Observations finales concernant le septième rapport périodique de l’Iraq *

Le Comité a examiné le septième rapport périodique de l’Iraq (CEDAW/C/IRQ/7) à ses 1720e et 1721e séances (voir CEDAW/C/SR.1720 et CEDAW/C/SR.1721), le 22 octobre 2019. La liste des questions et des points soulevés par le Groupe de travail d’avant-session figure dans CEDAW/C/IRQ/Q/7 et les réponses de l’Iraq, dans CEDAW/C/IRQ/Q/7/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le septième rapport périodique de l’État partie. Il le remercie des réponses écrites apportées à la liste de points, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales posées par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par le Représentant permanent de l’Iraq auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, M. Hussain Mahmood Alkhateeb. La délégation comprenait aussi des représentants de la Chambre des députés, du Conseil d’État, du cabinet de la Présidence iraquienne, du cabinet du Premier Ministre, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice, du Ministère du travail et des affaires sociales, du Ministère de la santé, du Ministère de l’intérieur, du Ministère de l’éducation, du Ministère des migrations et des déplacements, de la mairie de Bagdad, de la Haute Commission électorale indépendante, du Bureau des biens de mainmorte chrétiens, yézidis et sabéens-mandéens, du Gouvernement de la Région du Kurdistan et de la Mission permanente de l’Iraq auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis, depuis l’examen du rapport valant quatrième et sixième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/IRQ/4-6), dans la mise en œuvre de réformes législatives, en particulier l’adoption, en 2015, du document ci-après : la loi no 37 du Code du travail qui garantit l’égalité entre les femmes et les hommes et interdit la discrimination et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et ses politiques en vue d’ accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité femmes-hommes, notamment l’adoption des textes ci-après :

a)La Stratégie nationale sur la violence contre les femmes et les filles (2018‑2030) ;

b)Le plan national de développement (2018-2022), qui garantit la prise en compte systématique des stratégies axées sur l’égalité femmes-hommes dans les politiques nationales ;

c)La Vision 2030, adoptée en 2019, visant à garantir la mise en œuvre globale des objectifs de développement durable, notamment la cible 5.1 qui consiste à mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles.

Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de l ’ appui apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et invite l ’ État partie à réaliser l ’ égalité de droit et de fait entre les femmes et les hommes, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il rappelle l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non ‑ discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l ’ État partie à reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies en ce sens.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite la Chambre des députés, les conseils provinciaux, et le Parlement de la Région du Kurdistan, dans le cadre de leur mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Contexte général

Le Comité constate les conséquences extrêmement graves découlant du contrôle de certaines régions par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL), entre 2014 et fin 2017, date de sa défaite militaire, l’instabilité politique et la présence de groupes armés, les actes terroristes commis par des groupes criminels appartenant à l’EIIL, le renforcement des divisions confessionnelles et ethniques et la montée de l’extrémisme violent, qui ont engendré de graves violations des droits des femmes et entravent sérieusement l’exercice des droits consacrés par la Convention. Il rappelle à l’État partie qu’il lui incombe au premier chef de protéger sa population et qu’il devrait, par conséquent, prendre des mesures de toute urgence pour mettre fin immédiatement à l’usage excessif et meurtrier de la force contre la population civile et prévenir de nouvelles violences, dont les meurtres et les blessures, notamment à l’égard des femmes et des enfants.

Retrait des réserves

Le Comité se félicite que l’État partie ait retiré sa réserve à l’article 9 de la Convention mais, malgré les explications données par la délégation, reste préoccupé par la réticence de l’État partie à retirer ses réserves à l’article 2 f) et g) et à l’article 16 de la Convention.

Le Comité réitère sa recommandation précédente ( CEDAW/C/IRQ/CO/4 ‑ 6 , par. 16) et invite instamment l ’ État partie à intensifier les efforts qu ’ il fait pour retirer ses réserves à l ’ article 2 f) et g) et à l ’ article 16 de la Convention, réserves qui sont incompatibles avec le but et l ’ objet de la Convention et entravent la mise en œuvre de l ’ intégralité du texte.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité félicite l’État partie d’avoir mis en œuvre son premier plan d’action national pour l’application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et accueille avec satisfaction les informations fournies par la délégation, indiquant que l’élaboration du deuxième plan (2019-2023) en est à sa phase finale. Il remercie l’État partie d’avoir cosigné en 2016, avec la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, une déclaration conjointe sur la prévention des violences sexuelles liées aux conflits et d’avoir adopté un plan d’action pour sa mise en œuvre. Le Comité constate toutefois avec préoccupation que malgré ce que fait l’État partie pour accroître la participation des femmes aux processus de paix nationaux et internationaux, celles-ci restent sous-représentées dans les processus de prévention des conflits et de consolidation de la paix et dans les processus de justice transitionnelle et de réconciliation nationale et ne sont pas pleinement associées à l’exécution du plan d’action national pour l’application de la résolution 1325 (2000).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ achever et d ’ adopter rapidement le deuxième plan d ’ action national (2019-2023) pour l ’ application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de Sécurité, en collaboration avec le Gouvernement de la Région du Kurdistan et les représentantes des organisations féminines de la société civile, et de veiller à  :

a) Prendre en considération toutes les priorités adoptées en ce qui concerne les femmes et la paix et la sécurité, telles qu ’ elles figurent dans les résolutions 1325 (2000) , 1820 (2008) , 1888 (2009) , 1889 (2009) , 1960 (2010) , 2106 (2013) , 2122 (2013) , 2242 (2015) , 2467 (2019) et 2493 (2019)  ;

b) Intégrer un modèle d ’ égalité réelle au sens de la Convention, qui aura une incidence non seulement sur la violence à l ’ égard des femmes, mais aussi sur tous les aspects de leur vie, et lutter contre les formes de discrimination croisées qui touchent les femmes, notamment les veuves, les déplacées et les réfugiées  ;

c) Garantir la participation des femmes, y compris celles qui sont issues des différentes minorités, aux processus de paix internationaux et aux processus de justice transitionnelle et de réconciliation nationale, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre du plan d ’ action national  ;

d) Établir un budget tenant compte des questions de genre, définir des indicateurs pour le suivi régulier de sa mise en œuvre et se doter de mécanismes d ’ application du principe de responsabilité.

Cadre constitutionnel et législatif

Le Comité accueille favorablement la décision de l’État partie de créer une commission au Conseil supérieur de la magistrature, qui soit composée de juges à la retraite et chargée d’examiner les dispositions discriminatoires, notamment le Code pénal (loi no 111 de 1969), le Code de procédure pénale (loi no 23 de 1971), et la loi sur le statut personnel (no 188 de 1959). Il note toutefois avec préoccupation que des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes subsistent aux articles 41, 128, 130, 131, 377, 380, 398, 409 et 427 du Code pénal, ainsi que dans le Code de procédure pénale et la loi sur le statut personnel.

Rappelant les articles 1 et 2 de la Convention et la cible 5.1 associée aux objectifs de développement durable, qui consiste à mettre fin partout dans le monde, à toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des filles, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ abroger l ’ article 41 de la Constitution, qui dispose que « les Iraquiens sont libres dans leur attachement à leur statut personnel conformément à leur religion, confession, croyance ou autres choix, cette liberté étant réglementée par la loi », et ce afin de garantir l ’ égalité femmes-hommes, conformément à la Convention et à l ’ article 14 de la Constitution de l ’ État partie.

b) D ’ abroger toutes les dispositions du Code pénal, du Code de procédure pénale et d ’ autres lois, règlements et directives qui favorisent la discrimination à l ’ égard des femmes.

c) De réexaminer et d ’ adopter le projet de loi sur la protection contre la violence familiale pour que des peines appropriées soient prononcées contre les auteurs de violences à l ’ égard des femmes.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté plusieurs stratégies et politiques, notamment le plan national de développement (2018-2022) qui définit l’égalité femmes-hommes comme une priorité fondamentale pour l’application du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il note cependant avec préoccupation que le Ministère des affaires féminines et le Ministère des droits de l’homme ont été supprimés en 2015, ce qui a fragilisé la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre les violences faites aux femmes (2013-2017) et la stratégie nationale pour la promotion des femmes iraquiennes (2014-2018). Le Comité s’inquiète de l’absence de mécanisme de coordination, qui risque d’entraîner le chevauchement des mandats, d’empêcher les synergies et d’entraver la mise en œuvre des stratégies et des politiques favorisant l’égalité femmes-hommes. Il prend note de la mise en place par le Secrétariat général du Gouvernement, en 2017, du Service de l’autonomisation des femmes et de la réforme du Haut Comité pour la promotion des femmes et du Haut Comité pour la promotion des femmes en milieu rural. Toutefois, il est préoccupé par le fait que ces instances ne disposent pas de ressources humaines, techniques et financières suffisantes et que leurs mandats manquent de clarté. Il constate également que la Haute Commission des droits de l’homme, créée en vertu de la loi no 53 (2008), ne se conforme pas entièrement aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Conformément à la cible 5 a) associée aux objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à la cohérence entre le plan national de développement (2018-2022) et les objectifs de développement durable  ;

b) De rétablir le Ministère des affaires féminines et de le doter d ’ un portefeuille et d ’ un mandat ministériels clairs, à savoir protéger et promouvoir les droits des femmes et favoriser l ’ égalité femmes-hommes, tout en veillant à mobiliser les ressources humaines, techniques et financières suffisantes, à accroître son pouvoir d ’ influence en ce qui concerne la conception, la formulation et la mise en œuvre de politiques publiques favorisant l ’ égalité femmes-hommes, et à renforcer son rôle de coordination et de contrôle en matière d ’ élaboration et d ’ application de la législation dans les domaines de l ’ égalité femmes - hommes et de la prise en compte systématique des questions de genre dans toutes les lois et politiques  ;

c) De fournir des renseignements détaillés concernant le mandat, le statut et les pouvoirs de la Direction de l ’ autonomisation des femmes, ses liens avec les ministères et organisations non gouvernementales de femmes concernés et les ressources humaines, techniques et financières prévues dans le budget national pour le fonctionnement de la Direction  ;

d) D ’ élaborer et d ’ adopter rapidement une stratégie nationale qui favorise l ’ égalité femmes-hommes et l ’ autonomisation des femmes, et un plan d ’ action qui définisse clairement les compétences des autorités nationales et des autorités locales pour ce qui concerne la mise en œuvre de cette stratégie et qui repose sur un système de collecte de données et de suivi complet  ;

e) De veiller à ce que la Haute Commission des droits de l ’ homme se conforme pleinement aux Principes de Paris, notamment à ce qu ’ elle soit indépendante.

Mesures temporaires spéciales

Rappelant ses précédentes observations finales (CEDAW/C/IRQ/CO/4-6, par. 23), le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas systématiquement recours aux mesures temporaires spéciales prévues au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention pour accélérer l’instauration d’une réelle égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où celles-ci sont défavorisées ou sous-représentées.

Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et rappelant sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter des mesures temporaires spéciales établissant des objectifs assortis de délais, un système de quotas et des sanctions en cas de non ‑ conformité, afin d ’ instaurer rapidement l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où celles-ci, notamment les femmes rurales, les migrantes, les demandeuses d ’ asile et les femmes handicapées, sont défavorisées ou sous-représentées, entres autres dans les sphères publique et politique, l ’ éducation, l ’ emploi, y compris les postes à responsabilité, en particulier dans la fonction publique et les corps diplomatique et judiciaire  ;

b) De mener des programmes de renforcement des capacités à l ’ intention tous les agents de l ’ État et employeurs concernés sur le caractère non discriminatoire des mesures temporaires spéciales et leur importance pour l ’ instauration d ’ une réelle égalité entre les femmes et les hommes.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité est préoccupé par la persistance de stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, qui entretiennent la subordination des femmes aux hommes et sont exacerbés par les divisions sectaires et religieuses de l’État partie. Il est profondément préoccupé par :

a)La persistance de pratiques préjudiciables qui sont discriminatoires à l’égard des femmes, telles que les mariages d’enfants, les mariages temporaires (moutaa, par lesquels le mariage prend fin après une période déterminée), les mariages forcés, les mutilations génitales féminines et les crimes dits d’honneur ;

b)Les dispositions discriminatoires du Code pénal qui permettent aux auteurs de ces crimes d’invoquer la défense de l’honneur comme circonstance atténuante (art. 128, 130, 131 et 409) ;

c)La pratique généralisée des mutilations génitales féminines dans certaines régions de l’État partie, en particulier dans les zones rurales ;

d)La persistance de stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes et des filles appartenant à des minorités ethniques, notamment les Iraquiennes d’ascendance africaine, les yézidies, les Turkmènes et les chrétiennes.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/IRQ/CO/4-6 , par. 26), et la recommandation générale/observation générale conjointe n o  31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et n o  18 du Comité des droits de l ’ enfant (2019)sur les pratiques préjudiciables, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter une stratégie globale visant à éliminer les stéréotypes discriminatoires et les pratiques préjudiciables telles que les mariages d ’ enfants, les mariages temporaires ( moutaa ), les mariages forcés, les mutilations génitales féminines et les crimes dits d ’ honneur, y compris des programmes de sensibilisation et d ’ éducation à l ’ intention du grand public, des dirigeants religieux et communautaires et des médias, en collaboration avec la société civile et les organisations de femmes  ;

b) D ’ abroger les articles 128, 130 et 131 du Code pénal pour faire en sorte que les auteurs de crimes dits d ’ honneur ne puissent pas invoquer la défense de l ’ honneur comme circonstance atténuante  ;

c) De renforcer les mesures de prévention et de protection visant à éliminer les mutilations génitales féminines et de veiller à ce que les victimes aient facilement accès à l ’ information, à ce que les professionnels concernés soient suffisamment formés pour identifier les victimes potentielles et à ce que les responsables soient traduits en justice  ;

d) Prendre des mesures visant à éliminer les stéréotypes discriminatoires et les préjugés à l ’ égard des femmes et des filles appartenant à des minorités ethniques, notamment les Iraquiennes d ’ ascendance africaine, les yézidies, les Turkmènes et les chrétiennes.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité salue l’adoption de la Stratégie nationale sur la violence contre les femmes et les filles (2018-2030). Il félicite l’État partie des efforts qu’il déploie pour adopter le projet de loi sur les survivants des crimes de l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) en vue de reconnaître les souffrances des femmes yézidies qui ont été détenues par l’EIIL et d’y remédier. Toutefois, il prend note avec une vive préoccupation des faits suivants :

a)Bien que son premier projet ait été achevé en 2011 et soumis à la Chambre des députés pour approbation à trois reprises depuis 2015, la loi sur la protection contre la violence familiale n’a pas encore été adoptée en raison des objections soulevées par la Commission parlementaire des biens de mainmorte ;

b)Un certain nombre de facteurs continuent de contribuer à la sous‑déclaration des cas de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, tels que les barrières culturelles et l’impunité des auteurs, ainsi que les maigres ressources humaines, techniques et financières dont disposent les services de protection familiale de la police ;

c)Le nombre et la capacité des centres d’accueil de l’État pour les victimes de violence fondée sur le genre sont insuffisants et les organisations non gouvernementales qui gèrent des refuges pour répondre aux besoins des femmes et des filles victimes de la violence, y compris les victimes de l’EIIL, ont dû déménager régulièrement les locaux pour garantir la sécurité tant des victimes que du personnel ;

d)Les ressources humaines, techniques et financières allouées à la mise en œuvre de la loi no 8 de 2011 sur la lutte contre la violence familiale dans la région du Kurdistan ne sont pas suffisantes.

Rappelant les dispositions pertinentes de la Convention, la recommandation générale n o 35 (2017) du Comité sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, et ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/IRQ/CO/4-6 , par. 29), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter le projet de loi sur les survivants des crimes de l ’ État islamique d ’ Iraq et du Levant (EIIL) et de garantir sa conformité avec les normes et principes internationaux relatifs aux droits de l ’ homme  ;

b) De prendre des mesures pour accélérer l ’ adoption du projet de loi sur la protection contre la violence familiale  ;

c) De dispenser systématiquement une formation sur le projet de loi sur la protection contre la violence familiale à tous les agents de police travaillant dans des services de protection familiale, de continuer à embaucher des femmes policières et de veiller à ce qu ’ elles restent en poste  ;

d) De faire en sorte qu ’ il y ait des centres d ’ accueil pour les femmes victimes de violence sur l ’ ensemble du territoire, de renforcer les services de soutien médical et psychologique aux victimes, ainsi que les services de conseil et de réadaptation, et de veiller à ce que ces services soient correctement financés, qu ’ ils soient dotés de personnel dûment formé et que la qualité des services fournis soit régulièrement contrôlée  ;

e) D ’ allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre de la loi n o  8 de 2011 sur la lutte contre la violence familiale dans la région du Kurdistan  ;

f) De prendre des mesures appropriées pour assurer la collecte de données sur toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, ventilées par âge, région, relation entre la victime et l ’ auteur et la situation socioéconomique, entre autres indicateurs .

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité prend note de l’existence du Comité central de lutte contre la traite des personnes. Il constate avec préoccupation que, depuis l’invasion de l’Iraq par les États-Unis en 2003, jusqu’à 10 000 femmes et filles ont été enlevées ou victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle ou détenues aux fins de rançon. Il relève qu’à la suite de la dissolution de l’armée iraquienne et d’autres institutions chargées de la sécurité, la traite des femmes et des enfants a pris de l’ampleur à l’intérieur et au-delà des frontières de l’État partie. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles des hommes auraient eu recours à des mariages forcés et à des mariages temporaires (moutaa) pour se livrer au trafic de femmes dans l’État partie ou vers des pays voisins comme la Jordanie, le Koweït et la République arabe syrienne à des fins d’exploitation sexuelle. En outre, le Comité s’inquiète de l’absence d’un plan d’action national de lutte contre la traite des personnes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De renforcer le mandat du Comité central de lutte contre la traite des personnes et de veiller à ce qu ’ il soit appuyé par des ressources humaines, techniques et financières suffisantes  ;

b) De redoubler d ’ efforts pour prévenir et combattre la traite des femmes et des filles, notamment en appliquant effectivement la loi n o  28 de 2012 sur la lutte contre la traite des personnes et en offrant protection et soutien aux victimes, y compris des refuges et une assistance psychosociale  ;

c) De mener des enquêtes rapides et impartiales sur les affaires de traite des personnes, de s ’ assurer que les personnes reconnues coupables de tels crimes soient dûment sanctionnées et de veiller à ce que toutes les victimes de la traite obtiennent réparation  ;

d) De s ’ attaquer en priorité à la traite des femmes et des filles aux fins de mariages forcés et temporaires ( moutaa ) en criminalisant ces mariages et en adoptant un plan d ’ action national pour combattre ces pratiques, et de fermer les bureaux qui facilitent et organisent ces formes de mariage  ;

e) De continuer à sensibiliser l ’ opinion au caractère criminel de la traite des femmes et des filles et aux risques qui y sont liés, et de dispenser une formation aux magistrats, aux agents de la force publique et à la police des frontières sur l ’ identification précoce des femmes et des filles victimes de la traite, leur orientation vers les services appropriés et la stricte application des dispositions pertinentes du droit pénal  ;

f) De former les travailleurs sociaux et le personnel médical qui viennent en aide aux victimes de la traite sur la façon de prendre en charge ces personnes en tenant compte du genre  ;

g) D ’ accélérer l ’ adoption d ’ un plan d ’ action national de lutte contre la traite des personnes et de créer un organe permanent chargé de coordonner et de suivre son application  ;

h) De recueillir des données statistiques ventilées sur l ’ ampleur de la traite, à l ’ intérieur et au-delà des frontières de l ’ État partie, le nombre de procédures pénales engagées et les peines imposées aux auteurs d ’ infractions liées à la traite, et de faire figurer ces données dans son prochain rapport périodique.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité prend note des efforts que l’État partie déploie pour assurer l’application d’un quota minimum de 25 % de femmes à la Chambre des députés et l’adoption de la décision no 99 (2015) du Conseil des ministres, qui encourage les ministères à embaucher des femmes à des postes de haut niveau. Il relève en outre la nomination d’une femme au poste de Ministre de l’éducation et la récente élection d’une femme à la mairie de Bagdad. Le Comité constate avec satisfaction que la loi no 36 de 2015 sur les partis politiques prévoit que les femmes peuvent être représentées au comité fondateur et au bureau général d’un parti. Toutefois, il regrette l’absence de femmes parmi les membres de la Haute Commission électorale indépendante. Il note avec préoccupation que les femmes appartenant à divers groupes minoritaires, notamment les femmes handicapées, les Iraquiennes d’ascendance africaine, les yézidies, les Turkmènes et les chrétiennes, continuent d’être sous-représentées dans la vie politique et publique de l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De continuer à appliquer des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention, à la recommandation générale n o  25 et à la recommandation générale n o 23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique, afin d ’ assurer une représentation égale des femmes et des hommes dans la fonction publique, aux postes à responsabilité et dans l ’ appareil judiciaire  ;

b) D ’ adopter une loi obligeant les partis politiques à présenter la candidature d ’ au moins 25  % de femmes aux élections, de prévoir des incitations financières pour la présentation de candidatures féminines, de mettre en place des programmes de renforcement des capacités pour les femmes candidates en lien avec les campagnes électorales et l ’ exercice de responsabilités politiques, et d ’ inciter les femmes à prendre part à la prise de décisions, l ’ objectif étant de fixer un quota de 25  % de femmes  ;

c) De créer un environnement propice à la participation des femmes à la vie politique et publique, en particulier en ce qui concerne les femmes appartenant à des groupes minoritaires, notamment en sensibilisant les dirigeants politiques et le grand public au fait que la pleine participation des femmes à la vie politique et publique, dans des conditions d ’ égalité avec les hommes, est indispensable à la pleine réalisation des droits fondamentaux des femmes.

Nationalité

Le Comité se réjouit des informations fournies par la délégation, selon lesquelles le Ministère de l’intérieur et le Conseil d’État réexaminent actuellement l’article 4 de la loi no 26 de 2006 sur la nationalité, dans le but de le modifier ou de l’abroger. Il reste préoccupé par le fait que, tandis que les hommes iraquiens peuvent, sur la base de l’ascendance, transmettre la nationalité à leurs enfants nés hors de l’État partie, l’article 4 de la loi interdit aux femmes iraquiennes de transmettre la nationalité à leurs enfants nés hors de l’État partie, sauf si le père est inconnu ou apatride et sous réserve de l’approbation, à sa seule discrétion, du Ministre de l’intérieur. Le Comité constate également que la transmission de la nationalité par la mère n’est possible que si le mariage a été dûment enregistré, une disposition discriminatoire à l’égard des enfants nés hors mariage, des enfants de femmes iraquiennes mariées à des étrangers, des enfants de femmes mariées de force à des combattants et des enfants nés dans le cadre de mariages informels, qu’elle contribue à rendre apatrides. Le Comité s’inquiète également de ce que l’accès à l’enregistrement des naissances est limité pour les enfants dont le père est membre d’EIIL ou qui sont nés à la suite de violences sexuelles commises par des membres d’EIIL, ce qui expose ces enfants au risque d’apatridie.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De modifier les dispositions discriminatoires de l ’ article 4 de la loi n o  26 de 2006 sur la nationalité, afin que les femmes et les hommes jouissent des mêmes droits s ’ agissant de l ’ acquisition, de la transmission, de la conservation et du changement de leur nationalité, conformément à l ’ article 9 de la Convention  ;

b) De redoubler d ’ efforts pour faciliter l ’ enregistrement des naissances, y compris en utilisant des technologies modernes pour simplifier les procédures et les rendre abordables.

Éducation

Le Comité note que l’État partie a approuvé, en 2015, la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Il déplore cependant qu’en 2016, 6 % seulement du budget national de l’État partie ont été consacrés à l’éducation, ce qui place l’Iraq en dernière position parmi les pays du Moyen-Orient. Le Comité observe que, selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), environ 3,2 millions d’enfants en âge scolaire ne sont actuellement pas scolarisés, en particulier dans les gouvernorats touchés par le conflit comme Salah al-Din et Diyala, où le pourcentage d’enfants non scolarisés atteint 90 %. Il constate avec préoccupation que 355 000 enfants déplacés environ ne fréquentent aucune école. Il s’inquiète également du fait que le taux de scolarisation des filles est inférieur à celui des garçons aux niveaux primaire, secondaire et supérieur, et que les taux d’abandon chez les filles sont également plus élevés et directement proportionnels au niveau d’enseignement. Il s’inquiète en outre de ce que les femmes et les filles issues de minorités ou de régions rurales, les femmes et les filles handicapées et les femmes et les filles qui ont vécu sous l’occupation de l’EIIL ont un accès extrêmement limité à l’éducation.

Le Comité rappelle ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/IRQ/CO/4 ‑6 , par. 39) et demande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que tous les stéréotypes discriminatoires liés au genre soient supprimés des programmes et manuels scolaires  ;

b) De redoubler d ’ efforts pour relever les taux d ’ alphabétisme dans le cadre de la loi n o  23 de 2011, en particulier chez les filles et les jeunes femmes issues de minorités ou de régions rurales, les filles et les jeunes femmes handicapées et les femmes et les filles qui ont vécu sous l ’ occupation de l ’ EILL  ;

c) De prendre des mesures efficaces pour prévenir l ’ abandon scolaire des filles à tous les niveaux d ’ enseignement  ; de collecter et d ’ analyser les données relatives à la scolarisation, ventilées par sexe, âge et situation géographique de manière à évaluer l ’ effet des politiques et des programmes en la matière  ;

d) D ’ éliminer efficacement les obstacles qui entravent l ’ accès des filles à l ’ éducation, notamment en veillant à ce qu ’ elles soient en sécurité sur le chemin de l ’ école et dans l ’ environnement scolaire  ; de combattre les pratiques préjudiciables telles que les mariages d ’ enfants et octroyer des bourses aux jeunes filles touchées par la pauvreté  ;

e) D ’ allouer suffisamment de ressources financières au secteur de l ’ éducation, dans le but d ’ en améliorer et normaliser la qualité, et d ’ élargir l ’ offre, pour les jeunes filles, de formations techniques et professionnelles dans des domaines non traditionnels, et de veiller à ce que les infrastructures scolaires soient accessibles.

Emploi

Le Comité se déclare préoccupé par :

a)Le manque de renseignements sur l’application de la disposition concernant le congé de maternité dans le secteur privé, prévu par la loi no 37 de 2015 sur le travail ;

b)L’absence de données précises sur l’emploi de femmes handicapées, de femmes iraquiennes d’ascendance africaine et de femmes issues des zones rurales ;

c)Le taux de chômage élevé chez les femmes et la répartition inégale des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes ;

d)L’absence de structures d’accueil pour enfants qui soient accessibles et abordables ;

e)La concentration de femmes dans le secteur informel et le fait que les femmes qui travaillent dans ce secteur restent exclues de la protection au travail et de la sécurité sociale, y compris des prestations de retraite ;

f)L’absence de données sur les cas signalés de harcèlement sexuel sur le lieu du travail et de poursuites engagées dans ces cas.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à l ’ application des dispositions relatives au congé de maternité, prévues par la loi n o  37 de 2015 sur le travail  ;

b) De fournir, dans son prochain rapport périodique, des données ventilées sur le nombre de femmes handicapées et de femmes iraquiennes d ’ ascendance africaine qui sont employées dans les secteurs public et privé  ;

c) D ’ envisager la ratification de la Convention de 1981 sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales ( n o  156) de l ’ Organisation internationale du Travail, afin de promouvoir un partage égal des responsabilités domestiques et familiales entre les hommes et les femmes  ;

d) D ’ accroître le nombre de structures d ’ accueil pour enfants abordables et accessibles sur tout le territoire de l ’ État partie, afin de permettre une participation égale des femmes et des hommes sur le marché du travail  ;

e) De réviser ses régimes de retraite et de prestations sociales pour les étendre aux femmes qui travaillent dans l ’ économie informelle  ;

f) De veiller à ce que les cas de harcèlement sexuel soient signalés et que leurs auteurs soient poursuivis, conformément aux articles 10 et 11 de la loi n o  37 de 2015 sur le travail.

Santé

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer l’accès des femmes aux soins de santé et aux services connexes, surtout pour ce qui est de la prévention du cancer du sein et moyennant la mise en œuvre de la stratégie nationale pour la santé maternelle et infantile (2013-2017). Néanmoins, il prend note avec préoccupation des éléments suivants :

a)Les femmes issues de régions rurales, les femmes déplacées et réfugiées résidant dans des camps sur le territoire de l’État partie n’ont toujours pas suffisamment accès aux infrastructures de base en matière de santé, à de l’eau propre, à des conditions d’hygiène, à des soins de santé de bonne qualité et à un soutien psychologique ;

b)Le manque d’informations et de données statistiques au sujet des femmes et des filles vivant avec le VIH/sida ;

c)Le taux élevé de la mortalité maternelle, de 79 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes en 2017, et l’insuffisance de soins prénatals et postnatals dans l’ État partie ;

d)En vertu des articles 417, 418 et 419 du Code pénal, l’avortement est seulement autorisé lorsque la vie de la femme enceinte est en danger ;

e)En dépit de l’adoption en 2013 de la loi no 38 sur les soins aux personnes handicapées et aux personnes ayant des besoins particuliers, l’accès aux services de santé reste difficile pour les femmes handicapées et le système de santé ne fournit que rarement à ces dernières les aménagements raisonnables dont elles ont besoin.

Conformément à sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ améliorer l ’ accès à des services de santé et la couverture de ces services sur l ’ ensemble de son territoire, y compris dans les camps de déplacés et de réfugiés, en allouant des ressources budgétaires suffisantes aux hôpitaux et cliniques afin que des services de santé suffisants, y compris des services de santé sexuelle et procréative et notamment des avortements sécurisés, soient disponibles partout dans le pays, en particulier dans les zones rurales et reculées  ;

b) De collecter des données ventilées par sexe sur la prévalence du VIH et des infections sexuellement transmissibles, tout en respectant le caractère confidentiel des informations qui concernent les patients, et de faire en sorte que les services de santé sexuelle et procréative adaptés à l ’ âge et le traitement, y compris les services confidentiels, soient accessibles à toutes les femmes et filles vivant avec le VIH/sida  ;

c) De réduire la mortalité maternelle en améliorant, dans l ’ ensemble de son territoire, l ’ accès aux soins prénatals et postnatals de base et aux services obstétriques d ’ urgence fournis par des personnes qualifiées  ;

d) De légaliser l ’ avortement dans les cas de viol, d ’ inceste, de menaces pour la vie ou la santé de la femme enceinte et de déficiences graves du fœtus, et de veiller à ce que les femmes aient accès à un avortement sécurisé et à des soins après l ’ avortement, fournis par du personnel médical dûment formé  ;

e) D ’ appliquer intégralement la loi n o  38 de 2013 afin que toutes les femmes et filles handicapées aient accès à des services de santé de qualité, y compris aux services en matière de santé sexuelle et procréative et bénéficient d ’ aménagements raisonnables.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CEDAW/C/IRQ/CO/4-6, par. 52) et redit sa préoccupation devant le fait que l’application de l’article 41 de la Constitution (2005) fragilise la loi sur le statut personnel (no 188 de 1959) de l’État partie, dans la mesure où il permet l’adoption de lois sur le statut personnel variant selon les doctrines religieuses, au détriment de l’égalité des droits pour les femmes en matière de mariage et de relations familiales. Le Comité est également préoccupé par les éléments suivants :

a)Dans la loi sur le statut personnel, des exceptions légales à l’âge minimum du mariage, fixé à 18 ans pour les femmes et les hommes, permettent le mariage des filles dès l’âge de 15 ans ;

b)La polygamie est autorisée dans certaines circonstances dans la Région du Kurdistan, en vertu de la loi sur le statut personnel et de la loi no 15 de 2008 ;

c)Le nombre croissant de mariages non enregistrés et leur effet négatif sur les droits des femmes, notamment leurs droits économiques, sociaux et culturels.

Conformément à sa recommandation générale n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage et des liens familiaux et de leur dissolution, le Comité rappelle que les lois et coutumes relatives au statut personnel fondées sur l ’ identité perpétuent la discrimination à l ’ égard des femmes et que la coexistence de plusieurs systèmes juridiques est en soi discriminatoire envers ces dernières. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ abroger les exceptions légales discriminatoires à l ’ âge minimum du mariage pour les filles figurant dans la loi sur le statut personnel n o  188 de 1959 et de veiller à ce que les exceptions légales à l ’ âge minimum, fixé à 18 ans pour les femmes et les hommes, soient accordées uniquement aux filles et garçons d ’ au moins 16 ans dans des cas exceptionnels, sous réserve de leur consentement express et avec l ’ autorisation d ’ un tribunal compétent  ;

b) De prendre les mesures législatives requises pour interdire la polygamie  ;

c) De veiller à l ’ enregistrement de tous les mariages, conformément à la loi sur le statut personnel.

Femmes handicapées

Le Comité est préoccupé par :

a)L’absence de prise en compte des questions liées au genre dans les politiques relatives aux personnes handicapées et l’absence de prise en compte des questions liées aux droits des personnes handicapées dans la législation et les politiques relatives au genre ;

b)La mise en œuvre insuffisante des mesures de lutte contre les formes de discrimination multiples et croisées, notamment à l’égard des femmes handicapées vivant en milieu rural, des femmes handicapées déplacées, réfugiées ou migrantes et des femmes handicapées appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, y compris dans la Région du Kurdistan ;

c)Le manque de renseignements sur les politiques et les stratégies visant à garantir l’épanouissement, la promotion et l’autonomisation des femmes et des filles handicapées dans les domaines politique, social et économique.

Conformément à sa recommandation générale n o 18 (1991) sur les femmes handicapées, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre des mesures efficaces pour intégrer les questions liées aux droits des personnes handicapées à la législation et aux politiques relatives au genre et pour intégrer les questions de genre aux politiques relatives aux personnes handicapées  ;

b) D ’ intensifier son action et de prendre des mesures efficaces pour lutter contre les formes de discrimination multiples et croisées à l ’ égard des femmes et des filles handicapées  ;

c) D’é laborer et d’ adopter des mesures d ’ action positive visant à réaliser l ’ autonomisation et l ’ inclusion totale des femmes et des filles handicapées dans tous les domaines de la vie, notamment en appuyant l ’ action de la Commission pour l es personnes handicapées et ayant des besoins particuliers qui vise à renforcer les capacités des femmes et des filles handicapées.

Femmes réfugiées, rapatriées et déplacées

Le Comité prend note de l’action menée par l’État partie pour répondre aux besoins de millions de femmes déplacées, de réfugiées et d’autres Iraquiennes vulnérables vivant dans des zones touchées par les opérations militaires menées contre l’EIIL. Il constate toutefois avec préoccupation que les contraintes de sécurité et de budget ont nui à la capacité de l’État partie de fournir les services publics de base dans les camps de personnes déplacées. Il note que, bien que leur nombre ait diminué de 7,5 %, les personnes déplacées sont encore près de 1,8 million dans l’État partie, dont 450 000 dans 109 camps et 1,2 million dans des logements privés ou informels. Il constate également que plus de la moitié d’entre elles sont déplacées depuis plus de trois ans. Le Comité est particulièrement préoccupé par :

a)La violation du droit à un retour en toute sécurité pour de très nombreuses femmes et filles déplacées, y compris celles qui appartiendraient à l’EIIL ;

b)Les taux élevés de violence familiale, d’exploitation sexuelle, de harcèlement et de pratiques préjudiciables, notamment les mariages d’enfant et les mariages forcés, qui touchent les femmes et les filles dans les camps de personnes déplacées ;

c)L’insécurité grandissante qui touche les femmes et les filles et les empêche d’accéder à l’eau, à l’assainissement, à l’éducation, aux services de santé et à l’emploi.

Conformément à sa recommandation générale n o 32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d ’ asile, de nationalité et d ’ apatridie et à sa recommandation générale n o 30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après conflit, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que les femmes déplacées et les réfugiées puissent rentrer chez elles en toute sécurité et participer à la reconstruction de leurs communautés  ;

b) De veiller à ce que la satisfaction des besoins d ’ assistance humanitaire immédiate et de protection des femmes déplacées à l ’ intérieur de leur pays et réfugiées s ’ accompagne de stratégies à long terme de promotion de leurs droits socioéconomiques et leur offre des possibilités de subsistance, de meilleurs moyens de décider de leur avenir, de se prendre en charge et de choisir la solution durable répondant le mieux à leur besoins  ;

c) De prendre en compte les risques et les besoins particuliers des différents groupes de femmes rapatriées, de déplacées et de réfugiées, qui sont soumises à des formes multiples et convergentes de discrimination  ;

d) D ’ adhérer à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son Protocole de 1967 et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie, et de modifier sa législation nationale en conséquence afin de renforcer la protection des droits des femmes et des filles réfugiées, des demandeuses d ’ asile et des apatrides.

Collecte de données

Le Comité est préoccupé par l’absence générale de données statistiques ventilées par sexe, âge, appartenance ethnique, handicap, emplacement géographique et situation socioéconomique, qui sont indispensables pour évaluer avec précision la situation des femmes, déterminer l’ampleur et la nature de la discrimination, élaborer des politiques éclairées et ciblées et assurer le suivi systématique et l’évaluation des progrès accomplis dans la réalisation de l’égalité réelle entre femmes et hommes dans tous les domaines visés par la Convention.

Le Comité invite l ’ État partie à prendre des mesures de renforcement des capacités et à élaborer un programme de financement des activités concernant les femmes, afin d ’ améliorer la collecte de données ventilées par sexe et autres critères pertinents, qui sont nécessaires pour évaluer l ’ impact et l ’ efficacité des politiques et des programmes visant à prendre systématiquement en compte l ’ égalité femmes-hommes et à garantir le plein exercice, par les femmes, de leurs droits. À ce titre, le Comité appelle l ’ attention sur sa recommandation générale n o 9 (1989) sur les données statistiques concernant la situation des femmes.

Protocole facultatif à la Convention et modification du paragraphe 1de l’article 20 de la Convention

Le Comité engage l ’ État partie à accélérer le processus de ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention et à approuver, dès que possible, la modification du paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention, relatif à la période de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et à poursuivre l ’ évaluation de la réalisation des droits consacrés par la Convention dans le cadre de l ’ examen après 25 ans de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d ’ action en vue de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la langue officielle de l ’ État partie, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier à la Chambre des députés, aux conseils provinciaux, au Parlement de la Région du Kurdistan et aux autorités judiciaires, afin que celles-ci soient pleinement appliquées.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un lien entre l ’ application de la Convention et l ’ action qu ’ il mène en faveur du développement, et de faire appel, à cette fin, à l ’ assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf grands instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à promouvoir l ’ exercice effectif par les femmes de ces droits et des libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il encourage par conséquent l ’ État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, à laquelle il n ’ est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 14 a), 16 b) et 40 a) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à présenter son huitième rapport périodique en novembre 2023. Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).