs d’arrestation, des actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et de répertorier les différentes séquelles. En analysant les déclarations des victimes, il ressort qu’elles ont été détenues dans des conditions très difficiles, voire invivables pour l’être humain. Chaque lieu de détention était particulier mais possédait en général des cellules très exiguës et crasseuses où régnaient chaleur et obscurité.

166.À Sègbana, les conditions sont déclarées être extrêmement rudes. Ouverte le 6 novembre 1985, les visites n’y auraient été autorisées qu’à partir du mois d’août 1988. La chaleur et le froid y sont extrêmes selon la saison. Pour un rien, les détenus sont enfermés sans interruption pendant 24 heures. Les correspondances mettent 40 à 45 jours pour parvenir à leurs destinataires, quand elles ne disparaissent pas complètement. Les lieux de détention les plus redoutables et où les conditions de vie ont été les plus inhumaines sont Sègbana, le Camp Séro‑Kpéra, Plm Aléjdo, Petit palais, etc.

167.Partout, les détenus ont été à la charge de leurs parents, sauf à Sègbana où ils ont reçu trois cents francs CFA par jour pour leurs trois repas, et au Camp Séro‑Kpéra où ils ont bénéficié du même service de bouillon que les miliaires. Des cellules d’à peine 7 m2 accueillaient jusqu’à 30 personnes. Pour l’ensemble, les détenus ont été assujettis à des travaux forcés, et à des formes diverses de torture et mauvais traitements tels que la vidange de WC, des interrogatoires trop longs allant de 8 heures à 14 heures, organisés à des heures indues, des rodéos, des bastonnades, etc.

168.Il résulte de cette étude que de nombreuses victimes portent encore à ce jour des séquelles des tortures qui leur ont été infligées pendant le régime marxiste-léniniste, entre 1975 et 1989, c’est-à-dire avant la ratification par le Bénin de la Convention contre la torture.

169.Certaines victimes souffrent encore d’une infirmité des membres, d’une surdité, d’une baisse de l’acuité visuelle, de maux d’yeux liés au séjour prolongé dans des locaux dépourvus de lumière, d’une perte de virilité, de maladies cardiaques, de zébrures kéloïdiennes, d’une dépression mentale, de la colonne vertébrale endommagée, de traces de blessures sur tout le corps, de pertes de dents, d’un déboîtement de clavicules, de testicules perforés par le rodéo, d’ulcères, de troubles nerveux, d’une incapacité permanente de plier certains doigts, d’une cicatrice au sexe, d’une perte de mémoire, d’une fracture ouverte aux doigts, de troubles digestifs, de douleurs permanentes à l’épaule, etc.

170.Pour toutes ces séquelles, la Commission interministérielle a proposé, en prenant en compte les demandes formulées par les victimes, qu’ait lieu:

La restitution aux agents permanents de l’État de leurs salaires confisqués et le rappel aux étudiants de leurs bourses;

La prise en charge des soins par l’État pour les victimes qui souffrent encore de séquelles résultant des tortures subies;

La saisine du garde des sceaux pour engager des poursuites judiciaires contre les auteurs présumés;

L’adoption de l’instauration d’une journée nationale à l’intention des victimes de torture et de sévices corporels;

La mise en œuvre d’une politique de réinsertion sociale au profit des personnes torturées, notamment en leur accordant priorité en matière d’embauche;

L’ouverture d’une enquête pour vérifier l’utilisation des salaires des victimes confisqués pendant leur détention;

L’indemnisation des victimes pour préjudices corporels, matériels et moraux;

La proposition d’un texte de loi rendant imprescriptible les faits de torture parce que relevant de crimes contre l’humanité.

171.En réponse à ces propositions, aucun programme de réadaptation médicale et psychologique n’a été mis en place de manière formelle pour les victimes de torture par les autorités béninoises.

172.Toutefois, les autorités ont financièrement indemnisé les victimes de torture sur la base des propositions faites par la Commission interministérielle qui fixait la réparation des préjudices subis à mille cinq cents francs par jour pour les non‑fonctionnaires et à mille francs par jour pour les fonctionnaires. Une réparation forfaitaire a été accordée aux ayants droit des victimes décédées à raison d’une somme de cinq millions de francs CFA par victime.

173.Par ailleurs, les fonctionnaires de l’État ont pu être réintégrés dans la fonction publique, ce qui leur a permis de reprendre leur carrière et de bénéficier des droits qu’ils auraient pu acquérir s’ils étaient restés en fonction. Ceci sans préjudice de toute action en justice pour des actes de torture. À ce jour, une somme totale de sept cent un million sept cent quatre mille quatre cent trente (701 704 430) francs CFA d’indemnités a été versée à 1 247 personnes (élèves, étudiants, fonctionnaires, particuliers) victimes de torture.

174.Il reste cependant des dossiers en instance. Des personnes non recensées ou recensées et omises au moment du paiement continuent de se faire connaître. Les prendre en compte pourrait porter à sept cent trente deux millions quatre cent quatre mille neuf cent trente (732 404 930) francs CFA la somme déjà débloquée. Néanmoins, il faut noter qu’à ce jour, cette Commission interministérielle continue d’être saisie de nombreuses réclamations émanant soit de personnes déjà recensées comme victimes, soit de personnes jusqu’alors inconnues comme telles et engageant pour la première fois cette procédure.

175.C’est pourquoi, à sa séance du 18 septembre 1997, en adoptant la cessation des travaux de la Commission interministérielle, objet de l’affaire n° 202/97 introduite par le Ministère des finances, le Conseil des Ministres a fait les recommandations suivantes:

Au Ministre des finances, de ne payer que les indemnités de réparation dues à des personnes effectivement recensées en qualité de torturés et dont les dossiers ont été approuvés en Conseil des ministres;

Au garde des sceaux, Ministre de la justice, de la législation et des droits de l’homme, de présenter sous huitaine un projet de décret portant création d’une commission permanente d’indemnisation qui sera chargée de l’étude des dossiers en instance;

Au Secrétaire général du Gouvernement, de transmettre aux ministres concernés la note d’analyse du conseiller technique du Président de la République pour exploitation (voir le relevé des décisions administratives n° 41/SGG/REL du 18 septembre 1997; annexe 23).

176.Il faut noter que les organisations non gouvernementales ont lutté pour l’adoption de toutes ces mesures. La Ligue des droits de l’homme s’est faite particulièrement remarquer pour sa vigilance dans cette action. À cet effet, la lettre en date du 7 septembre 1994 adressée au Ministre des finances par leur «Comité pour la récupération des salaires des anciens détenus politiques et victimes de la répression» concernant les blocages apparus depuis janvier 1994 dans le reversement de leurs salaires, dénonçait les lenteurs et autres entraves de toutes sortes qui, à leur avis, constituaient une sorte de «torture morale encore plus odieuse» que celle déjà subie. L’Assemblée générale des organisations associées dans la commémoration de la Journée nationale des victimes de torture a également élaboré le 28 avril 1994 une plate-forme revendicative des personnes torturées sous le Parti de la révolution populaire du Bénin qui exigeait de l’État une indemnisation équitable pour les victimes ainsi que le jugement des tortionnaires et de leurs commanditaires.

Article 15

177.Au Bénin, toute victime de torture est protégée devant toute juridiction qui a été saisie afin de la juger pour une infraction qu’elle aurait commise. En effet, la loi permet de n’accorder qu’une valeur de renseignement à tout procès‑verbal ou rapport constatant un délit.

178.Selon l’article 397 du Code de procédure pénale, le juge décide d’après son intime conviction et ne peut fonder sa décision que sur des preuves versées aux débats et apportées devant lui. La juridiction correctionnelle saisie peut prononcer l’annulation des actes qu’elle estime atteints de nullité et décider si cette annulation doit s’étendre à tout ou partie de la procédure ultérieure (art. 151 du Code de procédure pénale). Les règles générales sur les nullités de l’information protègent également la victime contre l’usage, dans une procédure, d’une déclaration obtenue par la torture (art. 148 à 181 du Code de procédure pénale). L’article 150 du même Code stipule de ne puiser dans les actes annulés aucun renseignement contre les parties aux débats.

179.Par ailleurs, l’étude des conditions essentielles pour la validité d’un contrat nous permet de dire qu’il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol (art. 1109 du Code civil). Les articles 1111 à 1113 du Code civil sont consacrés à la violence. Ils stipulent respectivement que:

1)La violence exercée contre celui qui contracte une obligation est une cause de nullité encore qu’elle ait été exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite;

2)Il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ou, eu égard, en cette matière, à l’âge, au sexe et à la condition des personnes;

3)La violence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son époux ou son épouse, sur ses descendants ou ascendants.

180.Les autorités judiciaires chargées de connaître des faits de torture et assimilés ne peuvent, selon les dispositions législatives en vigueur, retenir, comme élément de preuve, une déclaration obtenue par la violence ou la torture. De telles déclarations constituent, au regard du droit béninois, des preuves inadmissibles.

Article 16

181.La Constitution béninoise, dans ses articles 15, 18 et 19, prend en compte tous les aspects évoqués par l’article 16 de la Convention. En effet, aux termes de ces dispositions, nul ne sera soumis à la torture, ni à des sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et tout agent de l’État qui se rendrait coupable de tels actes dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, soit de sa propre initiative, soit sur instruction, sera puni conformément à la loi. L’article 15, garantit sur le plan constitutionnel, la vie, la liberté, la sécurité et l’intégrité de la personne humaine.

182.Par ailleurs, le dispositif législatif et réglementaire en vigueur au Bénin protège tout citoyen contre tout acte constitutif de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et plus spécialement lorsque ces actes sont commis par les agents de la fonction publique ou par toute personne agissant à titre officiel, soit sur instruction, soit avec son consentement exprès ou tacite. Ainsi, l’article 341 du Code pénal punit de travaux forcés à temps ceux qui, sans ordre des autorités constituées, et hors les cas où la loi ordonne de saisir des prévenus, arrêtent, détiennent ou séquestrent d’autres personnes.

183.La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui fait partie intégrante de notre Constitution, précise en son article 5 que «tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine […]. Toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont interdites». La protection due et assurée à toute victime de torture s’étend donc aux victimes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. À cet effet, les règles énoncées dans les commentaires des articles 11 à 15 s’appliquent intégralement, sans aucune discrimination en l’espèce.

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