Nations Unies

CCPR/C/BOL/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

2 juin 2022

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’État plurinational de Bolivie *

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de l’État plurinational de Bolivie à ses 3849e, 3851e et 3853e séances, qui se sont tenues sous forme hybride les 8, 9 et 10 mars 2022. À sa 3869e séance, le 22 mars 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de l’État plurinational de Bolivie et les renseignements qui y sont donnés. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif et ouvert avec la délégation bolivienne de haut niveau. Il remercie l’État partie pour les renseignements communiqués sur les mesures qui ont été prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il le remercie également des réponses écrites apportées à la liste de points, qui ont été complétées oralement par la délégation, et des renseignements complémentaires communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie, au cours de la période considérée, des mesures législatives et institutionnelles ci-après dans le domaine des droits civils et politiques :

a)Le Protocole unique de prise en charge spécialisée des victimes de la traite et du trafic illicite des personnes, adopté par la résolution FGE/JLP/DAJ/2017/2020 du 27 novembre 2020 ;

b)Le décret suprême no 3774 du 16 janvier 2019, portant création du Service plurinational pour l’élimination des schémas patriarcaux et l’avancement des droits des femmes, dit « Ana María Romero » ;

c)La loi no 879 du 23 décembre 2016 relative à la Commission de la vérité ;

d)La loi no 870 du 13 décembre 2016 relative au Défenseur du peuple ;

e)La loi no 848 du 27 octobre 2016 qui instaure la Décennie du peuple afro‑bolivien ;

f)La loi no 807 du 21 mai 2016 relative à l’identité de genre ;

g)La loi no 586 du 30 octobre 2014 relative au désengorgement du système pénal et au renforcement de son efficacité ;

h)La loi no 548 du 17 juillet 2014 portant Code de l’enfance et de l’adolescence ;

i)La loi no 464 du 19 décembre 2013 relative au Service plurinational d’aide aux victimes ;

j)La loi no 463 du 19 décembre 2013 relative au Service plurinational de défense publique.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Mesures prises pour donner effet aux constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif

4.Le Comité regrette que l’État partie n’ait toujours pas créé de procédure spéciale afin de donner effet aux constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif. Il note également avec préoccupation que, malgré le temps écoulé depuis leur adoption, les constatations concernant trois communications dans lesquelles il avait établi une violation du Pacte (communications nos 176/1984 (Peñarietta et al.), 2628/2015 (Delgado Burgoa) et 2629/2015 (Maldonado Iporre)) n’ont toujours pas été pleinement appliquées. Tout en accueillant avec satisfaction la déclaration selon laquelle le Tribunal constitutionnel a reconnu le caractère contraignant de la jurisprudence des organes créés en vertu d’un instrument international, notamment du Comité des droits de l’homme, le Comité prend note des difficultés que l’État partie a mentionnées au cours du dialogue concernant l’application des constatations (art. 2).

5. Le Comité recommande de nouveau à l ’ État partie de créer un mécanisme visant à donner effet à ses constatations . Il lui recommande également de prendre les mesures nécessaires afin d ’ appliquer pleinement et rapidement ses constatations concernant les trois communications dans lesquelles il a constaté une violation du Pacte.

Violations des droits de l’homme commises entre 1964 et 1982

6.Le Comité accueille avec satisfaction la création de la Commission de la vérité en 2016 et la publication de son rapport final sur les graves violations des droits de l’homme commises entre 1964 et 1982. Il prend note avec intérêt des mesures prises pour enquêter sur les cas de disparition forcée, mais regrette de ne pas avoir reçu suffisamment de renseignements sur le nombre d’enquêtes en cours concernant des disparitions forcées et d’autres violations des droits de l’homme, ni sur les sanctions infligées à leurs auteurs. Il est préoccupé par le fait que, malgré le temps écoulé, 147 des 1 714 victimes reconnues par le décret suprême no 1211 de 2012 n’ont toujours pas reçu de compensation et que les autres victimes n’ont reçu que 20 % des montants alloués. À ce sujet, il note que l’État partie élabore actuellement une réglementation afin de résoudre ce problème, et il se félicite de la création de trois groupes de travail interinstitutionnels permanents chargés, notamment, d’élaborer des politiques publiques et une réglementation visant à garantir le droit de toutes les victimes de violations des droits de l’homme, notamment les violations commises entre 1964 et 1982, d’obtenir une réparation intégrale (art. 2, 6 et 7).

7. L ’ État partie devrait intensifier les efforts qu ’ il déploie pour donner effet aux droits des victimes des graves violations des droits de l ’ homme commises entre 1964 et 1982, à savoir le droit à la vérité et le droit d ’ accéder à la justice et d ’ obtenir une réparation intégrale. Il doit notamment veiller, et ce, dans les meilleurs délais, à ce que :

a) Le rapport final de la Commission de la vérité soit plus largement diffusé et que toutes ses recommandations soient pleinement mises en œuvre ;

b) Les enquêtes progressent concernant l ’ ensemble des allégations de violations des droits de l ’ homme commises entre 1964 et 1982, que les responsables soient traduits en justice et que des sanctions appropriées leur soient infligées ;

c) Toutes les victimes, y compris celles qui ne figurent pas sur la liste du décret suprême n o  1211, jouissent du droit d ’ obtenir une réparation intégrale, en veillant à ce que ce toutes les mesures prévues par les normes internationales pertinentes soient prises.

Égalité entre les hommes et les femmes

8.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises en matière d’égalité femmes‑hommes et les résultats obtenus au sein du pouvoir législatif. Cependant, il est préoccupé par le fait que les femmes sont toujours sous-représentées aux postes de décision dans l’exécutif et le judiciaire à tous les niveaux, et regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur les mesures prises pour accroître la représentation des femmes à ces postes dans le secteur privé. Il note également avec préoccupation que de nombreux cas de harcèlement et de violence politique à l’égard des femmes ont été enregistrés pendant la période considérée et qu’il n’y a eu qu’une seule condamnation (art. 2, 3, 25 et 26).

9. L ’ État partie devrait :

a) Intensifier ses efforts pour assurer l ’ égalité de fait entre les hommes et les femmes dans tous les domaines et dans tout le pays, et notamment prendre des mesures concrètes pour accroître la représentation des femmes, y compris des femmes autochtones et des femmes d ’ ascendance africaine, aux postes de décision dans l ’ exécutif et le judiciaire à tous les niveaux, ainsi que dans le secteur privé ;

b) Redoubler d ’ efforts pour éliminer les stéréotypes de genre concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et au sein de la société ;

c) Accélérer l ’ évaluation du Plan multisectoriel 2017-2020 pour l ’ élimination des schémas patriarcaux et l ’ avancement du droit des femmes de vivre bien et élaborer un nouveau plan dans les meilleurs délais, en veillant à y allouer les ressources nécessaires à sa bonne mise en œuvre ;

d) Redoubler d ’ efforts pour garantir la pleine application de la loi contre le harcèlement et la violence politique à l ’ égard des femmes, prévenir le harcèlement et la violence politique, fournir une aide rapide et adéquate aux victimes sur l ’ ensemble du territoire et mettre en place les moyens nécessaires à leur protection, et faire en sorte que les plaintes fassent l ’ objet d ’ une enquête rapide, approfondie et impartiale, que les responsables soient jugés et sanctionnés de manière appropriée et que les victimes obtiennent une réparation intégrale.

Non-discrimination

10.Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises pour lutter contre la discrimination. Toutefois, il est préoccupé par les informations selon lesquelles les ressources allouées à l’application de la loi no 45 de lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination sont insuffisantes et le nombre de condamnations pour des infractions à cette loi reste faible. Il est également préoccupé par les actes de discrimination, majoritairement raciale, y compris les violences, qui auraient été commis dans le contexte de la crise postélectorale de 2019. Il constate en outre avec inquiétude que les procédures engagées comme suite aux violences raciales qui auraient été perpétrées à Pando et à Sucre en 2008 sont toujours en cours (art. 2, 3, 6, 7, 17, 25 et 26).

11. L ’ État partie devrait :

a) Redoubler d ’ efforts pour prévenir, combattre et éliminer toutes les formes de discrimination, notamment en allouant des ressources suffisantes à la pleine application des dispositions législatives relatives à la lutte contre la discrimination et en multipliant les campagnes d ’ éducation et de sensibilisation de la population et les formations à l ’ intention des agents du secteur public, en vue de promouvoir la tolérance et le respect de la diversité ;

b) Veiller à ce que les plaintes pour infraction à la loi n o 45, ainsi que les plaintes administratives pour discrimination, fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête approfondie et impartiale et à ce que les responsables aient à répondre de leurs actes ;

c) Prendre les mesures nécessaires pour accélérer les procédures en cours concernant les actes de violence raciale qui auraient été commis à Pando et à Sucre en 2008, et veiller à ce que les responsables soient poursuivis et condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes ;

d) Garantir que toutes les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

e) Adopter dans les meilleurs délais le nouveau Plan multisectoriel 2021 ‑ 2025 de lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination.

Discrimination et violence fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre

12.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles et intersexes continuent d’être victimes de discrimination et de violence, y compris d’assassinats. S’il se félicite de l’adoption de la loi no 807 relative à l’identité de genre, il constate avec inquiétude que dans son arrêt plurinational no 0076/17 et son ordonnance no 0028/17, le Tribunal constitutionnel a déclaré inconstitutionnel le paragraphe 2 de l’article 11 de la loi, qui dispose que la personne qui a changé de nom, de sexe ou d’apparence peut jouir de tous les droits politiques, civils, économiques et sociaux fondamentaux et des droits du travail. À cet égard, le Comité s’inquiète également des obstacles auxquels font face les hommes transgenres qui souhaitent faire enregistrer la naissance de leurs enfants. Il note toutefois avec intérêt qu’en 2020 et 2021, deux couples de même sexe qui avaient déposé des recours en amparo ont bénéficié d’une protection constitutionnelle leur permettant de faire enregistrer leur union libre ou de fait. Il regrette néanmoins que ces décisions soient toujours en cours d’examen par le Tribunal constitutionnel et que d’autres couples de même sexe se soient vu refuser l’enregistrement de leur union (art. 2, 6, 7, 17, 24 et 26).

13. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts afin de combattre les stéréotypes et les préjugés contre les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles et intersexes, et :

a) Faire en sorte que les infractions motivées par l ’ orientation sexuelle ou l ’ identité de genre de la victime fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête, que les responsables soient traduits en justice et sanctionnés de manière appropriée, et que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

b) Prendre dans les meilleurs délais les mesures nécessaires pour que les personnes transgenres puissent exercer pleinement tous les droits qui leur sont reconnus dans le Pacte ;

c) Prendre les mesures voulues pour que tous les enfants nés dans l ’ État partie, quelle que soit l ’ identité de genre de leurs parents, soient enregistrés immédiatement après leur naissance et obtiennent un certificat de naissance officiel ;

d) Prendre les mesures nécessaires pour que les couples de même sexe puissent jouir des droits consacrés par le Pacte.

Violence à l’égard des femmes

14.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes. Toutefois, il est préoccupé par les informations selon lesquelles ce phénomène reste répandu dans l’État partie, notamment les féminicides et les violences sexuelles, y compris à l’égard des filles et des adolescentes. Il a appris au cours du dialogue que les enquêtes sur les 113 féminicides commis depuis novembre 2020 avaient progressé, mais il est préoccupé par le faible nombre de déclarations de culpabilité prononcées dans les affaires de violence à l’égard des femmes. En outre, il constate avec préoccupation que la définition du viol n’est pas conforme aux normes internationales et qu’il en va de même pour l’infraction d’atteinte sexuelle sur mineur, ce qui, selon les informations disponibles, se traduit dans la pratique par l’impunité des auteurs de viols et violences sexuelles sur des mineurs. Enfin, il note avec inquiétude que d’après certaines informations, les mesures de lutte contre la violence à l’égard des femmes n’incluent pas les femmes transgenres, bien qu’il note avec intérêt que selon l’État partie, les femmes transgenres et transsexuelles seront protégées dans la version révisée de la loi générale no 348 visant à garantir aux femmes une vie sans violence (art. 2, 3, 6, 7, 14, 24 et 26).

15. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour prévenir, combattre et éliminer toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et des filles. Il devrait en particulier prendre les mesures nécessaires pour :

a) Affecter à la prévention, à la protection, à la sanction et à la réparation de la violence à l ’ égard des femmes les ressources financières, techniques et humaines nécessaires ;

b) Veiller à ce que toutes les mesures de lutte contre la violence à l ’ égard des femmes protègent également les femmes transgenres ;

c) Faciliter et encourager le dépôt de plaintes par les victimes, faire en sorte que tous les actes de violence à l ’ égard des femmes et des filles fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête approfondie et impartiale, prévenir la revictimisation des victimes pendant les enquêtes , veiller à ce que les responsables soient poursuivis et sanctionnés et à ce que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

d) Réviser dans les meilleurs délais la qualification pénale du viol (art. 308 du Code pénal) et de l ’ atteinte sexuelle sur mineur (art. 309) en tenant compte des normes internationales applicables ;

e) Fournir aux victimes une assistance rapide et adéquate, et assurer leur protection sur l ’ ensemble du territoire.

Interruption volontaire de grossesse et droits liés à la procréation

16.Le Comité se félicite de l’arrêt no 0206/2014 rendu le 5 février 2014, dans lequel le Tribunal constitutionnel a déclaré qu’il était inconstitutionnel d’exiger d’une femme enceinte qu’elle obtienne une autorisation judiciaire préalable pour subir une interruption légale de grossesse en cas de viol, d’inceste ou d’atteinte sexuelle sur mineur ou lorsqu’il existe un risque pour sa vie ou sa santé. Il note toutefois avec préoccupation que dans la pratique, des obstacles empêcheraient les femmes d’accéder légalement à l’interruption volontaire de grossesse, notamment l’objection de conscience invoquée par les équipes médicales et le non‑respect du secret médical. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles quelque 200 femmes seraient poursuivies pour avortement après avoir été dénoncées par des professionnels de santé. Il est aussi préoccupé par les informations selon lesquelles les obstacles à l’accès à l’avortement légal et la criminalisation de celui-ci en dehors des motifs susmentionnés conduisent les femmes à recourir à des services clandestins qui mettent leur vie et leur santé en danger. Il note enfin avec inquiétude que le nombre de grossesses chez les adolescentes demeure élevé en dépit des mesures de prévention adoptées par l’État partie (art. 2, 3, 6, 7, 17 et 24).

17. L ’ État partie devrait :

a) Redoubler d ’ efforts pour garantir que les femmes et les jeunes filles aient accès, effectivement et en temps voulu, à l ’ interruption légale de grossesse et revoir les dispositions réglementaires applicables afin que les femmes n ’ aient pas à recourir à des avortements clandestins qui mettent leur vie et leur santé en danger ;

b) Veiller, dans la pratique, à ce que l ’ objection de conscience ne constitue pas un obstacle à une interruption volontaire de grossesse légale, rapide et sûre et à ce que le secret médical soit respecté ;

c) Redoubler d ’ efforts pour prévenir les grossesses non désirées, en particulier chez les adolescentes, et pour assurer le plein accès à des soins appropriés de santé sexuelle et procréative dans tout le pays, en particulier dans les zones rurales ;

d) Intensifier ses activités de sensibilisation et d ’ éducation en matière de santé et de droits sexuels et procréatifs.

Interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

18.Le Comité note avec préoccupation que la définition du crime de torture n’a toujours pas été alignée sur les normes internationales, mais il constate que l’État partie travaille sur un projet de loi sur le sujet. Il note également avec préoccupation qu’entre 2013 et août 2021, le Service de prévention de la torture a enregistré plus de 3 000 actes de torture ou mauvais traitements, la majorité ayant été commis par des agents pénitentiaires. À cet égard, il prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles 70 agents ont été mis à la disposition de l’organe interne d’enquête, dont 21 à la disposition du ministère public, mais regrette de ne pas avoir reçu de renseignements précis sur l’ensemble des enquêtes pénales ouvertes et sur leurs résultats. Enfin, il salue les mesures qui ont été prises pour prévenir les lynchages, mais note avec inquiétude que 28 cas ont été enregistrés entre 2018 et août 2021 (art. 7, 9 et 14).

19. L ’ État partie devrait :

a) Adopter dans les meilleurs délais une définition de l ’ infraction de torture qui soit conforme aux normes internationales et fixer des sanctions proportionnées à l ’ extrême gravité de cet acte ;

b) Redoubler d ’ efforts pour prévenir efficacement les actes de torture et les mauvais traitements, par exemple en renforçant la formation aux droits de l ’ homme dispensée aux fonctionnaires et aux autres personnes qui participent à la prise en charge des personnes privées de liberté, continuer de faciliter le signalement en toute sécurité des actes de torture et des mauvais traitements, en particulier dans les lieux de privation de liberté, et garantir que tout acte présumé de torture ou de mauvais traitement fasse rapidement l ’ objet d ’ une enquête approfondie et impartiale, que les auteurs soient poursuivis et dûment sanctionnés et que les victimes bénéficient d ’ une réparation intégrale ;

c) Prendre des mesures pour prévenir le lynchage, notamment mener de grandes campagnes de sensibilisation et d ’ éducation à ses causes, et pour sanctionner de manière appropriée les cas de lynchage, qu ’ il s ’ agisse ou non de tentatives.

Traite des personnes et travail forcé

20.Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises pour prévenir et combattre la traite des personnes et le travail forcé. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles le phénomène de la traite persiste et le nombre de déclarations de culpabilité pour traite et infractions connexes est très limité en dépit du nombre élevé de plaintes. Il regrette aussi de ne pas avoir reçu d’informations sur le nombre de plaintes pour travail forcé ou servitude ayant abouti à des déclarations de culpabilité (art. 8 et 24).

21. L ’ État partie devrait :

a) Intensifier ses efforts pour prévenir , combattre et punir la traite des personnes et le travail forcé ou la servitude ;

b) Faire en sorte que les cas de traite et de travail forcé ou de servitude fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête approfondie et impartiale, que les responsables soient sanctionnés de manière appropriée, et que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

c) Poursuivre et renforcer les campagnes de prévention de la traite et de sensibilisation du public à ses effets négatifs, ainsi que les activités de formation, de spécialisation et de sensibilisation des fonctionnaires et autres personnes chargées d ’ enquêter sur ces infractions et d ’ assurer la protection, la prise en charge et l ’ identification des victimes, en particulier aux postes frontière ;

d) Veiller à ce que des ressources financières, techniques et humaines suffisantes soient allouées à toutes les institutions chargées de prévenir, combattre et punir la traite des personnes et le travail forcé et de fournir protection et assistance aux victimes ;

e) Redoubler d ’ efforts pour identifier les victimes de la traite et les protéger et leur venir en aide de manière appropriée, veiller à ce que les foyers qui offrent des services complets soient bien répartis sur tout le territoire, en particulier dans les zones frontalières, et soutenir les familles vulnérables au travail forcé ou à la servitude ;

f) Accélérer l ’ adoption de la nouvelle politique plurinationale et du nouveau plan multisectoriel de lutte contre la traite et le trafic illicite de personnes.

Emploi de la force dans le cadre de manifestations

22.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des violations des droits de l’homme auraient été commises dans le contexte de la crise postélectorale de 2019, notamment des cas d’emploi excessif et disproportionné de la force, des atteintes au droit à la vie et des violences caractérisées par un racisme marqué. Il prend note des informations fournies par l’État partie sur les enquêtes en cours, mais constate avec préoccupation que selon les renseignements disponibles, ces enquêtes avancent peu et aucune déclaration de culpabilité n’a été prononcée à ce jour. À cet égard, il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale no 37 (2020) sur le droit de réunion pacifique (art. 21) (art. 2, 6, 7, 14, 19 et 21).

23.L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les violations des droits de l ’ homme commises dans le cadre de manifestations, y compris celles qui ont eu lieu pendant la crise postélectorale de 2019, fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête approfondie, indépendante et impartiale, à ce que les auteurs présumés soient traduits en justice et les responsables sanctionnés de manière appropriée, et à ce que les victimes obtiennent une réparation intégrale. Il devrait également continuer de prendre des mesures pour que les agents des forces de l ’ ordre n ’ aient pas excessivement recours à la force, en particulier dans le cadre de manifestations, notamment en intensifiant leur formation. Il devrait aussi procéder rapidement, conformément à l ’ unique disposition additionnelle de la loi n o 1341 du 29 octobre 2020, à l ’ examen des règlements de la police et des forces armées qui portent sur l ’ utilisation de la force létale et des armes et à l ’ analyse de leur conformité à la Constitution et aux normes internationales pertinentes.

Personnes privées de liberté

24.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour réduire la surpopulation dans les prisons et améliorer les conditions de détention. Malgré les progrès réalisés concernant la surpopulation mentionnés au cours du dialogue, il constate avec inquiétude que selon l’État partie, le taux d’occupation des prisons reste de 148 % et qu’environ 65 % des personnes privées de liberté sont en détention provisoire. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles le budget alloué à l’administration pénitentiaire est insuffisant, les personnes en détention provisoire ne sont pas séparées des détenus condamnés, et certains détenus ont mis en place des mesures d’autogestion (art. 6, 7, 9, 10 et 14).

25. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour :

a) Réduire efficacement la surpopulation carcérale et le pourcentage élevé de personnes en détention provisoire, et privilégier le recours aux mesures de substitution à la privation de liberté ;

b) Améliorer les conditions de détention en veillant à ce qu ’ elles soient conformes à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et à ce qu ’ elles respectent la dignité des personnes privées de liberté, conformément à l ’ article 10 du Pacte, et en allouant des ressources financières et humaines accrues et appropriées ;

c) Faire en sorte que les personnes en détention provisoire soient effectivement séparées des personnes condamnées ;

d) Exercer un contrôle effectif dans tous les établissements pénitentiaires afin de prévenir les situations d ’ autogestion, et veiller à ce que tous les cas de violence ou d ’ extorsion en prison fassent l ’ objet d ’ une enquête et à ce que leurs auteurs soient poursuivis et dûment sanctionnés.

Administration de la justice

26.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie est en train de réformer son système judiciaire. Néanmoins, il reste préoccupé par l’état du système de justice dans l’État partie, en particulier par les informations selon lesquelles, au cours de la période considérée, malgré les mesures adoptées, la couverture géographique des services de justice est restée insuffisante et le pouvoir judiciaire et le ministère public ont continué de faire l’objet d’actes d’ingérence et de corruption, ce qui nuit à leur indépendance. Il constate en outre avec inquiétude que le nombre de juges et de procureurs qui ne sont pas titulaires est élevé, ce qui porte atteinte au principe de l’inamovibilité, que le budget alloué à la justice est très limité et n’a pas augmenté ces dernières années, et que le nombre d’avocats commis d’office est insuffisant et qu’ils sont mal répartis sur le territoire, même lorsqu’il existe d’autres entités qui fournissent une aide juridictionnelle (art. 2 et 14).

27. L ’ État partie devrait :

a) Redoubler d ’ efforts pour protéger et garantir l ’ autonomie, l ’ indépendance et l ’ impartialité totales des juges et des procureurs et pour les préserver de tout type de pression ou d ’ ingérence, et accélérer la réforme de son système judiciaire, afin que celui-ci soit pleinement conforme aux obligations que le Pacte met à sa charge, et y associer effectivement tous les acteurs concernés , y compris la société civile ;

b) Prendre rapidement des mesures fortes pour prévenir, combattre et sanctionner par des peines appropriées les actes de corruption, notamment parmi les fonctionnaires de justice et de police ;

c) Prendre les mesures voulues pour faire baisser dans les plus brefs délais le nombre élevé de juges et de procureurs qui ne sont pas titulaires, et pour garantir que les processus de sélection, d ’ évaluation et de révocation, ainsi que les procédures disciplinaires, soient menés à bien de manière transparente par un organe indépendant et soient fondés sur la loi et sur des critères connus de tous et objectifs tels que les compétences, le mérite et le parcours professionnel ;

d) Veiller à ce que la justice soit accessible dans l ’ ensemble du territoire, en particulier dans les zones rurales, et à ce que des ressources financières, techniques et humaines suffisantes lui soient allouées ;

e) Faire en sorte que le Service plurinational d ’ aide juridictionnelle dispose des ressources financières, techniques et humaines nécessaires pour s ’ acquitter de ses tâches en temps voulu et de manière appropriée sur l ’ ensemble du territoire.

Migrants, demandeurs d’asile et réfugiés

28.Le Comité prend note des informations reçues concernant la législation en vigueur en matière d’asile et de non-refoulement, ainsi que la formation continue du personnel chargé des migrations et des frontières. Il est toutefois préoccupé par les allégations selon lesquelles : a) des personnes qui souhaitaient demander l’asile et s’étaient présentées à la frontière ou à l’aéroport auraient été refoulées ; b) dans la pratique, les personnes qui se présentent à la frontière ou arrivent à l’aéroport ne seraient pas informées de la procédure d’asile, ni de la manière de présenter une demande à la Commission nationale pour les réfugiés ; et c) la Commission nationale pour les réfugiés ne recevrait les demandes d’asile qu’à son bureau central de La Paz (art. 2, 7, 12, 13 et 14).

29. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour :

a) Accélérer les procédures de détermination du statut de réfugié ;

b) Faire en sorte que toutes les demandes de protection internationale présentées en tout point du territoire, y compris aux frontières et dans les aéroports, soient effectivement reçues, enregistrées et transmises sans délai aux autorités chargées de les traiter ;

c) Continuer de former les membres du personnel des institutions chargées des migrations et des frontières afin qu ’ ils sachent identifier les personnes ayant besoin d ’ une protection internationale et soient en mesure de les informer des procédures à suivre pour demander l ’ asile ;

d) Veiller à ce que le principe du non -refoulement soit pleinement respecté dans la pratique.

Liberté d’expression et d’association

30.Le Comité est préoccupé par les allégations de harcèlement et d’intimidation de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes pendant la période considérée, y compris les arrestations arbitraires, entre 2019 et 2021, de journalistes qui couvraient des manifestations. Il note en outre avec inquiétude que la diffamation, l’injure et la calomnie sont qualifiées d’infractions pénales, ce qui constitue une menace pour la liberté d’expression et l’accès à l’information. Il note que le décret suprême no 1597 de 2013 a été abrogé, mais regrette que la loi no 351 n’ait pas été modifiée, alors qu’il avait recommandé à l’État partie de le faire dans ses précédentes observations finales, et qu’elle continue de disposer que la personnalité juridique des personnes morales sera révoquée, notamment, si celles-ci exercent des activités autres que celles énoncées dans leurs statuts (art. 9, 19 et 22).

31. L ’ État partie devrait adopter les mesures voulues pour garantir à tous le plein exercice de la liberté d ’ expression et de réunion pacifique, compte tenu de l ’ observation générale n o 34 (2011) du Comité sur la liberté d ’ opinion et la liberté d ’ expression. Le Comité prie en particulier l ’ État partie :

a) De redoubler d ’ efforts pour prévenir le harcèlement et l ’ intimidation des défenseurs des droits de l ’ homme et des journalistes, et pour assurer leur protection efficace et en temps voulu ;

b) De veiller à ce que toutes les allégations de harcèlement et d ’ intimidation fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête approfondie, indépendante et impartiale, à ce que leurs auteurs soient traduits en justice et dûment sanctionnés, et à ce que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

c) D ’ envisager de dépénaliser la diffamation, la calomnie et l ’ injure et, en tout état de cause, limiter l ’ application du droit pénal aux cas les plus graves, en gardant à l ’ esprit que l ’ emprisonnement n ’ est jamais une sanction adéquate dans de tels cas ;

d) De réviser la loi n o 351 afin de supprimer toute disposition susceptible de restreindre de manière disproportionnée la capacité des organisations non gouvernementales de mener leurs activités librement, indépendamment, efficacement et avec une large participation de la société civile.

Droits des peuples autochtones

32.Le Comité note avec préoccupation qu’aucune loi-cadre n’a été adoptée pour garantir l’organisation de consultations préalables visant à obtenir le consentement libre et éclairé des nations et peuples premiers, autochtones et paysans concernant les décisions prises dans le cadre de projets susceptibles d’avoir une incidence sur leur mode de vie ou leur culture. Il prend note des efforts déployés par l’État partie pour garantir les droits des peuples autochtones, mais il est préoccupé par les allégations reçues selon lesquelles il serait arrivé que l’obligation de mener des consultations préalables visant à obtenir le consentement libre et éclairé des populations n’ait pas été pleinement respectée et que des concessions minières aient été octroyées dans des zones protégées et des territoires autochtones alors qu’elles présentaient un risque de pollution par le mercure. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles aucun décret d’application n’a été adopté pour la loi no 450 de 2013 relative à la protection des nations et peuples premiers et autochtones en situation de grande vulnérabilité, ce qui compromettrait son application (art. 2, 14 et 27).

33. L ’ État partie devrait :

a) Se doter dans les meilleurs délais d ’ une loi-cadre relative à l ’ organisation de consultations visant à recueillir le consentement préalable, libre et éclairé des nations et peuples premiers, autochtones et paysans avant d ’ adopter et d ’ appliquer toute mesure susceptible d ’ avoir une incidence sur leur mode de vie et leur culture, faire en sorte que cette loi soit pleinement conforme au Pacte et aux autres normes internationales, et veiller à ce que les nations et peuples premiers, autochtones et paysans participent effectivement et activement à son élaboration ;

b) Veiller à ce que les nations et peuples premiers, autochtones et paysans participent effectivement à des consultations menées de bonne foi et qui visent à recueillir leur consentement préalable, libre et éclairé avant d ’ adopter et d ’ appliquer toute mesure susceptible d ’ avoir une incidence sur leur mode de vie et leur culture ;

c) Redoubler d ’ efforts pour veiller à ce qu ’ aucune mesure susceptible de porter atteinte aux zones et territoires protégés autochtones ne soit prise, et pour protéger les peuples autochtones en situation de grande vulnérabilité, notamment en adoptant rapidement un décret d ’ application pour la loi n o 450 de 2013.

D.Diffusion et suivi

34. L ’ État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s ’ y rapportant, de son quatrième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives , de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays ainsi qu ’ auprès du grand public, y compris des membres des communautés minoritaires et des peuples autochtones, pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte.

35. Conformément à l ’ article 75 (par. 1) du règlement intérieur du Comité, l ’ État partie est invité à faire parvenir, le 25 mars 2025 au plus tard, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 15 (violence à l ’ égard des femmes), 21 (traite des personnes et travail forcé) et 27 (administration de la justice).

36.Conformément au calendrier prévu par le Comité pour la présentation des rapports, l ’ État partie recevra en 2028 la liste de points établie avant la soumission du rapport et aura un an pour présenter ses réponses à la liste de points, qui constitueront son cinquième rapport périodique. Le Comité demande en outre à l ’ État partie, lorsqu ’ il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue constructif avec l ’ État partie se tiendra en 2030, à Genève.