Nations Unies

CRPD/C/SR.79

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

26 septembre 2012

Original: français

Comité des droits des personnes handicapées

Hui tième session

Compte rendu analytique de la 79 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 19 septembre 2012, à 15 heures

Président: M. Mc Callum

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 35de la Convention

Rapport initial de l ’ Argentine

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 35 de la Convention

Rapport initial de l ’ Argentine ((CRPD/C/ARG/1); liste des points à traiter à l’occasion de l’examen du rapport initial de l’État partie (CRPD/C/ARG/1/Q/1); réponses écrites de l’Argentine à la liste de points à traiter (CRPD/C/ARG/1/Q/1/Add.1) (en espagnol uniquement); document de base (HRI/CORE/1/Add.74))

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation argentine prend place à la table du Comité.

2.Le Président dit que grâce à l’appui fourni par l’organisation International Disability Alliance,ce premier dialogue avec la délégation argentine est retransmis sur le Web, notamment afin que les personnes handicapées n’ayant pas pu faire le déplacement jusqu’à Genève puissent suivre les débats.

3.M me  Bersanelli (Argentine) dit que trente ans après le retour de la démocratie, l’Argentine a entamé un processus de renforcement de ses politiques en faveur de la protection des droits des personnes handicapées. Elle a notamment adopté une loi sur la santé mentale ainsi qu’un plan national de lutte contre la discrimination. Paraphrasant la célèbre phrase d’Archimède, Mme Bersanelli affirme que la Convention relative aux droits des personnes handicapées, que l’Argentine a intégrée à sa législation en 2008, est le point d’appui qui permettra de soulever les structures qui ont si longtemps été responsables de la marginalisation et de la stigmatisation des personnes handicapées. L’Argentine reconnaît que le handicap est une question de droits de l’homme et les droits des personnes handicapées sont désormais pris en compte dans toutes les politiques publiques menées.

4.Le Secrétariat aux médias a organisé une série de campagnes d’information afin de diffuser auprès du public les dispositions de la Convention. L’accent a notamment été mis sur l’action de l’État en faveur des personnes handicapées en matière d’emploi, d’éducation et d’accessibilité. En outre, des journées de suivi et de diffusion de la Convention sont organisées chaque année avec le concours des ONG et des organisations représentant les personnes handicapées, dans le but de célébrer l’anniversaire de l’adoption de la loi portant intégration de la Convention dans le droit interne argentin. Des réunions internationales sont également organisées, essentiellement avec des pays du Sud, qui permettent d’échanger des données d’expérience en matière d’application de la Convention.

5.Un groupe de travail sur la communication a été créé au sein de l’Observatoire national du handicap relevant de la Commission nationale consultative pour l’intégration des personnes handicapées (CONADIS), dans le but d’améliorer l’accès des personnes handicapées à l’information, notamment aux sites Internet du Gouvernement. La loi no 26.653 de 2010 relative à l’accessibilité de l’information disponible sur les pages Web enjoint les services publics centralisés et décentralisés, les entreprises publiques ou concessionnaires de services publics et les organisations de la société civile bénéficiant de subventions publiques, de concevoir des pages Web respectant les normes et prescriptions relatives à l’accessibilité de l’information, afin que les personnes handicapées puissent bénéficier d’une réelle égalité de traitement. Un décodeur de télévision numérique terrestre a été mis au point, qui permet aux personnes handicapées d’avoir accès aux services d’information et de communication, en application des dispositions de la Convention. Dans l’enseignement secondaire, les élèves handicapés reçoivent un ordinateur équipé des technologies adaptatives dont ils ont besoin, dans le cadre du Programme «Connecter l’égalité».

6.Un programme d’application des technologies pour la santé est mené avec l’Institut national de technologie industrielle (INTI), qui vise à mettre au point des instruments de diagnostic portatifs et peu coûteux et à développer une technologie médicale au niveau régional. Ce projet a ouvert la voie à une nouvelle génération de centres de recherche, avec le Centre des technologies pour la santé et le handicap, qui a pour mission d’améliorer la qualité de vie des personnes handicapées.

7.La promulgation de la loi no 26.571 sur la démocratisation de la représentation politique, la transparence et l’équité électorale en décembre 2009 atteste une avancée considérable en matière de promotion de la participation politique et de l’accès des personnes handicapées aux mécanismes politiques. Elle a permis aux personnes handicapées de participer aux élections primaires et aux élections générales qui ont eu lieu en 2011.

8.Afin de renforcer la sécurité et la protection des personnes handicapées dans des situations de risque et d’urgence humanitaire, il a été créé au sein du Ministère de la défense un groupe de travail chargé d’élaborer un protocole sur l’aide aux personnes handicapées en cas de conflits armés, internes ou internationaux, et d’interventions humanitaires.

9.Un programme d’accès à la justice des personnes handicapées a été lancé par le Ministère de la justice, qui garantit l’égalité de traitement et d’accès des personnes handicapées dans toutes les procédures judiciaires.

10.Un Comité technique de suivi des normes en matière de travail et de sécurité sociale est chargé d’examiner les lois et réglementations en vigueur dans ce domaine, ainsi que les pratiques, et de proposer les modifications nécessaires à l’exercice des droits consacrés dans la Convention.

11.En application des recommandations du Secrétaire général de l’ONU et des résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement pour les personnes handicapées, l’Argentine s’est dotée d’indicateurs permettant de suivre la réalisation de ces objectifs et a adopté un ensemble de mesures à cette fin, qui sont mises en œuvre sous la supervision de la Commission interinstitutionnelle de suivi des objectifs du Millénaire pour le développement.

12.Un recensement de la population a été effectué en 2010, selon la nouvelle méthodologie fondée sur les principes et recommandations de l’ONU concernant la mesure du handicap et sur les questions proposées par le Groupe de Washington. D’après les premiers résultats, les personnes handicapées représentent 12,9 % de la population argentine vivant dans un logement individuel, soit 5 445 800 personnes. En outre, les préparatifs de la deuxième enquête nationale sur le handicap (ENDI), qui devrait se dérouler en 2013, ont commencé.

13.La Commission nationale consultative pour l’intégration des personnes handicapées est devenue en 2011 l’organisme gouvernemental chargé des questions relatives à l’application de la Convention et du Protocole facultatif s’y rapportant et un observatoire national du handicap a été créé, afin de produire, diffuser, mettre à jour et traiter les informations recueillies auprès de différentes sources compétentes dans ce domaine. Ce dernier est également chargé du suivi de l’application de la Convention. Il est composé de représentants de personnes handicapées et de fonctionnaires et est organisé en groupes de travail qui traitent différents thèmes comme la santé, le travail, l’éducation, l’accessibilité ou la participation politique. Il procède à une évaluation des politiques menées en faveur des personnes handicapées, participe à l’élaboration des réformes législatives et des différents protocoles concernant les personnes handicapées et soutient la création d’observatoires dans les provinces.

14.M me  Peláez Narváez (Rapporteuse pour l’Argentine) félicite l’État partie pour toutes les réformes qu’il a entreprises sur le plan réglementaire et pour les mesures qu’il a prises afin de donner effet aux dispositions de la Convention. Elle est cependant préoccupée par l’existence, dans la législation actuelle ou en cours d’élaboration, de dispositions contraires à la Convention. En effet, des principes comme celui de l’incapacité juridique et des mesures comme la tutelle ou la curatelle continuent à prévaloir s’agissant des personnes souffrant de handicap psychosocial, et les juges ont un grand pouvoir discrétionnaire en la matière. Étant donné que l’État partie est conscient de cette contradiction et a reconnu la nécessité de modifier son Code civil pour le rendre conforme à la Convention, elle demande quelles mesures l’Argentine envisage de prendre à cet effet.

15.La Rapporteuse aimerait également savoir quels mécanismes sont prévus dans l’avant-projet de loi sur la modification, l’actualisation et l’unification du Code civil et du Code de commerce pour garantir la participation de la société civile et notamment des organisations de personnes handicapées à l’élaboration et à la mise en œuvre des lois et des politiques adoptées aux fin de l’application de la Convention.

16.La Rapporteuse note qu’entre début 2009 et septembre 2011, plus de 19 000 personnes souffrant de handicap psychosocial ont fait l’objet de restrictions de leur capacité juridique ou ont été soumises à un internement involontaire ou forcé, pour la seule ville autonome de Buenos Aires. Elle demande quels sont les projets prévus pour remplacer la ségrégation des personnes handicapées et la limitation de leurs droits par un dispositif de prise en charge au sein de la communauté et d’insertion sociale et professionnelle, assorti de mesures d’accompagnement qui permettront aux personnes handicapées de prendre elles-mêmes les décisions les concernant.

17.La Rapporteuse déplore les nombreuses lacunes dans l’information fournie en réponse aux questions de la liste des points à traiter (CRPD/C/ARG/Q/1). La question des enfants est à peine abordée; la situation des personnes handicapées autochtones n’est évoquée que pour deux des 30 communautés autochtones que compte l’État partie; les rapports sur le processus visant à assurer l’accessibilité et les mesures prises pour remédier au manque d’accessibilité sont passés sous silence, tout comme la participation des personnes handicapées à ces activités.

18.En outre, le rapport sur l’action menée pour appliquer la Convention et les progrès réalisés ne rend pas compte de la situation spécifique des femmes. Bien qu’il ait été jugé utile de créer un bureau de la femme au sein de la Cour suprême, il n’a pas semblé nécessaire de prendre d’initiative particulière pour garantir l’accès des femmes handicapées à la justice, et l’État partie n’a pas répondu aux questions du Comité sur l’action concrète du Programme sur les femmes et le handicap. La Rapporteuse évoque l’attitude de la justice face aux femmes handicapées, mise en lumière par l’affaire des deux juges qui font actuellement l’objet d’une plainte pour avoir, dans leur jugement, qualifié une jeune femme handicapée victime d’un viol en termes particulièrement dégradants; il s’agit, de la part de magistrats, d’une infraction extrêmement grave aux règles de la Convention et au principe de l’égalité entre les personnes.

19.Enfin, la Rapporteuse appelle l’attention sur le manque de considération pour le droit à la parentalité des personnes handicapées, sur les restrictions au droit à l’avortement en cas de viol que les femmes présentant un handicap mental ou psychosocial ne peuvent pas exercer sans l’entremise de leur tuteur, ainsi que sur l’impossibilité pour certaines catégories de personnes handicapées d’être nommées tuteur, et donc d’avoir la charge d’un enfant, de la gestion de ses biens, etc.

Articles 1er à 10 de la Convention

20.M me Cisternas Reyes demande quel mécanisme utilise l’État partie pour intégrer les droits des personnes handicapées et les droits des peuples autochtones. La délégation pourrait aussi indiquer comment la CONADIS coordonne ses activités avec celles des services chargés des peuples autochtones. Enfin, l’intervenante souhaiterait connaître la proportion de femmes handicapées parmi les 38,5 % de femmes décrites dans le rapport initial (CRPD/C/ARG/1, par. 62 et 522) comme occupant des postes d’encadrement dans la fonction publique.

21.M.  Ríos Espinosa invite la délégation à fournir des éclaircissements au sujet du système politique argentin et voudrait savoir comment le Gouvernement fédéral veille à l’application de la Convention dans les provinces. Il souhaite également qu’elle apporte des précisions sur les incohérences, qualifiées de «mineures» dans la réponse à une question de la liste des points à traiter (CRPD/C/ARG/Q/1/Add.1, par. 12), entre la législation fédérale et les législations provinciales.

22.M.  Al-Tarawneh voudrait savoir si la CONADIS est un organisme indépendant ou s’il relève de l’autorité du Gouvernement et quel est exactement son rôle. Il demande si elle a participé à la rédaction du rapport initial de l’État partie et si elle compte des personnes handicapées, des membres de famille de personnes handicapées et des représentants d’organisations de la société civile dans ses rangs. Il s’enquiert aussi de l’existence d’un plan national en faveur de l’accessibilité et d’un code de la construction prévoyant l’élimination des obstacles architecturaux. Enfin, il souhaite savoir où en est exactement l’État partie concernant la conception universelle, y compris en matière d’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC) et aux technologies d’assistance.

23.M.  Gombos demande si les personnes handicapées et surtout les enfants handicapés sont consultés et comment, le cas échéant, ces derniers sont associés à la prise de décisions. À cet égard, il voudrait connaître la situation des personnes présentant un handicap mental ou un handicap psychosocial. Faisant observer que l’État partie est un pays de grande diversité, il s’enquiert des mesures prises pour lutter contre les discriminations multiples.

24.M.  Tatić demande quels ont été les résultats de l’évaluation sur l’accessibilité des locaux des différentes entités liées à l’Observatoire national du handicap. Il souhaiterait également que la délégation fournisse des informations supplémentaires sur le mécanisme d’application et de suivi des mesures prises en matière d’accessibilité, en particulier au niveau local, et sur les sanctions applicables à ceux qui ne respectent pas les règles dans ce domaine.

25.M me Degener, faisant observer que la Convention établit une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, souhaite savoir si l’État partie a le projet d’intégrer les droits de l’homme dans sa politique nationale relative aux personnes handicapées et les personnes handicapées dans sa politique nationale des droits de l’homme. La législation argentine reconnaît à toutes les femmes, sans discrimination, les mêmes droits en matière de santé sexuelle et génésique; or, il semble que les femmes handicapées aient des difficultés à les exercer (contraception, stérilisation, avortement, etc.). Mme Degener souhaite savoir quelles mesures précises sont prises pour lever les obstacles à l’exercice par les femmes handicapées de ces droits.

26.M.  Ben Lallahom demande si les règles et les normes en matière d’accessibilité universelle sont appliquées par l’État partie conformément à la Convention, s’il existe un contrôle des autorités dans ce domaine et si, en cas d’infraction, des sanctions sont prévues.

27.M.  Langvad voudrait savoir s’il existe un mécanisme qui permette de veiller à l’application effective des mesures positives prises en matière d’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC), aux moyens de transport, aux bâtiments, etc., et demande quelles initiatives sont en cours pour mettre les bâtiments anciens aux normes actuelles. Tout renseignement sur, d’une part, l’aide financière que les pouvoirs publics argentins, aux différents niveaux territoriaux, apportent aux associations de personnes handicapées pour que celles-ci puissent faire entendre leur voix et, d’autre part, sur la manière dont la législation en faveur de la non-discrimination gère le passage du modèle médical au modèle social de prise en charge des personnes handicapées ainsi que des membres de la famille − qui doivent eux aussi être défendus contre les discriminations − serait le bienvenu.

28.M.  Kim demande s’il existe une stratégie visant à éliminer les attitudes négatives qui font obstacle à la mise en œuvre de la Convention et si des campagnes publiques de sensibilisation sont organisées dans ce cadre.

29.M me Quan-Chang note qu’il existe des incompatibilités entre, d’une part, la Convention interaméricaine pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les personnes handicapées dont l’État partie est signataire et qui est fondée sur un modèle médical dépassé et, d’autre part, la Convention qui intéresse le Comité et qui est fondée sur un modèle social davantage d’actualité. Elle exprime donc des doutes sur la pertinence de l’instrument interaméricain aujourd’hui. S’inquiétant des travaux d’harmonisation considérables que suppose la multiplication des textes législatifs due à la nature fédérale du système politique de l’État partie, elle demande quelles mesures sont prises pour accélérer le processus.

30.M me Yang Jia demande s’il existe des sanctions applicables aux compagnies aériennes argentines qui contraignent les personnes handicapées circulant en fauteuil roulant à acheter deux titres de transport. Elle considère en outre qu’en application des dispositions de l’article 5, l’État partie devrait veiller à ce que le langage des magistrats soit débarrassé de tous les mots et expressions propres à porter atteinte à la dignité des personnes handicapées.

31.Le Président, intervenant en qualité de membre du Comité, voudrait savoir pour quelles raisons, malgré les dispositions du paragraphe 3 de l’article 4 de la Convention, les personnes handicapées n’ont pas été consultées sur la question de la capacité juridique figurant dans le projet de nouveau Code civil.

La séance est suspendue à 16 h 20; elle est reprise à 16 h 40.

32.M me  Bersanelli (Argentine) dit que l’Argentine, république fédérale organisée en provinces dotées d’une grande autonomie, veut faire progresser l’application de la Convention dans l’ensemble du pays. Pour ce faire, la CONADIS entretient des liens étroits avec les provinces et les municipalités et s’emploie à formuler et à faire appliquer un ensemble de politiques transversales visant l’intégration et la protection des personnes handicapées et de leurs proches. Conscient qu’il doit mener une action transversale en accord avec le modèle social de prise en charge des personnes handicapées, l’État prend des mesures dans divers domaines. Par exemple, les politiques mises en œuvre touchent désormais les peuples autochtones. Néanmoins, il reste beaucoup à faire, en particulier en faveur de certains groupes vulnérables touchés par des discriminations multiples, notamment dans les provinces de Tucumán et de Formosa.

33.M me  Monopoli (Argentine), évoquant les éventuelles incohérences entre la législation fédérale et les lois des provinces, dit que les lois suprêmes de l’État sont la Constitution et la législation fédérales en vigueur, et que les provinces doivent les respecter. Elle convient toutefois que le processus d’harmonisation législatif n’est pas encore terminé.

34.M.  Rosales (Argentine) dit que la jurisprudence de la Cour suprême en matière de handicap remonte à une quinzaine d’années et que diverses dispositions de la Convention sont invoquées par la Cour, ainsi que par les instances de niveau inférieur, au sujet de questions telles que les moyens de transport, les pensions de retraite ou encore la santé. Concernant le procès évoqué par la Rapporteuse et concernant le viol d’une femme handicapée, il indique que, de toute évidence, les termes utilisés par les juges étaient inadmissibles, ajoutant qu’heureusement, de telles situations constituent plutôt l’exception que la norme.

35.Un programme d’action en faveur de l’accès à la justice a été instauré récemment; sa mise en œuvre est une réponse à certaines difficultés qui apparaissaient au sujet de l’application de la Convention par les autorités judiciaires au niveau régional; des enquêtes et des sondages sont également menés dans les principales provinces pour déterminer si les juges ont la connaissance voulue des dispositions de la Convention et savoir comment ils l’appliquent.

36.Concernant la question de l’incompatibilité de la Convention interaméricaine pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les personnes handicapées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées, s’agissant de la question du placement sous tutelle, M. Rosales rappelle que, pour donner suite à l’Observation générale établie en mai 2011 par le Comité, il a été décidé que le placement sous tutelle était une pratique discriminatoire, contraire à l’article 12 de la Convention. La loi relative à la santé mentale impose la révision de toutes les mesures de placement sous tutelle. La nouvelle version du Code civil comportera les modifications nécessaires à cet égard.

37.En ce qui concerne la discrimination multiple, des efforts sont actuellement faits pour incorporer le handicap parmi les causes de discrimination prévues dans la loi no 23.592 relative à la lutte contre la discrimination entrée en vigueur en 1988. Dans l’arsenal de mesures de lutte contre la discrimination, il convient aussi de mentionner le Plan national de lutte contre la discrimination adopté avant la ratification de la Convention, la loi relative à la violence contre les femmes et la loi relative à la violence sur le lieu de travail. Les dispositions relatives à la violence exercée contre les femmes ne mentionnent pas spécifiquement les femmes handicapées.

38.M me  Monopoli (Argentine) dit que depuis quelques années, l’Argentine intègre sa politique en faveur des personnes handicapées dans sa politique générale de respect des droits de l’homme et qu’elle mène des actions visant à sensibiliser les acteurs concernés et la population à cette approche. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine et l’État poursuit son action transversale, sensible au fait que les vulnérabilités sont souvent complexes et multiples.

39.M me  Bersanelli (Argentine) se dit profondément choquée par les propos contraires à la dignité des personnes handicapées tenus par les juges lors du procès évoqué par la Rapporteuse; la société argentine est bien consciente que l’ignorance est une honte, et cet exemple illustre le fait que la sensibilisation aux droits de l’homme doit rester une préoccupation de chaque instant.

40.M me  Tiramonti (Argentine) explique que la CONADIS, entité publique qui relève de l’autorité du Gouvernement, est dotée d’un comité consultatif, qui regroupe les représentants des associations de personnes handicapées et d’un comité technique, qui regroupe des fonctionnaires de diverses entités publiques concernées par les politiques d’intégration des personnes handicapées. La première responsabilité de la CONADIS est de coordonner, régler, guider, promouvoir et diffuser à l’échelle nationale toutes les actions qui peuvent contribuer directement ou indirectement à l’intégration des personnes handicapées. Son action s’inspire des principes fondamentaux de la Constitution, de la législation et des documents internationaux relatifs à l’égalité, la liberté et la solidarité. Son objectif est de prévenir la discrimination, de favoriser la participation garantie par l’intervention, d’appuyer la décentralisation qui rapproche l’administration du citoyen handicapé. Plus particulièrement, la présidence de la CONADIS veille à ce que les politiques appliquées en matière de handicap soient conformes aux dispositions de la Convention.

41.M.  Rossetto (Argentine) dit que les personnes handicapées et leurs proches ont participé à l’élaboration de la loi no 26.657 relative à la santé mentale. Ne possédant pas une longue tradition de mouvements associatifs des personnes handicapées et de leurs proches, l’Argentine s’est récemment attelée à combler cette lacune, afin d’associer ces interlocuteurs aux processus législatifs et politiques.

42.M me Tiramonti (Argentine), répondant à une question sur les mesures relatives à l’accessibilité, dit qu’il existe bien un plan national d’accessibilité qui, ayant pour objectif l’accessibilité universelle, vise notamment les personnes handicapées, mais aussi, par exemple, les personnes âgées ou les femmes enceintes. Ce plan national, élaboré par la CONADIS, fait actuellement l’objet de mesures de sensibilisation; les sanctions pour non-application des règles d’accessibilité universelle n’ont pas encore été envisagées. En revanche, pour ce qui est de l’accessibilité technologique, la loi prévoit des sanctions. Il est de plus prévu d’introduire des modifications à la loi dans les prochains mois, afin de mieux protéger cette accessibilité, notamment en ce qui concerne la télévision numérique. L’attention est également portée sur l’accessibilité des bâtiments anciens, qui sont progressivement mis aux normes modernes.

43.M.  Godachevich (Argentine) dit, en réponse à la question posée au sujet de compagnies aériennes argentines qui contraindraient les personnes handicapées circulant en fauteuil roulant à acheter deux titres de transport, qu’une telle politique n’est certainement pas généralisée. Si le Comité souhaite donner à la délégation des références précises sur le cas évoqué, celle-ci ne manquera pas de se renseigner sur cette pratique, qui va totalement à l’encontre de la politique argentine d’aide aux personnes handicapées voyageant en avion. Il ajoute néanmoins que, d’une manière générale, la structure du pays et l’autonomie des provinces peuvent parfois faire obstacle à la mise en place des mesures en faveur de l’accessibilité. Le système des fonds spéciaux (loi no 25.730 sur les chèques) est un mécanisme financier qui contribue à favoriser l’autonomie des personnes handicapées et l’accessibilité à tous les niveaux, notamment dans les écoles.

44.En ce qui concerne la préoccupation exprimée au sujet de l’éventuelle absence de campagnes de sensibilisation, il convient de noter que l’Argentine œuvre dans ce sens par un travail en profondeur sur le terrain, assorti notamment de journées et d’ateliers de formation, organisés en collaboration avec la société civile.

45.L’importance de la question des droits génésiques des personnes handicapées est reconnue par l’Argentine, et l’Observatoire national du handicap s’est doté d’un groupe de travail qui analyse la pertinence et la qualité des programmes du Ministère de la santé en faveur des personnes handicapées, s’agissant notamment du droit à l’information et à des services sanitaires accessibles.

46.M me Bersanelli (Argentine), répondant à une question sur la proportion de femmes handicapées occupant des postes d’encadrement dans la fonction publique, indique que, sans disposer de statistiques précises à ce sujet, on peut dire que leur nombre est très faible. L’Observatoire national du handicap s’est fixé pour objectif l’étude de cette question et s’emploiera à dresser un tableau complet de la situation actuelle et à analyser les conditions qui favoriseront la présence des femmes et, plus particulièrement, des handicapées, à de tels postes (notamment l’accessibilité et l’autonomie).

Articles 11 à 33 de la Convention

47.M.  Gombos remercie l’État partie d’avoir reconnu que le Code civil argentin n’était pas conforme à la Convention et le félicite d’avoir entrepris de le réformer. Néanmoins, il trouve préoccupant que le projet de loi relatif à la réforme du Code civil, qui contient certes des améliorations intéressantes, impose encore des restrictions à l’exercice de la capacité juridique des personnes handicapées. Il s’inquiète de certaines conséquences de cette situation: la prise de décisions substitutive laisse en effet le tuteur maître de décisions telles que l’expérimentation médicale, l’avortement ou le traitement psychiatrique. La loi nationale sur la santé mentale apporte, elle aussi, des modifications intéressantes mais n’est pas encore pleinement conforme aux dispositions des articles 14 et 15 de la Convention, relatives à la liberté et à la sécurité de la personne, ainsi qu’à la protection contre la torture.

48.M me Peláez Narváez  (Rapporteuse pour l’Argentine) dit que la loi fédérale relative aux normes d’accessibilité est applicable par les provinces et les municipalités, qui peuvent choisir d’y adhérer ou non. Dans un tel contexte, elle souhaite connaître les mesures que prend l’État partie pour que les normes d’accessibilité établies au niveau national soient véritablement suivies et respectées au niveau des provinces. Ellesouhaite savoir aussi si l’État partie envisage de prendre des mesures pour assister les personnes handicapées présentant un handicap intellectuel ou psychosocial dans leur prise de décisions et l’exercice de leur capacité juridique.

49.M. Ríos Espinosa demande si dans le cadre de la révision en cours du Code pénal, l’État partie prévoit de revoir les dispositions applicables aux personnes handicapées frappées d’une décision de privation de liberté et déclarées non responsables pénalement, afin de veiller à ce qu’elles aient les moyens, y compris en étant assistées, de se prévaloir des garanties essentielles prévues par la loi, comme le droit de défense, conformément à l’article 14 de la Convention. Il s’enquiert également des efforts entrepris pour qu’il soit mieux tenu compte de la situation particulière des femmes handicapées, y compris celles placées en institution, dans les programmes de lutte contre la violence à l’égard des femmes.

50.M me Cisternas Reyessouhaite savoir si des dispositions légales et réglementaires ont été prises pour empêcher que ne se reproduise le drame survenu en mai 2011, lorsque deux personnes handicapées qui avaient été placées à l’isolement et soumises à des mesures de contention physiques et chimiques sont décédées au sein d’un établissement psychiatrique pénitentiaire. Elle souhaite aussi savoir si les trois nouveaux mécanismes de protection des droits des personnes handicapées mis en place dans le cadre de la loi sur la santé mentale, à savoir le service du défenseur des droits des personnes placées en institution, l’organe de révision indépendant et le mécanisme de prévention de la torture, sont opérationnels et, le cas échéant, comment ceux-ci coordonnent leurs activités. Enfin, elle demande des informations complémentaires sur les politiques internes de formation du personnel menées par le pouvoir judiciaire aux fins notamment de la mise en place d’aménagements procéduraux et de systèmes de décision assistée, ainsi que sur l’état d’avancement de la révision de l’article 152 ter du Code civil, qui concerne les déclarations judiciaires d’incapacité. Il serait utile que la délégation précise si, en pratique, les mesures de désignation d’un tuteur sont amenées à être remplacées par des mesures d’appui.

51.M me  Quan-Chang s’interroge sur la volonté politique de l’État partie de voir approuver par le Sénat le projet de loi portant création d’un système national de prévention de la torture que le Parlement argentin a adopté il y a déjà plusieurs années, comme suite à la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour que les personnes handicapées, notamment celles sous le coup d’une décision de privation de liberté ainsi que les personnes placées en institution, soient véritablement protégées contre la torture.

52.M me  Yang Jiasouhaite connaître les mesures qui sont prises s’agissant des aveugles et des malvoyants, des personnes présentant des troubles de l’audition et des polyhandicapés dans le contexte des crises économiques et humanitaires actuelles.

53.M me  Maina souligne que la terminologie utilisée dans le rapport et dans les dénominations et la description des attributions de certaines instances créées récemment ainsi que certains concepts (tel le degré de handicap), clauses légales et pratiques sont incongrus, voire discriminatoires, et non conformes à la lettre de la Convention. Elle demande si l’État partie envisage de prendre des mesures pour mettre son Code civil en conformité avec les dispositions de la Convention et, de manière générale, améliorer le sort des personnes handicapées dans le pays.

54.S’interrogeant sur les critères utilisés par l’État partie pour qualifier quelqu’un de personne handicapée, Mme Maina demande si, en matière de handicap, l’État partie continue d’appliquer un modèle médical ou utilise désormais un modèle social fondé sur les droits de l’homme. Compte tenu du nombre important d’adultes handicapés mis sous tutelle, elle se pose la question du respect de l’autonomie des personnes handicapées dans l’État partie. Enfin, elle souhaite savoir si l’État partie prévoit d’œuvrer en faveur de la désinstitutionnalisation des personnes handicapées pour leur permettre de vivre au sein de la société, dans leur famille ou leur communauté, et de bénéficier d’un appui spécifique selon le type de handicap qu’elles présentent.

55.M. Kim  demande si des personnes handicapées ont déjà exprimé le souhait de ne plus vivre en institutions et de vivre au sein de la société et, dans l’affirmative, si des mesures d’appui sont prévues pour leur permettre de quitter les établissements dans lesquels elles sont placées et trouver d’autres solutions en matière de soins ou de logement.

56.Le Président, intervenant en qualité de membre du Comité, salue les progrès réalisés par l’État partie pour pourvoir à l’insertion scolaire des élèves handicapés, et demande des informations complémentaires sur l’intégration dans les établissements d’enseignement ordinaires des élèves aveugles et malvoyants.

57.M. Tatić relève que le taux moyen d’emploi de personnes handicapées par les entreprises du secteur privé et du secteur public reste inférieur à 1 %. Il souhaite obtenir des renseignements sur les conséquences qu’entraîne, pour l’État en tant qu’employeur, le fait de ne pas respecter le quota officiel de 4 % qu’il s’est fixé.

58.M. Gombos demande si l’État partie entend prendre des mesures pour que la langue des signes soit enfin pleinement reconnue au plan juridique et pour se conformer aux dispositions de l’article 25 de la Convention en veillant à ce que les solutions communautaires autres que le placement en institution et l’internement que prévoit la loi sur la santé mentale soient véritablement suivies d’effets et mises en œuvre, sur la base d’un consentement préalable et éclairé.

59.M. Ríos Espinosa souhaite savoir si l’État partie prévoit de modifier sa législation en vigueur, en particulier l’article 43 de la loi nationale sur l’éducation, de sorte que les enfants handicapés puissent être scolarisés dans des établissements d’enseignement ordinaires et bénéficier au besoin d’aménagements à cet effet. Il demande également si l’État partie envisage à court terme de réviser sa législation électorale afin d’accorder le droit de vote aux personnes atteintes de troubles mentaux. Il s’enquiert enfin du stade de mise en œuvre du Programme relatif au service d’assistance à l’autonomie de la vie (SAVA).

60.M me  Cisternas Reyes s’enquiert de la manière dont l’État partie procède à l’évaluation qualitative de son système d’éducation inclusive et demande s’il dispose d’indicateurs en la matière. Elle souhaite en outre connaître le pourcentage de personnes handicapées ayant accès à des services de réadaptation auprès de centres spécialisés ou de structures communautaires. La délégation pourrait aussi indiquer s’il est prévu de modifier la législation en vigueur, d’une part, pour supprimer la disposition obligeant toute personne handicapée placée dans une institution à être mise sous tutelle pour pouvoir prétendre à toute aide et, d’autre part, pour améliorer la loi électorale afin de permettre aux personnes handicapées de choisir la personne qui les aidera à exercer leur droit de vote.

61.M me  Quan-Chang demande si l’Observatoire national du handicap satisfait aux Principes de Paris en tant que mécanisme indépendant de promotion et de suivi de l’application de la Convention et si le service de défenseur du peuple joue également un rôle en la matière.

62.M. Ben Lallahom  demande quelles sont les mesures prises par l’État partie en matière d’éducation pour répondre aux besoins spécifiques des personnes handicapées vivant dans le nord du pays, qui est une région rurale, pauvre et autochtone. Comme suite à la publication de plusieurs rapports par le Réseau universitaire de l’environnement et de la santé (REDUAS) sur l’exposition continue des populations des zones rurales aux pesticides, il se demande si la question ne concerne pas tant les autorités sanitaires du pays que celles qui sont compétentes en matière de handicap.

63.M. Al-Tarawneh demande quelles sont les mesures concrètes que l’État partie met en œuvre pour garantir aux personnes handicapées l’accès à l’enseignement supérieur et assurer la mise en application du plan d’action national en faveur de l’accessibilité afin que les personnes handicapées puissent participer à la vie politique du pays et bénéficier notamment d’une éducation inclusive, d’une autonomie de vie et d’un accès à la justice.

64.M me  Peláez Narváez (Rapporteuse pour l’Argentine) souhaite savoir comment l’État partie, qui s’est doté d’un programme sur les femmes et le handicap, tient compte du principe de l’égalité hommes-femmes dans les politiques qu’il mène en faveur de l’accès des personnes handicapées à un logement décent et des quotas d’emploi, notamment. Dans le contexte général de la révision du Code pénal, elle demande quelles sont les mesures spécifiques que l’État partie envisage de prendre dans le domaine de la santé sexuelle et génésique pour mettre un terme à la stérilisation forcée des femmes et des jeunes filles handicapées, permettre aux personnes handicapées de fonder une famille et conférer à une femme présentant un handicap intellectuel ou psychosocial qui aurait été victime d’un viol le droit d’avorter, sans l’entremise de son tuteur. Elle demande enfin comment l’État partie explique l’écart considérable enregistré entre le nombre de personnes handicapées dont le handicap pourrait être attesté par un certificat unique (CUD) aux fins du versement de prestations de prise en charge et le nombre effectif de certificats émis, et combien de ces certificats sont délivrés à des enfants handicapés.

65.M. Langvad souhaite connaître les mesures qui sont prises pour ouvrir, dans des conditions d’égalité, les prestations de handicap aux travailleurs migrants handicapés et aux enfants handicapés de travailleurs migrants, qui ne peuvent satisfaire à l’obligation de résidence dans le pays − d’une durée de vingt ans − fixée pour y prétendre.

La séance est levée à 18 heures.