Nations Unies

CERD/C/KGZ/CO/5-7

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

19 avril 2013

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ éliminati on de la discrimination raciale

Observations finales concernant les cinquième à septième rapports périodiques du Kirghizistan, adoptées par le Comité à sa quatre-vingt-deuxième session (11 février-1er mars 2013)

1.Le Comité a examiné les cinquième à septième rapports périodiques du Kirghizistan (CERD/C/KGZ/5-7), soumis en un seul document, à ses 2215e et 2216e séances (CERD/C/ SR.2215 et 2216), les 18 et 19 février 2013. À sa 2227e séance (CERD/C/SR.2227), le 26 février 2013, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les cinquième à septième rapports périodiques de l’État partie, qui ont été rédigés conformément aux directives révisées du Comité pour l’établissement des rapports. Il se félicite en outre du dialogue constructif ouvert avec l’État partie, qui s’est efforcé de fournir des réponses détaillées aux questions que lui ont posé les membres du Comité au cours du dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les différents textes législatifs et mesures de politique générale adoptés par l’État partie pour lutter contre la discrimination raciale, et notamment:

a)L’adoption, le 27 juin 2010, de la Constitution qui contient des dispositions relatives à la protection des droits de l’homme, et notamment à la discrimination raciale;

b)L’adoption du Code pénal, qui érige en infraction l’incitation à la haine ethnique, le fait de prôner l’exclusivité, la supériorité ou l’infériorité d’une catégorie de citoyens en raison de leur appartenance ethnique et le génocide;

c)La possibilité garantie à tous les citoyens par l’article 9 du Code du travail de jouir dans les mêmes conditions d’égalité de leurs droits et libertés en matière d’emploi;

d)La mise en œuvre du Plan d’action relatif à la politique ethnique et à la consolidation de la société kirghize à l’horizon 2015;

e)L’introduction de la réforme du système judiciaire.

4.Le Comité se félicite en outre que l’État partie ait ratifié, le 29 décembre 2008, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et, le 6 décembre 2010, le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

Causes profondes des conflits ethniques

5.Tout en prenant note des explications fournies par l’État partie, le Comité est profondément préoccupé par les conflits et affrontements récurrents qui opposent depuis 2007 la majorité de la population à certains groupes ethniques comme les Ouzbeks, les Dungans, les Kurdes et les Turcs meskhètes, ainsi que par les causes profondes de ces conflits. Il s’inquiète en particulier des affrontements qui ont eu lieu en juin 2010 entre les populations ouzbèke et kirghize dans les régions d’Osh et de Jalal-Abad et qui ont fait nombre de victimes et de dégâts. Il note en outre avec préoccupation que les causes de ces conflits n’ont toujours pas disparu et pourraient conduire à d’autres affrontements. Il note aussi avec inquiétude qu’une partie des armes détenues par des citoyens de toutes origines ethniques n’ont pas encore été récupérées.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre d ’ urgence d es mesures efficaces pour s ’ attaquer aux problèmes fondamentaux et aux causes profondes qui font obstacle à la coexistence pacifique entre les différents groupes ethniques présents sur son territoire. À cette fin, il recommande à l ’ État partie:

a) De poursuivre ses initiatives et ses réformes visant à édifier une société démocratique dans laquelle tous les groupes ethniques puissent être consultés et respectés et jouir pleinement de leurs droits;

b) De remédier aux disparités socioéconomiques entre les groupes ethniques et entre les zones rurales et urbaines;

c) De prendre d ’ urgence des mesures en vue de renforcer la participation des minorités à la vie politique et publique;

d) D ’ envisager d ’ adopter une loi spéciale sur les droits des personnes appartenant à des groupes minoritaires et de créer une institution spécialement chargée des questions de discrimination raciale;

e) De redoubler d ’ efforts pour recueillir les armes encore détenues par la population, en particulier dans les régions d ’ Osh et de Jalal-Abad , compte tenu de la nécessité de restaurer la confiance entre le groupe ethnique majoritaire et les autres .

Violations des droits de l’homme commises lors du conflit ethnique de juin 2010

6.Le Comité note avec préoccupation que, selon le rapport de l’État partie (CERD/C/KGZ/5-7, par. 12) et d’autres sources, les Ouzbeks ont été les principales victimes des événements de juin 2010, mais ils sont aussi les plus nombreux à faire l’objet de poursuites et de condamnations. Tout en notant que l’État partie lui-même a reconnu cette situation et étudie les moyens d’y remédier, le Comité demeure profondément préoccupé par la partialité fondée sur des préjugés ethniques qui aurait caractérisé les enquêtes, les poursuites, les condamnations et les sanctions imposées aux personnes mises en cause dans les événements de juin 2010, pour la plupart d’origine ouzbèke. Il est aussi préoccupé par les renseignements fournis par l’État partie, selon lesquels «des éléments probants indiquent que des personnes ont été amenées par la force à se reconnaître coupables d’infractions qu’elles n’avaient pas commises, des représentants des forces de l’ordre ont exercé des pressions sur des proches, l’exercice de certains droits procéduraux (…) a été refusé, les règles applicables à l’audience ont été violées: menaces et injures proférées contre les accusés et leurs défenseurs», éléments qui, selon l’État partie, constituent un déni de justice.Tout en prenant note des informations communiquées par l’État partie, le Comité demeure préoccupé par l’affaire Askharov, au nom d’un défenseur des droits de l’homme condamné à la perpétuité à l’issue d’une procédure judiciaire aucours de laquelle il n’a pas bénéficié de toutes les garanties d’un procès équitable (art. 2, 5 et 6).

Compte tenu de sa Recommandation générale n o  31 (2005) sur la prévention de la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité recommande à l ’ État partie, dans le contexte de la réforme de son système judiciaire:

a) De créer un mécanisme chargé d ’ examiner tous les cas de personnes condamnées dans le cadre des événements de juin 2010, pour s ’ assurer que toutes les garanties d ’ un procès équitable ont été respectées;

b) De diligenter des enquêtes sur les violations des droits de l ’ homme commises lors des événements de juin 2010 et de poursuivre et condamner le cas échéant leurs auteurs , quelle que soit leur origine ethnique ou leur situation sociale;

c) D ’ indemniser les victimes d ’ erreur s judiciaire s , indépendamment de leur origine ethnique;

d) De poursuivre la réforme du système judiciaire et des forces de sécurité et de police, en tenant compte de la nécessité de favoriser la réconciliation entre les différents groupes ethniques et de renforcer la confiance de la population dans le système judiciaire;

e) De rouvrir le dossier Askharov , en respectant toutes les garanties d ’ un procès équitable, et d ’ éviter toute menace contre les défenseurs des droits de l ’ homme, quelle que soit leur origine ethnique.

7.Tout en prenant note des renseignements communiqués par l’État partie, le Comité relève avec inquiétude les informations selon lesquelles, à la suite des événements de juin 2010, un grand nombre de personnes, appartenant pour la plupart à des groupes minoritaires, principalement des Ouzbeks, ont été arrêtées et torturées ou soumises à d’autres formes de mauvais traitements, en raison de leur appartenance ethnique. Le Comité est aussi préoccupé par les informations selon lesquelles des femmes issues de groupes minoritaires ont été victimes d’actes de violence, notamment de viols, pendant les événements de juin 2010 et juste après. Il note avec préoccupation que tous ces actes n’ont pas donné lieu à une enquête et que les coupables n’ont pas été poursuivis ni punis (art. 5 et 6).

Compte tenu de sa Recommandation générale n o  31 (2005), le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires, sans distinction fondée sur l ’ origine ethnique des victimes, pour:

a) Enregistrer tous les cas de torture, de mauvais traitements et d ’ actes de violence contre des femmes issues de groupes minoritaires, y compris de viols, et recueillir des informations à ce sujet;

b) Mener rapidement des enquêtes approfondies et impartiales;

c) Poursuivre et punir les coupables, y compris le s membres de la police ou des forces de sécurité;

d) Offrir réparation aux victimes;

e) Prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que ces actes ne se reproduisent à l ’ avenir.

S ’ agissant de la violence à l ’ égard des femmes issues de groupes minoritaires, le Comité, rappelant sa Recommandation générale n o  25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale, recommande à l ’ État partie d ’ adopter et de mettre en œuvre sans tarder le Plan national d ’ action contre la violence à l ’ égard des femmes auquel sa délégation a fait allusion au cours de son dialogue avec le Comité.

Autres conséquences du conflit ethnique de juin 2010

8.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des personnes issues de groupes ethniques minoritaires, en particulier des Ouzbeks, auraient été arbitrairement licenciées ou contraintes de quitter leur emploi dans la fonction publique et l’administration locale. Il relève aussi avec inquiétude que des Ouzbeks ont fermé leurs entreprises sous la menace après les événements de juin 2010. Il juge en outre préoccupant que des personnes issues de groupes minoritaires aient perdu leur travail à cause du conflit et n’aient bénéficié d’aucune aide de l’État partie (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour que:

a) Tous les cas de lic enciement arbitraire de fonctionnaires de l ’ État ou des collectivités locales pour des motifs ethniques fassent l ’ objet d ’ une enquête et d ’ un réexamen et que, le cas échéant, ces personnes soient rétablies dans leurs fonctions;

b) Les expulsions forcées de membres de groupes minoritaires qui ont dû abandonner leurs entreprises fassent l ’ objet d ’ une enquête et d ’ un réexamen , et, le cas échéant, soient accompagnées de mesures de restitution ou d ’ indemnisation;

c) Les personnes ayant perdu leur source de revenus en raison du conflit ethnique de juin 2010 continuent de bénéficier d ’ une assistance, quelle que soit leur origine ethnique.

Représentation des minorités dans les organes politiques et la vie politique

9.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour faire participer les minorités aux affaires politiques et publiques, notamment dans les forces de sécurité et la police, et pour appliquer la décision 567/2011 du Parlement, qui réclame une politique d’embauche équilibrée. Il relève toutefois avec préoccupation la très faible représentation des groupes ethniques minoritaires dans les affaires politiques et publiques, notamment dans l’administration locale, ainsi qu’il ressort du rapport de l’État partie, et en particulier au sein du Parlement, des organes exécutifs, de la police et du système judiciaire, représentation qui a reculé depuis 2007 et à la suite des événements de juin 2010 (art. 2 et 5).

Rappelant sa Recommandation générale n o  32 (2009) relative à la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale et compte tenu de sa précédente recommandation (CERD/C/KGZ/CO/4, par. 11), le Comité encourage l ’ État partie à prendre tout un ensemble de mesures concrètes pour faire en sorte que les minorités ethniques et nationales soient dûment représentées dans les organes électifs et exécutifs, dans la police et dans l ’ appareil judiciaire, à tous les niveaux. Il lui recommande de veiller à ce que cette représentation reflète, aussi fidèlement que possible, la proportion que représentent ces minorités au sein de la population de l ’ État partie, conformément à l ’ article 5 de la Convention, et compte tenu de la nécessité de restaurer la confiance de l ’ ensemble de la population à l ’ égard de l ’ État.

Disparités socioéconomiques

10.Le Comité prend note des renseignements communiqués par la délégation de l’État partie au cours du dialogue avec le Comité, selon lesquels les événements de juin 2010 avaient pour origine les disparités socioéconomiques entre le groupe ethnique majoritaire et les groupes minoritaires et entre les zones rurales et urbaines, où sont concentrés certains groupes ethniques, en particulier les Kirghizes. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que la persistance de ces inégalités socioéconomiques pourrait favoriser d’autres conflits interethniques (art. 2 et 5).

Le Comité encourage l ’ État partie à s ’ efforcer, par t outes les mesures possibles, de  remédier aux disparités socioéconomiques entre les différentes communautés ethniques et entre les zones rurales et urbaines et de promouvoir l ’ égale jouissance par tous des droits économiques, sociaux et culturels, conformément à l ’ article 5 e) de la Convention. Il demande à l ’ État partie de lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur les mesures qu ’ il a ura prises à cette fin.

Situation des personnes déplacées à la suite du conflit de juin 2010

11.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour venir en aide aux personnes déplacées mais constate avec préoccupation que ces personnes n’ont pas été durablement intégrées et que certaines de celles qui étaient retournées à Osh et Jalal-Abad après les événements de juin 2010 ont toujours des difficultés à se loger, à acheter des biens et à retrouver une place dans la société (art. 2 et 5).

Le Comité encourage l ’ État partie à poursuivre ses efforts pour fournir une pleine assistance aux personnes déplacées qui sont retournées vivre dans leur lieu d ’ origine, dan s les régions d ’ Osh et de Jalal- Abad , et assure r leur pleine réintégration, en  particulier pour ce qui est de l ’ accès au logement et au marché du travail.

La place des langues et de la culture des minorités dans l’enseignement

12.Le Comité note que la Constitution de l’État partie (art. 10) et la loi sur les langues officielles garantissent le droit des personnes appartenant à des minorités de recevoir un enseignement dans leurs langues. Il est toutefois préoccupé par le manque d’enseignants qualifiés, de traducteurs, de manuels et de matériels didactiques dans les langues minoritaires et dans les langues officielles. Il juge particulièrement préoccupant que, depuis les événements de juin 2010, nombre d’écoles d’Osh et de Jalal-Abad ne dispensent plus un enseignement dans les langues minoritaires mais uniquement en kirghize, et que certaines d’entre elles ne bénéficient plus de l’aide de l’État qui leur permettait d’assurer un enseignement dans les langues minoritaires. Le Comité se déclare également inquiet de la décision de l’État partie d’imposer la langue kirghize pour les examens dans l’enseignement secondaire, ce qui crée une situation de discrimination à l’égard des enfants issus de minorités qui suivent leur scolarité partiellement dans une langue minoritaire et qui ne sont pas assez à l’aise dans cette langue pour réussir les examens en kirghize et risquent de ce fait d’être défavorisés par rapport aux membres de la majorité en ce qui concerne l’accès à l’université ou au marché du travail. En outre, le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles l’histoire et la culture des différents groupes ethniques vivant sur le territoire de l’État partie ne sont pas suffisamment abordées dans les manuels et les programmes des écoles primaires et secondaires (art. 2, 5 et 7).

Le Comité encourage l ’ État partie à intensifier ses efforts pour promouvoir l ’ enseignement dans les langues minoritaires pour les enfants issus de groupes ethniques minoritaires, en particulier dan s les régions d ’ Osh et de Jalal- Abad . Il lui recommande aussi de reconsidérer sa décision d ’ impos er le kirghize pour les examens dans le secondaire et de prendre les mesures nécessaires pour s ’ assurer que les enfants issus de minorités puissent passer des examens dans les langues dans lesquelles ils ont suivi la majorité de leur scolarité. Le Comité renouvelle la recommandation qu ’ il a faite à l ’ État partie (CERD/C/KGZ/CO/4, par. 14) de faire figurer dans les programmes et manuels des établissements d ’ enseignement primaire et secondaire des informations sur l ’ histoire et la culture des différents groupes ethniques qui vivent sur son territoire. Il demande à l ’ État partie de lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur la suite donnée à cette recommandation.

Les langues minoritaires dans les médias depuis le conflit de juin 2010

13.Le Comité prend note des explications fournies par la délégation de l’État partie, selon lesquelles certains médias incitaient à la haine ethnique et certains propriétaires de médias avaient quitté le pays pour des raisons de sécurité. Il est toutefois préoccupé par la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les médias de langue ouzbèke, dont la plupart ne fonctionnent plus depuis les événements de juin 2010, et par le recul des langues minoritaires dans les médias, en particulier dans la région d’Osh. Il note en particulier avec inquiétude que la chaîne Mezon TV a cessé d’émettre, que la chaîne Osh TV diffuse désormais ses programmes en kirghize et que plusieurs journaux ouzbeks ne paraissent plus, ce qui porte atteinte au droit des personnes appartenant à la minorité ouzbèke de diffuser et de recevoir des informations dans leur langue (art. 5 et 7).

Le Comité encourage l ’ État partie à prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les groupes minoritaires, en particulier les Ouzb e ks, puissent diffuser et recevoir une information dans leur propre langue. À cet effet, il lui recommande de prendre des mesures visant à encourager l ’ acquisition de médias par des personnes appartenant à des groupes minoritaires, y compris dans la région d ’ Osh . Il lui recommande aussi de dispenser aux journalistes une formation aux droits de l ’ homme, notamment sur l ’ interdiction de l ’ incitation à la discrimination raciale.

Promotion de la tolérance et de la compréhension

14.Le Comité note avec préoccupation la persistance d’attitudes discriminatoires, de stéréotypes raciaux, d’un climat de suspicion entre le groupe ethnique majoritaire et les minorités, d’un discours nationaliste et de pratiques d’exclusion depuis les événements de juin 2010. Il est aussi préoccupé par l’absence de mesures efficaces pour créer une société pacifique et solidaire et promouvoir pleinement la tolérance, la réconciliation et la compréhension entre la majorité kirghize et les groupes ethniques minoritaires (art. 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts, notamment au moyen de campagnes dans les domaines de l ’ éducation , de la culture et de l ’ information, pour combattre les stéréotypes raciaux, les attitudes discriminatoires, les propos nationaliste s notamment dans les médias, et promouvoir ainsi la réconciliation, la tolérance et la compréhension et édifier une société pacifique et solidaire. Il demande à l ’ État partie de lui fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur les résultats concrets obtenus grâce à ces mesures.

Disposition générale de la législation de l’État partie relative à la discrimination raciale

15.Le Comité note avec préoccupation que, malgré sa précédente recommandation (CERD/C/KGZ/CO/4, par. 6), l’État partie n’a pas encore incorporé dans sa législation une disposition générale interdisant la discrimination raciale, conformément à l’article premier de la Convention (art. 1et 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ incorporer dans sa législation une disposition générale interdisant la discrimination raciale, conformément à l ’ article premier de la Convention.

Non-respect des prescriptions énoncées à l’article 4

16.Le Comité note avec inquiétude que la législation pénale de l’État partie, et en particulier les dispositions des articles 229 et 229-1 du Code pénal ne reprennent pas toutes les prescriptions énoncées à l’article 4 de la Convention (art. 4).

Rappelant ses R ecommandations générales n o s  1 (1972), 7 (1985) et 15 (1993), selon lesquelles les dispositions de l ’ article 4 de la Convention ont un caractère préventif et impératif, le Comité recommande à l ’ État partie d e modifier sa législation de manière à donner pleinement effet à l ’ article 4 de la Convention.

Situation des apatrides et des demandeurs d’asile

17.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour remédier à la situation des personnes apatrides sur son territoire en accordant la citoyenneté aux personnes apatrides, en particulier à celles qui étaient en possession de passeports de l’Union soviétique, comme l’adoption de la loi de 2007 sur la citoyenneté, du décret présidentiel no 437 et du Plan national d’action visant à prévenir et limiter les cas d’apatridie (adopté en 2009 mais mis à jour en décembre 2012). Il demeure toutefois préoccupé par le fait qu’un grand nombre de personnes (90 000), y compris des apatrides, demeurent sans papiers. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles des Ouïghours et des Ouzbeks de l’étranger seraient traités de façon discriminatoire dans les procédures d’enregistrement et de reconnaissance du statut de réfugié, ce qui leur ferait courir le risque d’être harcelés par la police et d’être refoulés (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts pour accorder la citoyenneté kirghize aux personnes apatrides, notamment par l ’ intermédiaire de son Plan national d ’ action visant à prévenir et limiter les cas d ’ apatridie, qui a été mis à jour en décembre 2012. Il lui recommande aussi de garantir l ’ accès aux procédures d ’ enregistrement et d ’ examiner les demandes d ’ asile quelle que soit l ’ origine des requérants . L ’ État partie devrait aussi fournir des documents à tous les demandeurs d ’ asile et prendre les mesures nécessaires pour prévenir le risque de refoulement.

Incitation à la haine

18.Tout en notant que l’article 229 du Code pénal sanctionne les actes visant à inciter à la haine raciale, religieuse et régionale, à porter atteinte à la fierté ethnique ou à prôner l’exclusivité ou l’infériorité d’une catégorie de citoyens en raison de leur religion ou de leur appartenance ethnique ou raciale, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les discours de haine de certains dirigeants politiques et médias et les déclarations discriminatoires à l’égard de certains groupes minoritaires ne feraient toujours pas l’objet de poursuites ni de sanctions (art. 4, 6 et 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie de condamner vivement les déclarations discriminatoires et les propos de haine de certains dirigeants politiques et médias. Il  lui recommande en particulier de prendre les mesures nécessaires pour enquêter sur ces actes, poursuivre et sanctionner leurs auteurs , et d ’ adopter des mesures préventives, notamment en matière d ’ éducation et de formation des médias .

Information concernant les affaires liées à la discrimination raciale

19.Tout en prenant note des renseignements fournis par l’État partie, le Comité est préoccupé par l’absence de données détaillées et précises sur les affaires liées à la discrimination raciale portées devant les juridictions nationales, et notamment leur nature ainsi que les sanctions et les mesures de réparation accordées aux victimes. Il s’inquiète aussi de l’absence d’explication concernant les recours utiles ouverts aux victimes de discrimination raciale et leur efficacité (art. 5 et 6).

Se référant à sa R ecommandation générale n o  31 (2005) sur la prévention de la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité rappelle que l ’ absence de plainte et d ’ action en justice de la part des victimes de discrimination raciale peut être révélatrice de l ’ inexistence d ’ une législation spécifique pertinente, de l ’ ignorance des recours disponibles, de la crainte d ’ une réprobation sociale ou de représailles, ou du manque de volonté des autorités chargées d ’ engager des poursuites. Il recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter l ’ accès à la justice des personnes appartenant à tous les groupes ethniques, e t faire connaître les dispositions législatives relatives à la discrimination raciale afin que la population soit informée de tous les recours juridiques à sa disposition . Il lui recommande aussi de lui fournir des renseignements détaillés à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Éducation dans le domaine des droits de l’homme

20.Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie sur la formation dispensée aux forces de sécurité dans le domaine des droits de l’homme mais il demeure toutefois préoccupé par l’absence d’informations détaillées et précises sur les mesures effectives prises par l’État partie dans le domaine de l’éducation aux droits de l’homme et sur leurs résultats concrets, en particulier auprès des agents des forces de l’ordre et dans les écoles (art. 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts afin que les agents chargés de l ’ application des lois reçoivent une formatio n sur les droits de l ’ homme, et  en particulier sur les dispositions d e la Convention. Il l ’ invite aussi à inscrire l ’ éducation aux droits de l ’ homme dans les programmes scolaires et à lancer des campagnes de sensibilisation aux droits de l ’ homme, axées notamment sur la question de la discrimination raciale.

Institution nationale des droits de l’homme

21.Le Comité est préoccupé par la procédure de sélection et de nomination des membres du Conseil d’administration du bureau du Médiateur ainsi que par l’absence de garantie d’inamovibilité de ces personnes, ce qui compromet l’indépendance de cet organisme. Il note que l’institution du Médiateur a obtenu le statut «B» en 2012, ce qui suggère qu’elle n’est pas pleinement conforme aux Principes afférents au statut et au fonctionnement des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre l ’ institution du Médiateur en  conformité avec les Principes de Paris ou de créer une institution nationale des droits de l ’ homme qui soit pleinement compatibles avec ces P rincipes.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

22.Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, et en particulier ceux dont les dispositions ont un lien direct avec les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, comme la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

23.À la lumière de sa Recommandation générale no 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du Document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. LeComité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action et les autres mesures qu’il aura adoptés pour appliquer la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Consultation avec les organisations de la société civile

24.Le Comité recommande à l’État partie de continuer à tenir des consultations et de renforcer son dialogue avec les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier avec celles qui luttent contre la discrimination raciale, lors de l’élaboration de son prochain rapport périodique et de la mise en œuvre des présentes recommandations.

Compétence du Comité pour l’examen de plaintes individuelles

25.Le Comité encourage l’État partie à faire la déclaration facultative prévue à l’article14 de la Convention.

Amendements à l’article8

26.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les amendements au paragraphe6 de l’article8 de la Convention, adoptés le 15janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité se réfère au paragraphe14 de la résolution61/148 de l’Assemblée générale, dans lequel l’Assemblée a demandé instamment aux États parties d’accélérer leurs procédures internes de ratification de cet amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement.

Diffusion

27.Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que ses rapports périodiques soient rendus publics et soient accessibles au moment de leur soumission, et de diffuser de la même manière les observations finales du Comité qui s’y rapportent dans les langues officielles et dans les autres langues couramment utilisées, selon qu’il convient.

Document de base commun

28.L’État partie ayant soumis son document de base en 2008 (HRI/CORE/KGZ/2008), le Comité l’invite, compte tenu de l’adoption en 2010 d’une nouvelle Constitution et du renouvellement de la législation qui a suivi, à présenter une mise à jour, conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, telles qu’adoptées par la cinquième Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme tenue en juin 2006 (HRI/GEN.2/Rev.6, chap. I).

Suite donnée aux observations finales

29.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 5, 6 et 9.

Recommandations d’importance particulière

30.Le Comité souhaite aussi appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 7, 8, 12 et 13 et demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport

31.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses huitième à dixième rapports périodiques en un seul document, d’ici au 4 octobre 2016, en tenant compte des directives y relatives adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Il invite aussi instamment l’État partie à respecter la limite de 40 pages fixée pour les rapports propres au Comité et la limite de 60 à 80pages fixée pour le document de base commun (HRI/GEN.2/Rev.6, chap. I, par. 19).