* Adoptées par le Comité à sa soixante-troisième session (15 février-4 mars 2016).

Observations finales concernant les septième et huitième rapports périodiques de l’Islande (présentés en un seul document)*

Le Comité a examiné les septième et huitième rapports périodiques de l’Islande (présentés en un seul document) (CEDAW/C/ISL/7-8) à ses 1377e et 1378e séances, le 17 février 2016 (voir CEDAW/C/SR.1377et 1378). La liste des questions du Comité figure dans le document CEDAW/C/ISL/Q/7-8 et les réponses de l’Islande sont consignées dans le document CEDAW/C/ISL/Q/7-8/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté, en un seul document, ses septième et huitième rapports périodiques. Il le remercie également de ses réponses écrites à la liste des questions soulevées par le groupe de travail d’avant-session, de l’exposé de sa délégation et des réponses apportées aux questions posées oralement par les membres du Comité au cours du dialogue.

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation, présidée par Mme Gréta Gunnarsdóttir, Ambassadrice des droits de l’homme du Ministère des affaires étrangères, qui comprenait des représentants du Ministère de la protection sociale et de la Mission permanente de l’Islande auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des avancées enregistrées depuis l’examen en 2008 des cinquième et sixième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/ICE/5 et CEDAW/C/ICE/6) dans la mise en œuvre de réformes législatives, notamment :

a)La loi sur les finances publiques no 123/2015, introduisant une budgétisation tenant compte de la problématique hommes-femmes;

b)La loi no 10/2008 sur l’égalité de statut et des droits des femmes et des hommes et ses amendements (lois nos 62/2014 et 79/2015), incluant une nouvelle définition de la discrimination directe et indirecte;

c)Le Plan national de lutte contre la traite des êtres humains pour la période 2013-2016, adopté en 2013;

d)La norme d’égalité salariale, adoptée en 2012;

e)Le Plan d’action pour l’égalité des sexes en matière salariale, adopté en 2012;

f)La loi no 85/2011 sur les ordonnances d’exclusion et les expulsions;

g)La loi no 72/2011 qui modifie le Code pénal en alourdissant la peine maximale prévue pour le crime de la traite des êtres humains;

h)La loi no 13/2010 qui modifie la loi sur les sociétés anonymes et la loi sur les sociétés à responsabilité limitée en imposant des quotas de femmes au sein des conseils d’administration des sociétés.

Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2014;

b)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2010.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

Le Comité souligne le rôle crucial du pouvoir législatif dans l ’ application intégrale de la Convention (voir la déclaration du Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Conformément à son mandat, il invite le Parlement à prendre les mesures nécessaires en vue d ’ appliquer les présentes observations finales d ’ ici à la présentation du prochain rapport périodique au titre de la Convention.

Visibilité de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité

Le Comité note les célébrations publiques marquant le 100e anniversaire du droit de vote des femmes dans l’État partie. Il est toutefois préoccupé non seulement par la méconnaissance générale de la Convention et de son Protocole facultatif dans l’État partie, en particulier parmi les agents de l’État, les magistrats et d’autres responsables de l’application des lois, mais aussi par l’absence de décisions de justice rendues par les tribunaux, y compris la Cour suprême, se référant à la Convention. Il craint en outre que les femmes ne soient pas informées des droits que leur confère la Convention et des procédures de communication individuelle et d’enquête prévues par le Protocole facultatif et qu’elles ne disposent donc pas des informations nécessaires pour faire valoir leurs droits. Cela tient peut-être au fait que la Convention n’a pas été incorporée dans l’ordre juridique interne.

Le Comité demande à l ’ État partie :

a)De prendre les mesures nécessaires pour assurer une diffusion adéquate de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité à toutes les parties concernées, y compris les ministères, les parlementaires, les magistrats et les responsables de l ’ application des lois;

b)De faire figurer la Convention et les recommandations générales du Comité dans les programmes de formation judiciaire;

c) De redoubler d ’ efforts pour mieux informer les femmes des droits que leur confère la Convention et des procédures de communication individuelle et d ’ enquête prévues par le Protocole facultatif.

Cadre législatif

Le Comité note que, si l’État partie a ratifié la Convention en 1985 et le Protocole facultatif en 2001, la Convention n’a pas encore été incorporée dans son intégralité dans la législation interne. Il note aussi avec inquiétude que l’État partie n’a pas encore appliqué les directives 2000/78/CE et 2000/43/CE de l’Union européenne contre la discrimination en adoptant une loi globale visant à lutter contre la discrimination.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ incorporer intégralement et sans tarder la Convention dans la législation interne pour qu ’ elle en fasse partie intégrante. Il recommande également à l ’ État partie d ’ adopter une loi globale contre la discrimination, tous motifs confondus, conformément aux directives 2000/78/CE et 2000/43/CE de l ’ Union européenne.

Mécanisme national de promotion de la femme et d’intégration des femmes

Le Comité se félicite de la modification de la loi sur l’égalité de statut et des droits des femmes et des hommes, qui introduit une nouvelle définition de la discrimination directe et indirecte, conformément à l’article 2 de la Convention, et prend note des travaux que le Forum sur l’égalité des sexes a accomplis pour élaborer un nouveau plan d’action pour l’égalité des sexes. Il note toutefois avec préoccupation le retard accumulé depuis le mois de décembre 2014 en ce qui concerne l’adoption du nouveau plan d’action Il constate en outre avec inquiétude que le Centre pour l’égalité des sexes, chargé d’administrer la loi sur l’égalité de statut et des droits des femmes et des hommes, ne dispose pas de ressources humaines et financières suffisantes et qu’il est situé dans une région éloignée. Le Comité est en outre préoccupé par l’absence de responsables de la coordination des questions d’égalité des sexes œuvrant à temps plein à la prise en compte de la problématique hommes-femmes dans les institutions publiques et par le fait que l’ensemble des programmes visant à réaliser l’égalité de fait entre hommes et femmes ne soient pas systématiquement dotés de budgets tenant compte de la problématique hommes-femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a)D ’ achever les préparatifs du nouveau plan d ’ action pour l ’ égalité des sexes et de l ’ adopter sans tarder, en le dotant d ’ un budget suffisant pour affecter des responsables de la coordination des questions d ’ égalité des sexes dans toutes les institutions publiques concernées, et d ’ assurer la prise en compte de la problématique hommes-femmes dans toutes les institutions publiques;

b)De doter le Centre pour l ’ égalité des sexes de ressources humaines et financières suffisantes et d ’ envisager de le réinstaller dans la capitale afin de le rendre plus accessible;

c)D ’ établir systématiquement des budgets tenant compte de la problématique hommes-femmes dans l ’ ensemble des programmes visant à réaliser l ’ égalité de fait entre hommes et femmes.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

Le Comité note que l’État partie envisage de créer une institution nationale de défense des droits de l’homme, qui s’intéresserait à l’ensemble des questions relatives aux droits de l’homme, dont les droits des femmes, sous tous leurs aspects. Il s’inquiète toutefois qu’aucun calendrier n’ait été défini pour la création de cette institution.

Le Comité recommande à l ’ État partie de créer sans tarder, comme il était prévu, une institution nationale de défense des droits de l ’ homme indépendante conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), dotée d ’ un mandat étendu propre à promouvoir et à protéger les droits de la femme et l ’ égalité des sexes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité est préoccupé par :

a)L’utilisation limitée des mesures temporaires spéciales visant à parvenir plus rapidement à l’égalité de fait entre les femmes et les hommes, notamment en ce qui concerne la représentation des femmes aux postes de décision au niveau local, au sein des établissements universitaires et dans le système judiciaire, la diplomatie, le secteur privé et la police;

b)Le recours accru, dans l’État partie, aux politiques indépendantes des considérations de sexe qui pourraient entraîner involontairement une aggravation de l’inégalité réelle entre les femmes et les hommes.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a)D ’ évaluer l ’ effet des mesures existantes, notamment par la collecte et l ’ analyse de données ventilées par sexe, et d ’ adopter des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales, afin de parvenir plus rapidement à une égalité réelle entre hommes et femmes dans tous les domaines visés par la Convention dans lesquels les femmes continuent d ’ être désavantagées et sous-représentées;

b)D ’ analyser de façon approfondie l ’ approche non sexiste suivie dans l ’ élaboration des lois et des politiques, en accordant une attention particulière aux conséquences négatives que les politiques indépendantes des considérations de sexe pourraient avoir sur les programmes de financement public, en particulier ceux qui sont destinés aux femmes.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité est préoccupé par la persistance des stéréotypes quant aux rôles respectifs des hommes et des femmes dans la famille et dans la société, qui ont une incidence négative sur la situation des femmes et les possibilités qui leur sont offertes, en particulier au niveau de l’éducation et sur le marché de l’emploi.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier les campagnes de sensibilisation dans les médias et d ’ appliquer des mesures propres à éliminer les stéréotypes et les obstacles structurels susceptibles de dissuader les garçons et les filles de choisir des filières scolaires et professionnelles non traditionnelles ou de nuire à la promotion des femmes dans les établissements universitaires, le monde du travail, la famille et la société.

La violence à l’égard des femmes

Le Comité constate avec inquiétude la multiplication des cas de violence contre les femmes. Il salue la coopération établie entre les services de police et les services à l’enfance, les services sociaux et les services de santé ainsi que la création d’un service du Parquet chargé des affaires d’infractions sexuelles et d’un comité mandaté pour examiner les propositions visant à améliorer le traitement des affaires de viol. Il note également que l’État partie envisage de modifier le Code pénal, en particulier afin d’ériger en infraction la violence familiale et de ratifier et d’appliquer intégralement la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Le Comité se félicite que la Police de Reykjavik ait élaboré et adopté en mars 2015 des règles, procédures et outils d’évaluation des risques applicables aux affaires de violence familiale. Il est toutefois préoccupé par :

a)Le nombre élevé de poursuites pour actes de violence contre des femmes, en particulier pour viol et violence sexuelle, classées par le Bureau du Procureur de la République et le faible nombre de condamnations rendues;

b)L’absence d’analyse juridique du nombre élevé d’acquittements prononcés dans des affaires de violence sexuelle;

c)L’absence d’un plan d’action national contre la violence sexuelle et familiale qui tiendrait compte des besoins particuliers et de la vulnérabilité des femmes migrantes et des handicapées;

d)L’absence d’une loi érigeant expressément en infractions la violence psychologique et le harcèlement en ligne.

Le Comité invite l ’ État partie :

a)À ratifier la Convention d ’ Istanbul et à l ’ incorporer dans sa législation afin de renforcer la protection juridique des femmes contre la violence familiale et d ’ autres formes de violence;

b)À redoubler d ’ efforts pour poursuivre et condamner les auteurs de viol et de violence sexuelle contre les femmes et à s ’ attaquer aux causes du nombre élevé d ’ acquittements prononcés dans les affaires de violence sexuelle;

c)À adopter sans délai un plan national de lutte contre la violence sexuelle et familiale qui tienne compte des besoins particuliers et de la vulnérabilité des femmes migrantes et des handicapées et à fournir les ressources humaines et financières appropriées pour étendre à tous les commissariats de police l ’ approche intersectorielle suivie par les services de police de Reykjavik pour lutter contre la violence familiale ;

d) À modifier le Code pénal en particulier afin d ’ ériger en infractions le harcèlement en ligne et la violence psychologique contre les femmes.

Le Comité accueille avec satisfaction l’accord signé en décembre 2014 par le Ministère des affaires sociales et du logement et le Foyer d’accueil pour les femmes, qui prévoit l’hébergement d’urgence des femmes victimes de violence et le recrutement de deux psychologues pour leur fournir une assistance. Il souligne que d’autres foyers d’accueil devraient être créés en parallèle du système mis en place par la loi no 85/2011 sur les ordonnances d’exclusion et les expulsions. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par le fait :

a)Qu’il n’existe qu’un seul foyer d’accueil pour femmes à Reykjavik, qui est difficilement accessible aux femmes vivant à l’extérieur de la capitale et aux femmes handicapées;

b)Que le nombre de services destinés aux femmes, dont plusieurs ont été mis en place et sont gérés par des organisations non gouvernementales, est insuffisant et que les prestataires de services ne disposent pas des ressources voulues pour répondre aux besoins des femmes victimes de violence;

c)Que le pays ne compte que deux hôpitaux fournissant des traitements et des soins spécialisés aux femmes victimes de violence sexuelle;

d)Que les femmes victimes de violence vivant en zones rurales reçoivent très peu de soutien, en particulier en termes d’accès aux services de santé et psychosociaux.

Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a)De veiller à ce que, outre la loi n o  85/2011 sur les ordonnances d ’ exclusion et les expulsions, un nombre suffisant de foyers d ’ accueil dotés de personnel qualifié et des ressources financières adéquates soit mis à la disposition des femmes victimes de violence, y compris des femmes migrantes, des femmes vivant en zones rurales et des femmes handicapées;

b)D ’ ouvrir des centres d ’ aide destinés aux victimes de viol, des centres de jour et des permanences téléphoniques gratuites accessibles 24 heures sur 24 afin de fournir une aide aux femmes victimes de violence, y compris aux femmes migrantes et aux femmes handicapées;

c) De veiller à ce que des services médicaux et psychosociaux soient mis à la disposition des femmes victimes de violence en milieu rural et à ce que les organisations non gouvernementales qui proposent de tels services à l ’ extérieur de la capitale reçoivent un financement suffisant.

Traite des êtres humains et exploitation de la prostitution

Le Comité note l’adoption d’un Plan d’action national contre la traite des êtres humains pour la période 2013-2016 et les modifications apportées à la législation visant à interdire les clubs de strip-tease. Il note en outre que la mise en œuvre de ces modifications requiert du temps, de l’argent et du personnel qualifié. Il prend également note de la modification apportée au Code pénal (loi no 54/2009), qui dépénalise la vente de services sexuels et érige en infraction l’achat de faveurs sexuelles et sanctionne les clients. Le Comité demeure préoccupé par :

a)L’insuffisance des fonds alloués à la mise en œuvre du Plan d’action national contre la traite des êtres humains pour la période 2013-2016, notamment aux services de police chargés d’enquêter sur les cas de traite d’êtres humains;

b)L’absence de poursuites ou le caractère variable du nombre des condamnations rendues pour des infractions liées à la traite d’êtres humains ainsi que par l’absence de données se rapportant à 2015;

c)L’absence de données ventilées par sexe sur le nombre de personnes victimes de traite à des fins de travail forcé;

d)Le nombre excessivement élevé de femmes migrantes travaillant dans les « bars à champagne ».

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a)De veiller à ce que des ressources financières soient allouées pour mettre effectivement en œuvre la législation en vigueur et le Plan d ’ action national contre la traite des êtres humains pour la période 2013-2016, notamment pour poursuivre et punir comme il convient les auteurs de tels actes et pour orienter rapidement les victimes vers les services de protection et d ’ assistance;

b)De renforcer la protection et l ’ aide fournies aux victimes de la traite à des fins d ’ exploitation sexuelle;

c)De recueillir et d ’ analyser les données sur l ’ ampleur de la traite dans l ’ État partie;

d)D ’ analyser les causes profondes du nombre excessivement élevé de femmes migrantes travaillant dans les « bars à champagne » afin de répondre à leurs besoins spécifiques et de réduire leur vulnérabilité;

e) D ’ offrir des programmes de soutien aux femmes qui veulent sortir de la prostitution, y compris aux femmes migrantes.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité félicite l’État partie pour le pourcentage élevé de femmes siégeant au Parlement (43 %) et salue les mesures prises par le Ministère de l’intérieur afin d’accroître la représentation des femmes dans la police. Il est toutefois préoccupé par le très faible nombre de policières et la sous-représentation des femmes à la Cour suprême et aux postes de direction dans la diplomatie (ambassadrices) et les administrations locales.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a)De prendre rapidement des mesures ciblées, notamment des mesures temporaires spéciales, assorties d ’ échéances précises, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité, afin d ’ accroître rapidement la représentation des femmes dans les forces de police, à la Cour suprême et aux postes de direction dans la diplomatie (ambassadrices);

b) De prendre des mesures, notamment des mesures temporaires spéciales, visant à accroître la participation des femmes à la vie politique et publique, en particulier dans les organes législatifs et exécutifs locaux, en offrant par exemple des incitations financières aux partis politiques pour qu ’ ils désignent un nombre égal de femmes et d ’ hommes sur leurs listes électorales ou en introduisant un système d ’ alternance hommes/femmes pour les nominations dans la fonction publique.

Éducation

Le Comité accueille avec satisfaction le fait que l’égalité a été l’un des piliers du programme national de 2011 et que l’État partie entend préparer un plan d’action sur les moyens d’éliminer les stéréotypes sexistes dans les choix éducatifs et professionnels. Il note aussi la création de clubs féministes et les initiatives individuelles d’enseignants qui proposent des cours sur la question du genre dans l’enseignement secondaire. Il demeure néanmoins préoccupé par le fait que les femmes et les filles, ainsi que les hommes et les garçons, continuent de choisir les filières d’enseignement selon des stéréotypes, ce qui entraîne une sous­représentation des femmes et des filles dans les disciplines traditionnellement dominées par les hommes. Il est également préoccupé par la place limitée accordée aux femmes dans les manuels scolaires d’histoire, par la participation limitée des filles à l’éducation sportive et par le taux d’abandon scolaire qui serait plus élevé chez les filles migrantes.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a)D ’ envisager de mettre sur pied des cours sur les droits fondamentaux des femmes, notamment les droits liés à la sexualité et à la procréation, au niveau du primaire et du secondaire, qui soient obligatoires et adaptés à l ’ âge des élèves;

b)D ’ intensifier l ’ action qu ’ il mène pour diversifier les choix que font les femmes et les filles, ainsi que les hommes et les garçons, en matière d ’ études universitaires et d ’ orientation professionnelle, et de prendre d ’ autres mesures visant à encourager filles et garçons à s ’ orienter vers des filières d ’ études et des carrières non traditionnelles;

c)De promouvoir et de faciliter davantage l ’ avancement professionnel des femmes dans les carrières universitaires, notamment par des mesures temporaires spéciales;

d)De réviser les manuels scolaires afin de faire en sorte que le rôle et les contributions des femmes dans l ’ histoire soient dûment pris en compte;

e)De prendre des mesures visant à rendre l ’ éducation sportive plus attirante et culturellement acceptable pour les filles et de promouvoir la participation des femmes et des filles aux activités des clubs sportifs;

f) De donner des informations sur l ’ accès des filles migrantes à l ’ enseignement primaire et secondaire et de prendre des mesures visant à appuyer leur intégration dans le système scolaire, notamment en dispensant des cours de langue, si nécessaire.

Emploi

Le Comité félicite l’État partie d’avoir mis au point une norme d’égalité salariale et d’avoir prolongé le mandat du Groupe d’action sur l’égalité salariale jusqu’à la fin de 2016; il le félicite aussi de s’être employé à réduire les écarts de rémunération entre les sexes et d’avoir introduit des quotas pour une représentation égale des femmes et des hommes au sein des comités gouvernementaux et des conseils d’administration des entreprises publiques et privées. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par :

a)La persistance des écarts de rémunération entre les sexes qui, au cours des dernières années, se sont maintenus dans une fourchette comprise entre 7 et 18 % et le champ d’application limité de l’article 19 de la loi sur l’égalité de statut et des droits des femmes et des hommes, qui prévoit que le principe de l’égalité salariale ne s’applique qu’aux femmes et aux hommes travaillant pour « le même employeur »;

b)La ségrégation horizontale et verticale persistante sur le marché du travail et la concentration des femmes dans les emplois à temps partiel, principalement en raison d’obligations familiales, qui a une incidence négative sur l’évolution de leur carrière ainsi que sur le montant de leurs prestations sociales et de leurs prestations de retraite;

c)Le fait que le Centre pour l’égalité des sexes ne dispose pas des ressources humaines et financières qui lui permettraient de surveiller efficacement le respect, par les entreprises, des dispositions de la loi sur l’égalité de statut et des droits des femmes et des hommes;

d)Le manque de femmes dans les conseils d’administration des entreprises comptant 49 employés au plus;

e)Le nombre élevé de rapports de policières faisant état d’actes de harcèlement sexuel dont elles ont été victimes sur le lieu de travail.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a)De poursuivre l ’ action qu ’ il mène pour appliquer pleinement la norme d ’ égalité salariale et de continuer à modifier la législation afin que le principe d ’ égalité salariale soit applicable, conformément à l ’ alinéa d) du paragraphe 1 de l ’ article 11 de la Convention, sans la limitation au « même employeur »;

b)De poursuivre l ’ action qu ’ il mène pour éliminer les écarts de rémunération entre les sexes en prenant des mesures déterminées visant à mettre fin à la ségrégation des emplois, notamment en aidant les femmes à passer d ’ un emploi à temps partiel à un emploi à plein temps et en leur créant plus de possibilités d ’ accès à l ’ emploi à plein temps, ainsi qu ’ en renforçant les mesures destinées à éliminer la discrimination salariale dont les femmes sont victimes;

c)D ’ octroyer le financement voulu au Centre pour l ’ égalité des sexes, afin que celui-ci puisse vérifier le respect par les entreprises des dispositions de la loi sur l ’ égalité de statut et des droits des femmes et des hommes;

d)D ’ élaborer et de mettre en œuvre un plan d ’ action visant à diversifier les choix professionnels des femmes et des hommes;

e)D ’ envisager d ’ appliquer des quotas par sexe dans les conseils d ’ administration des entreprises comptant 49 employés au plus;

f) De prendre des mesures propres à protéger les policières du harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Le Comité note qu’il a été demandé au Groupe d’action sur l’égalité salariale de soumettre un plan d’action sur la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle et que le projet de politique familiale pour la période 2015-2020 prévoit des mesures visant à équilibrer la vie professionnelle et la vie familiale des parents. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)Le manque de structures de prise en charge garantie pour les enfants âgés de 9 mois à 2 ans;

b)La baisse du plafond du Fonds de congé parental, qui a abouti à une baisse du nombre de jours de congé parental pris par les parents entre 2008 et 2012.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a)De prendre des mesures visant à réduire le délai entre la fin du congé parental et l ’ âge minimum d ’ éligibilité à la garde d ’ enfants garantie en portant le congé parental de 9 à 12 mois, en acceptant les enfants dans les crèches immédiatement après la fin du congé parental et en octroyant les ressources humaines et financières voulues aux municipalités pour leur permettre de répondre à la demande de places dans les crèches;

b) De prévoir un financement adéquat pour le Fonds de congé parental et d ’ augmenter le plafond de l ’ allocation octroyée par le Fonds.

Le Comité salue l’action menée par l’État partie pour améliorer la situation des parents isolés, notamment en versant des indemnités pour enfants à charge liées au revenu, mais demeure préoccupé par le fait que les femmes forment la grande majorité des parents isolés et qu’elles se heurtent souvent à des difficultés financières.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures ciblées visant à faciliter l ’ accès des mères isolées au marché du travail et de les aider à trouver un meilleur équilibre entre vie familiale et vie professionnelle.

Santé

Le Comité note que l’État partie a légalisé l’avortement en 1975 en adoptant la loi no 25 /1975, mais juge préoccupant le fait que certains travailleurs sanitaires et sociaux appliquent les dispositions de la loi, par exemple en matière de conseils, de telle manière que les femmes qui cherchent à avorter se sentent jugées et humiliées.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ institutionnaliser des programmes de formation tenant compte des disparités entre les sexes à l ’ intention des travailleurs sanitaires et sociaux afin qu ’ ils puissent exercer les responsabilités qui leur incombent en vertu de la loi d ’ une manière qui ne décourage pas les femmes qui souhaitent avorter. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de veiller à ce que toutes les femmes, y compris les jeunes femmes et les femmes rurales, aient accès à des contraceptifs modernes et à des renseignements sur la santé et leurs droits en matière de sexualité et de procréation, dont la planification de la famille, afin d ’ éviter les grossesses non désirées.

Le Comité regrette le manque d’information sur la question de l’alcoolisme et l’absence de toute étude sur les problèmes de santé mentale ainsi que sur l’ampleur et les causes du phénomène du suicide chez les femmes dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie de recueillir des données sur l ’ alcoolisme, le suicide et les problèmes de santé mentale chez les femmes et de lui fournir des renseignements à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Avantages économiques et prestations sociales

Le Comité trouve préoccupant que le financement des femmes artistes qui œuvrent dans l’industrie du cinéma et de la musique demeure faible et que la plupart des conseils d’administration des associations et des organismes de réglementation chargés du financement soient composés d’hommes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de passer en revue les réglementations qu ’ il applique aux organismes de financement public de la culture et d ’ envisager des solutions visant à garantir que les fonds publics alloués à la culture soient également répartis entre les femmes et les hommes.

Le Comité est préoccupé par le rôle futur des femmes dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable et du programme de développement durable à l’horizon 2030 et dans le traitement des problèmes liés aux changements climatiques.

Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à renforcer le rôle que jouent les femmes dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable et du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030 et dans le traitement des problèmes liés aux changements climatiques.

Groupes de femmes défavorisées

Les femmes migrantes

Le Comité est préoccupé par les difficultés que rencontrent les femmes migrantes dans les domaines de l’emploi et des soins de santé et par le fait qu’elles sont exposées à la violence. Il note que le Centre multiculturel et d’informations donne aux femmes migrantes divers types de renseignements, notamment sur les nouvelles procédures en matière de famille et de divorce, et que le Centre islandais des droits de l’homme propose des conseils juridiques aux femmes migrantes. Il note néanmoins avec préoccupation que le Centre multiculturel et d’informations, situé à l’extérieur de la capitale, est difficilement accessible. Il est également préoccupé par le manque de données ventilées et d’études sur la situation des femmes migrantes dans l’État partie, qui peuvent hésiter à s’adresser aux services sociaux et de protection, parce qu’elles craignent de perdre leur permis de séjour ou d’être expulsées si elles sont en situation irrégulière.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De recueillir des données ventilées et de mener des études exhaustives sur l ’ accès des femmes migrantes à l ’ emploi et aux soins de santé et sur les formes de violence que celles-ci peuvent subir, de recenser les lacunes existant dans ces domaines et de mettre en place des stratégies visant à faire face aux formes croisées de discrimination dont elles sont victimes;

b)De prévoir un financement adéquat pour le Centre multiculturel et d ’ informations et de faciliter l ’ accès à ses services;

c)De mettre au point des programmes et des stratégies ciblés pour mieux faire connaître aux femmes migrantes leurs droits, dont l ’ aide juridictionnelle gratuite et les recours utiles si leurs droits ont été violés.

Les femmes rurales, handicapées ou détenues

Le Comité note avec préoccupation que :

a)Les femmes rurales ont un accès limité aux services sociaux et de protection et aux foyers d’accueil, notamment dans le contexte de la violence familiale, en raison du mauvais état des infrastructures routières, auquel s’ajoutent les difficultés météorologiques en hiver;

b)Les femmes handicapées ont un accès limité aux services et aux foyers destinés aux femmes, qui ne disposent pas des équipements leur permettant d’y avoir physiquement accès;

c)Les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) ne sont pas pleinement mises en œuvre dans l’État partie et les établissements pénitentiaires ne disposent pas d’espaces appropriés où les détenues pourraient rencontrer leur famille;

d)Il n’y a pas assez de données ventilées et d’études sur les lacunes sociales et les lacunes en matière de protection ni sur les formes croisées de discrimination qui frappent les femmes rurales, handicapées ou détenues.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a)De prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer l ’ accès aux services sociaux et de protection ainsi qu ’ aux foyers d ’ accueil destinés aux femmes rurales, en améliorant les infrastructures et en fournissant ces services dans les zones rurales reculées;

b)De rendre les services et les foyers pour femmes accessibles aux femmes handicapées en les adaptant à leurs besoins spéciaux;

c)De mettre pleinement en œuvre les Règles de Bangkok et de prévoir dans les prisons les espaces voulus pour que les détenues puissent rencontrer leur famille;

d)De recueillir des données ventilées et de mener des études exhaustives sur l ’ accès des femmes rurales, des handicapées et des détenues à l ’ emploi et aux soins de santé et sur les formes de violence dont elles peuvent être victimes, en vue de recenser les lacunes et de mettre au point des stratégies remédiant aux formes croisées de discrimination.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité est préoccupé par le fait que les rôles et la répartition du travail au sein de la famille sont toujours déterminés par des pratiques traditionnelles, en particulier dans les zones rurales, où les femmes sont considérées comme les principales dispensatrices de soins. Il s’inquiète également du fait que certains médias contribuent à la répartition traditionnelle des rôles au sein de la famille entre les hommes et les femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir des ponts avec les médias en vue d ’ éliminer la présentation stéréotypée des femmes, en particulier lorsqu ’ elle vise leur rôle au sein de la famille.

Le Comité note avec préoccupation que le régime matrimonial de l’État partie, à savoir la communauté de biens différée, peut ne pas traiter comme il convient les disparités économiques entre époux dues aux rôles traditionnellement dévolus à chaque sexe dans le travail comme dans la vie de famille, qui se traduisent souvent par une valorisation du capital humain et du potentiel de gains de l’époux alors que l’épouse fait souvent l’expérience inverse. Toutefois, ni la législation en vigueur ni la jurisprudence ni les réglementations qui régissent les pensions ne traitent des questions de la répartition de la survaleur personnelle, des perspectives de gains ou de l’augmentation du capital humain, de manière à remédier aux éventuelles disparités économiques entre époux qui sont fondées sur le sexe. Le Comité est en outre préoccupé par l’absence de mécanismes permettant de prévenir la dissimulation de biens avant le divorce et également par le fait qu’en raison de l’incohérence de la jurisprudence, la protection des droits économiques des femmes vivant en union libre n’est que partielle.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ entreprendre des recherches sur les conséquences économiques que le divorce peut avoir sur les deux conjoints, en tenant compte de la durée du mariage et du nombre d ’ enfants, et d ’ adopter toutes les mesures juridiques nécessaires pour remédier aux disparités économiques entre les hommes et les femmes lors de la dissolution du mariage, y compris, en particulier, en reconnaissant tous les actifs liés au parcours professionnel (c ’est-à- dire les perspectives de gain, la survaleur personnelle et la valorisation du capital humain) comme faisant partie des biens matrimoniaux devant être répartis entre les époux lors du divorce ou pris en compte dans l ’ octroi de versements périodiques après le divorce. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie d ’ adopter les mesures juridiques nécessaires pour prévenir la dissimulation des biens matrimoniaux. Il appelle ce dernier à adopter les mesures juridiques nécessaires pour assurer une protection économique aux femmes qui vivent en union libre, en reconnaissant leurs droits concernant les biens acquis pendant la relation, conformément à la recommandation générale n o  29 du Comité relative à l ’ article 16 de la Convention (les conséquences économiques du mariage et des liens familiaux et de leur dissolution).

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l ’ État partie de se fonder sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing dans les efforts qu ’ il déploie pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité appelle à la réalisation de l ’ égalité effective entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Diffusion

Le Comité demande à l ’ État partie de garantir la diffusion rapide des présentes observations finales, dans la langue officielle de l ’ État partie, auprès des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au sein des pouvoirs publics, des ministères, du Parlement et de l ’ appareil judiciaire, en vue d ’ en assurer la mise en œuvre intégrale.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme est de nature à renforcer la jouissance par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Il invite donc le Gouvernement de l ’ État partie à envisager de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention relative aux droits des personnes handicapées, auxquelles il n ’ est pas encore partie.

Suivi des observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant aux paragraphes 20 c) et 26 a) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à présenter son neuvième rapport périodique en mars 2020.

Le Comité prie l ’ État partie de suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, notamment les directives concernant l ’ établissement d ’ un document de base commun et de documents spécifiques à l ’ instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).