Observations finales concernant les quatrième et cinquième rapports périodiques de la République de Moldavie réunis en un seul document *

1.Le Comité a examiné, réunis en un seul document, (CEDAW/C/MDA/4-5) les quatrième et cinquième rapports périodiques de la République de Moldavie à ses 1159e et 1160e séances le 1er octobre 2013 (CEDAW/C/SR.1159 et 1160). La liste des points et questions soulevés figure dans le document paru sous la cote CEDAW/C/MDA/Q/4-5 et les réponses du Gouvernement de la République de Moldavie dans le document paru sous la cote CEDAW/C/MDA/Q/4-5/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité remercie l’État partie de ses quatrième et cinquième rapports périodiques réunis en un seul document, de ses réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session et des précisions supplémentaires qu’il a fournies en réponse aux questions posées oralement par le Comité.

3.Le Comité félicite l’État partie de la qualité de sa délégation, qui était présidée par le Ministre adjoint au travail, à la protection sociale et à la famille, M. Sergiu Sainciuc, et qui comprenait des représentants du Ministère des affaires étrangères et de l’intégration européenne, de l’Inspection générale de la police ainsi que de la Mission permanente de la République de Moldova auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.. Le Comité se félicite du dialogue constructif qui s’est instauré entre la délégation et le Comité.

B.Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction la création, en 2013, du Conseil pour la prévention et la répression de la discrimination et l’établissement de l’égalité (Conseil anti-discrimination).

5.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption, en 2012, de la Loi no 121 sur l’établissement de l’égalité ainsi que de la Loi no 45-XVI sur la prévention et la répression de la violence conjugale en 2007.

6.Le Comité note avec satisfaction l’adoption :

a)De la stratégie du mécanisme national d’orientation pour protéger et aider les victimes et victimes potentielles de la traite des êtres humains pour la période 2009-2016 et de son plan national d’action 2009-2011; et

b)Du Programme national pour l’égalité entre les sexes et du Plan national d’action qui lui est associé (2010-2015).

7.Le Comité se félicite que l’État partie ait accepté en 2012 la modification du premier paragraphe de l’article 20 de la Convention ainsi que la déclaration faite en 2013 au titre du premier paragraphe de l’article 14 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale qui reconnait que le Comité est habilité à recevoir des communications et à les examiner et qu’il ait ratifié les traités internationaux ci-après :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées (2010);

b)Le Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (2008);

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie faisant intervenir des enfants (2007);

d)Le second Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques tendant à abolir la peine capitale (2006).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

8. Réaffirmant que la pleine mise en œuvre des obligations que la Convention fait à l ’ État partie relève au premier chef du Gouvernement, qui en est particulièrement comptable, le Comité souligne que la Convention a force obligatoire pour toutes les structures de l ’ État et invite l ’ État partie à encourager son Parlement à prendre, conformément à ses procédures et dans les cas appropriés, les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales dès maintenant.

Cadre constitutionnel et législatif et lois discriminatoires

9.Le Comité est préoccupé par :

a)La lenteur des réformes engagées par l’État partie pour aligner sa législation sur la Convention, ainsi que par le retard pris et l’absence d’un calendrier précis concernant l’adoption d’un certain nombre de projets de loi importants1;

b)L’insuffisante application de lois visant l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes;

c)La limitation du budget attribué au Conseil de la lutte contre la discrimination;

d)Le fait que les magistrats ne connaissent pas bien les droits de la femme et la législation interne visant à les protéger, et qu’ils ne reçoivent pas une formation systématique sur la Convention et sur les lois nationales de promotion de l’égalité des sexes.

10. Le Comité engage l ’ État partie  :

a) À faire diligence pour achever l ’ harmonisation de sa législation avec la Convention et à associer la société civile à ce processus;

b) À concevoir des stratégies, notamment pour sensibiliser les parlementaires à la nécessité de surmonter les obstacles à l ’ adoption des projets de lois en souffrance, et à agir en vue de leur adoption dans un délai correspondant à un calendrier précis d ’ ici à la période du prochain rapport;

c) À veiller à la mise en œuvre et à l ’ application effectives de la législation pour éliminer la discrimination à l ’ égard des femmes, afin de réduire les désavantages structurels qui font obstacle à la réalisation effective d ’ une véritable égalité des sexes;

d) À doter le Conseil de la lutte contre la discrimination de ressources humaines et financières suffisantes pour lui permettre de bien remplir son rôle ;

e) À former systématiquement les juges, procureurs et avocats à la Convention, au Protocole facultatif qui s ’ y rapporte et à la législation interne correspondante .

Applicabilité de la Convention

11.Le Comité prend note de l’information fournie par la délégation de l’État partie pendant le dialogue, selon laquelle la Transnistrie est une région qui fait partie de la République de Moldavie et selon laquelle l’État étudie la façon d’appliquer le rapport 2013 de l’expert des Nations Unies, M. Thomas Hammarberg. Il reste cependant préoccupé par le fait qu’en Transnistrie, les femmes ne bénéficient pas de la même protection de l’égalité hommes-femmes que celle qui est assurée sur le reste du territoire de la République de Moldavie.

12. Le Comité note que l ’ État partie a l ’ intention de mettre en œuvre les recommandations figurant dans le rapport Hammarberg et lui recommande d ’ accélérer l ’ action menée pour atteindre cet objectif, conformément à l ’ engagement pris récemment par le Premier Ministre de la République de Moldavie devant l ’ Assemblée générale des Nations Unies. Il l ’ engage aussi à respecter les engagements qu ’ il a pris dans le cadre de l ’ Examen périodique universel en 2011, visant à promouvoir les droits de l ’ homme dans la région de Transnistrie. À cette fin, il devrait commencer à coopérer avec les autorités de facto de la Transnistrie et les autres parties prenantes afin de mieux protéger les droits fondamentaux des habitantes de Transnistrie et d ’ aider celles-ci à exercer ces droits plus pleinement.

Mécanismes nationaux en place pour la promotion de la condition de la femme

13.Prenant note de l’information fournie par l’État partie concernant la réintroduction de points de contact pour l’égalité des sexes dans l’administration locale, le Comité se dit néanmoins préoccupé par :

a)L’insuffisance de la coopération entre les organismes chargés de promouvoir l’égalité des sexes et les ministères concernés à tous les niveaux, par la rotation rapide du personnel, par l’insuffisante prise en compte des problèmes d’égalité des sexes dans les ministères à tous les niveaux et, enfin, par l’insuffisante prise en compte des femmes défavorisées dans la formulation des politiques et des programmes;

b)L’insuffisance du pouvoir de décision et des ressources humaines, financières et techniques des mécanismes nationaux;

c)Le manque d’information sur la mise en œuvre du Programme national en faveur de l’égalité des sexes et des plans d’action nationaux (2010-2015) qui y sont associés, ainsi que sur les résultats atteints à ce jour.

14. Le Comité recommande de nouveau (voir CEDAW/C/MDA/CO/3 , par. 12) à l ’ État partie de renforcer dans les meilleurs délais les mécanismes nationaux de promotion des droits de la femme. À cette fin, l ’ État partie devrait mettre en place des mécanismes de coopération efficaces entre les organismes responsables de l ’ égalité des sexes et les ministères concernés, afin de renforcer l ’ intégration de la question de l ’ égalité des sexes à tous les niveaux et dans tous les domaines couverts par la Convention, notamment en ce qui concerne les catégories de femmes défavorisées. Le Comité invite aussi l ’ État partie à renforcer le Comité gouvernemental pour l ’ égalité hommes-femmes en donnant un plus grand retentissement à son action, en le dotant d ’ une plus grande autorité face aux ministères concernés, et en lui donnant les ressources humaines, financières ou techniques nécessaires pour qu ’ il puisse améliorer son fonctionnement pratique et contribuer à mettre en place un champ de connaissances et de savoir-faire solide relativement à la situation des femmes dans tous les domaines sur lesquels porte la Convention. Enfin, l ’ État partie devrait mettre en œuvre le programme sur l ’ égalité des sexes et donner dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés à ce sujet.

Mesures temporaires spéciales

15.Le Comité note que quelques mesures temporaires spéciales ont été intégrées dans la proposition de modification de la loi sur le Gouvernement afin d’encourager les femmes à participer à la vie politique, mais il constate avec préoccupation que des tentatives législatives analogues, visant à introduire des quotas de candidates sur les listes des partis politiques, ont échoué. Il est également préoccupé par le fait que le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention n’est guère compris et qu’il n’est pas mis en place de mesures temporaires spéciales dans les autres domaines sur lesquels porte la Convention en vue de réaliser une égalité de fait entre les femmes et les hommes.

16. Le Comité exhorte l ’ État partie à accélérer son action en vue d ’ adopter la proposition de modification de la loi sur le Gouvernement et à sensibiliser les parlementaires à l ’ importance de la participation des femmes à la vie publique. Il lui recommande aussi d ’ adopter, en application du paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention, des mesures spéciales temporaires en faveur des femmes, y compris de celles qui appartiennent aux minorités ethniques ou qui sont handicapées, ainsi que de celles qui sont sous-représentées et/ou défavorisées, et d ’ évaluer les effets de ces mesures en matière d ’ égalité des sexes et d ’ en publier l ’ analyse.

Stéréotypes

17.Le Comité rappelle sa préoccupation face à la persistance de mentalités patriarcales et de stéréotypes profondément ancrés concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société (CEDAW/C/MDA/CO/3, par. 18). Il note que ces stéréotypes et mentalités sont les causes profondes de la situation défavorable que connaissent les femmes dans l’État partie au regard de la vie politique et publique, de la violence à laquelle elles y sont exposées et de la ségrégation sexiste que traduisent les choix de cursus scolaire et d’emploi que font les femmes et les filles. Il est également préoccupé par les stéréotypes persistants qui s’attachent aux femmes âgées ou handicapées et par l’existence de publicités sexistes. Enfin, il trouve inquiétant que malgré le caractère laïc de l’État, les institutions religieuses perpétuent souvent des stéréotypes traditionnels quant au rôle des hommes et des femmes dans la famille et dans la société, et influent sur les politiques publiques, avec les effets que cela a sur les droits de l’être humain.

18. Le Comité exhorte l ’ État partie  :

a) À éliminer tous les types de discrimination fondée sur le sexe ou le genre dans le système éducatif et dans les programmes éducatifs non scolaires, et, notamment, à supprimer des manuels les stéréotypes sexistes, à incorporer l ’ étude des droits de l ’ homme dans les programmes scolaires et, enfin, à instaurer dans tous les programmes de formation pédagogique des cours obligatoires sur la manière dont l ’ école reproduit les inégalités sexistes;

b) À mettre au point une stratégie globale transversale visant femmes et hommes, filles et garçons, afin de dépasser les attitudes sexistes stéréotypées et patriarcales concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société;

c) À élaborer des programmes de sensibilisation et de formation à l ’ intention des responsables, des employeurs, des jeunes et des groupes de femmes défavorisées, dont les femmes âgées ou handicapées, au sujet des droits de la femme dans tous les domaines sur lesquels porte la Convention;

d) À adopter dans les meilleurs délais la loi sur la publicité qui vise notamment à interdire les publicités sexistes, et à faire en sorte qu ’ elle soit effectivement appliquée;

e) À veiller à ce que les autorités locales instituent des politiques fondées sur le principe de l ’ égalité des sexes, sans ingérence des institutions religieuses.

Violence à l’égard des femmes

19.Le Comité salue l’adoption de la loi sur la prévention et la répression de la violence intrafamiliale en 2008, qui a défini de nouvelles mesures de protection, ainsi que la modification du Code pénal, en 2010, portant répression de la violence intrafamiliale et du viol conjugal, mais il exprime de nouveau sa grave préoccupation au sujet de l’incidence élevée de la violence intrafamiliale, y compris contre des femmes âgées, qui s’accompagne d’une absence de collecte de données complètes sur ce phénomène, qui permettrait d’évaluer l’ampleur et les formes de la violence dont les femmes sont les victimes. Le Comité exprime à nouveau sa préoccupation au sujet des éléments suivants :

a)L’incohérence de l’application, par les tribunaux et les services du parquet et de la police, des lois visant à combattre la violence intrafamiliale, qui sape la confiance des femmes dans le système judiciaire, ainsi que la méconnaissance, chez ces dernières, des recours légaux existants;

b)Le fait que les services de police et du parquet n’accordent pas l’attention voulue aux blessures légères et qu’il faut souvent que les actes de violence soient répétés pour qu’il y ait enquête pénale et les réticences de la police à intervenir dans les affaires de violence intrafamiliale au sein de la communauté rom;

c)L’inefficacité des ordonnances de protection émises à l’encontre des agresseurs présumés, qui ne sont pas délivrées par les tribunaux ou le sont tardivement; le fait que les services de la police n’appliquent pas les ordonnances de protection; l’insuffisance des services aux victimes en zones rurales et dans la région de Transnistrie, y compris de foyers d’accueil; et la non-couverture, par le système public, de l’aide juridictionnelle aux victimes de violence sexiste;

d)La faible remontée de l’information concernant les affaires de violence sexuelle, y compris le viol, et l’inefficacité des enquêtes et des poursuites dans ces affaires;

e)Les renseignements reçus concernant certaines migrantes moldaves qui, lorsqu’elles rentrent dans le pays, sont l’objet d’ostracisme et risquent de subir des violences sexuelles.

20. Rappelant sa Recommandation générale n o  19 (1992) relative à la violence à l ’ égard des femmes, le Comité exhorte l ’ État partie  :

a) À renforcer l ’ application du Code pénal et de la loi portant prévention et répression de la violence intrafamiliale ainsi que les autres lois pertinentes et à faire en sorte que l ’ ensemble des femmes et des filles, notamment les femmes âgées, les femmes et filles roms, ou encore les femmes et filles handicapées, soient protégées contre la violence et disposent d ’ un accès immédiat à des voies de recours; à lancer d ’ office des enquêtes au sujet de toute infraction de ce type et à veiller à ce que leurs auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines à la mesure de la gravité de l ’ infraction commise;

b) À accélérer l ’ action menée pour modifier la loi portant prévention et répression de la violence intrafamiliale afin de compléter la protection offerte par les ordonnances judiciaires ou par un système de protection policière, de manière à permettre la délivrance d ’ ordonnances de protection policière d ’ urgence;

c) À supprimer tous les obstacles à l ’ accès à la justice auxquels se heurtent les femmes et à faire en sorte que l ’ aide juridictionnelle soit disponible pour toutes les victimes de la violence; à encourager les femmes à dénoncer les incidents de violence intrafamiliale ou sexuelle en faisant mieux comprendre le caractère criminel d ’ une telle violence, notamment aux femmes roms; à augmenter le nombre de foyers d ’ hébergement et à améliorer leur financement, et à garantir que la couverture nationale s ’ applique aussi aux femmes vivant en zones rurales ou dans la région de Transnistrie;

d) À faire en sorte que toutes les enquêtes menées au sujet d ’ infractions sexuelles, notamment celles commises contre des migrantes moldaves, soient menées dans le respect des normes internationales en matière d ’ enquêtes, notamment en modifiant les directives actuelles relatives aux enquêtes sur les viols et autres agressions sexuelles;

e) À renforcer le système de collecte des données pour faire en sorte qu ’ elles soient ventilées par type de violence et par relation entre l ’ auteur et la victime, soutenir la recherche menée dans ce domaine et à veiller à ce que les renseignements et les données collectés soient rendus publics;

f) À ratifier la Convention du Conseil de l ’ Europe sur la prévention et la répression de la violence à l ’ égard des femmes et de la violence domestique.

Traite et exploitation de la prostitution

21.Le Comité salue les efforts réalisés pour lutter contre la traite, mais il est préoccupé par le fait que l’État partie reste un pays d’origine de la traite pratiquée à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation liée au travail, et constate avec inquiétude que les peines prononcées contre les auteurs de la traite sont clémentes. Il constate avec une inquiétude particulière que les enfants dont les parents ont émigré à l’étranger, ainsi que les femmes qui ont été victimes de violence intrafamiliale, sont particulièrement vulnérables à la traite. De même, les services de réadaptation et de réinsertion proposés aux femmes et aux filles victimes de la traite sont insuffisants, particulièrement dans la région de Transnistrie de la République de Moldavie.. Enfin, le Comité constate avec préoccupation que la Constitution est certes illégale dans l’État partie en vertu du Code des infractions administratives, mais que seules les femmes qui se prostituent s’exposent à des sanctions, ce qui n’est pas le cas de leurs clients.

22. Le Comité invite l ’ État partie  :

a) À veiller à ce que ceux qui pratiquent la traite soient poursuivis et dûment sanctionnés en temps voulu, et à revoir sa stratégie en matière de condamnation dans les affaires de traite;

b) À dispenser une formation obligatoire de sensibilisation à l ’ égalité des sexes aux juges, aux procureurs, aux fonctionnaires de la police et autres agents des forces de l ’ ordre au sujet des dispositions légales concernant la traite;

c) À mettre effectivement en œuvre le Plan national d ’ action associé à la Stratégie nationale d ’ orientation visant l ’ identification précoce et l ’ encadrement des victimes de la traite, et à prendre des mesures préventives telles que la sensibilisation aux risques de la traite ciblée sur les groupes de femmes défavorisées et marginalisées;

d) À revoir les lois sur la prostitution pour faire en sorte que les femmes qui se prostituent ne souffrent pas de discrimination ou qu ’ on ne leur applique pas des amendes administratives, à intensifier l ’ action menée pour soutenir celles qui veulent arrêter de se prostituer, à appliquer des mesures pour réduire la demande de ce type d ’ activité et à envisager des sanctions pour les consommateurs de services sexuels.

Participation à la vie politique et publique

23.Le Comité note qu’on envisage de modifier la loi sur le Gouvernement, qui prévoit un quota obligatoire de 40 % de candidates sur les listes des partis politiques, ainsi que la proposition de modification de la loi relative au financement des partis politiques, prévoyant des mesures d’incitation financière en faveur des partis politiques encourageant les candidatures féminines. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que la proportion des femmes parlementaires ou occupant des postes de décision à l’État et aux niveaux national et local reste faible. Enfin, le Comité trouve inquiétant que les groupes de femmes défavorisées, dont les roms et les handicapées, soient dans la pratique presque totalement exclues de la vie politique et publique.

24. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ étudier les raisons profondes pour lesquelles les femmes ne participent pas à la vie publique et politique et de concevoir des stratégies pour venir à bout des obstacles à cette participation, et de prendre des mesures effectives pour que les mesures temporaires spéciales proposées visant à promouvoir la présence des femmes dans la vie politique et aux postes de direction soient rapidement adoptées;

b) D ’ accroître l ’ action qu ’ il mène pour former les femmes et renforcer leur capacité d ’ entrer dans la fonction publique, et de renforcer les campagnes de sensibilisation sur l ’ importance de la participation pleine et égale des femmes à la vie politique et publique;

c) D ’ introduire des procédures visant à garantir la participation effective des femmes roms ou handicapées aux fonctions électives et dans les organismes dont les membres sont nommés.

Éducation

25.L’État note le niveau d’instruction élevé des femmes et des filles dans l’État partie, mais reste préoccupé par l’orientation persistante des femmes et des filles vers les cursus traditionnellement féminins au niveau postsecondaire, et par leur sous-représentation dans les autres filières de l’enseignement que sont le génie, les technologies et autres, ce qui pèse sur leurs chances de s’intégrer dans les secteurs les mieux payés du marché du travail. Le Comité est aussi préoccupé par l’accès limité des filles roms ou handicapées aux établissements d’enseignement général ou inclusif, ce qui se traduit par de faibles taux d’inscription et des taux d’abandon scolaire élevés dans le primaire, ainsi que par l’existence de préjugés défavorables chez le personnel enseignant et l’administration scolaire à l’égard des Roms.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ encourager les jeunes femmes à choisir des filières scolaires et professionnelles non traditionnelles, notamment par l ’ adoption de mesures temporaires spéciales, et de mettre en place des programmes d ’ orientation scolaire à l ’ intention des filles et des garçons portant sur l ’ ensemble des choix éducatifs;

b) De favoriser l ’ accès des filles roms ou handicapées aux établissements d ’ enseignement de type général ou inclusif et de veiller à leur maintien dans le système scolaire à tous les niveaux d ’ enseignement, en luttant contre le sentiment antirom, en menant des actions de sensibilisation sur l ’ importance de l ’ éducation en tant que fondement de l ’ autonomisation des femmes, et en renforçant l ’ application des politiques de rescolarisation des filles qui ont quitté l ’ école.

Emploi

27.Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes continuent à être victimes de ségrégation professionnelle et à être surreprésentées dans les secteurs d’emploi les moins bien payés, ce qui leur vaut de ne percevoir que de faibles pensions, par la non application du principe de salaire égal pour un travail de valeur égale et la persistance de l’écart de salaire entre hommes et femmes et par l’exclusion des femmes roms et des femmes handicapées du marché de l’emploi. Il est préoccupé en outre par le fait que les femmes qui travaillent dans le secteur informel, y compris les femmes rurales et les femmes âgées, n’ont aucune protection sociale ou juridique. Le Comité se dit à nouveau préoccupé de voir que le code du travail prévoit un congé de maternité excessivement protecteur mais ne prévoit aucun congé parental, ce qui a pour effet de renforcer l’inégalité de division des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes et qui risque de mener les femmes au chômage et à la pauvreté. Il se dit aussi préoccupé par la différence d’âge de départ à la retraite pour les hommes et pour les femmes (57 ans pour les femmes contre 62 ans pour les hommes) ainsi que par l’impact que l’inégalité de départ à une retraite anticipée a sur le renforcement des stéréotypes et la paupérisation d’un grand nombre de femmes âgées.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De redoubler d ’ efforts en vue d ’ éliminer la ségrégation professionnelle des femmes, y compris par l ’ adoption de mesures temporaires spéciales, d ’ adopter des mesures pour donner réalité au principe de salaire égal pour un travail de valeur égale ainsi que de réduire puis combler l ’ écart de salaire entre les sexes par l ’ application, dans le secteur public, de systèmes d ’ évaluation des emplois associés à des augmentations de salaire dans les secteurs à prédominance féminine;

b) D ’ ouvrir plus grandes les portes de l ’ emploi aux femmes roms, aux femmes rurales, aux femmes handicapées et aux femmes âgées, notamment en assurant la mise en œuvre effective de la stratégie d ’ égalité des sexes (2010-2015);

c) De s ’ employer à revoir les dispositions du code du travail sur le congé de maternité et de paternité et d ’ y engager les syndicats et les organisations de femmes en vue de permettre aux femmes et aux hommes de concilier travail et famille;

d) D ’ élever l ’ âge de départ à la retraite pour les femmes et de l ’ aligner sur celui des hommes et d ’ élargir les systèmes de pension en vue d ’ assurer aux femmes et aux hommes au moins le niveau minimum de subsistance;

e) D ’ envisager de ratifier la Convention n o  189 de l ’ Organisation internationale du travail prévoyant un travail décent pour les employés de maison.

29.Le Comité note que la loi sur l’égalité des chances entre les hommes et les femmes porte interdiction du harcèlement sexuel, mais il regrette l’absence de mesures d’application. Il note l’insertion, dans le code pénal, d’un article 173 qui pénalise le harcèlement sexuel, mais il regrette l’absence d’information sur les affaires judiciaires qui appliquent cette disposition. Il regrette en particulier que souvent, dans la pratique, les femmes qui ont fait l’objet d’un harcèlement sexuel en arrivent à démissionner de leur emploi alors que les auteurs jouissent souvent de l’impunité.

30. Le Comité exhorte l ’ État partie à vulgariser les lois interdisant et pénalisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et à les appliquer effectivement, à faire en sorte que les femmes connaissent ces lois et qu ’ elles aient accès à des recours effectifs au pénal et au civil, et à collecter des données ventilées par sexe sur le nombre et les résultats des inspections du travail, des affaires portées devant les tribunaux et des plaintes administratives pour une discrimination au travail fondée sur le sexe et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Santé

31.Le Comité est préoccupé par le taux élevé des avortements et par le fait que les formes modernes de contraception sont peu utilisées, peu disponibles, trop coûteuses et peu accessibles, en particulier dans la région de Transnistrie et dans les zones rurales, ce qui montre que l’avortement est utilisé comme mode de régulation des naissances. Il est particulièrement préoccupé par ce qui lui a été rapporté concernant l’existence de pratique de stérilisation forcée des femmes, en particulier parmi les femmes handicapées, les femmes rurales et les roms. Il note avec préoccupation que le règlement actuel sur la stérilisation met le handicap mental au nombre des indicateurs de stérilisation. Il constate aussi avec préoccupation que les écoles ne prévoient pas de programmes sur la santé et les droits sexuels et génésiques et que l’on manque de données ventilées par sexe. Enfin, il est préoccupé par les difficultés d’accès aux soins de santé pour les femmes âgées et par le coût élevé de ces soins.

32. Le Comité engage l ’ État partie  :

a) À veiller à ce qu ’ il existe pour les filles et les femmes des méthodes modernes de contraception qui leur soient accessibles et d ’ un coût abordable;

b) À développer les possibilités de recours à des méthodes modernes d ’ avortement médicalement sûres, y compris dans la région de Transnistrie et les zones rurales;

c) À sensibiliser l ’ opinion à l ’ importance de la contraception pour la régulation des naissances et à envisager d ’ inclure l ’ avortement ainsi que la contraception dans l ’ enveloppe de services de base couverts par l ’ assurance-maladie;

d) À modifier et étendre le cadre règlementaire ainsi que les conseils aux praticiens pour veiller à ce que la stérilisation se fasse uniquement en conformité avec le droit international, en particulier avec le consentement donné librement et en connaissance de cause par les femmes concernées;

e) À inscrire dans les programmes des écoles des rudiments d ’ éducation sexuelle concernant l ’ hygiène et les droits de la fonction de reproduction, y compris concernant l ’ adoption d ’ un comportement responsable en la matière;

f) À assurer aux femmes âgées accès à des soins de santé à un coût abordable et à former les agents de santé aux soins gériatriques;

g) À intégrer un souci d ’ égalité des sexes dans toutes les interventions et politiques de santé et à recueillir et analyser des données ventilées selon le sexe.

Femmes rurales

33.Le Comité est préoccupé par la situation des femmes des zones rurales, qui sont plus exposées à la violence et à la pauvreté et dont l’accès aux services de type foncier, financier, sanitaire et social est limité, comme l’est leur participation à la prise des décisions au niveau des collectivités.

34. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De s ’ employer immédiatement à mettre en place des mesures efficaces n vue d ’ éliminer la discrimination à l ’ égard des femmes rurales dans tous les domaines couverts par la Convention, y compris par l ’ application de mesures temporaires spéciales conformément au premier paragraphe de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité (1992);

b) De redoubler d ’ efforts en vue de renforcer l ’ autonomie économique et politique des femmes en milieu rural;

c) d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des informations et des données ventilées par sexe sur l ’ accès des femmes rurales aux services de type foncier, financier, sanitaire et social ainsi qu ’ au marché officiel de l ’ emploi et d ’ intégrer un souci d ’ égalité des sexes dans le projet de loi foncier.

Catégories de femmes désavantagées

35.Tout en notant l’adoption du Plan d’action 2011-2015 d’aide à la population rom et la mise en place, au niveau communautaire, de Médiateurs pour la population rom, le Comité n’en est pas moins préoccupé par la maigreur des ressources financières prévues pour la mise en place de ce plan et par le fait que seuls 15 Médiateurs ont été nommés jusqu’ici.

36. Le Comité engage vivement l ’ État partie à mettre en place, en les dotant de fonds suffisants, des stratégies et plans nationaux d ’ action visant à éliminer toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des filles roms et à nommer sans retard, dans toutes les communautés roms, des Médiateurs roms qualifiés dotés de fonds suffisants.

37.Le Comité note que l’on a peu d’information et de données sur les autres catégories de femmes désavantagées que sont, par exemple, les femmes âgées et les femmes handicapées. Il se dit préoccupé par la marginalisation de ces femmes et leur exposition à un enchevêtrement de formes de discrimination. Il l’est en particulier par par la situation qui est celle des femmes handicapées vivant dans des institutions où elles courent des risques élevés de violence, y compris de violence sexuelle. Il l’est par ailleurs par le fait que de tels actes sont souvent passés sous silence et que leurs auteurs sont rarement traduits en justice. Enfin, le Comité est préoccupé par le caractère discriminatoire du régime de curatelle auquel sont soumises les femmes que leur incapacité intellectuelle et psychosociale prive de capacité juridique.

38. Le Comité demande à l ’ État partie  :

a) De recueillir, dans son prochain recensement, des données statistiques globales ventilées selon le sexe et l ’ âge concernant la situation des catégories de femmes désavantagées, notamment des femmes roms, des femmes handicapées, des femmes rurales et des femmes âgées, dans tous les domaines couverts par la Convention;

b) De prendre des mesures efficaces, y compris des mesures temporaires spéciales, en vue d ’ accélérer la réalisation d ’ une véritable égalité pour ces catégories de femmes désavantagées;

c) De faire connaitre, et d ’ en assurer la mise en œuvre, la loi de 2012 sur l ’ intégration sociale des personnes handicapées, notamment en créant des mécanismes pour l ’ imposition de quotas concernant l ’ emploi de personnes handicapées;

d) D ’ enquêter de manière efficace sur tous les cas d ’ agression sexuelle contre des femmes handicapées vivant en institution, de faciliter l ’ accès de ces femmes à des soins de santé procréative de qualité et de veiller à ce que toutes les interventions médicales fassent l ’ objet d ’ un consentement en pleine connaissance de cause;

e) De réformer le régime de curatelle de manière à le rendre conforme à l ’ article 12 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Mariage et relations familiales

39.Le Comité est préoccupé par ce qu’il apprend concernant les mariages d’enfants au sein de communautés roms et par l’inaction de l’État partie face à cette pratique néfaste interdite par la loi. Il est préoccupé aussi d’apprendre qu’à la suite d’un divorce ou du décès du conjoint les femmes se voient souvent, dans la pratique, privées du droit d’hériter.

40. Le Comité recommande que l ’ État partie s ’ assure que les instances de protection sociale et autres organismes d ’ État prennent des mesures pour combattre la pratique des mariages d ’ enfants et mettent effectivement en œuvre la législation portant interdiction des mariages précoces. Il recommande aussi que l ’ État partie s ’ emploie, de concert avec les membres les plus en vue des communautés, à appeler l ’ attention des populations roms sur l ’ interdiction légale des mariages d ’ enfants et les effets néfastes que ces mariages ont sur la santé et l ’ éducation des filles. Il engage vivement l ’ État partie à assurer la pleine application des dispositions du code civil sur l ’ héritage et à combler l ’ écart entre le droit et la pratique, conformément aux dispositions des paragraphes 51 à 53 de la recommandation générale n o  29 du Comité concernant les conséquences économiques du mariage, les relations familiales et leur dissolution.

Déclaration et plateforme d’action de Beijing

41. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ utiliser la Déclaration et plateforme d ’ action de Beijing dans son travail de mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Objectifs du Millénaire pour le développement et cadre de développement pour après 2015

42. Le Comité demande que, conformément aux dispositions de la Convention, soit intégré un souci d ’ égalité des sexes dans tous les efforts déployés pour réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement ainsi que dans le cadre de développement pour après 2015.

Diffusion et mise en œuvre des dispositions de la Convention

43. Le Comité rappelle que l ’ État partie est dans l ’ obligation de mettre systématiquement et continuellement en œuvre les dispositions de la Convention. Il exhorte l ’ État partie à porter dès maintenant une attention prioritaire aux présentes observations et recommandations finales. Il le prie donc de communiquer dans les meilleurs délais, dans sa langue officielle, les observations finales aux institutions d ’ État à tous les niveaux, en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et aux instances judiciaires afin d ’ en assurer la pleine mise en œuvre. Il encourage l ’ État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes concernées, comme les associations d ’ employeurs, les syndicats, les organisations représentatives des droits de la personne et des femmes, les universités et les instituts de recherche, les médias, etc. Il recommande en outre que ses observations finales soient diffusées sous une forme appropriée au niveau des collectivités locales afin de permettre leur mise en application. Il prie en outre l ’ État partie de continuer à faire connaitre à toutes les parties prenantes la Convention, son Protocole facultatif et sa jurisprudence ainsi que les recommandations générales du Comité.

Ratification d’autres traités

44. Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie à neuf grands instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme permettrait aux femmes de jouir davantage de leurs droits humains et libertés fondamentales dans toutes les sphères de la vie. C ’ est pourquoi il encourage l ’ État partie à envisager de ratifier les traités auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toute personne contre les disparitions forcées.

Suite donnée aux observations finales

45. Le Comité prie l ’ État partie de lui fournir par écrit, dans les deux ans, des informations sur les mesures prises pour mettre en ouvre les recommandations cont enues dans les paragraphes 20 a ) , b ) , c ) et d) et 28 b) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

46. Le Comité invite l ’ État partie à présenter son sixième rapport périodique d ’ ici octobre 2017.

47. Le Comité prie l ’ État partie de suivre les directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, dont des directives sur l ’ établissement d ’ un document de base commun et d ’ un document pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).