Nations Unies

CCPR/C/BOL/CO/3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

6 décembre 2013

Français

Original: espagnol

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le troisième rapport périodique de l’État plurinational de Bolivie *

Le Comité des droits de l’homme a examiné le troisième rapport périodique de la Bolivie (CCPR/C/BOL/3) à ses 3010e et 3011e séances (CCPR/C/SR.3010 et 3011), les 14 et 16 octobre 2013. À sa 3030e séance (CCPR/C/SR.3030), le 29 octobre 2013, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de la Bolivie et les renseignements qui y sont exposés. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte d’établir un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/BOL/Q/3/Add.1) qu’il a apportées à la liste de points à traiter (CCPR/C/BOL/Q/3) et qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que par les informations complémentaires fournies par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures suivantes adoptées, notamment au niveau législatif, par l’État partie:

a)Le vaste cadre législatif de protection des droits de l’homme dont, par exemple, la loi-cadre no 348 portant protection du droit des femmes à une vie exempte de violence, le 27 février 2013;

b)Les mesures interdisant la discrimination, ainsi que la création du Comité national de lutte contre le racisme et toute forme de discrimination, en 2011, et des comités départementaux de Chuquisaca et de Tarija;

c)La décision rendue en 2012 par la Cour constitutionnelle plurinationale, qui a conclu à l’inconstitutionnalité de l’infraction d’outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique.

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification, par l’État partie, des instruments internationaux des droits de l’homme suivants, ou son adhésion à ces instruments:

a)Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le 12 juillet 2013;

b)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 12 avril 1999, et le Protocole facultatif s’y rapportant, le 23 mai 2006;

c)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 27 septembre 2000;

d)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le 16 octobre 2000;

e)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants, le 3 juin 2003;

f)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 22 décembre 2004;

g)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 17 décembre 2008;

h)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, le 16 novembre 2009;

i)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le 13 janvier 2012.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité prend note des informations données par l’État, qui confirme que les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques peuvent être invoquées par les tribunaux nationaux et qu’elles sont directement applicables, comme l’indiquent les réponses complémentaires de l’État partie. Il constate néanmoins avec préoccupation qu’il n’existe pas de procédure précise de mise en œuvre des constatations adoptées par le Comité en application du Protocole facultatif (art. 2).

L’État partie devrait garantir le plein respect, dans l’ordre juridique interne, des obligations que lui impose le Pacte. À cette fin, il devrait sensibiliser le personnel judiciaire et la population aux droits que reconnaît le Pacte et à leur applicabilité directe en droit interne. L’État partie devrait aussi mettre en place un mécanisme d e mise en œuvre des constatations du Comité.

Le Comité prend note des nouvelles dispositions de la Constitution de l’État concernant l’état d’exception. Néanmoins, il note avec préoccupation que, malgré ses précédentes observations finales (CCPR/C/79/Add.74, par. 14), l’état d’exception n’est pas régi par une loi qui interdit clairement la suspension, pendant cette période, des droits énoncés au paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte (art. 4).

Le Comité rappelle son Observation générale n o 29 (2001) relative aux états d’exception et demande instamment à l ’ État partie d ’ élaborer une législation comportant des dispositions claires sur l ’ état d ’ exception, de façon que les droits protégés par le paragraphe 2 de l ’ article 4 du Pacte ne puissent être suspendus en aucune circonstance .

Le Comité salue le cadre législatif et normatif adopté pour éliminer toute discrimination, mais constate avec préoccupation que les mécanismes et les recours permettant sa mise en œuvre sont insuffisants et qu’il n’y a pas de données sur la suite pénale ou administrative donnée aux affaires de discrimination. Le Comité se dit également inquiet face à l’impunité persistante dont jouissent les auteurs d’actes de violence et de discrimination motivés par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre (art. 2 et 26).

L’État partie devrait garantir que ses politiques publiques fournissent les recours et les mécanismes suffisants pour appliquer le cadre législatif contre la discrimination à tous les niveaux de l’État et mener à bien de vastes campagnes d’éducation et de sensibilisation de la population , ainsi que de formation dans le secteur public , afin de promouvoir la tolérance et le respect de la diversité. L’État partie devrait également déclarer publiquement qu’il ne tolérera aucune forme de stigmatisation sociale, de discrimination ni de violence fondée sur l’ orientation sexuelle ou l ’ identité de genre. Il devrait, en outre, faire en sorte que tout acte de violence motivé par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de la victime donne lieu à une enquête et que son auteur soi t poursuivi et sanctionné , et adopter des mesures appropriées afin que les actes de discrimination soient poursuivis et que les victimes obtiennent réparation .

Le Comité salue l’augmentation progressive de la participation de la femme à la vie politique. Néanmoins, il rappelle sa précédente recommandation (CCPR/C/79/Add.74, par.  21) et constate avec préoccupation qu’en politique, la majorité des femmes occupent des postes de suppléant et que les femmes autochtones continuent de se heurter à des obstacles s’agissant d’accéder à des postes de décision. Il prend également note avec une préoccupation particulière de l’assassinat de deux conseillères municipales en 2012 (art. 2, 3, 25 et 26).

L ’ État partie devrait s ’ employer davantage à éliminer les stéréotypes sexistes et mener des campagnes de sensibilisation dans ce domaine. Il devrait aussi adopter les mesures spéciales temporaires voulues pour continuer d ’ accroître la présence des femmes, particulièrement des autochtones, dans la vie publique à tous les niveaux de l ’ État, ainsi qu ’ aux postes de décision dans le secteur privé. Le Comité invite instamment l ’ État partie à adopter d ’ urgence des mesures concrètes pour l’application de la nouvelle loi relative à la lutte contre le harcèlement et la violence politique à l ’ encontre des femmes et pour faire en sorte que les assassinats et le harcèlement politique de femmes donnent lieu à des enquêtes, que leurs auteurs soient poursuivis et sanctionnés comme il se doit et que les victimes soient dûment protégées.

Le Comité se déclare préoccupé par la nécessité d’une autorisation judiciaire préalable pour que l’avortement pour raisons médicales et l’avortement à la suite d’un viol, d’un attentat à la pudeur ou d’un inceste ne soient pas punis, et par les informations selon lesquelles six avortements seulement ont été autorisés par les autorités judiciaires de l’État partie. Il note aussi avec préoccupation les données indiquant un pourcentage élevé de mortalité maternelle dû à l’avortement pratiqué dans des conditions dangereuses, et le nombre alarmant d’enquêtes engagées contre des femmes pour avortement illégal. Le Comité regrette le taux élevé de grossesses chez les adolescentes (art. 2, 3, 6 et 26).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De supprimer l ’ autorisation judiciaire préalable pour les cas d ’ avortement pour raison médicale ou consécutifs à un viol, un attentat à la pudeur ou un inceste, afin de garantir de manière effective l’accès à l ’ avortement légal et sans risques dans lesdits cas prévus par la loi ;

b) De s’abstenir de poursuivre les femmes ayant eu recours à des avortements illégaux en raison des obstacles dus à l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable;

c) D ’ assurer l ’ exécution effective des plans nationaux de santé et des programmes d ’ éducation et de sensibilisation consacrés à l ’ importance de l ’ u tilisation des contraceptifs et aux droit s à la santé sexuelle et génésique, en garantissant leur application aux niveaux officiel (écoles et universités) et officieux (médias).

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures adoptées pour combattre la violence contre la femme, mais il prend note des informations qui indiquent que le cadre normatif n’est toujours pas assorti des ressources permettant son application. Il regrette également que le nombre de centres d’hébergement soit limité (art. 3 et 7).

L ’ État partie devrait s ’ employer davantage à prévenir et à combattre toutes les formes de violence sexiste, en veillant à l ’ application effective du cadre législatif en vigueur à tous les niveaux de l ’ État et en prévoyant les ressources nécessaires à sa mise en œuvre. L ’ État devrait mener des enquêtes promptes et effectives sur les faits de violence commis contre des femmes, engager des poursuites et imposer les sanctions voulues. Il devrait également accélérer la mise à jour des données du système d ’ information sur la violence intrafamiliale, pour pouvoir prendre les mesures qui s ’ imposent à ce sujet. Il devrait en outre rendre effectif le droit des victimes à une réparation, notamment sous la forme d’ une indemnisation juste et adaptée, ainsi qu ’ à des mécanismes de protection, en augmentant le nombre de centres d ’ hébergement, surtout au niveau municipal.

Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de cas de lynchage, et les informations reçues, selon lesquelles les auteurs présumés de tels actes ne font guère l’objet de poursuites pénales (art. 6 et 7).

L ’ État partie doit prendre des mesures urgentes pour garantir que tous les lynchages donnent rapidement lieu à des enquêtes, que leurs auteurs soient poursuivis et dûment punis, et que les victimes reçoivent une réparation adéquate. Il doit également renforcer l ’ intervention de la police et du ministère public dans la prévention et la répression de telles infractions, et intensifier les campagnes de prévention et de sensibilisation, notamment en milieu scolaire et dans les médias.

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CCPR/C/79/Add.74, par. 26 et 28) et exprime sa préoccupation face au nombre réduit de poursuites engagées et de condamnations prononcées pour violation des droits de l’homme sous les régimes anticonstitutionnels, de 1964 à 1982. Il est également préoccupé par le fait que 70 % des demandes de dommages et intérêts présentées ont été rejetées et que la charge de la preuve a été excessivement onéreuse pour les victimes. Le Comité regrette aussi que les paiements versés à ce jour ne couvrent que 20 % des montants octroyés, et que les seules mesures de réparation accordées soient d’ordre financier (art. 2, 6 et 7).

L ’ État partie devrait:

a) Lancer activement les enquêtes relatives aux atteintes aux droits de l ’ homme commises durant cette période, pour que les auteurs soient identifiés, traduits en justice et sanctionnés comme il se doit;

b) Faire en sorte que les forces armées coopèrent pleinement aux enquêtes et donnent sans retard toutes les informations en leur possession;

c) Revoir les critères relatifs à la charge de la preuve concernant les faits susceptibles d ’ ouvrir droit à réparation, pour que ce droit ne soit pas inaccessible pour les victimes, et établir un mécanisme d ’ appel et de réexamen des demandes; ga rantir également les ressources nécessaires pour que les victimes reçoivent la totalité des montants octroyés;

d) Garantir pleinement le droit à une réparation complète, comprenant des services et un accompagnement psychosocial, ainsi que la célébration de la mémoire historique, conformément à la loi n o 2640. Il convient de prêter une attention particulière aux aspects relatifs au genre ainsi qu ’ aux victimes en situation de vulnérabilité.

Le Comité trouve préoccupant que les normes pénales militaires ne soient toujours pas adaptées à l’arrêt de la Cour constitutionnelle plurinationale, qui exclut de la compétence militaire les atteintes aux droits de l’homme, et trouve inquiétant que la qualification de torture ne corresponde pas aux normes internationales. Il relève également les constants retards accumulés s’agissant des poursuites pour torture ou mauvais traitements, et note qu’un mécanisme national de prévention de la torture n’est toujours pas établi (art. 2, 6 et 7).

L ’ État partie doit modifier les normes pénales militaires en vigueur pour exclure de la compétence des tribunaux militaires les cas d ’ atteinte aux droits de l ’ homme. Il devrait aussi revoir le Code pénal pour y introduire une définition de la torture pleinement conforme aux articles 1 et 4 de la Convention contre la torture, ainsi qu ’ à l ’ article 7 du Pacte. L ’ État devrait faire en sorte que tout acte présumé de torture ou tout mauvais traitement donne rapidement lieu à une enquête, à des poursuites et à des sanctions proportionn ée s à la gravité de l ’ acte commis, et que les victimes obtiennent une réparation et une protection adéquates. Il devrait aussi accélérer l ’ adoption des mesures nécessaires pour créer un mécanisme national de prévention de la torture et veiller à ce que ce mécanisme dispose des ressources suffisantes pour fonctionner efficacement.

Le Comité constate avec préoccupation que les procédures judiciaires engagées à la suite des incidents de violence raciale qui se sont produits lors du massacre de Porvenir à Pando et à Sucre en 2008 n’ont toujours pas progressé (art. 2, 6, 7 et 14).

L ’ État partie devrait accélérer les procédures judiciaires engagées à la suite des faits de violence raciale qui se sont produits à Pando et à Sucre en 2008, afin de mettre un terme à la culture de l ’ impunité. Il devrait aussi octroyer une réparation complète à toutes les victimes, y compris des soins médicaux et psychosociaux adaptés à leurs séquelles.

Le Comité rappelle ses précédentes recommandations (CCPR/C/79/Add.74, par. 24) et note avec préoccupation les informations selon lesquelles les membres des forces de l’ordre font un usage excessif de la force lors des mouvements sociaux, comme par exemple à Chaparina, lors de la septième marche autochtone en 2011 ou à Mallku Khota en 2012 (art. 6, 7 et 9).

L ’ État partie devrait continuer de prendre des mesures visant à prévenir et à éliminer le recours excessif à la force par les agents des forces de l ’ ordre, en renforçant les programmes de formation aux droits de l ’ homme et en les proposant périodiquement, pour faire respecter les Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois. Il devrait aussi veiller à ce que toutes les plaintes déposées pour recours excessif à la force donnent rapidement lieu à une enquête effective et impartiale, et que les auteurs de tels actes soient traduits en justice.

Le Comité est préoccupé de constater que le recours au châtiment corporel pour imposer la discipline, à la maison ou dans le cadre de l’accueil institutionnel, n’est pas expressément interdit. Il est également préoccupé par le fait que le châtiment corporel à titre de punition continue d’être appliqué dans la justice communautaire (art. 7, 24 et 27).

L ’ État partie devrait adopter des mesures pratiques afin de mettre un terme au châtiment corporel en toutes circonstances. Il devrait également encourager les formes de sanction non violentes pour remplacer les châtiments corporels et mener à bien des campagnes d ’ information publique, y compris dans la juridiction autochtone originaire paysanne, pour sensibiliser la population à l ’ interdiction et aux effets négatifs de ce type de punition.

Le Comité salue l’action menée par l’État partie contre la traite des personnes, mais constate avec préoccupation que le nombre de poursuites engagées pour cette infraction est réduit. Il est également préoccupé par le fait que les protocoles de prévention, de protection et de réadaptation des victimes n’ont toujours pas été mis en œuvre (art. 7 et 8).

L ’ État partie devrait veiller à l ’ application effective du cadre juridique et normatif de lutte contre la traite et le trafic des personnes à tous les niveaux de l ’ État, en lui consacrant l es ressources nécessaires, et réunir des données ventilées sur l ’ ampleur de la traite et du trafic . Il devrait également garantir que les plaintes déposées au sujet de telles pratiques donnent lieu à des enquêtes, que les auteurs de tels actes comparaissent en justice et soient condamnés à des peines proportionnées et que les victimes reçoivent une protection dans des centres pluridisciplinaires, ainsi qu ’ une assistance juridique gratuite et une réparation incluant la réadaptation. L ’ État devrait organiser des campagnes de prévention et de sensibilisation de la population aux effets négatifs de la traite et du trafic d es êtres humains.

Tout en reconnaissant les efforts réalisés par l’État partie pour combattre le travail dans des conditions de servitude (captivité) des Guaranis, le Comité est préoccupé par les informations dont il dispose, selon lesquelles quelque 600 familles guaranies vivent toujours sous ce régime (art. 8 et 27).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour prévenir et réprimer le travail dans des conditions de servitude, en mettant au point, en concertation avec les populations concernées par ce problème, une politique publique durable s ’ inscrivant dans la continuité du plan interministériel de transition, et améliorer les conditions de vie des Guaranis. L ’ État partie devrait établir des mécanismes de contrôle effectifs pour garantir que les employeurs respectent le cadre normatif et réglementaire, que des enquêtes soient engagées et des sanctions prises en cas d ’ infraction, et que les intéressés aient accès à la justice.

Le Comité constate avec inquiétude qu’actuellement, plus de 80 % de la population carcérale n’a pas été jugée. Il est également préoccupé par le fait que, comme les critères appliqués pour l’imposition de mesures remplaçant la détention ne conviennent pas à la partie de la population qui est sans domicile fixe, la détention avant jugement est souvent imposée. Le Comité note qu’en raison de cette situation, l’État a adopté des décrets d’amnistie qui permettent de dispenser de leur peine des détenus qui n’ont pas été jugés. Le Comité regrette aussi que les personnes placées en détention n’aient guère accès à l’aide juridictionnelle gratuite (art. 9 et 14).

L ’ État partie devrait adopter des mesures concrètes pour modifier la réglementation de la détention avant jugement et pour accélérer l ’ imposition, dans la pratique, des mesures remplaçant cette détention avant jugement . Ces mesures doivent suivre des critères qui so ie nt adaptés à la partie de la population qui est sans domicile fixe, afin d’ éliminer les obstacles à leur application effective . L ’ État devrait aussi renforcer la formation du personnel judiciaire pour garantir que l ’ imposition de la détention préventive ne soit pas la norme, et que la durée en soit limitée de manière stricte, conformément au paragraphe 3 de l ’ article  9 du Pacte. L ’ État partie devrait aussi garantir que toute personne placée en détention puisse effectivement consulter un avocat.

Le Comité est préoccupé par les informations dont il dispose, faisant état d’une surpopulation carcérale de plus de 230 %. Il est également préoccupé par les mesures d’autogestion existant dans les prisons, lorsqu’elles empêchent le contrôle effectif des actes de violence commis entre détenus par les autorités pénitentiaires. Il constate également avec préoccupation que le nombre d’enfants, garçons et filles, vivant en prison avec leur famille est élevé (art. 10 et 24).

L ’ État partie devrait adopter d ’ urgence des mesures pour remédier à la surpopulation carcérale, en recourant à des sanctions de remplacement, comme la surveillance électronique, la liberté conditionnelle ou les travaux d ’ intérêt général. Il devrait améliorer les conditions de détention et veiller à ce que les détenus et les prévenus soient séparés, conformément aux dispositions du Pacte. De plus, l ’ État partie devrait exercer un contrôle effectif sur tous les établissements pénitentiaires et mener des enquêtes, engager des procédures et sanctionner dûment les auteurs de faits de violence ou d ’ extorsion entre détenus. Il devrait aussi faire en sorte que la présence en prison de mineurs aux côtés du père ou de la mère ne se produise que lorsqu ’ elle correspond à l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant et, dans les cas contraires, prévoir d ’ autres systèmes efficaces de tutelle.

Le Comité trouve préoccupant qu’il n’existe pas de service civil permettant aux objecteurs de conscience d’exercer leurs droits en vertu des dispositions du Pacte (art. 18).

L ’ État partie d oi t adopter des dispositions législatives reconnaissant le droit à l ’ objection de conscience au service militaire et mettre en place un service de remplacement accessible à tous les objecteurs de conscience, dont le caractère, le coût et la durée ne soient ni punitifs ni discriminatoires.

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CCPR/C/79/Add.74, par. 19) et constate avec préoccupation qu’il continue de recevoir des informations suivant lesquelles les ingérences politiques et la corruption sont généralisées dans le système judiciaire. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que les critères de nomination des juges excluent de facto les avocats qui ont défendu des personnes condamnées pour atteinte à l’unité nationale. Le Comité est également préoccupé par les retards importants pris par l’administration de la justice et par les lacunes de la couverture géographique du système judiciaire, ainsi que par le nombre réduit d’avocats de l’aide juridictionnelle. Il trouve aussi inquiétant le manque d’informations sur les mécanismes favorisant la compatibilité avec le Pacte de la juridiction autochtone originaire paysanne (art. 14).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour garantir, dans la loi et dans la pratique, l ’ indépendance du pouvoir judiciaire, et continuer de s ’ employer d ’ urgence à appliquer dans la magistrature un système d ’ accès et de carrière correspondant à des critères objectifs et transparents, n ’ entrant pas en conflit ave c le droit à la défense, et  à introduire un régime disciplinaire indépendant dans l ’ organe judiciaire et le ministère public. Il devrait également intensifier la lutte contre la corruption, particulièrement parmi le personnel judiciaire et la police, en menant promptement et de manière exhaustive des enquêtes indépendantes et impartiales sur tous les cas de corruption, et appliquer aux coupables des sanctions qui ne soient pas seulement disciplinaires, mais aussi pénales. L ’ État partie devrait aussi élaborer d ’ urgence une politique nationale visant à réduire l ’ arriéré judiciaire et à augmenter le nombre de tribunaux, et désigner davantage de juges et d ’ avocats de l ’ aide juridictionnelle, en particulier dans les zones rurales. Le Comité exhorte l ’ État à mettre en place les mécanismes nécessaires pour que la juridiction autochtone originaire paysanne respecte à tout moment le droit à une procédure régulière et aux autres garanties prévues par le Pacte.

Le Comité reconnaît les efforts réalisés par l’État partie pour lutter contre le travail des enfants, mais il est préoccupé par la persistance de ce phénomène, ainsi que par l’absence d’informations sur les moyens mis en œuvre pour combattre l’exploitation sexuelle des mineurs (art. 8 et 24).

L ’ État partie doit redoubler d ’ efforts pour assurer l ’ application effective du cadre législatif et normatif en matière d ’ élimination du travail des enfants et de l ’ exploitation sexuelle des mineurs, et veiller à ce que les infractions à ces lois donnent effectivement lieu à des enquêtes, et soient poursuivies et sanctionnées. L ’ État devrait également adopter des stratégies durables pour soutenir les familles vulnérables face à ce type de pratique et intensifier les campagnes de sensibilisation.

Le Comité est préoccupé par les plaintes pour actes de violence verbale et physique contre des journalistes ainsi que par l’augmentation des procédures pénales visant ce secteur d’activité. Il est également préoccupé par la loi no 351 et son règlement d’application (Décret suprême no 1597 de 2013), car il constate que dans ces textes, la personnalité juridique des organisations non gouvernementales (ONG) peut être révoquée pour des raisons liées au non-respect de politiques sectorielles, ou au motif d’activités différentes de celles qui sont décrites dans leur statut (art. 7, 19 et 22).

Le Comité rappelle son Observation générale n o 34 (2011) sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression et recommande à l ’ État partie de garantir que toute restriction imposée à la liberté de la presse respecte les dispositions du paragraphe 3 de l ’ article  19 du Pacte. Il recommande également qu ’ il soit donné suite aux plaintes pour agression de journalistes et que celles-ci donnent effectivement lieu à des enquêtes, des poursuites et des sanctions. L ’ État partie devrait également modifier les textes de lo i qui réglementent la personnalité juridique des ONG pour en éliminer les conditions qui limitent de façon disproportionnée la capacité des ONG de fonctionner de manière libre, indépendante et eff icace .

Le Comité salue la proposition d’avant-projet de loi-cadre de consultation, dont il est question dans les réponses de l’État, mais se dit préoccupé par les renseignements dont il dispose, qui indiquent qu’en ce qui concerne les projets d’exploitation minière, l’avant‑projet actuel ne fait que reconnaître la consultation des peuples touchés et non leur consentement libre, préalable et éclairé. Le Comité est aussi préoccupé par les informations faisant état des tensions provoquées dans le Territoire autochtone et Parc national Isiboro‑Sécure (TIPNIS) par le projet de construction d’une route, qui n’a pas l’appui de toutes les communautés concernées (art. 27).

L ’ État partie devrait veiller à ce que la proposition d ’ avant-projet de loi-cadre de consultation respecte les principes de l ’ article 27 du Pacte et garantisse le consentement libre, préalable et éclairé des communautés autochtones aux décisions relatives aux projets qui ont une incidence sur leurs droits, en particulier en veillant à ce que toutes les communautés autochtones concernées participent aux processus de consultation et à ce que leurs avis soient dûment pris en compte. L ’ État devrait aussi veiller à ce que le consentement libre, préalable et éclairé des communautés autochtones soit obtenu par l’intermédiaire de leurs institutions représentatives avant l ’ adoption de toute mesure mettant en danger leurs activités économiques d ’ importance culturelle, ou interférant considérablement dans ces activités.

L’État partie devrait diffuser amplement le texte du Pacte, du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, du troisième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales pour sensibiliser davantage les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi que le grand public. Le Comité suggère également que le rapport et les observations finales soient traduits dans toutes les langues officielles de l’État partie et demande à celui-ci, lorsqu’il élaborera son quatrième rapport périodique, d’engager de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 12, 13 et 14.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 1er novembre 2018, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée à toutes ses recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.