Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de la Mauritanie *

Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Mauritanie (CEDAW/C/MRT/4) à ses 1953e et 1954e séances (voir CEDAW/C/SR.1953 et CEDAW/C/SR.1954), tenues le 15 février 2023. La liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail de présession figure dans le document publié sous la cote CEDAW/C/MRT/Q/4, et les réponses de la Mauritanie dans le document publié sous la cote CEDAW/C/MRT/RQ/4.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de l’État partie. Il remercie également l’État partie pour son rapport sur la suite donnée aux précédentes observations finales du Comité (CEDAW/C/MRT/CO/2-3/Add.1) et pour les réponses écrites apportées à la liste de points et de questions sur le quatrième rapport périodique établie par le groupe de travail de présession. Il remercie également l’État partie pour l’exposé oral de sa délégation et les éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions qu’il lui a posées oralement au cours du dialogue.

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation de haut niveau, qui était dirigée par le Ministre et Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile, Cheikh Ahmedou Sidi. La délégation était composée de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l’intérieur et de la décentralisation, du Ministère de la fonction publique, de l’emploi et de la modernisation de l’administration, du Ministère des affaires sociales, de l’enfance et de la famille, du Ministère de l’enseignement supérieur, de la Direction générale de la sûreté nationale ainsi que du pouvoir judiciaire, mais aussi de l’Ambassadeur et Représentant permanent, Mohamed El Habib Bal, et d’autres membres de la Mission permanente de la Mauritanie auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité constate avec satisfaction les progrès accomplis depuis l’examen auquel il a procédé en 2014 du rapport valant deuxième et troisième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/MRT/CO/2-3), en ce qui concerne la réforme législative, et relève en particulier l’adoption des textes suivants :

a)La Loi no 2022-023 du 17 août 2022 sur l’orientation de l’éducation nationale, qui instaure également la scolarité obligatoire de 6 à 16 ans ;

b)La Loi no 2020-017 du 6 août 2020 relative à la prévention et à la répression de la traite des êtres humains et à la protection des victimes ;

c)La Loi no 2018-023 du 15 août 2018, qui érige la discrimination en infraction, garantissant l’égalité des sexes ;

d)La Loi no 2018-024 du 21 juin 2018 relative au Code général de protection de l’enfant, érigeant les mutilations génitales féminines en infractions ;

e)La Loi no 2017-025 du 27 décembre 2017 relative à la santé de la reproduction, qui met l’accent sur les femmes ;

f)La Loi no 2015-030 du 10 septembre 2015 relative à l’aide juridictionnelle et l’arrêté no 171-2017 relatif à la composition des bureaux d’aide juridictionnelle, qui améliore l’accès des femmes à l’aide juridictionnelle.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et stratégique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, notamment l’adoption ou la mise en place de ce qui suit :

a)L’Observatoire national des droits des femmes et des filles (décret no 2020/140), en 2020 ;

b)La Stratégie nationale pour l’institutionnalisation du genre (2015-2025).

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et préconise le respect de l ’ égalité des genres en droit ( de jure ) et dans les faits ( de facto ), conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il souligne l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l ’ État partie à reconnaître le rôle moteur joué par les femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite le Parlement à prendre, dans le cadre de son mandat, les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Retrait des réserves

Le Comité note que l’État partie a retiré sa réserve générale à la Convention, mais il constate avec préoccupation qu’il a maintenu ses réserves aux articles 13 a) et 16 de la Convention, ce qui constitue un obstacle à la mise en œuvre de la Convention dans son ensemble, et qu’aucun délai n’a été fixé pour le retrait de ces réserves.

Le Comité rappelle sa recommandation précédente ( CEDAW/C/MRT/CO/2-3 , par. 9) tendant à ce que l ’ État partie lève ses réserves à l ’ article 13 a) de la Convention et envisage de retirer également les réserves qu ’ il a émises à l ’ article 16, et se félicite que la délégation de l ’ État partie ait pris, au cours du dialogue constructif, l ’ engagement d ’ envisager de le faire. À cet égard, l ’ État partie devrait prendre en considération les pratiques de pays ayant un contexte culturel et un système juridique similaires qui ont réussi à harmoniser leur législation nationale avec leurs obligations internationales en matière de droits de l ’ homme, en particulier celles découlant de la Convention. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de veiller à ce que les chefs religieux, les chefs communautaires et la société civile, en particulier les organisations de femmes, participent à ce processus.

Définition de la discrimination à l’égard des femmes et lois discriminatoires

Le Comité félicite l’État partie d’avoir révisé plusieurs articles du Code du statut personnel (2001) en 2017 et du Code de la nationalité (1961) en 2021. Il reste cependant préoccupé par l’absence d’une définition juridique de la discrimination à l’égard des femmes qui interdise expressément la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée, ainsi que les formes de discrimination croisées. Il constate en outre avec préoccupation qu’il existe encore des dispositions juridiques discriminatoires à l’égard des femmes, notamment les articles 307 et 308 du Code pénal (1983) concernant les relations sexuelles consenties en dehors du mariage (zina) et d’autres crimes dits « moraux », les articles 8, 13 et 16 du Code de la nationalité (1961) concernant la transmission de la nationalité aux enfants et aux conjoints étrangers, et les dispositions du Code du statut personnel sur la tutelle, le mariage des enfants et le mariage forcé, la polygamie, le divorce, la garde des enfants et la gestion des biens.

Le Comité est conscient que la législation de l ’ État partie découle de la charia, mais il considère qu ’ il existe une diversité d ’ opinions et de principes juridiques dans d ’ autres États musulmans qui ont procédé à une réforme législative. Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/MRT/CO/2-3 , par. 15) et les liens entre les articles 1 er et 2 de la Convention et la cible 5.1 des objectifs de développement durable , qui vise à mettre fin, dans le monde entier, à toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des filles, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ abroger ou de modifier d ’ urgence toutes les dispositions discriminatoires à l ’ égard des femmes, telles que les articles 307 et 308 du Code pénal, les articles 8, 13 et 16 du Code de la nationalité (1961) et les articles du Code du statut personnel sur la tutelle, le mariage des enfants et le mariage forcé, la polygamie, le divorce, la garde des enfants et la gestion des biens  ;

b) D ’ adopter une loi qui interdise toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et couvre la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée, ainsi que les formes de discrimination croisées, conformément à l ’ article premier de la Convention  ;

c) De redoubler d ’ efforts pour faire mieux connaître la Convention et les recommandations générales du Comité aux femmes, aux hommes, aux chefs religieux, aux responsables politiques, aux membres du corps législatif, aux juges (aux magistrats), aux procureurs, aux avocats, à la police et aux autres responsables de l ’ application des lois, dans les zones urbaines et dans les zones rurales, notamment en diffusant des informations sur les bonnes pratiques d ’ autres pays musulmans concernant l ’ application de la charia dans le respect de la Convention.

Accès à la justice

Le Comité prend note avec préoccupation des obstacles que les femmes rencontrent en matière d’accès à la justice dans l’État partie, y compris leur connaissance limitée de leurs droits et des recours juridiques disponibles pour les faire valoir, la crainte d’être stigmatisées si elles portent plainte, la complexité des procédures juridiques, l’absence d’aide juridictionnelle et l’inaccessibilité géographique des tribunaux. Il constate en outre avec préoccupation que le système judiciaire ne prend pas suffisamment en compte la discrimination dont les femmes sont victimes et qu’il connaît mal leurs droits et les recours dont elles disposent en vertu des traités relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’État partie.

À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) Dans le cadre de la refonte et de la réorganisation prévues de son système judiciaire, de renforcer la prise en compte des questions de genre, notamment en intégrant le renforcement des capacités concernant la Convention et les recommandations générales du Comité dans l ’ éducation juridique et dans la formation professionnelle continue des juges, des procureurs, des avocats et des auxiliaires juridiques, en mettant également l ’ accent sur la primauté des conventions internationales ratifiées, comme le prévoit l ’ article 80 de la Constitution (1991), afin de permettre aux membres du système judiciaire et aux autres professionnels du droit d ’ appliquer ou d ’ invoquer la Convention dans les procédures judiciaires ou d ’ interpréter le droit national dans le respect de la Convention  ;

b) En coopération avec la société civile et les organisations intergouvernementales, de sensibiliser les femmes et les filles, en particulier les femmes vivant dans la pauvreté, les femmes anciennement réduites en esclavage ou les femmes appartenant à des communautés réduites en esclavage (Haratines), les femmes rurales et les femmes handicapées et les autres groupes de femmes défavorisés, aux droits que leur reconnaît la Convention et aux recours dont elles disposent pour faire valoir ces droits  ;

c) De renforcer l ’ accès des femmes à une aide juridictionnelle abordable et, si nécessaire, gratuite, notamment en dotant le système d ’ aide juridictionnelle de ressources suffisantes  ;

d) De veiller à ce que toutes les femmes accusées de crimes passibles de la peine capitale aient accès à une représentation juridique gratuite et efficace assurée par des avocats spécialisés dans les affaires susceptibles d ’ aboutir à une condamnation à la peine capitale, de garantir l ’ accès à un conseil à tout moment, en particulier pour ce qui est des moyens de défense tenant compte des questions de genre dans les affaires concernant des femmes et des filles survivantes de violences fondées sur le genre, y compris le viol et l ’ agression sexuelle ou les pratiques préjudiciables telles que le mariage d ’ enfants ou le mariage forcé, et qui adoptent par la suite un comportement criminel contre leurs agresseurs  ;

e) D ’ appliquer effectivement les ordonnances accordant aux femmes des recours en cas de violation de leurs droits, notamment les ordonnances d ’ indemnisation et de protection, et d ’ imposer des sanctions dissuasives adéquates en cas de non-respect de ces ordonnances.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité se félicite de la création en 2020 de l’Observatoire national des droits des femmes et des filles, qui fait office de mécanisme national de promotion des femmes et des filles dans l’État partie. Il regrette toutefois le manque d’informations sur les relations de l’Observatoire national avec le Ministère des affaires sociales, de l’enfance et de la famille, ainsi que sur ses ressources humaines, techniques et financières. Il constate également avec inquiétude l’absence d’un mécanisme chargé de coordonner, de suivre et d’évaluer efficacement l’impact des stratégies d’intégration des questions de genre dans tous les secteurs, malgré la mise en place d’unités sectorielles chargées des questions de genre dans tous les départements ministériels. Le Comité est également préoccupé par le manque d’informations détaillées sur la politique nationale en matière de genre et le plan d’action connexe lié au plan de développement national, ainsi que par l’absence de concertation et de coopération systématiques entre le ministère des affaires sociales, de l’enfance et de la famille, l’Observatoire national des droits des femmes et des filles et les organisations de défense des droits des femmes.

Rappelant les orientations fournies dans le Programme d ’ action de Beijing, en particulier en ce qui concerne les conditions nécessaires au bon fonctionnement des mécanismes nationaux, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à l ’ Observatoire national des droits des femmes et des filles, afin de renforcer les connaissances de son personnel sur les questions de genre et de lui permettre de surveiller la situation en matière de droits des femmes dans l ’ État partie et de publier des informations à ce sujet  ;

b) De renforcer la concertation et la coordination entre l ’ Observatoire national des droits des femmes et des filles et le Ministère des affaires sociales, de l ’ enfance et de la famille, ainsi que la coopération avec les organisations de défense des droits des femmes, y compris celles qui sont critiques à l ’ égard du Gouvernement  ;

c) De renforcer la mise en œuvre de la politique nationale en matière de genre, en élaborant un plan destiné à guider les actions de l ’ État partie concernant la promotion de l ’ égalité réelle des femmes dans tous les secteurs, qui comprenne des mesures ciblées pour les groupes de femmes défavorisés et définisse des indicateurs et des objectifs assortis de délais ainsi qu ’ un cadre de suivi et de responsabilité adéquat, y compris des obligations en matière de publication d ’ informations  ;

d) De renforcer les capacités des unités sectorielles chargées des questions de genre, notamment en élaborant des lignes directrices complètes pour la prise en compte systématique du genre dans toutes les politiques publiques et pour l ’ établissement de budgets tenant compte des questions de genre, en veillant à ce que ces unités s ’ emploient systématiquement à mettre en œuvre la politique nationale en matière de genre et à évaluer son impact  ;

e) En coopération avec l ’ Agence nationale de la statistique et de l ’ analyse économique, de renforcer les capacités nationales en matière de collecte systématique de données ventilées par sexe, âge, handicap, appartenance ethnique, région et milieu socioéconomique, afin d ’ évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de sa politique nationale en matière de genre et de fournir une évaluation des progrès accomplis dans son prochain rapport périodique.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité prend note de la position stratégique de l’État partie dans la zone du Sahel et du Maghreb pour ce qui est de contribuer à la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité. Il prend note avec inquiétude des allégations concernant 13 affaires, selon lesquelles des membres du personnel en tenue de missions de maintien de la paix de l’ONU appartenant aux contingents fournis par l’État partie se sont rendus coupables d’exploitation sexuelle et d’abus sexuels.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De mettre en œuvre le plan d ’ action national sur la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité et le plan tel que reconduit, notamment  :

i) en veillant à ce que les femmes et les organisations de défense des droits des femmes dans l ’ État partie participent véritablement à la mise en œuvre  ;

ii) en renforçant la participation et le leadership des femmes dans le G5 Sahel, notamment dans le cadre de la coopération régionale sur les politiques de développement et la sécurité en Afrique de l ’ Ouest lancée en 2014 dans l ’ État partie  ;

b) D ’ enquêter sur les faits d ’ exploitation sexuelle et d ’ abus sexuels commis par des membres du personnel en tenue des missions de maintien de la paix de l ’ ONU appartenant aux contingents fournis par l ’ État partie, et de poursuivre et punir comme il convient les responsables  ;

c) De désigner un coordonnateur chargé de traiter les demandes de reconnaissance de paternité et de pension alimentaire dans les cas susmentionnés où l ’ inconduite sexuelle de membres du contingent a entraîné la conception et la naissance d ’ un enfant.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité prend note de l’augmentation de la proportion de femmes élues dans les organes de décision. Toutefois, il note avec préoccupation qu’aucune mesure temporaire spéciale ne vise à réaliser l’égalité réelle pour les groupes de femmes défavorisées, telles les femmes haratines, les femmes réfugiées, apatrides ou migrantes, les femmes handicapées, les femmes rurales et les femmes âgées, dans les domaines où elles sont sous-représentées ou désavantagées, comme l’accès à l’éducation, aux services de santé, aux avantages économiques et sociaux et aux possibilités d’emploi.

Compte tenu du paragraphe 1) de l ’ article 4 de la Convention, et rappelant sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De solliciter l ’ assistance technique régionale ou internationale pour faire mieux comprendre la nature non discriminatoire et l ’ objet des mesures temporaires spéciales aux agents de l ’ État, aux parlementaires, aux décideurs, aux employeurs et au grand public  ;

b) D ’ adopter des mesures temporaires spéciales, tels des instruments, des politiques et des pratiques réglementaires, des programmes de solidarité ou d ’ assistance, l ’ affectation de ressources, le traitement préférentiel, le recrutement, l ’ embauche et la promotion ciblés et des actions positives, et de fixer des objectifs assortis de délais, à titre de stratégie d ’ accélération de l ’ instauration de l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines couverts par la Convention où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, notamment en ce qui concerne l ’ achèvement de la scolarité obligatoire, l ’ inscription à des programmes de formation professionnelle et d ’ enseignement supérieur, la diminution de l ’ analphabétisme par des campagnes ciblant les femmes adultes et rurales, l ’ accès à des possibilités d ’ emploi formel à temps plein, à des avantages économiques et sociaux et à des assurances, et l ’ accès sans entrave à des informations et services abordables relatifs à la santé sexuelle et reproductive, en accordant une attention particulière aux femmes haratines, aux femmes réfugiées, apatrides ou migrantes, aux femmes handicapées, aux femmes rurales et aux femmes âgées  ;

c) De suivre la mise en œuvre des mesures temporaires spéciales et évaluer leurs effets en matière de résultats transformateurs et d ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes  ;

d) De recueillir systématiquement des données sur les effets des mesures spéciales temporaires et de les faire figurer dans son prochain rapport périodique .

Stéréotypes discriminatoires et pratiques préjudiciables

Mutilations génitales féminines

Le Comité note que l’État partie reconnaît que l’excision et les pratiques néfastes similaires infligées aux filles, qui portent atteinte à leur intégrité physique, à leur santé ou à leur dignité, constituent un traitement cruel, inhumain ou dégradant [art. 79 du Code général de protection de l’enfant (2018)]. Cependant, il est gravement préoccupé par la persistance de cette pratique néfaste dans tout l’État partie et par l’impunité généralisée dont jouissent les auteurs de ces actes.

Faisant référence à la recommandation générale n o 14 (1990) sur l ’ excision, la recommandation générale n o 31 du Comité et observation générale n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant, adoptées conjointement (2019) et la recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o 19, ainsi qu ’ à ses recommandations précédentes ( CEDAW/C/MRT/CO/2-3 , par. 25), le Comité exhorte l ’ État partie à  :

a) Veiller à l ’ application stricte et à la large diffusion du Code général de protection de l ’ enfant (2018), renforcer les campagnes de sensibilisation, en particulier à l ’ intention des chefs religieux et dirigeants communautaires, des professionnels de la santé, des enseignants, des parents et des filles, en coopération avec la société civile, sur le caractère criminel des mutilations génitales féminines, leurs effets néfastes sur les droits humains, l ’ intégrité physique, la santé et la dignité des femmes et des filles, leurs conséquences physiques et psychologiques à long terme, et la nécessité d ’ éliminer ces pratiques et les justifications culturelles qui s ’ y rapportent, en particulier dans les régions de Hodh el Gharbi, Tagant et Guidimaka de l ’ État partie  ;

b) Veiller à ce que les auteurs de mutilations génitales féminines soient poursuivis et adéquatement punis, y compris ceux qui financent, aident ou encouragent cette pratique néfaste, et offrir d ’ autres possibilités de revenus aux exciseurs traditionnels.

Mariage d’enfants

Le Comité prend note avec préoccupation des exceptions à l’âge minimum légal du mariage, fixé à 18 ans par l’article 6 du Code du statut personnel (2001), et de la proportion toujours élevée de mariages d’enfants et de mariages forcés dans l’État partie, en particulier dans les zones rurales, qui exposent les filles et les femmes soumises à de telles unions forcées à des conséquences néfastes, en particulier sur la santé et le développement des filles, notamment sur leur droit à l’éducation et à l’intégrité corporelle, et à un risque accru de violence fondée sur le genre.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De modifier l ’ article 6 du Code du statut personnel de manière à supprimer toutes les exceptions à l ’ obligation pour les femmes et les hommes d ’ avoir au moins 18 ans pour se marier, conformément aux engagements pris dans le cadre du troisième cycle de l ’ Examen périodique universel  ;

b) D ’ ériger le mariage d ’ enfants en infraction pénale et de poursuivre et de punir adéquatement les adultes mariés à des enfants et les personnes qui facilitent le mariage d ’ enfants et le mariage de filles jugées incapables sur le fondement de l ’ article 6 du Code du statut personnel  ;

c) D ’ allouer des ressources humaines et financières suffisantes à l ’ exécution, au suivi et à l ’ évaluation du plan d ’ action national pour l ’ élimination du mariage d ’ enfants, y compris à la sensibilisation du public au fait que l ’ âge minimum du mariage est de 18 ans  ;

d) De mettre en place des programmes permettant d ’ offrir des possibilités de réadaptation, un mentorat et un soutien aux victimes de mariages d ’ enfants et de mariages forcés, notamment en accordant un soutien financier et technique aux organisations de la société civile qui fournissent ces services.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité prend note avec préoccupation des niveaux élevés de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre dans l’État partie, une violence exacerbée pendant la pandémie de COVID-19 et touchant de manière disproportionnée les groupes de femmes défavorisés. Il note aussi avec préoccupation que les auteurs de ces violences jouissent souvent de l’impunité parce que le cadre juridique ne protège pas suffisamment les femmes et que les cas de violence ne sont pas systématiquement signalés en raison de la méfiance des femmes à l’égard du système judiciaire et de la police, et notamment du risque qu’elles courent d’être accusées d’avoir eu des relations sexuelles hors mariage (zina) et donc poursuivies pour cette infraction passible de la peine de mort, et de subir lors des examens médico-légaux censés établir le viol, des tests de virginité non conformes aux protocoles et normes sanitaires internationaux. Le Comité note en outre avec préoccupation que les femmes doivent amener quatre témoins pour établir une présomption sérieuse de viol et qu’elles sont souvent revictimisées en raison des réactions des intervenants de première ligne et des responsables de l’application des lois, qui ne tiennent pas compte des questions de genres. Il regrette également que l’État partie n’ait pas de services de protection et de soutien pour les victimes, lesquels sont largement délégués à des organisations non gouvernementales.

Rappelant sa recommandation générale n o 35, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De soumettre d ’ urgence au Parlement pour adoption le projet de loi sur la lutte contre la violence à l ’ égard des femmes et des filles, conformément à l ’ engagement pris en ce sens par la délégation de l ’ État partie au cours du dialogue constructif qui a eu lieu au premier semestre 2023, et aussi mentionné dans le cadre du troisième cycle de l ’ Examen périodique univers el , et d ’ adopter des mesures ciblées pour protéger les femmes haratines, les femmes réfugiées, apatrides ou migrantes, les femmes handicapées et les femmes rurales  ;

b) D ’ ériger en infractions pénales toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, y compris la violence domestique, le viol conjugal et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, sans exemptions, en veillant à ce que la définition du viol soit fondée sur l ’ absence de consentement et prenne en compte toutes les circonstances coercitives, conformément aux normes internationales en matière de droits humains  ;

c) De réviser le Code pénal afin d ’ abolir la peine de mort et de commuer la peine des femmes condamnées à mort pour avoir tué une personne qui les a soumises à des violences fondées sur le genre  ;

d)De libérer immédiatement toutes les filles accusées de zina et détenues sur ce fondement, d ’ abandonner les poursuites à leur encontre et d ’ abroger de toute urgence les articles 307 et 308 du Code pénal, ainsi que la règle de procédure qui oblige les femmes à amener quatre témoins pour établir les cas de viol  ;

e) De financer suffisamment les services de soutien aux victimes et les refuges gérés par des organisations non gouvernementales et de garantir que de tels services existent et soient accessibles dans toutes les régions de l ’ État partie  ;

f) D ’ encourager le signalement des violences à l ’ égard des femmes fondées sur le genre, notamment en créant dans les commissariats de police des sections spéciales, attentives aux questions de genre, chargées de recevoir et d ’ enregistrer les plaintes des femmes, et en mettant en place un programme de protection des victimes et des témoins  ;

g) De soutenir la création dans les hôpitaux et les centres de santé publics d ’ unités spécialisées dans la prise en charge de femmes et d ’ enfants victimes de violence sexuelle, et de systèmes informatisés pour la lutte contre la violence sexuelle et la gestion des cas  ;

h) D ’ adopter des lignes directrices et des protocoles sur la manière de documenter les cas de violence sexuelle en tenant compte des questions de genre, qui soient conformes aux lignes directrices établies par l ’ Organisation mondiale de la Santé, d ’ utiliser des formulaires standard, d ’ interdire les tests dits de virginité et de supprimer toute disposition qui subordonne l ’ aide médicale et l ’ analyse médico-légale à une ordonnance de la police  ;

i) De former les médecins, les infirmières et les sages-femmes à fournir un traitement médical et faire un examen médico-légal dans le cadre d ’ une seule et même consultation afin de faciliter pour les femmes survivantes l ’ obtention de certificats médicaux recevables devant une juridiction  ;

j) D ’ augmenter le nombre de femmes juges, procureures et policières, de renforcer les capacités des agents de l ’ appareil judiciaire, de la police et des autres services chargés de l ’ application des lois en ce qui concerne l ’ application stricte des dispositions pertinentes du droit pénal et les méthodes d ’ enquête et d ’ interrogatoire tenant compte des questions de genre  ;

k) D ’ adopter des protocoles harmonisés pour la collecte de données sur les faits de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, en coordination avec les départements gouvernementaux concernés et l ’ Office national des statistiques, en veillant à ce que les données soient ventilées par forme de violence, âge, région et handicap de la victime, et relation entre la victime et l ’ auteur des faits.

Traite

Le Comité prend note des progrès accomplis par l’État partie en ce qui concerne la mise en place d’un cadre législatif et institutionnel destiné à combattre et prévenir la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles. Cependant, il note avec préoccupation que ce cadre ne prend pas en compte les questions de genre, porte une attention limitée aux groupes défavorisés et ne prévoit ni l’identification rapide des victimes de la traite et leur orientation vers des services d’assistance et de protection appropriés, ni les poursuites à l’encontre des auteurs des faits.

Dans l ’ esprit de sa recommandation générale n o 38 (2020) sur la traite des femmes et des filles dans le contexte des migrations mondiales, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intégrer les questions de genre dans son cadre de lutte contre la traite et de renforcer les possibilités d ’ identification rapide des victimes et d ’ orientation vers les services appropriés, de protéger et de soutenir les groupes défavorisés de femmes et de filles davantage susceptibles d ’ être victimes de la traite, notamment les femmes migrantes, les femmes haratines, les femmes prostituées, les femmes handicapées et les filles exploitées dans la mendicité forcée. Il demande à l ’ État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur le nombre d ’ enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de déclarations de culpabilité prononcées dans des affaires de traite, et sur les peines infligées aux auteurs des faits, y compris à tous les acteurs complices, ainsi que sur les services de soutien, les indemnisations et les permis de séjour temporaires fournis aux victimes.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité félicite l’État partie pour les mesures temporaires spéciales prises, notamment les quotas législatifs et les incitations financières, qui ont entraîné une forte augmentation de la représentation des femmes dans la vie politique. Il regrette toutefois la diminution récente de la représentation des femmes au parlement et dans d’autres organes élus, ainsi qu’aux postes de décision au sein de l’administration de l’État partie. Le Comité note avec préoccupation que les femmes continuent d’être largement sous-représentées dans la magistrature, les syndicats, les universités, le service extérieur et les délégations de l’État partie aux négociations régionales et internationales.

Rappelant ses recommandations générales n o 23 (1997) sur la participation des femmes à la vie politique et publique et n o 25, de même que la cible 5.5 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De mener des campagnes de sensibilisation à l ’ intention des femmes, des partis politiques, des organismes électoraux, des dirigeants locaux, des chefs religieux, des médias et du grand public afin que tous prennent conscience que, pour permettre la pleine mise en œuvre de la Convention et assurer la stabilité politique et le développement économique de l ’ État partie, il faut faire en sorte que les femmes puissent participer à part entière, librement et démocratiquement à la vie politique et publique, dans des conditions d ’ égalité avec les hommes  ;

b) De faciliter l ’ accès des femmes à l ’ éducation électorale et à l ’ inscription sur les listes électorales, en ciblant en particulier toutes les catégories de groupes de femmes défavorisés  ;

c) De renforcer la formation des femmes candidates aux campagnes électorales et aux techniques de négociation politique, ainsi que les programmes de tutorat pour encourager leur participation à la vie politique et publique, notamment en réactivant le Réseau des femmes parlementaires mauritaniennes et le Réseau des anciens ministres et parlementaires mauritaniens  ;

d) D ’ adopter des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention, y compris en ce qui concerne le recrutement préférentiel et la fixation de quotas minimums, pour accroître la représentation des femmes dans la fonction publique, le système judiciaire, le service extérieur et les forces armées de l ’ État partie, ainsi que dans les délégations et organismes régionaux et internationaux, en accordant une attention particulière à la représentation des groupes de femmes défavorisés.

Nationalité et état civil

Le Comité se félicite de la modification apportée en 2021 au Code de la nationalité (1961), de manière à permettre la double nationalité (article 31). Il reste toutefois préoccupé par le fait que la loi conserve des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes mauritaniennes en ce qui concerne le transfert de leur nationalité à leurs enfants et à leur conjoint étranger. Il note également avec préoccupation que l’accès limité des femmes – en particulier les Haratines, réfugiées, demandeuses d’asile et migrantes, leurs enfants, les enfants nés de mères célibataires et les femmes des zones rurales du sud de l’État partie – aux procédures d’enregistrement à l’état civil accroît leur risque d’apatridie et peut les priver de l’accès aux services de base.

Rappelant sa recommandation générale n o 32 (2014) sur les dimensions liées au genre du statut de réfugiée, des demandes d ’ asile, de la nationalité et de l ’ apatridie des femmes, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De sensibiliser les officiers de l ’ état civil et le grand public à l ’ égalité des droits des femmes de transmettre leur nationalité à leurs enfants, quel que soit leur statut matrimonial, et à leur conjoint étranger, conformément à l ’ article 9 de la Convention, sachant que l ’ article 6 du Code de la nationalité (1961) prévoit que toutes les dispositions relatives à la nationalité contenues dans les traités et accords internationaux dûment ratifiés et publiés sont applicables, même si elles sont contraires à la loi mauritanienne, comme le stipule d ’ ailleurs la Constitution nationale  ;

b) De modifier les articles 8, 13, 16 et 18 du Code de la nationalité (1961) afin de garantir aux femmes mauritaniennes des droits égaux à ceux des hommes mauritaniens en matière de transfert de leur nationalité, y compris à leurs enfants nés à l ’ étranger et à leur conjoint étranger  ;

c) De veiller à ce que toutes les femmes, quel que soit leur statut matrimonial, aient accès à l ’ enregistrement des naissances pour leurs enfants nés en Mauritanie, et modifier le Code du statut personnel afin que toutes les femmes et tous les hommes aient le droit d ’ obtenir un acte de naissance pour leurs enfants, quel que soit leur statut matrimonial  ;

d) De garantir un accès abordable et non bureaucratique à l ’ enregistrement des naissances et aux documents d ’ identité pour les femmes haratines, réfugiées, demandeuses d ’ asile et migrantes, ainsi que pour les femmes des zones rurales du sud de l ’ État partie, afin de garantir leur accès aux services de base, notamment l ’ éducation, l ’ emploi, les soins de santé, y compris les services de santé sexuelle et reproductive, la protection sociale et le logement  ;

e) D ’ accélérer les mesures prises pour adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie, conformément aux engagements pris par l ’ État partie lors du troisième examen périodique unive rsel .

Éducation

Le Comité félicite l’État partie pour les mesures prises afin de promouvoir l’accès des filles à l’éducation, notamment la promulgation de la loi no 2022-023 portant la loi d’orientation du système éducatif établissant l’enseignement obligatoire de 6 à 16 ans. Il reste toutefois préoccupé par le taux élevé d’abandon de l’école primaire à l’école secondaire et par le très faible nombre de filles et de femmes inscrites dans l’enseignement supérieur, en particulier dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques. Il regrette qu’il n’existe pas de données récentes, ventilées par âge et en fonction d’autres indicateurs pertinents, sur le taux d’abandon scolaire parmi les filles enceintes et mariées et sur le taux de rescolarisation après le mariage et l’accouchement. En outre, il note avec préoccupation l’ampleur de la violence fondée sur le genre visant les filles, y compris la violence sexuelle, en milieu scolaire et sur le chemin de l’école.

Rappelant la recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie de sensibiliser à l ’ importance de l ’ éducation des filles et des femmes à tous les niveaux en tant que fondement de leur autonomisation et du développement du pays, ainsi que de promouvoir l ’ achèvement des études secondaires par les filles et les femmes et leur accès à l ’ enseignement supérieur, notamment en prenant les mesures suivantes  :

a) Augmenter le nombre d ’ écoles secondaires dans les zones rurales, le nombre d ’ enseignantes et de membres du personnel de soutien à tous les niveaux de l ’ éducation, la disponibilité d ’ installations sanitaires séparées par sexe pour gérer l ’ hygiène menstruelle, la disponibilité de moyens de transport sûrs vers les écoles, l ’ accès à l ’ éducation inclusive pour les filles handicapées et l ’ accès à un soutien financier pour les familles des filles  ;

b) Veiller à ce que les filles qui sont enceintes et celles qui sont devenues mères soient maintenues ou réintégrées dans le système scolaire, notamment en mettant en place des mesures de soutien éducatif extrascolaire et de soutien à la parentalité pour les jeunes mères  ;

c) Fournir, dans son prochain rapport périodique, des données actualisées, ventilées par âge et selon le lieu, sur les taux d ’ abandon scolaire des adolescentes et des jeunes femmes en raison des mariages d ’ enfants et des grossesses précoces, ainsi que sur leurs taux de réinsertion après le mariage ou un accouchement  ;

d) Intégrer dans les programmes scolaires à tous les niveaux une éducation adaptée à l ’ âge sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, y compris un comportement sexuel responsable et la prévention des infections sexuellement transmissibles  ;

e) Établir des procédures efficaces pour enquêter sur les violences fondées sur le genre, y compris les abus sexuels et le harcèlement sexuel dont sont victimes les filles à l ’ école et sur le chemin de l ’ école, pour poursuivre les auteurs de tels faits et les punir comme il se doit, notamment lorsqu ’ il s ’ agit d ’ enseignants et de membres de l ’ administration scolaire, et fournir aux victimes des soins médicaux, un soutien psychosocial et des services de réadaptation  ;

f) Maintenir et renforcer les mesures temporaires spéciales, y compris les subventions financières et les bourses spéciales destinées aux filles, afin d ’ encourager l ’ inscription des femmes et des filles dans des filières non traditionnelles, y compris les sciences, la technologie, l ’ ingénierie et les mathématiques, de même que les technologies de l ’ information et des communications.

Emploi

Le Comité prend note de la législation et des politiques adoptées par l’État partie pour garantir un travail décent aux femmes, notamment la loi 2018-023 sur l’érection en infraction de la discrimination. Il est néanmoins préoccupé par les éléments suivants :

a)L’absence de mise en œuvre de cette législation et de ces décrets et les taux de chômage élevés chez les femmes, ainsi que leur exclusion du marché du travail formel et de la protection du travail et de la protection sociale ;

b)Le fait que, comme le prévoit l’article 57 du Code du statut personnel, les femmes se voient refuser l’accès à certaines professions et à certains types de travail et sont censées choisir leur profession dans les limites de la charia ;

c)Le risque élevé pour les femmes, en particulier les travailleuses domestiques, d’être victimes de harcèlement, d’abus, de violence et d’exploitation sur le lieu de travail en l’absence d’inspections du travail efficaces et de mécanismes de plainte confidentiels et indépendants, ainsi que les niveaux élevés d’impunité dont jouissent les employeurs abusifs.

Le Comité appelle l ’ attention sur sa recommandation générale n o 13 (1989) concernant l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale et sur la cible 8.5 des objectifs de développement durable, et recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ améliorer l ’ accès des femmes à l ’ emploi à temps plein dans l ’ économie formelle, notamment en renforçant les programmes d ’ alphabétisation et les possibilités de formation professionnelle pour les femmes, l ’ accent étant mis sur les groupes de femmes défavorisés  ;

b) D ’ étendre la protection sociale aux femmes travaillant dans l ’ économie informelle, aux femmes exerçant une activité indépendante et aux femmes effectuant un travail non rémunéré, en particulier les femmes rurales  ;

c) D ’ appliquer efficacement la législation du travail protégeant les droits des femmes sur le lieu de travail en renforçant les inspections du travail et en établissant des mécanismes de plainte confidentiels et indépendants, ainsi qu ’ en sensibilisant la population à l ’ égalité des droits des femmes en matière d ’ emploi  ;

d) De transformer en législation les décrets existants qui promeuvent les droits des femmes en matière d ’ emploi et de travail, tels que l ’ ordonnance n o 1797 du 18 août 2011 déterminant les conditions générales d ’ emploi des travailleurs domestiques, le décret n o 189-2022 établissant le pourcentage des allocations familiales et le décret n o 187-2022 augmentant le salaire minimum, afin que les femmes puissent bénéficier de leur protection grâce à l ’ application légale de leurs dispositions  ;

e) D ’ abroger l ’ article 57 du Code du statut personnel et éliminer toute autre restriction à la participation des femmes à certaines professions ou à certains types de travail  ;

f) De ratifier la Convention ( n o 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, et la Convention ( n o 190) sur la violence et le harcèlement, 2019, de l ’ Organisation internationale du travail, conformément aux engagements pris par l ’ État partie lors du troisième cycle de l ’ Examen périodique universel .

Santé

Le Comité reconnaît les efforts déployés par l’État partie pour améliorer l’accès des femmes aux soins de santé, notamment l’adoption de la loi no 2017-025 sur la santé reproductive. Il est néanmoins préoccupé par les éléments suivants :

a)L’insuffisance de l’accès des femmes et des filles aux services de santé sexuelle et reproductive et aux technologies numériques qui accélèrent la prestation des services de santé, en particulier dans les zones rurales ;

b)La persistance de taux de mortalité maternelle élevés, y compris chez les adolescentes, et l’insuffisance des soins obstétriques et néonatals d’urgence de base dans l’État partie ;

c)Le nombre élevé d’avortements pratiqués dans des conditions dangereuses dans l’État partie, où les avortements ne peuvent être pratiqués légalement que dans des circonstances extrêmement limitées, notamment lorsque la vie d’une femme enceinte est en danger ;

d)L’accès limité aux traitements antirétroviraux et la stigmatisation et l’exclusion sociale des femmes et des filles vivant avec le VIH/sida.

Rappelant sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, ainsi que les cibles 3.1 et 3.7 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De mettre en œuvre efficacement la Loi sur la santé de la reproduction (2017) et la Stratégie nationale de promotion de la santé de la reproduction et y sensibiliser, en mettant l ’ accent sur les filles et les femmes victimes de mariages d ’ enfants et/ou de mariages forcés, ainsi que sur les femmes et les filles vivant en milieu rural  ;

b) D ’ augmenter ses dépenses de santé et améliorer la couverture et l ’ accès à des services de santé de qualité sur l ’ ensemble de son territoire en allouant des ressources budgétaires suffisantes pour la création d ’ hôpitaux adéquatement équipés et en investissant dans les innovations numériques, telles que le numéro abrégé commun, afin d ’ accélérer la prestation des services de santé, en particulier pour répondre aux besoins dans les zones rurales et éloignées, en garantissant notamment la fourniture de soins prénatals et postnatals gratuits, y compris le traitement de la fistule obstétricale, pour toutes les femmes et les jeunes filles concernées  ;

c) De modifier l ’ article 23 du Code pénal et l ’ article 21 de la Loi sur la santé génésique pour dépénaliser l ’ avortement dans tous les cas, afin de garantir que les femmes qui tentent de subir ou subissent la procédure ne puissent faire l ’ objet de poursuites pénales, et légaliser l ’ avortement au moins dans les cas de viol, d ’ inceste, de menaces pour la vie ou la santé de la femme enceinte ou de risques de graves déficiences du fœtus  ;

d) De veiller à ce que les femmes et les filles aient un accès adéquat à l ’ information sur la santé sexuelle et reproductive, et à ce que toutes les femmes, y compris les femmes des zones rurales et les femmes handicapées, aient accès à des services de santé sexuelle et reproductive de haute qualité, notamment à la planification familiale, à des méthodes de contraception modernes, à la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles, et à des services d ’ avortement et de post-avortement sûrs  ;

e) De renforcer les stratégies de lutte contre le VIH/sida, en particulier les stratégies préventives, de continuer à fournir gratuitement un traitement antirétroviral à toutes les femmes et les filles vivant avec le VIH/sida, y compris les femmes enceintes pour prévenir la transmission de la mère à l ’ enfant, et d ’ élaborer une stratégie pour lutter contre la stigmatisation et l ’ exclusion sociale des femmes et des filles vivant avec le VIH/sida.

Autonomisation économique des femmes

Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour promouvoir l’émancipation économique des femmes, notamment des programmes de microfinancement ciblés. Il note néanmoins avec préoccupation les obstacles à la pleine participation des femmes à la vie économique dans l’État partie, tels que l’accès limité à la propriété foncière, au capital, aux marchés publics, au crédit financier, aux technologies de l’information et des télécommunications, et aux régimes de protection sociale.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De s ’ attaquer à la féminisation de la pauvreté en intégrant systématiquement la dimension de genre dans la Stratégie nationale de réduction de la pauvreté et en veillant à ce que les femmes, en particulier celles qui appartiennent à des groupes défavorisés, et les organisations qui les représentent participent de manière significative à chaque étape de la mise en œuvre, du suivi, de l ’ évaluation et du renouvellement de la Stratégie  ;

b) De renforcer les avantages sociaux et économiques pour les femmes, notamment les femmes rurales, les femmes exerçant une activité indépendante et les femmes chefs de famille  ;

c) De veiller à ce que les femmes aient un accès égal à celui des hommes à la propriété foncière et au crédit financier, y compris dans le cas des prêts à faible taux d ’ intérêt sans garantie, à l ’ entrepre u nariat, aux entreprises indépendantes et aux possibilités de bénéficier de conditions préférentielles de participation aux marchés publics, ainsi qu ’ aux technologies de l ’ information et de la communication, et de créer l ’ infrastructure nécessaire pour leur permettre d ’ accéder aux marchés – afin que les femmes puissent participer au commerce électronique et au commerce transfrontalier dans le cadre des échanges portant sur leurs biens et produits  ;

d) De veiller à ce que le travail non rémunéré des femmes soit reconnu, réduit et redistribué, notamment en augmentant la disponibilité de structures d ’ accueil abordables pour les enfants et en encourageant la participation des hommes aux tâches domestiques et familiales.

Femmes des zones rurales et changement climatique

Le Comité reconnaît les efforts déployés par l’État partie pour améliorer la viabilité économique et les moyens de subsistance des femmes rurales, notamment par le biais de la Stratégie nationale d’institutionnalisation du genre (2015-2025). Toutefois, il constate avec inquiétude que les femmes rurales n’ont qu’un accès limité aux services de base, tels que l’eau potable, le logement, les infrastructures, l’éducation et les soins de santé. Le Comité note également avec inquiétude le manque de reconnaissance du rôle important joué par les femmes et des connaissances étendues qu’elles mettent en œuvre pour assurer la sécurité alimentaire, malgré leur charge disproportionnée de travail non rémunéré dans la pêche et l’agriculture, ainsi que leur exclusion de la prise des décisions sur l’utilisation des ressources naturelles et des stratégies de développement rural. Il est également préoccupé par le fait que les attitudes patriarcales limitent la propriété, le contrôle et l’utilisation des terres par les femmes rurales, ainsi que leur accès aux crédits agricoles et aux technologies agricoles modernes, en plus de l’absence de politiques visant à réglementer le secteur privé et à promouvoir des investissements respectueux de l’égalité entre les hommes et les femmes et la responsabilité sociale des entreprises.

Se référant à sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales et renouvelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/MRT/CO/2-3 , par. 43), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De renouveler le Plan d ’ action national pour les femmes rurales (2009 ‑ 2012) et d ’ intégrer une perspective de genre dans la gestion de la pêche, de l ’ agriculture, de l ’ élevage et de la sylviculture, ainsi que dans l ’ utilisation des ressources et des terres, afin de répondre efficacement aux besoins des femmes rurales et de protéger les coopératives de femmes  ;

b) De démanteler les attitudes patriarcales et les stéréotypes sexistes qui entravent l ’ égalité d ’ accès des femmes rurales aux terres et aux ressources productives, et d ’ adopter une législation visant à protéger l ’ égalité des droits des femmes rurales en matière de propriété et d ’ utilisation des terres, ainsi qu ’ adopter des règlements sur les investissements et les opérations du secteur privé qui tiennent compte des besoins des femmes rurales  ;

c) De renforcer la participation, sur un pied d ’ égalité, des femmes et des filles des zones rurales à la prise des décisions concernant l ’ atténuation des catastrophes, le changement climatique et la transition énergétique, notamment en ce qui concerne la Stratégie nationale pour l ’ environnement et le développement durable et le plan national de lutte contre le changement climatique, conformément à la recommandation générale n o 37 (2018) sur les dimensions liées au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte du changement climatique et à la lumière des engagements pris par l ’ État partie lors du troisième cycle de l ’ Examen périodique universel, et de veiller également, à cette fin :

i) À recueillir des données précises et ventilées, ainsi que poursuivre des recherches et des analyses sur l ’ impact du changement climatique, de la mobilité climatique et des catastrophes naturelles à évolution lente ou soudaine sur les femmes et les filles  ;

ii) À refléter les besoins des filles et des femmes en matière de changement climatique et à en tenir compte dans les lois, les décrets, les politiques, les budgets et les programmes  ;

iii) À soutenir activement, en participant à leur création et à leur mise en œuvre, de nouveaux mécanismes de financement pour répondre aux pertes et dommages, tel que décidé lors de la vingt-septième session de la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui a eu lieu en 2022  ;

d) D ’ intensifier les efforts visant à assurer la prestation de services dans les zones rurales afin de promouvoir l ’ accès des femmes rurales aux soins de santé, notamment par le biais de services de santé sexuelle et reproductive, à l ’ éducation, à l ’ emploi formel, à la protection sociale, au logement, à l ’ eau et à l ’ assainissement  ;

e) D ’ accroître les investissements dans les infrastructures et l ’ accès à Internet dans les zones rurales en tenant compte de la dimension de genre, et renforcer la capacité des femmes rurales à utiliser les nouvelles technologies pour participer de manière concrète à la nouvelle économie numérique.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité note avec préoccupation la lenteur des progrès de la réforme du droit de la famille dans l’État partie, le maintien de sa réserve à l’article 16 de la Convention et la persistance de dispositions discriminatoires dans le Code du statut personnel en ce qui concerne la tutelle masculine sur les femmes et les enfants, le mariage, le divorce, la garde et la tutelle légale des enfants, la polygamie, le partage des biens et l’héritage.

Conformément à ses recommandations générales n o 21 (1994) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux et n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, des rapports familiaux et de leur dissolution, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ achever la révision du Code du statut personnel pour s ’ assurer qu ’ il est fondé sur les principes de non-discrimination et d ’ égalité entre les femmes et les hommes, abroger toutes les dispositions discriminatoires régissant la capacité juridique, la polygamie, le divorce, la garde des enfants, le système de tutelle, le partage des biens et l ’ héritage, et sensibiliser le grand public, le pouvoir judiciaire, y compris les qadis, et les chefs religieux et communautaires à l ’ égalité des droits des femmes en matière de mariage et de rapports familiaux  ;

b) D ’ interdire la polygamie, conformément à la recommandation générale n o 21 et à la recommandation générale n o 31/observation générale conjointe n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant.

Collecte et analyse des données

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer la collecte, l ’ analyse et la diffusion de données complètes, ventilées par sexe, âge, handicap, situation géographique et autres facteurs pertinents, et d ’ utiliser des indicateurs mesurables pour évaluer les tendances de la situation des femmes et les progrès vers l ’ égalité réelle des femmes dans tous les domaines couverts par la Convention et par les cibles liées au genre des objectifs de développement durable.

Protocole facultatif à la Convention et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant la durée des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et à continuer d ’ évaluer la réalisation des droits consacrés par la Convention en vue de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Diffusion

Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la ou les langue(s) officielle(s) de l ’ État partie, aux institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, au parlement et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un lien entre l ’ application de la Convention et l ’ action qu ’ il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l ’ assistance technique régionale ou internationale.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité demande à l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des renseignements sur les mesures qu ’ il aura prises pour donner suite aux recommandations émises aux paragraphes 9, 11 a), 25 a) et 37 c) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité fixera la date à laquelle l ’ État partie devra lui remettre son cinquième rapport périodique en fonction d ’ un calendrier prévisible de soumission des rapports fondé sur un cycle d ’ examen de huit ans et adoptera une liste de points et de questions qui sera transmise à l ’ État partie avant la soumission du rapport, selon qu ’ il conviendra. Le rapport devra couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).