Nations Unies

CCPR/C/PER/CO/6

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

5 avril 2023

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Pérou *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le sixième rapport périodique du Pérou à ses 3964e, 3966eet 3968e séances, qui se sont tenues sous forme hybride les 3, 6 et 7 mars 2023. À sa 3985e séance, le 20 mars 2023, il adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée d’établissement des rapports et d’avoir soumis son sixième rapport périodique en s’appuyant sur la liste de points établie au préalable dans le cadre de cette procédure. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses fournies oralement par sa délégation et des renseignements complémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)La promulgation de la loi no 31155 (2021) relative à la prévention et à la répression du harcèlement des femmes dans la vie politique ;

b)La promulgation de la loi no 31030 (2020) portant modification des règles de la législation électorale en vue d’instaurer la parité et l’alternance hommes-femmes sur les listes de candidats ;

c)La promulgation de la loi no 30982 (2019), qui renforce le rôle des femmes dans les communautés paysannes en établissant un quota d’au moins 30 % de femmes ou d’hommes dans la composition des conseils municipaux ;

d)L’adoption du décret législatif no 1384 (2018), qui reconnaît et régit la capacité juridique des personnes handicapées dans des conditions d’égalité avec les autres ;

e)L’adoption du décret législatif no 1323 (2017) portant renforcement de la lutte contre le féminicide, la violence familiale et la violence fondée sur le genre, qui prévoit de nouvelles infractions et établit de nouvelles circonstances aggravantes ;

f)La promulgation de la loi no 30364 (2015) visant à prévenir, réprimer et éliminer la violence à l’égard des femmes et des membres du foyer.

4.Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et normatif, notamment par l’adoption des instruments suivants :

a)La politique nationale de lutte contre la traite des personnes et les formes d’exploitation connexes à l’horizon 2030, approuvée par le décret suprême no 009-2021-IN du 27 juillet 2021 ;

b)Le plan d’action national sur les entreprises et les droits de l’homme (2021‑2025), approuvé par le décret suprême no 0009-2021-JUS du 10 juin 2021 ;

c)Le protocole sectoriel de protection des défenseurs et défenseuses de l’environnement, approuvé par l’arrêté ministériel no 134-2021-MINAM du 23 juillet 2021 ;

d)La politique multisectorielle nationale en faveur des enfants et des adolescents à l’horizon 2030, approuvée par le décret suprême no 008-2021-MIMP du 25 juin 2021 ;

e)La politique nationale de réforme du système judiciaire (2021-2025), approuvée par le décret suprême no 012-2021-JUS du 15 juillet 2021 ;

f)La politique nationale multisectorielle relative au handicap et au développement à l’horizon 2030, approuvée par le décret suprême no 007-2021-MIMP du 5 juin 2021 ;

g)La politique nationale multisectorielle en faveur des personnes âgées à l’horizon 2030, approuvée par le décret suprême no 006-2021-MIMP du 5 juin 2021 ;

h)La politique pénitentiaire nationale à l’horizon 2030, approuvée par le décret suprême no 011-2020-JUS du 25 septembre 2020 ;

i)La politique culturelle nationale à l’horizon 2030, approuvée par le décret suprême no 009-2020-MC du 21 juillet 2020 ;

j)Le mécanisme intersectoriel de protection des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, approuvé par le décret suprême no 004-2021-JUS du 22 avril 2021 ;

k)La politique nationale en faveur de l’égalité des sexes, approuvée par le décret suprême no 008-2019-MIMP du 4 avril 2019.

5.Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen de son précédent rapport, l’État partie a ratifié en 2015 le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Mise en œuvre du Pacte et du Protocole facultatif s’y rapportant

6.Le Comité prend acte avec satisfaction des mesures positives prises par l’État partie pour donner suite à certaines de ses constatations concernant des communications émanant de particuliers soumises au titre du Protocole facultatif. Il regrette toutefois que l’État partie ne lui ait pas communiqué de renseignements sur les mesures concrètes qui ont été prises pour donner effet à ses recommandations et constatations qui n’ont pas encore été appliquées et dont la plupart datent de plus de dix ans, ou sur la fréquence à laquelle les dispositions du Pacte ont été invoquées devant les juridictions nationales. Il regrette également l’absence de renseignements sur les mécanismes et les procédures efficaces permettant aux auteurs de communications d’obtenir de l’État partie qu’il soit donné pleinement suite aux constatations, en droit et dans la pratique (art. 2).

7.L’État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour donner suite à l’ensemble des observations finales et constatations adoptées par le Comité, en mettant en place des mécanismes appropriés et efficaces, conformément à l’article 2 (par. 2 et 3) du Pacte. À cette fin, il devrait prendre des mesures pour garantir le bon fonctionnement du Parquet spécialisé supranational et l’application effective des décisions du Comité, et envisager d’adopter une loi reconnaissant aux auteurs de communications qui se sont vu accorder des mesures de réparation par le Comité le droit d’en exiger l’exécution devant les tribunaux nationaux. Il devrait également s’efforcer de faire mieux connaître le Pacte aux juges, aux procureurs et aux avocats et veiller à ce que ceux-ci sachent comment cet instrument s’applique en droit interne, afin que ses dispositions soient prises en considération par les tribunaux.

Institution nationale des droits de l’homme

8.Le Comité note avec satisfaction que le Bureau du Défenseur du peuple conserve le statut « A » accordé par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme. Il note toutefois avec préoccupation que, comme suite à l’arrêt du Tribunal constitutionnel en date du 23 février 2023, le Congrès de la République a le pouvoir d’abaisser la majorité des voix requise au Parlement pour élire le Défenseur du peuple, ce qui éviterait d’avoir à obtenir un consensus entre les différents partis politiques (art. 2).

9. L’État partie devrait veiller à ce que les projets de loi régissant la sélection et la nomination de la personne occupant la charge de Défenseur du peuple garantissent la transparence totale de la procédure et l’indépendance politique de la personne en question, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Lutte contre l’impunité et violations des droits de l’homme commises par le passé

10.Le Comité salue les mesures prises comme suite aux événements survenus entre 1980 et 2000, en particulier la promulgation de la loi sur la recherche des personnes disparues au cours des violences perpétrées entre 1980 et 2000 et l’adoption du plan national de recherche des personnes disparues entre 1980 et 2000 à l’horizon 2030, ou les efforts faits pour mettre en œuvre le plan global de réparation, notamment l’inscription de plus de 250 000 victimes dans le registre unifié des victimes, mais il est préoccupé par les difficultés d’accès au droit à la justice, à la vérité et à la réparation et aux garanties de non-répétition auxquelles se heurtent en particulier les victimes des actes de torture, des viols, des violences sexuelles et des disparitions forcées qui ont eu lieu pendant les violences des années 1980 à 2000. Il est également préoccupé par le retard pris dans les enquêtes et les poursuites visant les responsables de violations des droits de l’homme. Il s’inquiète en outre des informations reçues concernant le retard pris dans l’octroi de réparations en matière de santé, notamment de santé mentale, et du manque d’informations concernant l’application du principe de responsabilité et les réparations accordées aux victimes de stérilisation forcée (art. 2, 3, 6, 7 et 14).

11.Le Comité renouvelle ses précédentes recommandations concernant l’impunité face aux violations graves des droits de l’homme. L’État partie devrait s’acquitter des obligations qui lui incombent et, à titre prioritaire, redoubler d’efforts pour enquêter sur toutes les violations des droits de l’homme commises au cours des violences perpétrées entre 1980 et 2000, poursuivre les auteurs et les condamner à des peines proportionnées à la gravité des faits commis, prévoir des mesures de non-répétition et accorder une réparation intégrale, y compris une indemnisation adéquate, à toutes les victimes et aux membres de leur famille. Il devrait également dégager les ressources nécessaires pour renforcer les mesures de reconnaissance des responsabilités, d’établissement des faits et de recherche des personnes disparues, et mieux garantir l’accomplissement du devoir de mémoire.

État d’urgence

12.Le Comité reste préoccupé par la fréquence à laquelle l’État partie a déclaré l’état d’urgence et dérogé aux droits consacrés par le Pacte, notamment en réaction à des manifestations de protestation sociale, alors même que ces droits ne sont susceptibles de dérogation que dans des situations véritablement exceptionnelles. Il relève également avec préoccupation que les forces armées sont fréquemment déployées soit en période d’état d’urgence soit pour assurer le maintien de l’ordre sans que l’état d’urgence ait été déclaré au préalable, ce qui augmente le risque de violations des droits de l’homme. Il prend note avec inquiétude des informations concernant de graves violations des droits de l’homme, telles que des arrestations arbitraires massives, des exécutions extrajudiciaires, des traitements cruels, inhumains ou dégradants et des actes de torture, qui auraient été commises par les forces de sécurité, notamment les forces armées, pendant les périodes d’état d’urgence, en particulier celles qui ont été déclarées comme suite aux manifestations qui ont lieu depuis décembre 2022. À cet égard, le Comité prend note avec un profond regret des violations des droits de l’homme qui ont pu être commises au cours des interventions de l’armée et de la police à Andahuaylas et Chincheros (département d’Apurímac), les 11 et 12 décembre 2022, à Ayacucho, le 15 décembre 2022, dans les locaux de la Confédération paysanne du Pérou, le 17 décembre 2022, à Juliaca (département de Puno), le 9 janvier 2023, à l’Université nationale supérieure de San Marcos, le 21 janvier 2023, et à Iscahuaca (département d’Apurímac), le 9 février 2023 (art. 4, 6, 7 et 9).

13. À la lumière de la précédente recommandation du Comité et compte tenu en outre des informations reçues dans le cadre du présent dialogue constructif, l’État partie devrait :

a) Limiter le recours à l’état d’urgence et veiller à ce que les droits de l’homme consacrés par le Pacte soient scrupuleusement respectés et à ce que toutes les conditions énoncées à l’article 4 du Pacte, telles qu’interprétées par le Comité dans son observation générale n o 29 (2001) sur les dérogations aux dispositions du Pacte autorisées en période d’état d’urgence, soient systématiquement réunies ;

b) Garantir que toute mesure mise en place pour protéger la population dans le cadre d’un état d’urgence est temporaire, proportionnée, strictement nécessaire et soumise à un contrôle juridictionnel ;

c) Prendre les mesures voulues pour que les forces armées ne participent pas aux opérations de maintien de l’ordre et, si elles y prennent part, veiller à ce que leur intervention n’ait lieu que dans des circonstances exceptionnelles, qu’elle soit d’une durée limitée, qu’elle soit soumise à des protocoles clairs et qu’elle relève de mécanismes de contrôle civil et de dispositifs d’établissement des responsabilités ;

d) Redoubler d’efforts pour prévenir les violations des droits de l’homme dans les opérations de l’armée et les opérations de maintien de l’ordre, notamment en mettant en place des formations et une surveillance ;

e) Faire en sorte que toutes les allégations de violations des droits de l’homme commises en période d’état d’urgence fassent sans délai l’objet d’enquêtes efficaces et que les responsables soient traduits en justice, en veillant à ce que les enquêtes soient ouvertes et menées à leur terme par les juridictions ordinaires en toute indépendance et impartialité et à ce que les victimes obtiennent une réparation intégrale.

Mesures de lutte contre le terrorisme

14.Le Comité se déclare profondément préoccupé par le caractère vague de la définition du « terrorisme » énoncée dans la loi antiterroriste (décret législatif no 25475), qui peut dans la pratique être source d’arbitraire et d’abus. Il constate avec préoccupation que l’ambiguïté de la législation encourage ce que l’on appelle le « terruqueo », pratique consistant à assimiler les personnes exerçant leur droit à la liberté de manifestation, d’expression, de pensée, de réunion et de participation à la vie politique à celles qui, par leur comportement ou leurs idées, sont proches des mouvements terroristes, l’objectif étant de discréditer ces personnes. À cet égard, il s’inquiète de l’application accrue qui est faite de cette loi dans le cadre du mouvement de protestation sociale depuis le 7 décembre 2022. Il est particulièrement préoccupé par les récentes perquisitions effectuées à la Confédération paysanne du Pérou, le 17 décembre 2023, et à l’Université nationale supérieure de San Marcos, le 21 janvier 2023, au cours desquelles plus de 200 personnes ont été arrêtées et emmenées dans les locaux de la Direction de la lutte antiterroriste de la Police nationale péruvienne. Il regrette en outre vivement les allégations selon lesquelles des agents de l’État se seraient rendus coupables de mauvais traitements, d’agressions physiques et sexuelles, d’attouchements et de dénudements injustifiés dans le cadre d’opérations de lutte contre le terrorisme (art. 4, 7, 9, 14, 19, 21 et 22).

15.L’État partie devrait procéder à une révision et à une réforme de sa législation pour garantir le respect des droits de l’homme dans toutes les actions de lutte contre le terrorisme ; il devrait notamment réviser la définition du terrorisme figurant dans le décret législatif n o 25475, afin d’assurer le strict respect du principe de légalité tel qu’énoncé à l’article 15 du Pacte. Il devrait également veiller à ce que les personnes soupçonnées ou accusées d’actes terroristes ou d’infractions connexes bénéficient, en droit et dans la pratique, de toutes les garanties juridiques appropriées, conformément au Pacte. Il devrait en outre prendre des mesures pour lutter contre la stigmatisation et la déshumanisation des manifestants, des dirigeants sociaux et des opposants politiques et contre les préjugés dont ils font l’objet, y compris lorsque ces phénomènes sont le fait d’agents du système judiciaire, et mettre fin à la pratique du «  terruqueo ». Il devrait également faire en sorte que la législation relative à la lutte contre le terrorisme ne soit pas utilisée pour restreindre les droits consacrés par le Pacte, notamment le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, et que toute allégation de mauvais traitement et d’agression sexuelle fasse sans délai l’objet d’une enquête approfondie, impartiale et efficace.

Non-discrimination

16.Le Comité prend acte des nombreux efforts déployés par l’État partie dans la lutte contre la discrimination, notamment de la mise en œuvre du plan national relatif aux droits de l’homme 2018-2021, de l’élaboration et de l’adoption du plan d’action national sur les entreprises et les droits de l’homme (2021-2025) et des projets en cours visant à élaborer la politique nationale multisectorielle des droits de l’homme en vue de lutter contre la discrimination et les inégalités structurelles. Il est toutefois préoccupé par la vulnérabilité des personnes autochtones ou d’ascendance africaine, des migrants et des réfugiés, ainsi que par la discrimination structurelle et les discours de haine dont ces personnes, en particulier les femmes et les filles, continuent de faire l’objet dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et de la santé, notamment de la santé sexuelle et procréative, et dans la vie publique. Il prend note également avec une profonde préoccupation des effets de la répression disproportionnée dont les autochtones font l’objet dans le cadre du mouvement de protestation sociale depuis décembre 2022 (art. 2, 3, 16, 25, 26 et 27).

17. L’État partie devrait continuer de multiplier les initiatives visant à prévenir, combattre et éliminer toutes les formes de discrimination, en particulier la discrimination raciale et la xénophobie, notamment :

a) En veillant à ce que des ressources suffisantes soient allouées à la mise en œuvre intégrale de ses plans et politiques de lutte contre la discrimination ;

b) En prenant des mesures pour prévenir tout discours incitant à la haine, à la discrimination ou à la violence ou toute infraction qui serait motivée par des préjugés et des stéréotypes, notamment dans les médias ou sur Internet, et pour réagir rapidement et efficacement en pareil cas ;

c) En intensifiant les campagnes d’information et de sensibilisation à l’intention du public et les formations destinées aux secteurs public et privé, notamment au secteur de l’enseignement, afin de promouvoir la tolérance et le respect de la diversité ;

d) En intensifiant la formation des agents de forces de l’ordre afin de les sensibiliser à la nécessité de se comporter de manière à ne pas commettre, même involontairement, des actes de profilage ethnique ou racial et à éviter de réprimer de façon disproportionnée les manifestations auxquelles participent les autochtones ;

e) En menant des enquêtes approfondies sur les infractions qui seraient motivées par des préjugés et des stéréotypes, en poursuivant les auteurs et, s’ils sont reconnus coupables, en les sanctionnant, et en accordant aux victimes une réparation appropriée.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

18.Malgré les nombreuses initiatives législatives et normatives qui ont été prises, le Comité est préoccupé par la stigmatisation des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes, par les attitudes discriminatoires à leur égard et par la violence dont elles sont victimes dans l’État partie. Il note aussi avec inquiétude que les couples de même sexe ne sont pas reconnus ni protégés par la loi et regrette que l’État partie ne lui ait pas communiqué d’informations à ce sujet (art. 2, 3, 6, 7, 17, 23 et 26).

19. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour lutter contre toutes les formes de stigmatisation et de discrimination à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes, notamment la propagation des thérapies dites « de conversion », les discours de haine ou les actes de violence. Il devrait :

a) Faire en sorte que les infractions motivées par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de la victime fassent rapidement l’objet d’une enquête, que les responsables soient traduits en justice et dûment condamnés, et que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

b) Mettre en place des programmes d’éducation sexuelle qui donnent aux élèves des informations complètes, précises et adaptées à leur âge concernant la sexualité et les diverses identités de genre, ainsi que des campagnes de sensibilisation destinées au public, et continuer de proposer des activités de formation à l’intention des agents de l’État afin de promouvoir une prise de conscience de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, et le respect de la diversité en la matière ;

c) Envisager de modifier l’article 234 du Code civil, qui limite le mariage à l’union entre une femme et un homme, et revoir la législation pertinente afin de reconnaître pleinement l’égalité des couples de même sexe, en garantissant à ceux-ci tous les droits consacrés par le Pacte.

Égalité entre hommes et femmes

20.Le Comité accueille favorablement les mesures prises en matière d’égalité des sexes. Cependant, il est préoccupé par le fait que les femmes, en particulier les paysannes et les femmes autochtones ou d’ascendance africaine, sont toujours sous-représentées aux postes de décision dans l’exécutif et le judiciaire à tous les niveaux, et regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur les mesures prises pour accroître la représentation des femmes à ces postes dans le secteur privé. Il est également préoccupé par l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes et les cas de harcèlement et de menaces visant des politiciennes (art. 2, 3, 25 et 26).

21.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour assurer l’égalité effective entre les hommes et les femmes dans tous les domaines et dans tout le pays. Il devrait notamment renforcer les mesures visant à accroître la participation des femmes, y compris des paysannes et des femmes autochtones ou d’ascendance africaine, à la vie politique et publique, ainsi que leur représentation dans les secteurs public et privé, en particulier aux postes de direction et de haut niveau. Il devrait également continuer de s’employer à combler l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes et à éliminer les stéréotypes de genre concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et au sein de la société. Il devrait en outre redoubler d’efforts pour prévenir les cas de harcèlement et de violence politique.

Violence à l’égard des femmes, y compris violence familiale

22.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes. Toutefois, il est préoccupé par les informations selon lesquelles ce phénomène reste répandu dans l’État partie, notamment par les disparitions, la violence familiale, la violence obstétricale, les féminicides et les violences sexuelles, y compris à l’égard des filles et des adolescentes (art. 2, 3, 6, 7, 14, 24 et 26).

23.Comme le Comité le lui a précédemment recommandé , l’État partie devrait redoubler d’efforts pour prévenir, combattre et éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles. Il devrait également redoubler d’efforts pour que les auteurs de violences à l’égard des femmes et des filles soient poursuivis et condamnés, et notamment poursuivre et améliorer la formation des agents publics concernés, y compris des juges, des procureurs, des avocats et des membres des forces de l’ordre. Il devrait en outre continuer de veiller à ce que les victimes aient accès à des voies de recours utiles, obtiennent une réparation intégrale, y compris une indemnisation suffisante, et bénéficient des mesures de protection et de l’aide dont elles ont besoin.

Mortalité maternelle, interruption volontaire de grossesse et droits en matière de sexualité et de procréation

24.Le Comité félicite l’État partie d’avoir pris des mesures pour améliorer l’accès aux services de santé et d’information en matière de sexualité et de procréation, ainsi que pour combattre et prévenir les grossesses précoces et la mortalité maternelle, en particulier d’avoir adopté le plan multisectoriel de prévention des grossesses précoces (2013-2021) et la norme technique de santé relative à la planification familiale. Il accueille en outre avec satisfaction l’information selon laquelle le Ministère de la santé a émis un avis favorable concernant quatre projets de loi visant à dépénaliser l’interruption volontaire de grossesse en cas de viol ou d’inceste ou lorsque le fœtus n’est pas viable. Toutefois, il relève avec préoccupation que l’avortement reste une infraction pénale, sauf dans les cas où la vie ou la santé de la femme enceinte est gravement menacée, et que le nombre de viols et de violences sexuelles à l’égard des adolescentes reste important, de sorte que le taux de grossesses forcées est élevé. Il note également avec préoccupation que les taux de grossesse chez les adolescentes et de mortalité maternelle dans les zones rurales restent élevés en dépit des mesures préventives prises par l’État partie (art. 2, 3, 6, 7, 17 et 26).

25. Compte tenu de l’observation générale n o 36 (2018) du Comité sur le droit à la vie, l’État partie devrait :

a) Revoir sa législation afin de garantir l’accès effectif à un avortement légal et sécurisé dans les cas où la vie ou la santé de la femme ou de la fille enceinte est en danger et lorsque le fait de mener la grossesse à terme causerait à la femme ou la fille des douleurs ou des souffrances considérables, et tout particulièrement lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste ou que le fœtus n’est pas viable ;

b) Faire en sorte que les femmes et les filles qui ont recours à l’avortement et les professionnels qui leur fournissent des soins de santé ne fassent pas l’objet de sanctions pénales ;

c) Redoubler d’efforts pour prévenir les grossesses non désirées, en particulier à l’adolescence, et pour assurer, à l’échelle nationale, le plein accès à des services de santé sexuelle et procréative adaptés et à des méthodes de contraception appropriées et accessibles, en particulier pour les femmes d’ascendance africaine, les femmes autochtones, les femmes vivant dans les zones rurales et celles qui vivent dans la pauvreté ou l’extrême pauvreté ;

d) Intensifier ses activités de sensibilisation et d’éducation dans le domaine des droits en matière de santé sexuelle et procréative.

Emploi de la force dans le cadre de manifestations

26.Le Comité est préoccupé par les informations concernant les violations des droits de l’homme qui auraient été commises dans le contexte des manifestations de protestation sociale de novembre et décembre 2020 et depuis le 7 décembre 2022, notamment l’emploi excessif, indiscriminé et disproportionné de la force et des armes à feu par les forces de sécurité, les exécutions extrajudiciaires, les arrestations arbitraires massives et les violences à caractère raciste ou discriminatoire, dont les principales victimes sont les autochtones et les paysans originaires de régions particulièrement défavorisées et faisant traditionnellement l’objet de discrimination structurelle, comme celles d’Apurímac, d’Ayacucho, d’Arequipa, de Cuzco, de Junín, de La Libertad, de Lima et de Puno. Il prend acte des enquêtes en cours, mais note avec une profonde préoccupation que la loi no 30151 (2014) modifie l’article 20 du Code pénal de sorte qu’il devient difficile de mettre en cause la responsabilité pénale des membres des forces armées et de la Police nationale qui tuent ou blessent des personnes dans l’exercice de leurs fonctions et en utilisant leur arme. Il note également avec une vive préoccupation que la loi no 31012 (2020) sur la protection de la police modifie les motifs d’exonération de la responsabilité pénale des membres de la Police nationale et des forces armées, interdit de placer en détention provisoire des policiers accusés d’avoir fait un usage illégal de leur arme et déroge au principe de proportionnalité dans l’emploi de la force, énoncé à l’article 4 (par. 1 c)) du décret législatif no 1186 (2015), et que, bien que cette loi doive être interprétée au regard de la Constitution et des traités internationaux auxquels le Pérou est partie, son application peut entraver gravement la lutte contre l’impunité, l’établissement des responsabilités et l’accès à la justice (art. 2, 6, 7, 14, 19 et 21).

27. Compte tenu des observations générales n os 37 (2020) sur le droit de réunion pacifique et 36 (2018) sur le droit à la vie, du Comité des droits de l’homme, l’État partie devrait prendre des mesures pour prévenir et éliminer efficacement toutes les formes d’emploi excessif de la force de la part des forces de l’ordre, en particulier dans le contexte des réunions pacifiques. À cette fin, il devrait :

a) Réviser d’urgence les lois n os 30151 (2014) et 31012 (2020) et mettre son cadre législatif en conformité avec le Pacte et les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois ;

b) Veiller à ce que les violations des droits de l’homme qui pourraient avoir été commises dans le contexte de manifestations, notamment celles qui auraient été perpétrées au cours des manifestations de protestation sociale depuis le 7 décembre 2022, fassent sans délai l’objet d’une enquête approfondie, impartiale et efficace ;

c) Prendre des mesures pour protéger de l’impunité les enquêtes menées sur des affaires de violations des droits de l’homme, et faire en sorte que les auteurs présumés des faits comparaissent devant l’organe judiciaire déterminé préalablement par la loi, celui-ci devant présenter toutes les garanties d’indépendance et d’impartialité, que les auteurs, matériels et moraux, soient dûment sanctionnés et que les victimes obtiennent une réparation intégrale, notamment sous la forme d’une indemnisation, de services de réadaptation, de mesures de satisfaction et de garanties de non-répétition ;

d) Continuer de prendre des mesures pour prévenir et faire cesser effectivement l’emploi excessif de la force par les agents des forces de sécurité, y compris les membres des forces armées, en particulier dans le cadre des manifestations, notamment en intensifiant la formation et en renforçant les capacités de tous les agents affectés à l’encadrement des manifestations.

Interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

28.Le Comité prend acte des mesures prises pour prévenir la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par l’intermédiaire du mécanisme national de prévention de la torture, mais il est préoccupé par les allégations concernant des actes de torture et des mauvais traitements infligés notamment dans le cadre des interventions policières et de la privation de liberté, en particulier en réaction à la crise sociale et politique déclenchée par les événements du 7 décembre 2022 (art. 3, 6, 7, 9, 14, 19 et 21).

29.L’État partie devrait faire en sorte que toutes les allégations concernant des actes de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants fassent sans délai l’objet d’une enquête approfondie, impartiale et efficace, que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de l’infraction commise, et que les victimes bénéficient de voies de recours utiles, y compris de mesures de réadaptation physique et psychologique. Il devrait également redoubler d’efforts pour prévenir la torture, notamment en augmentant le budget du mécanisme national de prévention de la torture et en renforçant l’instruction et la formation des juges, des procureurs, des policiers et des membres des forces de sécurité.

Personnes privées de liberté et conditions de détention

30.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie dans le contexte de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) pour réduire la surpopulation carcérale, mais reste préoccupé par la persistance de taux élevés de surpopulation dans le système pénitentiaire, certaines prisons atteignant plus de 400 % de leur capacité, et par le nombre élevé de personnes placées en détention provisoire ou privées de liberté sans avoir été jugées. Il regrette l’absence d’informations sur le recours à des peines non privatives de liberté se substituant à des peines d’emprisonnement. Il note également avec préoccupation que de nombreuses personnes privées de liberté ne disposent pas de suffisamment de nourriture, d’eau potable et de traitements médicaux. En outre, il est préoccupé par les informations concernant les conditions de détention des personnes faisant l’objet d’une enquête pour la commission présumée d’un acte terroriste, dont certaines sont placées dans des cellules de 1,5 mètre sur 2 mètres (art. 7, 9 et 10).

31. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour rendre les conditions de détention pleinement conformes aux normes internationales applicables en matière de droits de l’homme, notamment à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). Il devrait en particulier :

a) Réduire sensiblement la surpopulation carcérale, en particulier en encourageant le recours à des mesures de substitution à la détention, et veiller à ce que la détention provisoire soit utilisée uniquement à titre exceptionnel, si elle est nécessaire et raisonnable, et pour la durée la plus brève possible ;

b) Redoubler d’efforts pour améliorer les conditions de détention, et garantir que les détenus disposent de suffisamment de nourriture, d’eau potable et de soins de santé dans tous les lieux de privation de liberté, en particulier ceux réservés aux mineurs ou aux personnes faisant l’objet d’une enquête pour la commission présumée d’un acte terroriste.

Traite des personnes et travail forcé

32.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour prévenir et combattre la traite des personnes et le travail forcé, en particulier les mesures visant à soutenir la réinsertion professionnelle des victimes. Il est toutefois préoccupé par les informations indiquant que les phénomènes de la traite des personnes et du travail forcé perdurent, en particulier dans l’industrie extractive, notamment dans les zones où l’activité minière est importante, ainsi que dans le secteur extractif informel et l’extraction minière à petite échelle. Il regrette en outre de n’avoir pas reçu d’informations sur la protection et l’assistance offertes aux migrants et aux réfugiés victimes de traite ou d’exploitation (art. 7, 8, 14 et 24).

33. L’État partie devrait continuer d’intensifier les actions menées pour combattre, prévenir, éliminer et réprimer la traite des personnes et le travail forcé. Il devrait en particulier :

a) Faire en sorte que les cas de traite et de travail forcé fassent sans délai l’objet d’une enquête approfondie, impartiale et efficace, que les responsables soient dûment condamnés et que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

b) Poursuivre et renforcer les campagnes de prévention de la traite et de sensibilisation du public aux effets négatifs de celle-ci, ainsi que les activités de formation, de spécialisation et de sensibilisation des fonctionnaires et autres personnes chargées d’enquêter sur ces infractions et d’en juger les auteurs, et de protéger, de prendre en charge et de repérer les victimes, en particulier aux postes-frontières et dans les zones minières ;

c) Veiller à ce que des ressources financières, techniques et humaines suffisantes soient allouées à toutes les institutions chargées de prévenir, combattre et punir la traite des personnes et le travail forcé et de fournir protection et assistance aux victimes ;

d) Redoubler d’efforts pour repérer les victimes de la traite, en particulier parmi les migrants et les réfugiés, et leur offrir une protection et une assistance appropriées, en veillant à ce que les foyers qui offrent des services complets soient bien répartis sur tout le territoire, et soutenir les familles exposées au travail forcé.

Migrants, demandeurs d’asile et réfugiés

34.Le Comité salue les progrès accomplis par l’État partie dans ses politiques publiques pour répondre aux besoins des réfugiés et des migrants vivant sur son territoire. Toutefois, il prend note avec préoccupation du dépôt d’initiatives législatives susceptibles de comporter des éléments discriminatoires à l’égard des migrants et qui visent à entraver l’accès des réfugiés et des migrants vivant dans le pays aux droits qui leur sont reconnus, comme la modification, en janvier 2023, du décret législatif no 1350 (2017), qui restreint l’entrée et le transit des étrangers et oblige ceux-ci à prouver qu’ils sont en situation régulière au regard de la législation sur l’immigration pour pouvoir louer un bien immobilier. Il s’inquiète en outre de ce que ces initiatives législatives sont susceptibles d’alimenter des stéréotypes xénophobes quant au lien entre la sécurité des citoyens et l’augmentation du nombre de réfugiés et de migrants vivant dans l’État partie. Il est préoccupé en outre par :

a)Les allégations concernant des expulsions massives de migrants et de demandeurs d’asile auxquelles il aurait été procédé en violation des garanties d’une procédure régulière et du principe de non-refoulement ;

b)Les obstacles pratiques à l’obtention des documents requis, qui entravent l’accès à l’emploi dans le secteur du travail formel et aux services sociaux, et les difficultés liées à l’enregistrement de la naissance d’enfants nés de parents étrangers, notamment de parents réfugiés ou demandeurs d’asile, qui ont pour effet que ces enfants risquent de se retrouver apatrides ;

c)Les informations concernant l’augmentation des actes de discrimination et des discours de haine dont sont victimes les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, en particulier les migrants vénézuéliens, et ce, y compris de la part de représentants des hautes autorités (art. 2, 6, 7, 12, 13 et 14).

35. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour :

a) Réviser la législation relative à la reconnaissance et à la réglementation du statut de réfugié en vue d’en éliminer tout élément discriminatoire et de veiller à ce qu’elle soit pleinement conforme au Pacte et aux normes internationales applicables ;

b) Faire en sorte que la législation sur le droit d’asile et le statut de réfugié soit appliquée et instaurer des procédures d’asile équitables et efficaces qui garantissent une protection effective contre le refoulement ;

c) Veiller à ce que toutes les demandes de protection internationale présentées en tout point du territoire soient effectivement reçues, enregistrées et transmises sans délai aux autorités chargées de les traiter ;

d) Poursuivre et améliorer la formation des membres du personnel des institutions chargées de la gestion des migrations et des frontières afin qu’ils sachent repérer les personnes ayant besoin d’une protection internationale et soient en mesure de les informer des procédures à suivre pour demander l’asile ;

e) Délivrer et renouveler en temps voulu les documents d’identité des demandeurs d’asile et des réfugiés afin de faciliter leur accès aux services sociaux de base et d’empêcher qu’ils ne fassent l’objet d’une détention arbitraire, et poursuivre les efforts visant à lever les obstacles pratiques à l’enregistrement de la naissance de tous les enfants nés sur le territoire de parents étrangers, y compris les enfants de réfugiés et de demandeurs d’asile ;

f) Veiller à ce que les agents des forces de l’ordre se conforment aux dispositions des articles 6 et 7 du Pacte lorsqu’ils expulsent des étrangers, notamment en contrôlant leurs activités, en enquêtant sur les violations des droits de l’homme commises, en poursuivant les auteurs de tels actes et en les condamnant à des peines appropriées.

Droit de participer à la conduite des affaires publiques et droit à un procès équitable

36.Le Comité est préoccupé par la crise politique et sociale que traverse le Pérou depuis les événements du 7 décembre 2022 qui ont conduit à la destitution du Président de la République et fait apparaître des clivages au sein de la société, et dont les manifestations mentionnées plus haut sont l’expression. Il est particulièrement préoccupé de constater qu’au cours de ces événements, les droits consacrés par le Pacte n’ont pas été respectés (art. 2, 9, 14 et 25).

37. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que le processus de vacance présidentielle se déroule toujours dans le plus strict respect des principes fondamentaux d’une procédure régulière et du droit à un procès équitable, ainsi que de l’article 25 du Pacte, et au besoin dans le cadre d’une réforme législative, voire constitutionnelle, de manière à garantir la mise en place d’un système adapté de contre-pouvoirs entre les différents organes de l’État ;

b) Faire en sorte que la procédure pénale engagée contre Pedro Castillo, actuellement en détention provisoire, se déroule dans le plein respect des garanties du droit à un procès équitable, telles qu’elles sont reconnues à l’article 14 du Pacte.

Liberté d’expression et droit de réunion pacifique

38.Le Comité prend note des mesures prises par l’État pour protéger les défenseurs des droits de l’homme, notamment de la création, en 2021, du mécanisme intersectoriel pour la protection des défenseurs des droits de l’homme et, en 2020, du registre des situations à risque pour les défenseurs des droits de l’homme, mais s’inquiète des informations indiquant que des défenseurs des droits de l’homme, y compris des avocats, des membres de la commission électorale et des journalistes, auraient été la cible d’insultes, de menaces et d’actes de harcèlement et d’intimidation. Il note en outre avec préoccupation que l’incrimination de la diffamation, de la calomnie et de l’injure a pour effet d’entraver la liberté d’expression et d’information et d’empêcher les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme de l’exercer. Il se dit préoccupé par les informations selon lesquelles le droit à la liberté d’expression et le droit de réunion pacifique auraient été violés dans le contexte des manifestations qui ont eu lieu en novembre 2020 et depuis le 7 décembre 2022, notamment par les forces de sécurité, qui auraient employé une force excessive à l’égard des manifestants et des journalistes, faisant des morts et des blessés (art. 6, 7, 9, 14, 19, 21 et 26).

39. L’État partie devrait adopter les mesures qui s’imposent pour garantir à tous la pleine jouissance de la liberté d’expression et du droit de réunion pacifique, en tenant compte des observations générales n os 34 (2011) sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression et 37 (2020) sur le droit de réunion pacifique, du Comité des droits de l’homme. En particulier, le Comité exhorte l’État partie à :

a) Redoubler d’efforts pour prévenir les actes de harcèlement et d’intimidation à l’égard des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, et à prendre toutes les mesures voulues pour assurer la protection effective de ces personnes, notamment en allouant aux mécanismes publics de protection des ressources suffisantes, et pour faire en sorte que les journalistes et les professionnels des médias soient libres de mener à bien leurs activités sans craindre de subir des violences ou des représailles ;

b) Veiller à ce que toutes les allégations de harcèlement et d’intimidation fassent rapidement l’objet d’une enquête approfondie, impartiale et efficace, à ce que les auteurs soient traduits en justice et dûment sanctionnés, et à ce que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

c) Au cas où la diffamation, l’injure et la calomnie continueraient d’être incriminées, veiller à ce que les articles pertinents du Code pénal ne soient pas rédigés de façon à limiter indûment la liberté d’expression et d’information, en particulier lorsqu’elle est exercée par des journalistes, des membres de l’opposition politique et d’autres personnes critiques à l’égard du Gouvernement ;

d) Garantir et respecter le droit de réunion pacifique et de manifestation de la population, en particulier des organisations autochtones ou paysannes, et à veiller à ce que l’exercice du droit à la liberté d’opinion et d’expression et du droit de réunion pacifique soit pleinement conforme aux critères établis aux articles 19 (par. 3) et 21 du Pacte.

Droits de l’enfant

40.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures importantes prises pour garantir l’enregistrement de chaque enfant né sur son territoire ou né à l’étranger d’une mère ou d’un père de nationalité péruvienne. Il prend acte des mesures significatives prises par l’État partie pour protéger les droits de l’enfant et prévenir le travail des enfants, telles que la mise en œuvre de la stratégie nationale pour la prévention et l’élimination du travail des enfants et l’adoption, en 2020, du décret suprême no 018-2020-TR, mais constate avec préoccupation que le taux de travail des enfants sur le territoire national reste élevé et a même augmenté ces dernières années (art. 8, 16 et 24).

41. L’État partie devrait :

a) Poursuivre ses efforts pour que chaque enfant né sur son territoire soit enregistré et reçoive un acte de naissance officiel ;

b) Redoubler d’efforts pour combattre et éliminer l’exploitation économique des enfants et le travail des enfants, en particulier dans l’industrie extractive et les exploitations minières illégales, notamment en augmentant le nombre d’inspections du travail ;

c) Mettre en place des mécanismes de plainte adaptés aux enfants et faire en sorte que toutes les plaintes fassent l’objet d’une enquête, que les auteurs présumés soient poursuivis et, s’il y a lieu, condamnés à des peines proportionnées à la gravité des faits, et que les enfants victimes bénéficient d’une assistance et obtiennent réparation ;

d) Mener des activités de sensibilisation et de formation auprès de la population, des représentants de la société civile, des fonctionnaires et des acteurs de l’État afin d’améliorer la protection des enfants.

Droits des minorités et des communautés autochtones

42.Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour promouvoir les droits des communautés autochtones et afro-péruviennes, notamment l’adoption, en juillet 2021, de la politique nationale relative aux langues autochtones, aux traditions orales et à l’interculturalité à l’horizon 2040 et, en juin 2022, de la politique nationale du peuple afro‑péruvien à l’horizon 2030. Toutefois, en dépit des procédures de consultation préalable qui ont été menées, il demeure préoccupé par les allégations selon lesquelles aucun dialogue équitable et transparent n’aurait été engagé, des pressions auraient été exercées aux fins de la conclusion d’accords et les accords conclus ne seraient pas correctement mis en œuvre. Il est également préoccupé par l’insécurité juridique quant à la délivrance de titres de propriété sur les territoires autochtones, qui sert les intérêts des personnes se livrant à des activités illégales, par le chevauchement de droits sur les territoires communaux, dû aux pressions exercées par l’industrie extractive, par l’absence de services publics essentiels dans les territoires autochtones des zones rurales et par le niveau élevé de pollution due aux hydrocarbures et à l’extraction de minerais. Il s’inquiète en outre de l’augmentation des menaces visant des dirigeants autochtones et des assassinats dont ceux-ci sont victimes, augmentation qui va de pair avec le développement d’activités économiques illégales, telles que le trafic de drogues, le défrichage, l’exploitation minière et le trafic de terres, en particulier dans l’Amazonie péruvienne (art. 2, 6, 25, 26 et 27).

43. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour assurer la promotion, la protection et la reconnaissance des droits des peuples autochtones, en particulier en ce qui concerne la terre, les territoires et les ressources naturelles, tant en droit que dans la pratique. Il devrait également :

a) Renforcer et garantir l’efficacité et l’application systématique des processus de participation ou de consultation nécessaires à l’obtention d’un consentement préalable, libre et éclairé, en assurant un dialogue équitable et le respect des accords conclus avec l’État et les entreprises publiques et privées ;

b) Revoir la législation en vigueur relative aux terres des peuples et communautés autochtones pour que la possession, la propriété ou l’utilisation de ces terres soit régie dans le cadre des conventions internationales qu’il a ratifiées ;

c) Améliorer la prestation des services publics essentiels, en particulier l’accès aux installations, biens et services de santé dans les territoires autochtones et traiter la question de la pollution des territoires touchés ;

d) Adopter des mesures pour lutter contre les activités économiques illégales, en particulier en Amazonie péruvienne, et mettre en place des mesures visant à protéger les responsables autochtones, en faisant en sorte que tous les membres des groupes autochtones aient accès à des voies de recours utiles en cas de violation de leurs droits ;

e) Adopter toutes les mesures voulues pour que la politique nationale du peuple afro-péruvien à l’horizon 2030 permette de promouvoir véritablement la protection et la reconnaissance des droits de cette communauté.

D.Diffusion et suivi

44. L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, de son sixième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays ainsi qu’auprès du grand public, y compris des membres des communautés minoritaires et des peuples autochtones, pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. Il devrait également faire en sorte que le rapport périodique et les présentes observations finales soient traduits dans ses langues officielles.

45. Conformément à l’article 75 (par. 1) du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 24 mars 2026 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 27 (emploi de la force dans le cadre de manifestations), 37 (droit de participer à la conduite des affaires publiques et droit à un procès équitable) et 43 (droits des minorités et des communautés autochtones).

46.Conformément au calendrier prévu par le Comité pour la présentation des rapports, l’État partie recevra en 2029 la liste de points établie avant la soumission du rapport et aura un an pour présenter ses réponses, qui constitueront son septième rapport périodique. Le Comité demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue constructif avec l’État partie se tiendra en 2031, à Genève.