Trente-septième session

15 janvier-2 février 2007

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : Inde

Le Comité a examiné le rapport unique de l’Inde valant deuxième et troisième rapports périodiques (CEDAW/C/IND/2-3) à ses 761e et 762e séances, le 18 janvier 2007 (voir CEDAW/C/SR.761 et 762). La liste des questions du Comité a été publiée sous la cote CEDAW/C/IND/Q/3 et les réponses apportées par l’Inde à ces questions sous la cote CEDAW/C/IND/Q/3/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie de lui avoir présenté le rapport unique valant deuxième et troisième rapports périodiques, tout en déplorant que ce rapport ait été présenté avec retard, ne soit pas pleinement conforme à ses directives concernant l’établissement des rapports, fasse l’impasse sur certaines de ses recommandations générales et ne lui apporte pas les informations qu’il a demandées au sujet des violences intercommunautaires survenues à Gujarat. Il félicite l’État partie de ses réponses écrites aux questions posées par le groupe de travail présession ainsi que des informations écrites supplémentaires qu’il lui a fournies pendant l’examen du rapport.

Le Comité félicite l’État partie de la composition de sa délégation, qui est dirigée par le Secrétaire du Ministère des femmes et de l’épanouissement de l’enfant et compte parmi ses membres le Procureur général et des représentants des autres ministères chargés d’appliquer la Convention, et loue le dialogue franc et constructif qui s’est tenu entre la délégation indienne et les membres du Comité, qui a fourni de nouvelles informations sur la situation réelle des femmes en Inde.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie : a) de la politique nationale de 2001 sur la démarginalisation des femmes, qui doit notamment permettre d’enregistrer tous les mariages d’ici à 2010; b) du volet du budget national consacré aux femmes, selon lequel 30 % des dépenses prévues dans tous les secteurs au titre du développement doivent être consacrés aux femmes; c) de la politique nationale de 2005 sur les personnes handicapées; et d) de la loi nationale de 2005 sur l’emploi dans les zones rurales.

Le Comité félicite également l’État partie d’avoir promulgué la loi de 2005 sur la protection des femmes contre la violence au foyer et d’avoir modifié la loi hindoue sur la succession, et la loi indienne sur le divorce.

Le Comité félicite en outre l’État partie d’avoir accru le taux de scolarisation dans l’enseignement primaire grâce à divers programmes, tels que le programme Sarva Shiksha Abhiyan.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant à l’État partie l’obligation qui lui incombe d’appliquer toutes les dispositions de la Convention systématiquement et en permanence, le Comité lui fait observer que les sujets de préoccupation mentionnés dans les présentes observations finales et les recommandations qui y sont énoncées nécessiteront de sa part une attention prioritaire jusqu’à la présentation de son prochain rapport périodique. Il lui demande de privilégier les domaines correspondants dans ses activités de mise en œuvre et de lui rendre compte, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises et des résultats qu’il aura obtenus. Il lui demande également de soumettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés et au Parlement de façon à en assurer la pleine application.

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas pris les mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations qu’il a formulées dans ses observations finales de 2000. Il considère en particulier qu’il n’a pas suffisamment été donné suite aux recommandations qu’il a formulées aux paragraphes 67 (adoption d’une loi sur la discrimination fondée sur le sexe qui rende justiciable le non-respect des normes établies par la Convention, qu’il soit le fait de l’État ou d’autres entités), 70 (élaboration d’un plan d’action national qui traite de la question de la violence sexiste sous tous ses aspects), 75 (application des lois interdisant la discrimination à l’égard des femmes dalit) et 81 (adoption de mesures de discrimination positive qui permettent d’accroître le nombre des femmes magistrats). Le Comité s’inquiète aussi de constater qu’il n’a eu communication d’aucune information sur le rapport du comité qui a été constitué pour revoir la loi sur les pouvoirs spéciaux des forces armées, en réponse à ses précédentes observations finales.

Le Comité rappelle les sujets de préoccupation qu’il a abordés et l es recommandations qu’il a énoncées dans les observations finales qu’il a adoptées en 2000 et demande instamment à l’État partie de pourvoir sans délai à l’application de ces dernières. Le Comité prie l’État partie de fournir des renseignements sur les mesures prises pour abolir ou réformer la loi sur les pouvoirs spéciaux des forces armées et faire en sorte que les militaires ne puissent se soustraire aux enquêtes et aux poursuites en cas d’actes de violence commis contre des femmes dans des zones de troubles ou bien lors de l’arrestation ou de la détention de femmes.

Le Comité est préoccupé par la réticence de l’État partie à réviser sa politique de non-ingérence dans la législation des communautés relative au statut personnel sans leur initiative et à retirer les réserves qu’il a formulées au sujet du paragraphe a) de l’article 5 et du paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention, qui sont contraires non seulement à l’esprit et au but de la Convention mais aussi aux garanties constitutionnelles d’égalité et de non-discrimination offertes par l’État partie.

Le Comité demande instamment à l’État partie de revoir les réserves qu’il a formulées au sujet du paragraphe a) de l’article 5 et du paragraphe 1 de l’article 16, en vue de les retirer, d’organiser et d’encourager systématiquement des débats sur l’égalité des sexes et les droits fondamentaux des femmes dans les communautés concernées et, en particulier, de travailler en collaboration avec les groupes de femmes qui s’y sont constitués et de les appuyer afin  : a )  de modifier les modes de comportement sociaux et culturels des communautés en question pour les débarrasser de préjugés et de pratiques fondés sur une conception stéréotypée du rôle des hommes et des femmes; et b )  d’examiner et de réformer les lois des différents groupes ethniques et religieux relatives au statut personnel pour assurer l’égalité de fait entre les sexes au sein de ces groupes et faire respecter la Convention.

Le Comité constate avec inquiétude que si l’égalité de droit entre les sexes est acquise dans de nombreux domaines, l’égalité de fait continue de se heurter à de nombreux obstacles.

Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer des stratégies viables pour lever les obstacles à la concrétisation des droits des femmes. Il lui demande, non seulement de former diverses parties prenantes aux questions relatives à l’égalité des sexes et de renforcer leurs capacités à cet égard, mais aussi de prendre des mesures énergiques pour éliminer les obstacles structurels à l’égalité des sexes.

Le Comité déplore que le rapport ne fournisse pas suffisamment de données statistiques, ventilées par sexe, caste, statut de minorité et groupe ethnique et sur le degré de réalisation concrète de l’égalité des sexes dans tous les domaines dont traite la Convention, et ne fournisse pas d’informations sur l’impact et les résultats des diverses mesures juridiques et politiques qu’il décrit.

Le Comité demande à l’État partie d’établir des critères et de faire figurer, dans son prochain rapport, suffisamment de données et d’analyses statistiques comparatives appropriées, ventilées par sexe, caste, classe, statut de minorité et groupe ethnique, afin de rendre pleinement compte de l’application de toutes les dispositions de la Convention et de la manière dont l’égalité entre les hommes et les femmes se concrétise au fil du temps. Il lui demande en particulier d’examiner et de suivre l’application, dans tous les secteurs, des dispositions de la Convention concernant les femmes intouchables, les femmes des castes et des tribus répertoriées et des classes déshéritées et les femmes appartenant à des minorités. Il lui recommande par ailleurs d’évaluer périodiquement la suite donnée à ses réformes, politiques et programmes législatifs pour s’assurer que les mesures qu’il a prises permettent d’atteindre les objectifs désirés , et de l’informer des résultats de ces évaluations dans son prochain rapport périodique.

Notant que la mise en œuvre des initiatives législatives et politiques prises par le Gouvernement central est souvent laissée aux États et aux territoires de l’Union et que ceux-ci ont compétence dans certains des domaines dont traite la Convention, le Comité s’inquiète de l’insuffisance des structures, mécanismes et mesures dont ils disposent pour assurer la coordination et l’application cohérente de la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir et de garantir l’ application cohérente de la Convention dans tout le pays, notamment en redoublant d’attention dans les forums consultatifs et autres mécanismes de contrôle et de partenariat entre le Gouvernement central et les États et territoires de l’Union. Il lui recommande à cet égard de nouer des liens officiels entre la Commission nationale de la femme et les commissions du même nom créées par les États. Il lui demande également d’envisager de faire usage des pouvoirs que lui confère l’article 253 de la Constitution pour établir sans retard des règles et des mécanismes de coordination et de suivi et afin d’être en mesure d’harmoniser et de mettre en œuvre les programmes et politiques en faveur de l’égalité des sexes et de faire appliquer la législation sur les droits des femmes, au niveau fédéral et au niveau des États et des territoires de l’Union.

Tout en observant que les femmes pauvres ont droit à une aide juridique gratuite en vertu de la loi sur les services juridiques et que le Service juridique national s’emploie à dispenser aux femmes des notions de droit élémentaires et à leur permettre d’accéder à la justice, le Comité s’inquiète de la qualité et de la portée des services juridiques gratuits et se demande si les femmes des zones rurales et tribales y ont accès.

Le Comité demande instamment à l’État partie de dispenser des services juridiques gratuits aux femmes pauvres et marginalisées, dans les zones urbaines mais aussi l es zones rurales et tribales, et de s’assurer de la qualité de ces services et des résultats qu’ils permettent d’obtenir pour ce qui est d’assurer l’accès des femmes à la justice. Il lui demande de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des informations sur l’accès des femmes aux services juridiques gratuits, y compris l es femmes intouchables, l es femmes des castes et des trib us répertoriées et des classes déshéritées et l es femmes appartenant à des minorités, ainsi que sur la portée et l’efficacité de ce s services.

Le Comité demeure préoccupé par l’absence d’un plan global qui permette de remédier à toutes les formes de violence contre les femmes. Tout en se félicitant de la promulgation de la loi de 2005 sur la violence au foyer, il s’inquiète de ce que les divers États et territoires de l’Union n’aient pas mis en place des mécanismes qui permettent de faire appliquer cette loi.

Le Comité demande à l’État partie d’élaborer, en consultation avec les groupes de femmes, un plan global concerté de lutte contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes, en adoptant une approche qui tienne compte du cycle de vie. Il lui demande par ailleurs instamment de prendre, en concertation avec les États et les territoires de l’Union, des mesures qui permettent de faire appliquer, pleinement et de façon cohérente, la loi sur la violence au foyer et de faire en sorte que toutes les femmes victimes de cette violence, y compris les intouchables, les femmes des tribus répertoriées et des classes déshéritées et les femmes appartenant à des minorités, puissent bénéficier du cadre législatif et des systèmes d’appui en place et que les auteurs de violences soient poursuivis au pénal et sanctionnés de façon adéquate. Il recommande que les fonctionnaires concernés, en particulier les responsables de l’application des lois, les magistrats, les prestataires de soins de santé et les travailleurs sociaux, soient pleinement sensibilisés à toutes les formes de violence dirigée contre les femmes , y compris à la violence au foyer. Il demande que des données statistiques adéquates sur toutes les formes de violence contre les femmes soient rassemblées de manière cohérente. Il demande, en particulier, à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations, ventilées par caste, statut de minorité et ethnicité , sur le nombre de cas de violence au foyer signalés à la police et aux autres autorités compétentes, le nombre de mesures de protection et autres mesures prises par ordonnance en vertu de la loi sur la violence au foyer et le nombre de personnes condamnées au pénal pour violence au foyer.

Le Comité relève que des consultations relatives à la modification de la législation sur le viol sont en cours mais s’inquiète de l’étroitesse de la définition du viol donnée dans le Code pénal et du fait que ce dernier n’érige pas en infraction le viol conjugal et d’autres formes de violence sexuelle, y compris les violences sexuelles sur enfant.

Le Comité demande instamment à l’État partie d’élargir la définition du viol figurant dans son Code pénal de façon qu’elle tienne compte des violences sexuelles contre les femmes et cesse de faire du viol conjugal une exception. Il lui demande également d’ériger en infraction toutes les autres formes de violence sexuelle, y compris les violences sexuelles sur enfant. Il lui recommande de consulter largement les groupes de femmes pour réformer les lois et procédures relatives au viol et aux violences sexuelles.

Le Comité constate avec inquiétude que le projet de loi de 2005 relatif à la prévention et à la lutte contre la violence communautaire et à la réadaptation des victimes ne vise pas les infractions sexuelles ou sexistes commises dans le cadre de la violence communautaire et ne crée pas non plus de dispositif de réparation pour les victimes de ces infractions, alors que le Code pénal indien ou d’autres textes de loi couvrent mal ces cas de figure. En outre, le Comité craint que ce texte ne traite pas comme il le devrait des abus d’autorité dont des agents de l’État se rendraient coupables en n’intervenant pas ou en se rendant complices de la violence communautaire.

Le Comité accueille avec satisfaction la déclaration de l’État partie selon laquelle les recommandations formulées par le Comité seront prises en considération dans le projet de loi de 2005 relatif à la prévention et à la lutte contre la violence communautaire et à la réadaptation des victimes et préconise d’incorporer dans le projet de loi les infractions sexuelles et sexistes, y compris les crimes de masse perpétrés contre les femmes dans le cadre de la violence communautaire; un dispositif complet de réparation pour les victimes de ces infractions; et la prise en compte de l’égalité des sexes dans les règles de procédure et d’administration de la preuve. Le Comité recommande aussi de prévoir d’urgence dans ce texte l’éventuelle inaction ou complicité d’agents de l’État dans la violence communautaire.

Outre les inquiétudes exprimées antérieurement au sujet de coutumes telles que la dot, le sati et le système des devadasi, le Comité est préoccupé par la chasse aux sorcières, qui constitue une forme extrême de la violence contre les femmes.

Le Comité recommande que l’État partie adopte sans délai les mesures voulues pour mettre fin à la chasse aux sorcières, poursuivre et punir ceux qui la pratiquent, et réhabiliter et indemniser celles qui en sont victimes, en se fondant sur une analyse de ses causes, y compris le contrôle des ressources foncières. Le Comité appelle aussi l’État partie à sensibiliser l’opinion aux violences contre les femmes, qui sont ancrées dans les coutumes, portent atteinte aux droits fondamentaux de la femme .

Le Comité est préoccupé par les atrocités commises contre les femmes dalit et l’impunité dont jouissent les auteurs de ces actes. Il constate avec inquiétude que, nonobstant une loi portant interdiction de la vidange manuelle, cette pratique dégradante se poursuit, au grave détriment de la dignité et de la santé des femmes dalit qui exercent cette activité.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un mécanisme pour assurer le bon respect de la loi relative à la prévention des atrocités à l’égard des castes et des tribus répertoriées, pour fixer les responsabilités et mettre fin à l’impunité des infractions commises contre les femmes dalit. Il appelle l’État partie à mettre les femmes dalit au courant de leurs droits et à améliorer leur accès à la justice s’agissant des recours contre la discrimination et la violation de leurs droits. Il demande à l’État partie de rendre compte, dans son prochain rapport périodique, des incidences de telles initiatives. Le Comité prie en outre instamment l’État partie d’étudier les répercussions de la vidange manuelle sur les dalit qui exercent ce métier et sur l’ensemble de la collectivité et de lever tous les obstacles à la suppression de cette activité, notamment en mettant en place des moyens d’assainissement modernes et en donnant aux vidangeuses une formation professionnelle et d’autres moyens de subsistance.

Tout en étant sensible aux progrès qui ont été accomplis en matière d’éducation des femmes, le Comité estime que le droit fondamental à l’éducation prévu par la révision constitutionnelle de 2002 n’a pas été suivi d’une application, bien que le Gouvernement central ait soumis à l’examen des États et des territoires de l’Union un projet de loi type.

Le Comité appelle l’État partie à donner l’exemple, à l’instar de ce qu’il a fait pour d’autres programmes pédagogiques, notamment en envisageant d’utiliser des pouvoirs que lui confère la Constitution à son article 253 pour permettre l’adoption de textes de loi portant application du droit fondamental à l’éducation, inscrit dans la Constitution. Il appelle l’État partie à fixer un calendrier en vue de promulguer rapidement de tels textes et d’y affecter les moyen s nécessaires dans son onzième p lan quinquennal, actuellement à l’étude.

Le Comité apprécie certes les données supplémentaires apportées par l’État partie dans le cadre de son dialogue avec le Comité, qui font ressortir des améliorations du taux de scolarisation des femmes dans l’enseignement du premier degré, et il loue le projet de l’État partie de faire porter son effort sur l’éducation des catégories marginalisées, mais le Comité n’en est pas moins préoccupé par les inégalités en matière de niveau d’instruction, qui perdurent et qui sont subies par les femmes faisant partie des castes et tribus répertoriées et par les musulmanes, ainsi que par le peu de possibilités qu’ont ces femmes de faire des études supérieures. Il s’inquiète aussi des disparités entre les régions et les États, entre le taux d’alphabétisation des hommes et celui des femmes, et du manque d’informations sur les budgets consacrés à l’alphabétisation des adultes.

Le Comité recommande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des donné e s comparatives ventilées par sexe, caste, statut de minorité et ethnicité, sur les taux de scolarisation et de fréquentation scolaire des filles et des femmes dans tous les degrés de l’enseignement, et d’en retracer l’évolution chronologique. Comme les filles et les femmes musulmanes sont particulièrement défavorisées, le Comité demande à l’État partie de consigner dans son prochain rapport périodique des informations sur les mesures prises pour donner suite aux recommandations du Comité Sachar en ce qui concerne l’éducation des filles et des femmes musulmanes. Il exhorte également l’État partie à intensifier ses efforts afin de permettre aux femmes appartenant aux castes et tribus répertoriées et aux musulmanes de faire des études supérieures. Il appelle l’État partie à accentuer son effort, à l’échelon du pays, des États et des territoires de l’Union, en vue de combler le fossé entre les taux d’alphabétisation des hommes et des femmes, de fixer des critères à cet égard et de créer des mécanismes pour en surveiller le bon respect. Il appelle aussi l’État partie à transmettre, dans son prochain rapport périodique, des informations relatives aux budgets consacrés aux programmes d’alphabétisation des adultes, aux incidences de ces programmes et à leur évolution dans le temps. En outre, il appelle l’État partie à donner suite à l’engagement qu’il avait pris de consacrer à l’enseignement 6  % de son PIB dans son onzième p lan quinquennal.

Tout en saluant les efforts consentis par l’État partie pour supprimer les stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires à l’échelle nationale, le Comité constate avec inquiétude que le plus souvent cette révision n’a pas eu lieu à l’échelon de l’État et que les enseignants ne sont guère sensibles au respect de l’égalité des sexes, au détriment des filles.

Le Comité appelle l’État partie à engager et à suivre la révision des manuels à l’échelon de l’État afin d’y supprimer les stéréotypes sexistes et à intensifier son effort de lutte, à l’échelle du pays, des États et des territoires de l’Union, contre les rôles stéréotypés attribués aux hommes et aux femmes, qui sont entrés dans les mentalités. Il recommande d’inscrire dans la formation des maîtres – et d’en faire un volet important – une formation consacrée à la problématique hommes-femmes et au souci de l’égalité des sexes.

Le Comité se réjouit de la promulgation de la loi nationale de 2005 relative à la garantie de l’emploi en milieu rural et du dispositif de groupes d’entraide féminins qui est financé par l’État et qui permet aux femmes d’obtenir des microcrédits, mais il craint que ces initiatives ne bénéficient pas à la majorité des femmes pauvres et marginalisées et que l’objectif de l’atténuation de la pauvreté engagée par les groupes d’entraide n’ait pas l’impact voulu sur chaque femme. Il s’inquiète aussi de l’affirmation de l’absence de mécanismes permettant de réglementer les institutions financières et de protéger les intérêts des femmes pauvres.

Le Comité appelle l’État partie à veiller à ce que les femmes rurales bénéficient dans les faits de la loi nationale de 2005 relative à la garantie de l’emploi en milieu rural. Il demande à l’État partie de fournir des données ventilées par sexe, caste, statut de minorité et ethnicité des bénéficiaires dans le cadre de cette loi. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures en amont afin d’obtenir l’adhésion des institutions financières aux objectifs de développement et d’autonomisation des femmes au moyen de microcrédits. Il engage l’État partie à mettre en place, après avoir consulté les groupes féminins, des mécanismes appropriés pour encadrer, dans l’intérêt des femmes pauvres, le fonctionnement des institutions financières qui octroient des microcrédits. Le Comité prie instamment aussi l’État partie de créer des programmes, assortis d’objectifs et de calendriers, d’octroi de crédits aux femmes pauvres qui ne sont pas en mesure de faire partie de groupes d’entraide et qui ne peuvent pas obtenir de crédits par d’autres voies.

Le Comité est préoccupé par la détérioration du rapport femmes-hommes, en dépit de la loi de 1994 relative à la technique de diagnostic préconceptionnel et prénatal portant interdiction de choisir le sexe de l’enfant à naître, telle qu’amendée en 2003. Il craint en outre que cette loi n’en vienne à pénaliser en fait les femmes qui subissent des pressions pour se faire avorter si l’enfant à naître est une fille.

Le Comité appelle l’État partie à veiller à ce que les mécanismes et procédures voulus soient instaurés aux fins de l’application et du suivi effectifs de la loi de 1994 relative à la technique de diagnostic préconceptionnel et prénatal portant interdiction de choisir le sexe de l’enfant , notamment des clauses de sauvegardes visant à empêcher la pénalisation des femmes qui subissent des pressions pour se faire avorter si l’enfant à naître est une fille .

Le Comité reste préoccupé par la santé des femmes, notamment le taux de mortalité maternelle en milieu rural, qui est parmi les plus élevés du monde; la prévalence élevée de maladies infectieuses, notamment de maladies d’origine alimentaire ou hydrique; la malnutrition; l’anémie; les avortements non médicalisés; les infections à VIH; et l’inadaptation des services d’obstétrique et de planification familiale. Tout en relevant que des programmes évoqués dans le rapport visent à améliorer l’accès des femmes aux services de santé et à faire reculer la mortalité maternelle, le Comité déplore de ne pas avoir reçu d’informations sur l’impact de ces programmes et mesures. Le Comité constate aussi avec inquiétude que l’État partie ne dispose pas de données fiables sur la santé des femmes, notamment sur la morbidité et la mortalité liées ou non à la grossesse et les infections à VIH, d’où l’impossibilité d’établir des critères et de suivre les progrès. Il craint en outre que la privatisation des services de santé ne se répercute négativement sur le recours à ces services par les femmes.

Le Comité prie instamment l’État partie d’être plus attentif à la santé des femmes tout au long de leur vie, notamment en ce qui concerne la morbidité et la mortalité liées ou non à la grossesse, à la lumière des recommandations générales 24 et 25. Il l’appelle à renforcer la sécurité alimentaire, les soins de santé primaires et l’assainissement, notamment en milieu rural; à créer des mécanismes pour observer le recours par les femmes aux soins de santé; et à augmenter les budgets consacrés aux soins de santé. Le Comité exhorte l’État partie à mettre l’accent sur le recul de la mortalité infantile en créant des services d’obstétrique et en veillant à leur utilisation par les femmes, notamment des services d’avortement médicalisé et des services complets de contraception soucieux de l’égalité des sexes. Le Comité recommande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur les incidences et l’évolution chronologique des programmes destinés à améliorer le recours des femmes aux services de santé ainsi que le recul de la mortalité maternelle. Le Comité appelle l’État partie à équilibrer les rôles que les secteurs public et privé jouent dans l’organisation des soins afin d’optimiser l’utilisation des ressources et la prise en charge. Il appelle l’État partie à suivre de près la privatisation des services de santé et son impact sur la santé des femmes pauvres et à l’en informer dans son prochain rapport périodique.

Tout en se félicitant de la décision de réserver aux femmes un tiers des sièges dans les organes des administrations locales, dans le cadre de mesures spéciales temporaires, le Comité constate avec préoccupation que les femmes continuent d’être faiblement représentées au Parlement et dans les assemblées législatives des États, ainsi que dans la fonction publique. Les femmes sont peu nombreuses parmi les juges des instances supérieures et totalement absentes à la Cour suprême.

Le Comité invite l’État partie à accélérer la recherche d’un consensus sur l’amendement constitutionnel qui permettra de réserver aux femmes un tiers des sièges du Parlement et des assemblées législatives et à mener des actions de sensibilisation visant à faire comprendre qu’il est important que les femmes participent aux décisions, pour l’ensemble de la société. Il lui demande également de prendre des mesures résolues, y compris les mesures spéciales temporaires envisagées dans le cadre du dixième plan quinquennal, pour accroître le nombre de femmes travaillant dans la fonction publique, y compris dans les hautes sphères de la politique, de l’administration et de la justice, et de fixer des objectifs et des calendriers concrets. Le Comité invite l’État partie à fournir des renseignements dans son prochain rapport périodique sur le nombre et le niveau hiérarchique des femmes dans la fonction publique ainsi que sur l’incidence immédiate et à plus long terme des mesures prises pour augmenter la représentation des femmes dans la vie publique et politique.

Le Comité s’inquiète de constater que, dans les secteurs non officiels de l’économie, 93 % de la main-d’œuvre travaille dans des conditions défavorables et précaires, alors que le projet de loi sur la sécurité sociale des travailleurs de l’économie parallèle (2003) n’a toujours pas été adopté. Il s’inquiète également de la persistance des écarts de salaire entre les femmes et les hommes, ainsi que du nombre de femmes urbaines pauvres qui viennent grossir les rangs de la main-d’œuvre non qualifiée travaillant dans des conditions insatisfaisantes, sans accès à des équipements de base ni aux services de santé.

Le Comité recommande que le projet de loi sur la sécurité sociale des travailleurs de l’économie parallèle soit adopté sans tarder. Il recommande également que l’État partie prenne des mesures dynamiques pour surveiller et combler l’écart salarial entre hommes et femmes. Il l’invite instamment à prêter une attention particulière aux problèmes de la pauvreté féminine en zones urbaines et à adopter à ce sujet une perspective globale.

Le Comité exprime sa profonde préoccupation face au déplacement de femmes tribales, dû à l’exécution de très gros projets et à l’influence des tendances économiques mondiales. S’il convient que la croissance est nécessaire, il s’inquiète néanmoins de constater que les droits de l’homme des groupes vulnérables tels que les populations tribales risquent de souffrir de la mise en œuvre de projets économiques à grande échelle.

Le Comité exhorte l’État partie à étudier l’incidence des très gros projets sur les femmes tribales et rurales et à prendre des mesures de protection pour empêcher qu’elles soient déplacées et que leurs dr oits fondamentaux soient violés . Il l’exhorte également à veiller à ce que les terres inutilisées données aux femmes rurales et tribales déplacées soient cultivables. Il recommande également que des efforts soient faits afin de garantir aux femmes tribales et rurales le droit d’hériter et de posséder des terres et des biens.

Le Comité est préoccupé par l’affirmation de l’État partie selon laquelle il ne fait des efforts pour éliminer le travail des enfants que dans certaines activités qualifiées de «dangereuses» par le Comité consultatif technique sur le travail des enfants. En particulier, le Comité s’inquiète de constater que l’emploi d’enfants – pour la plupart, des filles – comme domestiques chez des particuliers, où les enfants sont exposés à toutes les formes d’abus, y compris sexuels, n’est pas visé.

Le Comité recommande l’établissement de mécanismes visant à contrôler le travail des enfants et à l’éliminer, conformément aux obligations internationales. Il invite également l’État partie à étudier le problème de la maltraitance des enfants, et plus particulièrement des filles, qui travaillent comme employés de maison, à faire respecter la loi sur le travail des enfants de 1986 et à concevoir des stratégies en faveur de leur réintégration, y compris leur inclusion dans le système éducatif officiel.

Le Comité déplore que l’État partie n’ait pas adopté de loi ou de réglementation concernant le statut des demandeurs d’asile et des réfugiés, défavorable aux réfugiées et aux demandeuses d’asile.

Le Comité exhorte l’État partie à adopter des lois et réglementations concernant le statut des demandeurs d’asile et des réfugiés en Inde, dans le respect des normes internationales, pour assurer la protection des femmes réfugiées ou deman dant l’asile et de leurs enfants. Il recommande à l’État partie d’envisager d’adhérer aux instruments internationaux pour régler la situation des réfugiés et des apatrides, en particulier la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés. Il lui recommande également d’intégrer pleinement une approche attentive aux discriminations à l’égard des femmes dans l’ensemble du processus d’octroi de l’asile ou du statut de réfugié.

Le Comité note que l’État partie a affecté 10 % de l’enveloppe budgétaire brute du plan central à la région du nord-est et du Sikkim, mais n’a pas les moyens de vérifier si les femmes de cette région bénéficient de la partie de ces fonds qui leur revient.

Le Comité demande à l’État partie de lui transmettre, dans son prochain rapport périodique, des informations sur le pourcentage de ces fonds utilisé au bénéfice des femmes et sur l’incidence des mesures éventuelles sur le bien-être et le renforcement de l’égalité des femmes du nord-est et du Sikkim.

Le Comité s’inquiète de constater que la loi dite spéciale sur le mariage (sur le mariage civil) ne garantit pas aux femmes l’égalité dans le mariage ni lors de sa dissolution, parce qu’elle ne leur donne pas des droits égaux en matière de propriété des biens acquis durant le mariage.

Le Comité recommande que l’État partie amende la loi spéciale sur le mariage, à la lumière de l’article 16 de la Convention et de sa propre recommandation générale 21 sur l’égalité dans le mariage et les relations familiales, pour accorder aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes en matière de biens acquis au cours du mariage.

Le Comité est préoccupé par l’affirmation de l´État partie selon laquelle le consentement de la société aux mariages précoces a rendu sans effet la loi portant restriction des mariages d’enfants (Child Marriage Restraint Act). Il s’inquiète en outre de voir que cette loi pénalise certes le délinquant mais qu’elle ne porte pas annulation du mariage, sous prétexte qu’il s’agit d’éviter que les enfants nés de ces unions soient illégitimes, ce qui est en contradiction avec son propre objectif et constitue une violation des droits de l’enfant marié.

Le Comité prie instamment l’État partie de prendre des mesures volontaristes pour faire réellement appliquer la loi susmentionnée et éliminer le mariage d’enfants. Il recommande que l’État partie prenne des mesures générales, effectives et rigoureuses visant à dissuader les mariages d’enfants, à éliminer de telles pratiques et à protéger les droits fondamentaux des filles.

Tout en se félicitant que certains États aient adopté des lois qui rendent l’enregistrement du mariage obligatoire et que la Commission nationale de la femme prépare actuellement des dispositions législatives nationales à cet effet, le Comité n’en est pas moins préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas fixé de délai pour l’adoption d’une telle législation.

Le Comité recommande que l’État partie prenne des mesures volontaristes pour que soient adoptées rapidement des dispositions législatives fixant l’obligation d’enregistrer tous les mariages et qu’ il collabore avec les États et t erritoires de l’Union pour mettre effectivement en œuvre cette législation, et l’engage à envisager de retirer sa réserve au paragraphe 2 de l’article 16.

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à accepter, dès que possible, l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le calendrier de ses sessions.

Le Comité demande à l’État partie de veiller à associer tous les ministères et organes publics à l’élaboration de son prochain rapport et à consulter à cet effet les organisations non gouvernementales. Il l’encourage également à faire examiner ce rapport par le Parlement avant de le lui présenter.

Le Comité exhorte l’État partie à s’appuyer, dans l’exécution des obligations qui lui incombent au titre de la Convention, sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et lui demande de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des éléments d’information sur la question.

Le Comité souligne aussi qu’il est indispensable d’appliquer intégralement et efficacement la Convention pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Il demande qu’une démarche soucieuse de l’égalité des sexes et une prise en compte effective des dispositions de la Convention soient intégrées à toutes les initiatives visant à réaliser les objectifs du Millénaire et prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport des informations à ce sujet.

Le Comité souligne que l’adhésion des États aux sept principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribue à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc le Gouvernement indien à envisager de ratifier l’instrument auquel il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées en Inde pour que la population du pays, en particulier les membres de l’administration et les responsables politiques, les parlementaires, les organisations féminines et les organisations de défense des droits de l’homme, soit au courant des mesures prises pour assurer l’égalité de droit et de fait entre les sexes et des dispositions qui restent à prendre à cet égard. Il demande également à l’État partie de continuer à diffuser largement, surtout auprès des organisations féminines et des organisations de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention, de son Protocole facultatif, de ses propres recommandations générales, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, ainsi que les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l’an 2000  : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle ».

Le Comité prie l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il doit présenter au titre de l’article 18 de la Convention. Il l’invite à présenter en 2010 un rapport unique regroupant son quatrième rapport périodique, qui aurait dû être présenté en août 2006, et son cinquième rapport périodique, attendu en août 2010.

Demande d’un rapport de suivi

Le Comité déplore qu’aucune information ne lui ait été fournie par l’État partie, que ce soit dans son rapport ou dans ses réponses aux questions qu’il lui a posées, sur les conséquences des massacres du Gujarat sur les femmes et sur le fait que la Convention n’a pas été respectée. Il estime que les quelques informations complémentaires sur cette question fournies au cours du dialogue constructif qui a eu lieu et par la suite ne sont pas suffisantes. Il demande donc à l’État partie, conformément à l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 18, de lui présenter, en janvier 2008, un rapport de suivi qu’il examinera au cours de l’année 2008. Ce rapport de suivi ne pourra se substituer au rapport unique, valant quatrième et cinquième rapports périodiques.

Le rapport de suivi devra fournir des renseignements sur les conséquences des massacres du Gujarat pour les femmes. En particulier, il devra comporter des informations sur : a) des données, ventilées par sexe, sur les affaires, au nombre de 2 000 environ, relatives aux massacres, qui ont été rouvertes et sur leur issue; b) le nombre de cas d’agressions sexuelles et d’actes de violence commis contre des femmes qui ont été signalés et la suite qui y a été donnée; c) les mesures de protection des victimes et les autres mesures de soutien mises en place et leurs effets; d) les arrestations effectuées et les peines prononcées, y compris à l’encontre de fonctionnaires de l’État reconnus complices de ces crimes; e) les mesures particulières de protection des femmes prises par l’État partie pour réhabiliter les femmes victimes de ces crimes et les indemniser, ainsi que le nombre de femmes qui ont bénéficié de telles mesures; f) les indemnisations accordées aux femmes victimes, spécialement d’actes de violences; g) les données, ventilées par sexe, relatives aux quelque 5 000 familles musulmanes déplacées à cause de la violence et sur les mesures prises par les autorités publiques pour les réinstaller et contribuer à leur relèvement; h) les mesures prises pour permettre le relèvement économique des collectivités touchées et la reconstruction des infrastructures de base détruites au cours des émeutes.