Nations Unies

CERD/C/KGZ/CO/8-10

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

30 mai 2018

Français

Original : anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport du Kirghizistan valant huitième à dixième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport du Kirghizistan valant huitième à dixième rapports périodiques (CERD/C/KGZ/8-10), à ses 2618e et 2619e séances (voir CERD/C/SR.2618 et 2619), les 24 et 25 avril 2018. À sa 2632e séance, le 3 mai 2018, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a soumis dans les délais son rapport valant huitième à dixième rapports périodiques, qui apporte des réponses aux préoccupations soulevées par le Comité dans ses précédentes observations finales (CERD/C/KGZ/CO/5-7). Le Comité remercie la délégation de l’État partie d’avoir eu avec lui un dialogue constructif.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures ci-après, prises par l’État partie :

a)Les efforts consentis entre 2014 et 2017 en vue de diminuer le nombre d’apatrides, notamment en réduisant de cinq à trois ans la durée de l’obligation de résidence à laquelle sont soumis les réfugiés reconnus qui souhaitent être naturalisés ;

b)La mise en œuvre de la Stratégie nationale de développement durable pour 2013-2017 ;

c)L’élaboration du Document d’orientation relatif au renforcement de l’unité du peuple et des relations interethniques au Kirghizistan (2013-2017) et la création de l’Agence nationale chargée des collectivités locales et des relations interethniques, qui a pour mission de mettre en œuvre les 36 mesures prioritaires recensées dans le Document d’orientation.

C.Préoccupations et recommandations

Applicabilité de la Convention

4.Le Comité note que, d’après l’État partie, la Convention est directement applicable dans le système juridique interne, mais il est préoccupé par l’absence d’exemples d’affaires de discrimination raciale dans lesquelles les dispositions de la Convention ont été invoquées devant les tribunaux nationaux ou appliquées par ceux-ci (art. 1).

5. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour s ’ assurer que les juges, les procureurs et les avocats connaissent les dispositions de la Convention et puissent ainsi les appliquer dans les affaires pertinentes. Il demande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des exemples précis d ’ application de la Convention par les tribunaux nationaux et de cas dans lesquels des personnes ont usé des voies de recours prévues en cas de violation des droits énoncés dans la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

6.Le Comité constate avec préoccupation que le Bureau du Médiateur de la République kirghize (Akyikatchy) n’est pas encore conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Il est en outre préoccupé par le faible nombre de plaintes pour discrimination fondée sur la race ou l’appartenance ethnique dont le Bureau du Médiateur est saisi (art. 2).

7. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer le processus législatif visant à mettre le Bureau du Médiateur en pleine conformité avec les Principes de Paris. Il lui recommande également de prendre des mesures efficaces pour faire mieux connaître l ’ action menée par le Bureau du Médiateur et la possibilité de déposer des plaintes pour discrimination raciale ou ethnique, et de veiller à ce que le Bureau soit doté des ressources nécessaires pour s ’ acquitter efficacement de son rôle. À cet égard, le Comité renvoie l ’ État partie à sa recommandation générale n o 17 (1993) concernant la création d ’ organismes nationaux pour faciliter l ’ application de la Convention.

Défenseurs des droits de l’homme et organisations de la société civile

8.Le Comité est préoccupé par le nombre croissant de faits de harcèlement visant des organisations de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, notamment ceux qui surveillent la situation des minorités ethniques et en rendent compte, et note avec inquiétude que ces actes de harcèlement rendent hostile l’environnement dans lequel ceux-ci mènent leurs activités. Il constate également avec préoccupation que l’État partie n’a toujours pas réintégré dans ses droits M. Azimjan Askarov, qui purge une peine d’emprisonnement à vie à la suite d’un nouveau procès dans le cadre duquel les normes internationales en matière de procès équitable n’auraient pas été respectées. Le Comité est en outre préoccupé par le placement de certaines organisations de défense des droits de l’homme sur une liste d’organisations extrémistes (art. 2).

9. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que tous les cas signalés d ’ intimidation ou de harcèlement visant des organisations de la société civile, des défenseurs des droits de l ’ homme et des journalistes fassent l ’ objet d ’ une enquête diligente et approfondie et à ce que les auteurs de tels actes aient à en répondre ;

b) De prendre des mesures efficaces pour que les organisations de la société civile, les défenseurs des droits de l ’ homme et les journalistes, y compris ceux qui travaillent sur les droits des minorités ethniques, puissent accomplir leur travail efficacement et sans craindre de représailles ;

c) D ’ appliquer effectivement les constatations du Comité des droits de l ’ homme dans l ’ affaire concernant Azimjan Askarov (CCPR/C/116/D/2231/2012), et d ’ envisager de gracier M. Askarov pour des raisons humanitaires, compte tenu de son âge et de la détérioration de son état de santé ;

d) De s ’ abstenir de placer des organisations de promotion et de protection des droits de l ’ homme sur une liste d ’ organisations extrémistes, et de veiller à l ’ existence de garanties effectives contre l ’ inscription arbitraire sur cette liste, notamment en apportant les modifications nécessaires à la loi sur la lutte contre les activités extrémistes.

Législation antidiscrimination

10.Le Comité note que la délégation de l’État partie n’était pas opposée à sa recommandation tendant à élaborer une loi contre la discrimination (voir CERD/C/KGZ/CO/5-7, par. 15). Il relève toutefois avec préoccupation que l’État partie ne s’est toujours pas doté d’une loi d’ensemble contre la discrimination, ni de dispositions interdisant expressément la discrimination raciale (art. 1 et 4).

11. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une législation complète contre la discrimination qui :

a) Définisse la discrimination directe et indirecte ; couvre tous les motifs de discrimination et interdise toutes les formes de discrimination raciale visés au paragraphe  1 de l ’ article premier de la Convention ;

b) Érige les diverses manifestations de la discrimination raciale en infraction punissable, en application de l ’ article  4 de la Convention ;

c) Prévoie la possibilité d ’ adopter des mesures spéciales pour promouvoir l ’ égalité des chances et remédier à la discrimination structurelle.

12. Le Comité encourage l ’ État partie à solliciter l ’ assistance technique du Haut ‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme dans le cadre de l ’ élaboration de cette loi et à s ’ appuyer pleinement sur la Convention et sur la recommandation générale n o 1 (1972) du Comité concernant les obligations des États parties au regard de l ’article  4 de la Convention, ainsi que sur les recommandations générales n o 7 (1985) concernant l ’ application de l ’ article 4 de la Convention et n o 15 (1993) concernant l ’article  4 de la Convention.

Plaintes pour discrimination raciale

13.Le Comité est préoccupé par le nombre limité de plaintes pour discrimination raciale ou ethnique reçues par les centres d’accueil de l’Agence nationale chargée des collectivités locales et des relations interethniques, et note que cela s’expliquerait par le manque de sensibilisation de la population ou par la méfiance de celle-ci à l’égard des institutions publiques. Il est également préoccupé par les informations fournies par l’État partie selon lesquelles aucune des plaintes soumises à la police ces dernières années n’était liée à la discrimination raciale ou ethnique (art. 4 et 6).

14. Se référant à sa recommandation générale n o 31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité rappelle à l ’ État partie que l ’ absence de plainte et d ’ action en justice de la part des victimes de discrimination raciale peut signifier que la législation n ’ est pas suffisamment précise, que les victimes ne connaissent pas les voies de recours qui leur sont ouvertes, n ’ ont pas confiance en la justice ou craignent des représailles, ou encore que les autorités ne sont pas disposées à engager des poursuites. Il lui recommande par conséquen t  :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter l ’ accès des minorités à la justice ;

b) D ’ accélérer l ’ adoption d ’ une loi antidiscrimination et de faire largement connaître  celle-ci  ;

c) D ’ informer la population résidant sur son territoire de toutes les voies de recours disponibles et de la possibilité de bénéficier d ’ une aide juridictionnelle ;

d) De fournir des statistiques sur le nombre de plaintes pour discrimination raciale, les enquêtes, les poursuites et les condamnations, ventilées par âge, sexe et origine ethnique des victimes.

Discrimination croisée

15.En dépit des mesures que l’État partie a prises pour lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, le Comité constate avec préoccupation que les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres appartenant à des minorités ethniques font l’objet de formes multiples de discrimination et sont victimes de toute une série de violations des droits de l’homme de la part d’acteurs étatiques et non étatiques, lesquelles restent souvent impunies. Le Comité note également avec préoccupation que les femmes et les enfants appartenant à des minorités ethniques font l’objet de formes croisées de discrimination fondée sur le sexe, la race, l’appartenance ethnique et l’âge, et s’inquiète de l’émergence de pratiques préjudiciables, telles que les mariages d’enfants et la polygamie (art. 5).

16. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour combattre les formes multiples de discrimination dont sont victimes les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, ainsi que les femmes et les enfants appartenant à des minorités ethniques, notamment en intégrant les questions de genre, d ’ orientation sexuelle et d ’ identité de genre dans ses mesures de lutte contre la discrimination raciale. Il lui recommande également de prendre des mesures efficaces pour enquêter sur les violations des droits de l ’ homme commises notamment par des agents de la force publique contre des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres , poursuivre les responsables et indemniser les victimes. Rappelant sa recommandation générale n o 25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale, le Comité demande à l ’ État partie d ’ accorder une attention particulière aux femmes et aux enfants appartenant à des minorités ethniques, et de prendre des mesures efficaces pour lutter contre les mariages d ’ enfants et la polygamie.

Discours de haine et profilage ethnique

17.Le Comité est préoccupé par les stéréotypes et les actes de stigmatisation dont sont victimes les minorités ethniques, notamment les Ouzbeks, les Turcs, les Ouïgours et les Mugats, ainsi que par le nombre de discours de haine dont ces minorités font l’objet dans les médias et de la part de personnalités publiques et politiques. Il est également préoccupé par le profilage ethnique dont sont victimes ces communautés, en particulier les Ouzbeks, de la part des agents des forces de l’ordre (art. 2 et 4 à 6).

18. Rappe lant sa recommandation générale n o 35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De redoubler d ’ efforts pour lutter contre la stigmatisation et les stéréotypes ethniques ou raciaux, notamment en agissant sur les plans de l ’ éducation et de la culture et en lançant des campagnes de sensibilisation, le but étant de promouvoir l a tolérance et la compréhension  ;

b) De prendre les mesures nécessaires pour lutter contre le racisme dans les médias et les discours de haine tenus notamment par des responsables politiques et d ’ autres personnalités publiques, et de s ’ assurer que ces affaires fassent l ’ objet d ’ une enquête approfondie et, s ’ il y a lieu, que les responsables soient dûment sanctionnés ;

c) De mettre un terme à la pratique du profilage racial ou ethnique par la police, de mener des enquêtes efficaces sur toutes les allégations de profilage racial, de traduire les responsables en justice et d ’ assurer des recours utiles aux victimes  ;

d) D ’ élaborer, à l ’ intention des responsables de l ’ application des lois, notamment de la police, des procureurs et de l ’ appareil judiciaire, des programmes de formation sur la discrimination raciale, notamment sur le profilage racial et sur les méthodes appropriées permettant de constater et de consigner les faits de racisme, les crimes de haine et les discours haineux, de mener des enquêtes sur ces faits et d ’ en poursuivre les auteurs.

Tensions interethniques

19.Le Comité constate qu’au cours de la période considérée, l’État partie a pris des mesures pour apaiser les tensions interethniques, notamment avec l’adoption du Document d’orientation relatif au renforcement de l’unité du peuple et des relations interethniques au Kirghizistan. Il relève toutefois avec préoccupation que ces tensions persistent, en particulier entre la majorité kirghize et la minorité ouzbèke. Il note avec inquiétude que le Document d’orientation visait avant tout à créer une identité nationale qui n’incluait pas expressément toutes les ethnies et risquait de raviver d’anciens conflits. L’identité nationale doit reposer sur la reconnaissance de toutes les communautés de la nation. Le Comité s’inquiète en outre de la sous-représentation des minorités ethniques au sein de l’Agence nationale chargée des collectivités locales et des relations interethniques, et de l’inefficacité alléguée de cet organisme.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier les mesures destinées à créer un environnement inclusif et à permettre aux différents groupes ethniques de vivre ensemble en harmonie. Il demande instamment à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que la nouvelle stratégie nationale 2018-2023 intitulée « Je  suis kirghize » ne favorise aucune identité ethnique, réponde de manière inclusive aux préoccupations des différents groupes ethniques présents dans l ’ État partie et s ’ attaque véritablement aux causes profondes des tensions ethniques ;

b) De veiller à ce que tous les groupes ethniques et les organisations de la société civile intéressés, notamment celles qui œuvrent à l ’ élimination de la discrimination raciale, soient effectivement associés à l ’ élaboration, à la mise en œuvre et à l ’ évaluation de la stratégie nationale ;

c) De renforcer la structure de l ’ Agence nationale chargée des collectivités locales et des relations interethniques, d ’ accroître les ressources qui lui sont allouées, afin qu ’ elle soit plus efficace, et de prendre des mesures pour garantir une représentation suffisante des minorités ethniques au sein de cet organisme.

Enquêtes sur les violences de 2010

21.Le Comité prend note avec préoccupation du manque de diligence et du parti pris ethnique qui ont caractérisé les enquêtes menées sur les violations des droits de l’homme commises pendant les flambées de violence entre ethnies qui ont eu lieu en juin 2010 dans le sud du Kirghizistan et au lendemain de celles-ci, et note avec inquiétude que dans le contexte de ces enquêtes, les garanties d’une procédure régulière n’ont pas été respectées. Il est particulièrement préoccupé de constater que si la majorité des victimes de violations des droits de l’homme étaient d’origine ouzbèke, la plupart des individus qui ont fait l’objet de poursuites pénales étaient également ouzbeks. En outre, selon les informations qui ont été fournies dans le cadre du dialogue, les Ouzbeks victimes d’erreurs judiciaires en rapport avec ces événements n’ont pas été indemnisés. Le Comité note une nouvelle fois avec préoccupation que des agents des forces de l’ordre auraient eu recours à la torture et que les tribunaux se seraient fondés sur des aveux forcés, en particulier à l’égard d’Ouzbeks impliqués dans les flambées de violence de 2010 et qu’en outre, l’État partie n’a pas jugé les auteurs présumés de ces faits et n’a pas indemnisé les victimes.

22. Rappe lant sa recommandation générale n o 31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale et la recommandation qu ’ il a formulée précédemment à ce propos (voir CERD/C/KGZ/CO/5-7, par.  6), le Comité engage l ’ État partie :

a) À créer un mécanisme hybride national et international chargé d ’ examiner tous les cas de personnes condamnées pour des faits liés aux violences de juin 2010 ;

b) À enquêter efficacement sur toutes les violations des droits de l ’ homme en vue de traduire les auteurs en justice et, s ’ ils sont reconnus coupables, de leur infliger une peine à la mesure de leurs actes, et d ’ indemniser les victimes ;

c) À enquêter sur toutes les allégations de torture visant des agents des forces de l ’ ordre, à poursuivre et à sanctionner les responsables et à indemniser les victimes. À cet égard, le Comité exhorte l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour réformer la justice et les forces de sécurité et de police.

Situation socioéconomique des minorités ethniques

23.Le Comité constate avec inquiétude que, dans l’État partie, certains groupes ethniques ne jouissent guère de leurs droits économiques et sociaux. Il est particulièrement préoccupé par :

a)Le niveau de vie extrêmement bas des Mugats, qui sont en proie à un taux de chômage élevé, à un faible taux de scolarisation et à des taux élevés d’abandon scolaire, en particulier chez les filles, et ont un accès limité aux services sociaux, principalement parce qu’ils n’ont pas de papiers, notamment d’actes de naissance ;

b)Les expropriations foncières, les démolitions d’habitations et les expulsions qui touchent de manière disproportionnée les Ouzbeks d’Och et de Djalal-Abad et sont souvent réalisées en violation des garanties de procédure ;

c)La discrimination visant les Ouzbeks en matière d’accès à l’emploi et l’absence de recours pour ceux qui ont été arbitrairement licenciés à la suite des événements de 2010 (art. 2 et 5).

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures concrètes, notamment des mesures spéciales, pour mettre fin aux disparités fondées sur l ’ appartenance ethnique en ce qui a trait à la jouissance des droits économiques et sociaux. Il lui recommande de s ’ intéresser de près à la situation des minorités ethniques mugat et ouzbèke, et de veiller à ce que ces minorités soient associées à l ’ élaboration et à la mise en œuvre de la nouvelle Stratégie nationale de développement durable. Rappe lant sa recommandation générale n o 27 (2000) concernant la discrimination à l ’ égard des Roms, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter et de mettre en œuvre, avec la participation de représentants des Mugats, une stratégie dotée de ressources suffisantes pour remédier à la discrimination structurelle dont sont victimes les Mugats dans tous les domaines ;

b) De prendre immédiatement des mesures pour améliorer l ’ accès des Mugats à une éducation inclusive de qualité, de façon que davantage d ’ enfants soient scolarisés, que les cas d ’ abandon scolaire diminuent et que les élèves concernés obtiennent de meilleurs résultats ;

c) De prendre des mesures concrètes pour que toute personne, en particulier les Mugats, dispose de pièces d ’ identité, et que tous les enfants nés dans l ’ État partie se voient rapidement délivrer un acte de naissance, sans discrimination ;

d) De prendre les mesures voulues pour prévoir des garanties juridiques efficaces contre les expropriations foncières et les expulsions arbitraires, de veiller à ce que la population soit informée de ces garanties et puisse s ’ en prévaloir et, en parallèle, d ’ introduire dans sa législation des dispositions relatives à l ’ indemnisation et au relogement des personnes expropriées ou expulsées, et de veiller à ce qu ’ il ne soit recouru aux démolitions d ’ habitations et aux expulsions qu ’ en dernier ressort ;

e) D ’ apporter des solutions efficaces aux difficultés auxquelles se heurtent les Ouzbeks en matière d ’ accès à l ’ emploi, notamment de prendre des mesures spéciales pour lutter contre les pratiques de recrutement discriminatoires motivées par des considérations ethniques, par exemple en prenant des mesures disciplinaires et des sanctions à l ’ égard des employeurs qui recourent à de telles pratiques, et de prendre des mesures concrètes pour que les Ouzbeks qui ont été licenciés arbitrairement à la suite des événements de 2010 puissent obtenir réparation.

Participation des groupes ethniques à la vie publique et politique

25.Le Comité constate qu’en 2015, l’État partie a mis en place un système de quotas visant à améliorer la représentation des minorités ethniques au Zhogorku Kenesh et dans les administrations locales. Il relève toutefois avec préoccupation que les minorités ethniques, en particulier les Ouzbeks, restent considérablement sous-représentées dans de nombreux domaines de la vie publique et politique, notamment au sein des conseils municipaux dans les régions où les Ouzbeks sont majoritaires. Il constate en outre que la représentation des minorités ethniques est négligeable dans la police et les forces de sécurité, de même que dans l’appareil judiciaire (art. 2et 5).

26. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le système de quotas soit effectivement appliqué et de prendre d ’ autres mesures pour accroître la représentation des minorités ethniques à tous les niveaux de la vie publique et politique dans l ’ État partie. Il lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des chiffres précis concernant la représentation des minorités ethniques au Zhogorku Kenesh , dans les administrations locales, les organes de l ’ exécutif, les services du ministère public et la magistrature, ainsi que dans la police et les forces de sécurité. Il renvoie l ’ État part ie à sa recommandation générale n o 32 (2009) sur la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention.

Accès à l’éducation dans les langues minoritaires

27.Le Comité constate avec préoccupation que l’enseignement en langue ouzbèke est en net recul et que la dotation en ressources humaines et techniques nécessaires à l’enseignement de cette langue demeure insuffisante. Il constate également avec préoccupation que la suppression en 2015 des tests d’admission à l’université en langue ouzbèke s’est traduite par une discrimination à l’égard des enfants qui avaient suivi, en partie, un enseignement dans cette langue (art. 5).

28. Le Comité exhorte l ’ État partie à veiller à ce que sa politique linguistique dans le domaine de l ’ éducation ne constitue pas une discrimination directe ou indirecte fondée sur l ’ appartenance ethnique. En particulier, il recommande à l ’ État partie de rétablir l ’ enseignement en langue ouzbèke dans les établissements scolaires et, à cette fin, d ’ allouer les ressources budgétaires nécessaires pour assurer un enseignement de qualité en langue maternelle, et de reconsidérer sa décision de supprimer les tests d ’ admission à l ’ université en langue ouzbèke, au vu de l ’ effet discriminatoire de cette décision sur les élèves ouzbeks.

Apatrides et demandeurs d’asile

29.S’il prend note des mesures qui ont été adoptées pour réduire le nombre de cas d’apatridie dans l’État partie, le Comité constate une nouvelle fois avec préoccupation que les cas de plus de 800 individus dont la nationalité est indéterminée demeurent irrésolus. Il note également avec préoccupation que les procédures existantes permettant d’établir l’apatridie ne sont pas conformes aux normes internationales. Il relève en outre avec inquiétude que les dispositions relatives à la déchéance de la nationalité qui ont été introduites dans le projet de loi sur la nationalité ne prévoient pas de garanties contre l’apatridie. Il s’inquiète également d’apprendre que les modifications apportées à la loi sur les migrations extérieures permettent d’expulser sans ordonnance d’un tribunal les personnes qui ont été inculpées à plusieurs reprises de séjour irrégulier (art. 5).

30. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de multiplier les initiatives menées en vue de régler les cas d ’ apatridie non encore résolus. Rappelan t ses recommandations générales n o 30 (2004) concernant la discrimination contre les non ‑ressortissants et n o 22 (1996) concernant l ’ article 5 et les réfugiés et personnes déplacées, le Comité recommande en outre à l ’ État partie :

a) D ’ établir une procédure simple et formelle d ’ établissement de l ’ apatridie de façon que tous les apatrides puissent faire reconnaître leur statut, sans discrimination ;

b) De veiller à ce que le nouveau projet de loi sur la nationalité établisse des garanties contre l ’ apatridie en cas de déchéance de la nationalité et offre les garanties d ’ une procédure régulière, notamment la possibilité de former des recours contre les décisions de déchéance de la nationalité ;

c) De modifier la loi sur les migrations extérieures de sorte que les dispositions relatives au renvoi d ’ étrangers de son territoire ne constituent pas une discrimination fondée sur la race, la couleur ou l ’ origine ethnique ou nationale , et que les étrangers bénéficient d ’ une égale protection contre le refoulement ;

d) D ’ envisager d ’ adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

31. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l ’ homme, le Comité encourage l ’ État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l ’ objet de discrimination raciale, comme la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées .

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

32. À la lumièr e de sa recommandation générale n o 33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d ’ examen de Durban, le Comité recommande à l ’ État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d ’ action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d ’ examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009 . Le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d ’ action qu ’ il aura adoptés et les autres mesures qu ’ il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d ’ action de Durban au niveau national .

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

33. À la lumière de la résolution  68/237 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu ’ il aura adoptées dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d ’ ascendance africaine, c ompte tenu de sa recommandation n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l ’ égard des personnes d ’ ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

34. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et d ’ élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l ’ homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l ’ élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales .

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

35. Le Comité encourage l ’ État partie à faire la déclaration facultative visée à l ’ article  14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles .

Amendement à l’article 8 de la Convention

36. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier l ’ amendement au paragraphe  6 de l ’ article  8 de la Convention, adopté le 15  janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l ’ Assemblée générale dans sa résolution 47/111 .

Document de base commun

37. Le Comité encourage l ’ État partie à mettre à jour son document de base commun conformément aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme , tenue en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.6, chap.  I). À la lumière de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande instamment à l ’ État partie de respecter la limite de 42  400  mots fixée pour ce document .

Suite donnée aux présentes observations finales

38. Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 9 de la Convention et à l ’ article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans un délai d ’ un an à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes  9 c), 22  a) et 28.

Paragraphes d’importance particulière

39. Le Comité souhaite appeler l ’ attention de l ’ État partie sur l ’ importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 11, 24 et 26, et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu ’ il aura prises pour y donner suite.

Diffusion d’information

40. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s ’ y rapportent dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu ’ il conviendra .

Élaboration du prochain rapport périodique

41. Le Comité recommande à l ’ État partie de soumettre son rapport valant onzième et douzième rapports périodiques , d ’ ici au 5 octobre 2022, en tenant compte des directives pour l ’ établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) , et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution  68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande instamment à l ’ État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques .