Comité des droits des personnes handicapées
Observations finales concernant le rapport initial de la Jamaïque *
I.Introduction
1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Jamaïque à ses 556e, 558e et 560e séances, qui se sont tenues selon des modalités hybrides les 8, 9 et 10 mars 2022. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 576e séance, le 22 mars 2022.
2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Jamaïque, qui a été établi conformément aux directives concernant l’établissement des rapports, et remercie l’État partie des réponses écrites apportées à la liste de points.
3.Le Comité remercie l’État partie d’avoir accepté que l’examen de son rapport initial se déroule selon des modalités hybrides, compte tenu des circonstances exceptionnelles dues à la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19). Il se félicite du dialogue sincère et fructueux qu’il a eu, à Genève et en ligne depuis la capitale de l’État partie, avec la délégation, à la composition diversifiée et multisectorielle et dans laquelle les ministères compétents étaient représentés.
II.Aspects positifs
4.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures que l’État partie a prises pour appliquer la Convention depuis qu’il l’a ratifiée en 2007.
5.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures législatives qui ont été adoptées afin de promouvoir les droits des personnes handicapées, en particulier :
a)La loi sur les handicaps, en 2014 (entrée en vigueur le 14 février 2022) ;
b)Le Code national de la construction et la loi sur la construction, en 2018 (entrés en vigueur le 15 janvier 2019) ;
c)Le projet d’inclusion sociale et économique des personnes handicapées (2013‑2017).
III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations
A.Principes généraux et obligations générales (art. 1er à 4)
6.Le Comité relève avec préoccupation :
a)Que les lois et politiques emploient au sujet des personnes handicapées des notions et une terminologie péjoratives qui mettent l’accent sur les déficiences de ces personnes, relèvent des approches médicale et paternaliste du handicap et renforcent la stigmatisation des personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial ;
b)Que la définition des personnes handicapées figurant dans la loi de 2014 sur les handicaps, dans la loi de 1999 sur la santé mentale et dans la politique nationale de 2000 en faveur des personnes handicapées est axée sur la déficience et n’est donc pas conforme à la Convention ;
c)Que les responsables de l’élaboration des politiques, les juges, les procureurs, les enseignants, les médecins et les professionnels de la santé et les autres personnes travaillant avec des personnes handicapées ne sont pas suffisamment sensibilisés aux droits énoncés dans la Convention ;
d)Que l’État partie n’a toujours pas ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.
7. Le Comité recommande à l’État partie :
a) D’abroger tous les textes de lois, dispositions, politiques et règlements contenant des termes péjoratifs, notamment les articles 37 (par . 2 c)) et 40 (par . 2 f)) de la Constitution, l’article 8 (par . 2) de la loi sur les droits de propriété (droits du conjoint) et la loi sur la santé mentale, et de veiller à ce que ces textes soient conformes à l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme ;
b) De veiller à ce que les notions de « handicap » et de « personnes handicapées » utilisées dans les textes de loi nationaux soient conformes à l’approche fondée sur les droits de l’homme et à la Convention ;
c) De renforcer les programmes destinés à accroître les capacités des responsables de l’élaboration des politiques publiques, des juges, des procureurs, des enseignants, des membres des professions médicales et de santé et des autres personnes travaillant avec des personnes handicapées en ce qui concerne les droits des personnes handicapées et les obligations de l’État partie en vertu de la Convention . L’État partie devrait associer les organisations de personnes handicapées à la conception et à l’exécution des programmes la formation destinée aux agents de la fonction publique ;
d) De ratifier sans plus tarder le Protocole facultatif se rapportant à la Convention .
8.Le Comité est préoccupé par :
a)L’insuffisance des mécanismes destinés à faciliter la participation des personnes handicapées à la prise de décisions sur les lois, politiques et programmes relatifs au handicap, notamment en ce qui concerne l’exécution du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et la réalisation des objectifs de développement durable qui y sont fixés ;
b)Le fait que le Conseil jamaïcain pour les personnes handicapées ne dispose pas d’un système de collecte de données et de statistiques sur les personnes handicapées.
9. Le Comité rappelle son observation générale n o 7 (2018) sur la participation des personnes handicapées, y compris des enfants handicapés, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, à la mise en œuvre de la Convention et au suivi de son application, et recommande à l’État partie :
a) De mettre en place des mécanismes qui permettent aux personnes handicapées, en particulier aux personnes ayant un handicap intellectuel, de participer véritablement, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, aux processus publics de prise de décisions, notamment en ce qui concerne le suivi de la réalisation des objectifs de développement durable et l’établissement de rapports à ce sujet, et de renforcer les mécanismes existants, ainsi que de veiller à ce que des consultations constructives soient organisées avec l’ensemble des organisations de personnes handicapées et communiquer à ces organisations le programme des consultations sur toute réforme de la législation et des politiques concernant les personnes handicapées ;
b) De mettre en place un système de collecte de données plus inclusif qui ne soit pas lié à l’enregistrement auprès du Conseil jamaïcain pour les personnes handicapées afin de collecter des statistiques et des données sur les personnes handicapées dans le pays .
B.Droits particuliers (art. 5 à 30)
Égalité et non-discrimination (art. 5)
10.Le Comité relève avec préoccupation :
a)Que, bien que la loi de 2014 sur les handicaps interdise expressément la discrimination à l’égard des personnes handicapées, la législation contre la discrimination empêche les personnes ayant un handicap psychosocial de participer à la vie politique ;
b)Que la loi de 2014 sur les handicaps a été promulguée tardivement et n’est entrée en vigueur qu’en février 2022, et que la mise en place du Tribunal pour les droits des personnes handicapées et du Conseil jamaïcain pour les personnes handicapées a pris du retard ;
c)Que si le Fonds national du logement réserve 5 % des logements des complexes immobiliers aux personnes handicapées et offre à celles-ci, dans le cadre de son programme de prestations, la possibilité de contracter un prêt spécial d’aide à l’acquisition d’un logement, beaucoup de personnes handicapées n’ont pas accès à ce programme en raison du coût prohibitif des hypothèques et des intérêts et à cause des préjugés et de la stigmatisation venant des propriétaires.
11. Rappelant son observation générale n o 6 (2018), ainsi que les cibles 10 . 2 et 10 . 3 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :
a) De revoir sa législation contre la discrimination, en particulier l’article 36 de la loi de 2014 sur les handicaps, ainsi que les articles applicables de la Constitution, de sorte que les personnes handicapées, y compris celles qui ont un handicap psychosocial , soient pleinement protégées de la discrimination ;
b) D’accélérer la mise en place du Tribunal pour les droits des personnes handicapées et du Conseil jamaïcain pour les personnes handicapées et de veiller à ce que ces organes disposent durablement de ressources humaines et financières suffisantes pour s’acquitter de leur mandat ;
c) D’établir des mécanismes, notamment des mesures de protection sociale, pour que le quota de 5 % de logements réservés aux personnes handicapées soit pleinement appliqué et que chaque personne, quelle que soit sa situation économique, puisse accéder à un logement .
Femmes handicapées (art. 6)
12.Le Comité constate avec préoccupation :
a)Que les informations, notamment les données ventilées, sur la situation des femmes et des filles handicapées sont insuffisantes ;
b)Que les questions de genre ne sont pas prises en compte dans la législation et les politiques relatives au handicap, de même que les questions relatives au handicap ne sont pas prises en compte dans les lois et politiques relatives à l’égalité des sexes, ce qui aggrave encore la discrimination à l’égard des femmes et des filles handicapées, ainsi que leur marginalisation et leur exclusion ;
c)Que le cadre législatif national ne tient pas expressément compte de la discrimination intersectionnelle à l’égard des femmes et des filles handicapées et qu’il n’existe ni données ni travaux de recherche qui permettraient d’élaborer des mesures de politique générale visant à combattre la discrimination multiple et intersectionnelle dont ces personnes font l’objet ;
d)Que les femmes handicapées ont un accès limité à la justice faute d’accessibilité et d’aménagements procéduraux, de services d’interprétation et de sous-titrage en langue des signes, ainsi que de formats accessibles pour la diffusion de l’information du Bureau des questions de genre ;
e)Qu’il n’existe aucun programme visant à renforcer la participation des femmes handicapées, en particulier de celles qui vivent en milieu rural, à la vie publique et à la vie politique, à la prise de décisions et au système judiciaire.
13. Le Comité rappelle son observation générale n o 3 (2016) sur les femmes et les filles handicapées ainsi que l’objectif de développement durable n o 5, et recommande à l’État partie :
a) De veiller à ce que les systèmes de collecte de données et les évaluations des effets de la législation et des politiques incluent des indicateurs et des données ventilées sur les femmes et les filles handicapées ;
b) De prendre en compte les droits des femmes et des filles handicapées dans tous les textes de loi relatifs à l’égalité des sexes et d’intégrer les questions de genre aux politiques et programmes relatifs aux personnes handicapées, tout en veillant à ce que les femmes et les filles handicapées, en particulier celles qui vivent en milieu rural, soient consultées et participent véritablement à l’élaboration et à l’application des politiques et programmes relatifs à l’égalité des sexes et au handicap ;
c) De tenir compte dans sa législation d es formes multiples et intersectionnelles de discrimination à l’égard des femmes et des filles handicapées et d’adopter des textes de loi et des stratégies prenant en considération les questions de genre et la discrimination intersectionnelle ;
d) De veiller à ce que toutes les femmes handicapées, notamment celles qui vivent dans les zones rurales et les femmes qui ont un handicap intellectuel ou psychosocial , aient accès à la justice et à des informations accessibles sur les moyens de faire valoir leurs droits ;
e) D’adopter des mesures permettant de garantir l’autonomisation et la pleine intégration des femmes et des filles handicapées dans tous les domaines de la vie, ainsi que leur participation à tous les processus de décision publics, ainsi que d’appliquer des mesures pour garantir la représentation des femmes handicapées dans la vie politique aux postes de décision, y compris dans les organes publics et dans le système judiciaire .
Enfants handicapés (art. 7)
14.Le Comité relève avec préoccupation :
a)Qu’il n’existe pas de mécanisme permettant de consulter les enfants handicapés et de leur donner la possibilité d’exprimer leur opinion sur toutes les questions les concernant ;
b)Que, faute de ressources, les programmes de stimulation précoce, bien qu’ayant été étendus à quatre des 14 paroisses que compte le pays grâce à la création de trois unités mobiles, ne sont pas accessibles dans toute l’île, ce qui entraîne de longues périodes d’attente pour l’évaluation, le dépistage précoce et l’intervention, en particulier dans les zones rurales ;
c)Que si la législation jamaïcaine interdit l’administration de châtiments corporels aux enfants dans les établissements de protection de remplacement, dans certaines garderies et dans le système pénitentiaire, ces châtiments ne sont pas encore totalement interdits à la maison, dans les garderies accueillant les enfants de plus de 6 ans et à l’école, ce qui est contraire au droit fondamental qu’ont tous les enfants d’être protégés contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments.
15. Le Comité recommande à l’État partie :
a) De mettre en place un mécanisme qui respecte la capacité d’évolution des enfants handicapés de sorte que ces enfants puissent former et exprimer librement leur opinion sur toute question les intéressant et que leur opinion soit dûment prise en considération eu égard à leur âge et à leur degré de maturité ;
b) D’étendre les services du programme de stimulation précoce en créant davantage de centres et d’unités mobiles pour répondre aux besoins des enfants handicapés dans toute l’île ;
c) D’interdire expressément les châtiments corporels dans tous les contextes et de faire en sorte que cette interdiction soit dûment appliquée et contrôlée partout, notamment à l’école et en ce qui concerne les enfants handicapés, et de promouvoir des formes positives, non violentes et participatives d’éducation des enfants et de discipline au moyen de campagnes de sensibilisation et de programmes de formation menés dans des formats accessibles .
Sensibilisation (art. 8)
16.Le Comité constate avec préoccupation :
a)Que les activités de sensibilisation sont plutôt sporadiques et conjoncturelles ;
b)Que les médias électroniques et les réseaux sociaux associent rarement les personnes handicapées aux mesures de sensibilisation et aux mesures destinées à promouvoir une perception positive de ces personnes.
17. Le Comité recommande à l’État partie :
a) D’adopter, en étroite consultation avec les organisations de personnes handicapées et avec leur participation, dans les zones urbaines et rurales, une stratégie nationale destinée à sensibiliser aux préjugés dont font l’objet les personnes handicapées et à combattre ces préjugés, et de suivre la mise en application de cette stratégie ;
b) De créer, à tous les niveaux de l’enseignement, ainsi qu’à l’intention du grand public, dans tous les formats accessibles et avec la participation active des personnes handicapées, des modules de formation et de sensibilisation sur les droits des personnes handicapées afin de favoriser le respect de la dignité, des capacités et des contributions de toutes les personnes handicapées .
Accessibilité (art. 9)
18.Le Comité relève avec préoccupation :
a)Qu’en matière d’accessibilité, il n’existe pas de stratégie globale couvrant tous les domaines, notamment les équipements physiques, les technologies de l’information et des communications et le numérique ;
b)Que bien que la loi de 2018 sur la construction ait été promulguée en janvier 2019, elle est peu appliquée, et que beaucoup d’établissements éducatifs, médicaux et paramédicaux construits avant 2019 ne sont pas conformes au code de la construction ;
c)Que les personnes handicapées vivant en milieu rural rencontrent davantage d’obstacles que les autres lorsqu’elles tentent d’accéder aux moyens de transport et aux bâtiments publics étant donné que les quelques bus accessibles aux fauteuils roulants ne circulent que dans la capitale et ses environs immédiats à certaines heures, et que la présence de bouches d’égout, de passerelles cassées et de trous non protégés dans la chaussée, expose les personnes ayant un handicap physique ou visuel à des risques d’accident ;
d)Que les obstacles liés à l’environnement numérique de travail empêchent les personnes handicapées, en particulier celles qui ont des déficiences visuelles, d’accéder à l’information et à la communication, notamment sur les sites Web du Gouvernement.
19. Le Comité rappelle son observation générale n o 2 (2014) sur l’accessibilité et recommande à l’État partie :
a) D’adopter en matière d’accessibilité une stratégie nationale couvrant tous les domaines visés par la Convention et de renforcer ses mécanismes de contrôle de l’accessibilité au niveau municipal, notamment en instaurant un système de sanctions en cas de non-respect des normes ;
b) De veiller à la bonne application de la loi de 2018 sur la construction et de mettre les établissements éducatifs, médicaux et paramédicaux, ainsi que les autres bâtiments publics situés dans les zones urbaines et rurales, en conformité avec les normes d’accessibilité ;
c) D’accroître le nombre des bus accessibles aux fauteuils roulants dans le système de transport public et d’étendre ces services aux transports interurbains et ruraux, et d’améliorer l’environnement et l’espace public dans les zones urbaines et rurales pour les rendre sûrs et accessibles aux personnes présentant différents handicaps ;
d) De garantir l’accès de toutes les personnes handicapées, en particulier celles qui ont une déficience visuelle, aux technologies numériques, dans les établissements d’enseignement comme à domicile .
Situations de risque et situations d’urgence humanitaire (art. 11)
20.Le Comité prend note de la vulnérabilité de l’État partie face aux catastrophes naturelles et s’inquiète de ce que les personnes handicapées ne sont pas suffisamment associées aux plans de réduction des risques de catastrophe aux niveaux national et local. Il constate que le Bureau de planification préalable et de gestion des urgences en cas de catastrophe s’occupe des personnes handicapées en cas de danger imminent, mais relève avec préoccupation que l’État partie n’a pas adopté de mesures harmonisées pour établir un système de notification d’urgence accessible à toutes les personnes handicapées, quel que soit leur handicap.
21. Le Comité recommande à l’État partie :
a) D’améliorer l’accessibilité des alertes pour les personnes ayant un handicap, quel qu’il soit, en particulier pour les personnes ayant des déficiences visuelles ou auditives et les personnes ayant un handicap intellectuel ;
b) De tenir des consultations étroites avec les personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, concernant l’élaboration et la mise en application de tous les plans de réduction des risques de catastrophe aux niveaux national et local, à toutes les étapes du processus, et d’adopter une stratégie globale conformément au Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030) et aux objectifs de développement durable n os 11 et 13 ;
c) De continuer à veiller à ce que le Bureau de planification préalable et de gestion des urgences en cas de catastrophe réponde de manière adéquate aux besoins particuliers de toutes les personnes handicapées dans le cadre de ses interventions .
22.Le Comité note avec préoccupation que les personnes handicapées, en particulier celles qui vivent encore en institution, ont été touchées de manière disproportionnée par la pandémie de COVID-19 et rencontrent des obstacles lorsqu’elles tentent d’accéder aux informations et aux dispositifs d’urgence.
23. Le Comité recommande à l’État partie de s’inspirer des orientations et de la note de synthèse sur l’inclusion du handicap dans la riposte à la COVID-19 établies par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) pour :
a) Prendre en compte le handicap dans ses plans de riposte à la COVID-19 et ses plans de relance, notamment en garantissant l’égalité d’accès aux vaccins, ainsi que dans les autres programmes économiques et sociaux destinés à remédier aux effets de la pandémie ;
b) Adopter des mesures en vue de retirer les personnes handicapées des institutions dans les situations d’urgence et leur fournir les mesures d’accompagnement dont elles ont besoin pour vivre dans la société ;
c) Associer les personnes handicapées et les organisations qui les représentent à toutes les étapes de l’élaboration et de l’application des plans de riposte à la COVID-19 et des plans de relance ;
d) Veiller à ce que, dans les situations de risque et les situations d’urgence humanitaire, toutes les personnes handicapées puissent recevoir, sur des appareils appropriés, les informations nécessaires dans des formats accessibles .
Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)
24.Le Comité relève avec préoccupation que la législation nationale autorise la prise de décision substitutive dans des domaines comme l’administration des biens, la gestion financière, les soins de santé ou la gestion des contrats, limitant ainsi la capacité juridique des personnes handicapées sur la base d’une déficience psychosociale ou intellectuelle.
25. Le Comité recommande à l’État partie d’agir conformément à son observation générale n o 1 (2014) sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité en accélérant la révision de la loi sur la santé mentale et en réexaminant sa législation nationale, notamment l’article 13 (par . 3 g)) de la loi portant création de la Charte des droits et libertés fondamentaux (amendement constitutionnel) et l’article 8 (par . 2) de la loi sur les droits de propriété (droits du conjoint), pour garantir le droit de toutes les personnes handicapées, notamment des personnes ayant des déficiences psychosociales , à la reconnaissance de leur personnalité juridique dans des conditions d’égalité, et d’établir des mécanismes de prise de décision accompagnée dans tous les domaines de la vie .
Accès à la justice (art. 13)
26.Tout en prenant note des dispositions de l’article 17A de la loi garantissant une aide juridictionnelle aux personnes handicapées, le Comité constate avec préoccupation que les personnes handicapées se heurtent à des obstacles lorsqu’elles tentent d’accéder à la justice, notamment à des barrières comportementales et à des préjugés de la part du personnel judiciaire, à l’insuffisance de la formation du personnel concernant l’orientation des personnes handicapées tout au long des procédures judiciaires complexes, et au manque d’informations sur la participation des personnes handicapées à cette formation. Le Comité constate également avec préoccupation que l’État partie n’a encore procédé à aucun aménagement procédural pour permettre aux personnes handicapées d’accéder effectivement à la justice et d’exercer des professions juridiques.
27. Le Comité rappelle les Principes et directives internationaux sur l’accès à la justice des personnes handicapées élaborés en 2020 par le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées, ainsi que la cible 16 . 3 des objectifs de développement durable, et recommande à l’État partie :
a) D’adopter, conformément à la Convention, un plan d’action pour l’accès des personnes handicapées à la justice, ainsi que des mesures juridiques, administratives et judiciaires visant à supprimer toutes les restrictions qui font obstacle à la participation effective des personnes handicapées à toutes les étapes des procédures judiciaires ;
b) De procéder à des aménagements procéduraux, notamment de fournir une assistance individualisée, afin que les personnes handicapées puissent participer effectivement aux différents aspects de la procédure judiciaire ;
c) De mettre au point des moyens d’information et de communication améliorée et alternative pouvant être utilisés tout au long des procédures judiciaires, comme le braille, la langue des signes, le langage facile à lire et à comprendre (FALC) et la transcription audio et vidéo, d’appliquer le principe de conception universelle et d’adopter un plan d’action pour garantir l’accès physique à toutes les installations judiciaires, notamment au moyen de transports accessibles ;
d) De redoubler d’efforts pour dispenser aux fonctionnaires de la justice et aux responsables de l’application des lois une formation sur la Convention, en particulier dans les zones rurales ;
e) De prendre des mesures pour que les personnes handicapées puissent accéder aux professions juridiques sur la base de l’égalité avec les autres, et de leur apporter à cette fin un soutien individualisé .
Liberté et sécurité de la personne (art. 14)
28.Le Comité note avec préoccupation que les personnes handicapées, en particulier celles qui ont un handicap psychosocial ou intellectuel, restent soumises à des lois qui les privent de leur liberté sur la base de leur déficience, et que l’on ne dispose pas d’informations sur les mesures prises pour empêcher que ces personnes soient soumises à un traitement arbitraire, notamment à des mesures d’internement. Il s’inquiète également de l’absence de mécanismes de contrôle concernant le respect des droits des personnes handicapées et l’apport d’aménagements raisonnables dans les établissements pénitentiaires.
29. Le Comité rappelle ses directives relatives au droit à la liberté et à la sécurité des personnes handicapées et recommande à l’État partie :
a) D’abroger toutes les dispositions législatives permettant de priver de liberté contre son gré une personne au motif qu’elle a une déficience ou qu’elle présenterait un danger pour elle-même ou pour les autres, d’adopter des lois visant à éliminer la discrimination, par exemple en prévoyant des aménagements procéduraux pour les personnes handicapées, notamment pendant les interrogatoires et la détention, d’interdire expressément le placement forcé en institution de personnes handicapées, en particulier de personnes ayant des déficiences psychosociales ou intellectuelles et de personnes âgées, et de rétablir le droit des personnes ayant des déficiences psychosociales à la liberté et à la sécurité de leur personne sur la base de l’égalité avec les autres ;
b) De mettre en place un mécanisme de contrôle pour empêcher que les personnes qui ont un handicap psychosocial ou intellectuel soient soumises à des traitements arbitraires ou forcés, en particulier à des traitements entraînant un internement ;
c) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur le nombre de personnes ayant des déficiences psychosociales ou intellectuelles et de personnes handicapées âgées qui sont toujours hospitalisées ou internées sans leur consentement ;
d) De dispenser aux professionnels de la santé, aux responsables de l’application des lois et aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire une formation sur les droits et la dignité des personnes handicapées et de prévoir des mécanismes de contrôle permettant de veiller au respect des droits des personnes handicapées dans les établissements pénitentiaires et les établissements de détention .
Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 15)
30.Le Comité relève avec préoccupation :
a)Que le placement d’office ou forcé reste autorisé et que les personnes handicapées, en particulier les personnes qui ont des déficiences psychosociales, peuvent donc toujours faire l’objet d’une mesure d’internement ou de traitement forcé ;
b)Que malgré la mise en place par le Ministère de la santé et du bien-être d’un mécanisme compétent en matière d’enquête, d’examen et de traitement des plaintes aux niveaux local et national, celui-ci n’a pas considéré que les traitements forcés, de quelque type que ce soit, étaient des actes de torture.
31. Le Comité recommande à l’État partie :
a) De revoir sa législation, ses politiques et ses pratiques qui autorisent toutes les formes d’internement sans consentement et de traitement forcé ;
b) De revoir la réglementation applicable au mécanisme de recours afin de faire en sorte que la procédure de plainte soit accessible à toutes les personnes handicapées vivant encore en institution, d’enquêter sur les pratiques pouvant constituer des actes de torture ou des châtiments ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à l’égard des personnes handicapées et d’imposer aux auteurs des peines qui soient à la mesure de la gravité de leurs actes .
Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)
32.Le Comité relève avec préoccupation :
a)Que la population, en particulier les personnes handicapées, ne connaît pas assez bien les mesures permettant de protéger les personnes handicapées de l’exploitation, de la violence et de la maltraitance, et qu’il n’existe pas de stratégie globale de lutte contre toutes les formes d’exploitation, de violence et de maltraitance visant les personnes handicapées, dans tous les contextes, y compris dans le cercle familial, à l’école et sur le lieu de travail ;
b)Que peu d’informations et de données statistiques sont disponibles concernant la violence à l’égard des femmes et des filles handicapées et les plaintes déposées par les victimes ;
c)Qu’il n’existe pas assez de foyers d’accueil accessibles aux femmes et aux filles victimes de violences, notamment aux femmes ayant un handicap psychosocial ou intellectuel ;
d)Que les professionnels qui s’occupent des personnes handicapées, les soignants, les membres des familles des personnes handicapées, le personnel de santé et les responsables de l’application des lois ne sont pas suffisamment formés pour reconnaître toutes les formes d’exploitation, de violence et de maltraitance.
33. Le Comité recommande à l’État partie :
a) De prendre toutes les dispositions nécessaires pour faire connaître les mesures visant à protéger les personnes handicapées de l’exploitation, de la violence et de la maltraitance, et d’adopter une stratégie globale pour prévenir l’exploitation, la violence et la maltraitance visant des personnes handicapées, en particulier les personnes ayant un handicap psychosocial ou intellectuel et celles qui sont placées en institution, de veiller à ce que les personnes handicapées soient informées des moyens d’éviter, de reconnaître et de signaler de tels actes, et de faire en sorte que les personnes handicapées victimes d’exploitation, de violences ou de maltraitance aient accès à des mécanismes de plainte indépendants ainsi qu’à des recours appropriés, comme une réparation et une indemnisation adéquate, notamment à des mesures de réadaptation ;
b) De faire en sorte que les données recueillies sur la violence contre les personnes handicapées intègrent toutes les violences fondées sur le genre commises à l’égard de femmes et de filles handicapées dans les sphères publique et privée, d’allouer des crédits budgétaires aux services de soutien aux femmes et filles handicapées qui sont victimes de la violence fondée sur le genre et de garantir l’accès à ces services ;
c) D e créer des foyers d’accueil destinés aux victimes de violences et de veiller à ce que, conformément à la Stratégie nationale de 2018 sur les foyers d’accueil, qui guide la mise en place d’un système national de lieux sûrs pour les victimes et les rescapés , les installations et les services fournis soient accessibles aux personnes handicapées, en particulier aux femmes et aux enfants ;
d) De dispenser aux familles et aux soignants des personnes handicapées, aux professionnels de la santé et aux membres des forces de l’ordre une formation continue afin de leur permettre de reconnaître toutes les formes d’exploitation, de violence et de maltraitance, et de mieux communiquer et de mieux travailler avec les personnes handicapées victimes de violences .
Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)
34.Le Comité relève avec préoccupation :
a)Que la population et les pouvoirs publics ne sont guère sensibilisés aux droits qu’ont les personnes handicapées de vivre de manière autonome et d’être incluses dans la société, de choisir où et avec qui elles veulent vivre, et de ne pas être obligées de vivre dans un milieu de vie particulier ;
b)Qu’il n’existe ni stratégie de désinstitutionnalisation des personnes handicapées, notamment des femmes et des enfants handicapés placés dans les institutions existantes, ni de programmes de réinstallation des personnes handicapées qui quittent une institution, en particulier des personnes qui ont un handicap intellectuel et n’ont pas les moyens de se loger.
35. Rappelant son observation générale n o 5 (2017) sur l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société, le Comité recommande à l’État partie :
a) D’adopter une stratégie qui prévoie des activités de sensibilisation du public aux droits des adultes et des enfants handicapés de choisir et de décider par eux ‑ mêmes de leur milieu de vie, et de ne pas être obligés de vivre dans un milieu de vie particulier, ainsi qu’à l’intérêt d’inclure les personnes handicapées dans la société, plutôt que de les en exclure ;
b) D’adopter une stratégie de désinstitutionnalisation des adultes et des enfants handicapés qui vivent encore en institution, et de faciliter l’accès à des services de proximité destinés à permettre aux personnes handicapées de vivre dans la société et de participer à la vie de la communauté .
Mobilité personnelle (art. 20)
36.Le Comité constate que le Conseil jamaïcain pour les personnes handicapées soutient la mobilité des personnes handicapées en accordant à celles-ci des aides pour l’achat d’équipements d’assistance, mais il note avec préoccupation que les fonds alloués ne représentent que 25 % à 50 % du coût total de certains équipements d’assistance, que seules les personnes handicapées enregistrées auprès du Conseil peuvent bénéficier de ces aides, que de nombreux équipements d’assistance ne sont pas fabriqués dans le pays et doivent donc être importés par des fournisseurs privés à des prix élevés, et que des retards sont signalés dans la livraison de ces équipements en raison de la longueur du processus d’approbation des demandes.
37. Le Comité recommande à l’État partie :
a) De faire en sorte que toutes les personnes handicapées, qu’elles soient ou non enregistrées auprès du Conseil jamaïcain pour les personnes handicapées, en particulier celles qui sont au chômage et celles qui ont de faibles revenus, aient accès à des aides à la mobilité, à des équipements et à des technologies d’assistance de qualité ;
b) D’allouer davantage de ressources budgétaires aux aides destinées à l’achat d’équipements d’assistance afin de faire face à la hausse du coût de ces équipements et à l’augmentation de la demande et de réduire les charges financières qui pèsent sur les personnes qui ont besoin de tels équipements ;
c) De faire en sorte que les équipements d’assistance soient financièrement accessibles, notamment en adoptant des mesures d’incitation et en exemptant les personnes handicapées de taxes et de droits de douane à l’achat d’équipements d’assistance, et de prendre des mesures de soutien fiscal et de renforcement des capacités en faveur des entreprises locales qui sont intéressées par la fabrication d’aides destinées au marché local et capables de le faire .
Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)
38.Le Comité constate avec préoccupation :
a)Que les technologies de l’information et des communications et les formats accessibles tels que le langage FALC, la langue simplifiée, le sous-titrage pour personnes sourdes, la langue des signes, le braille, l’audiodescription et les moyens de communication tactile et de communication améliorée et alternative sont faiblement utilisés dans les médias publics et privés, et que les personnes handicapées n’ont pas suffisamment accès aux technologies de l’information et des communications ;
b)Qu’en dépit de l’utilisation répandue de la langue des signes jamaïcaine, celle‑ci n’a pas le statut de langue nationale, et que la politique relative à l’éducation répondant à des besoins particuliers visant à rendre cette langue officielle est en attente d’adoption.
39. Le Comité recommande à l’État partie :
a) De garantir l’accessibilité de tous les moyens d’information publique, y compris de la télévision et des médias , pour toutes les personnes handicapées, dans des formats accessibles tels que le braille, l’interprétation pour les personnes sourdes et aveugles, la langue des signes, le langage FALC, la langue simplifiée, l’audiodescription, le sous-titrage et le sous-titrage pour personnes sourdes, en assurant le financement de leur élaboration, de leur promotion et de leur utilisation, et de faire en sorte que les technologies de l’information et des communications soient accessibles à la communauté des personnes handicapées dans toute sa diversité ;
b) De renforcer la formation en langue des signes et de reconnaître la langue des signes comme langue officielle de l’État partie .
Respect du domicile et de la famille (art. 23)
40.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’apporte pas une aide suffisante aux enfants handicapés, notamment aux enfants vivant en milieu rural et ayant besoin d’un accompagnement important, et à leur famille, et n’aide pas suffisamment les parents handicapés à exercer leurs responsabilités parentales.
41. Le Comité recommande à l’État partie de faire plus en adoptant des mesures législatives et d’autre nature propres à accompagner les familles de personnes handicapées, notamment à aider les parents handicapés, y compris ceux qui vivent en milieu rural, à élever leurs enfants dans un cadre familial .
Éducation (art. 24)
42.Le Comité prend note de certaines mesures que l’État partie a prises pour assurer un enseignement en ligne pendant la pandémie de COVID-19, mais il relève avec préoccupation :
a)Que l’éducation inclusive n’a guère progressé, que les écoles et classes spécialisées sont encore la norme, et que l’accès à l’éducation est encore plus difficile pour les enfants ayant besoin d’un accompagnement plus important ;
b)Que de nombreux parents gardent leur enfant handicapé à la maison jusqu’à l’âge de 12 ans, alors que l’école commence à 6 ans, et sont souvent contraints de l’inscrire dans une école ordinaire qui n’offre pas les services de soutien nécessaires ;
c)Que la formation du personnel enseignant et non enseignant concernant le droit à l’éducation inclusive est insuffisante ;
d)Qu’il n’y a pas suffisamment de matériels pédagogiques accessibles, de méthodes d’information et de communication alternatives, ni d’enseignants maîtrisant la langue des signes jamaïcaine ;
43. Compte tenu de son observation générale n o 4 (2016) sur le droit à l’éducation inclusive et de la cible 4 . 5 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :
a) D’élaborer une stratégie en faveur d’une éducation inclusive de qualité, assortie d’objectifs précis et d’un calendrier d’exécution bien défini et dotée d’un budget, et de répartir les responsabilités de la mise en application de cette stratégie entre les autorités nationales et les autorités municipales à tous les niveaux de l’enseignement, y compris dans l’enseignement supérieur et dans l’enseignement professionnel ;
b) De renforcer, notamment en allouant davantage de moyens financiers à leur application, les mesures déjà prises en vue d’apporter un soutien individualisé et des aménagements raisonnables dans le domaine éducatif, lorsque cela est nécessaire ;
c) De fournir aux étudiants handicapés des aides compensatoires et des matériels pédagogiques dans des formats alternatifs et accessibles, par exemple sous forme numérique, ainsi que des modes et moyens de communication inclusive, y compris le langage FALC, des aides à la communication et des technologies d’assistance, et de faire en sorte qu’il y ait suffisamment d’enseignants maîtrisant la langue des signes jamaïcaine ;
d) De faire en sorte que le personnel enseignant et non enseignant suive une formation sur l’éducation inclusive à tous les niveaux d’enseignement, notamment sur la langue des signes et d’autres formats accessibles d’information et de communication .
Santé (art. 25)
44.Le Comité constate avec préoccupation :
a)Que, selon les informations à sa disposition, les personnes handicapées rencontrent des obstacles, y compris des obstacles physiques dans le cas des personnes ayant une déficience visuelle, lorsqu’elles tentent d’accéder à des services et équipements de santé ;
b)Que les personnes handicapées, en particulier les femmes handicapées, dont celles qui ont un handicap intellectuel ou psychosocial, ont un accès limité aux services de santé sexuelle et procréative ;
c)Que, selon les informations à sa disposition, les gestionnaires de services de santé et le personnel médical ne sont pas sensibilisés aux droits des personnes handicapées, y compris des personnes malentendantes, et que les usagers des services de santé manquent de moyens de communication qui leur soient accessibles ;
d)Que les personnes handicapées se heurtent à des obstacles lorsqu’elles tentent de se procurer des médicaments destinés au traitement des problèmes de santé liés à leur handicap, car ces médicaments ne sont pas considérés comme faisant partie de la liste des produits essentiels, et qu’obtenir un rendez-vous médical prend beaucoup de temps ;
e)Que les personnes handicapées rencontrent des obstacles à l’accès aux soins de santé depuis le début de la pandémie de COVID-19 ;
f)Que les interventions précoces menées et les soins alternatifs fournis dans le domaine de la santé mentale, y compris le soutien au sein des familles, sont insuffisants.
45. Compte tenu des liens entre l’article 25 de la Convention et les cibles 3 . 7 et 3 . 8 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :
a) De renforcer les plans d’action visant à garantir l’accessibilité et la disponibilité des services et équipements sanitaires aux personnes handicapées ;
b) D e donner accès à des soins et services de santé sexuelle et procréative aux femmes et filles handicapées, et de faire en sorte que les femmes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial soient accompagnées dans leur prise de décision s afin qu’elles puissent réaffirmer leur autonomie et leur autodétermination en matière de sexualité et de procréation ;
c) D’élaborer, à l’intention des professionnels de la santé, une formation sur les droits des personnes handicapées, notamment sur leurs aptitudes, les mesures d’accompagnement et les moyens et méthodes d’information et de communication, et de fournir aux personnes handicapées, en particulier aux personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial et aux femmes et aux filles handicapées, des renseignements dans des formats accessibles, comme le braille, la langue des signes et le langage FALC ;
d) Veiller à ce que le Fonds national de santé aborde tous les domaines et englobe tous les services et médicaments essentiels, y compris ceux nécessaires au traitement des problèmes de santé liés au handicap ;
e) De donner à toute personne handicapée l’accès à l’ensemble des services de soins de santé disponibles pour la population générale pendant la pandémie de COVID-19, en garantissant un accès prioritaire aux services de diagnostic, de vaccination et de traitement curatif ;
f) D’intensifier les campagnes de sensibilisation relatives à la santé mentale afin de mettre fin à la stigmatisation des personnes ayant des problèmes de santé mentale et d’encourager le recours précoce aux services par tous les membres de la communauté .
Adaptation et réadaptation (art. 26)
46.Le Comité note avec préoccupation que les personnes handicapées ont du mal à accéder à des services de réadaptation, en particulier dans les zones rurales.
47. Le Comité recommande à l’État partie d’étendre les systèmes d’adaptation et de réadaptation et de faire en sorte que les personnes handicapées, notamment les enfants handicapés vivant en milieu rural, aient accès à des services d’adaptation et de réadaptation qui répondent à leurs besoins .
Travail et emploi (art. 27)
48.Le Comité constate avec préoccupation :
a)Que bien que la politique nationale en faveur des personnes handicapées dispose qu’au moins 5 % des emplois du secteur public doivent être réservés aux personnes handicapées, seules 15,3 % des personnes handicapées ont un emploi rémunéré ;
b)Qu’en raison du retard pris dans la promulgation de la loi de 2014 sur les handicaps, les mesures qui ont été prises dans le but de promouvoir l’emploi des personnes handicapées sont insuffisantes pour garantir l’accès au marché du travail ordinaire aux personnes handicapées vivant dans les zones rurales, aux personnes ayant un handicap intellectuel, aux personnes malentendantes et aux personnes ayant un handicap psychosocial, que des obstacles comportementaux dissuadent les employeurs de recruter des personnes handicapées et qu’il existe des obstacles physiques à l’emploi des personnes handicapées, en particulier le manque de moyens de transport accessibles et d’informations dans des formats accessibles, y compris pour les demandeurs d’emploi ;
c)Que les personnes handicapées bénéficient peu des programmes de formation professionnelle axés sur le marché en raison de problèmes liés à l’accessibilité physique et à la faible disponibilité des services d’interprétation en langue des signes résultant du nombre limité d’interprètes et du coût élevé de ces services ;
d)Que même s’il existe des programmes destinés aux personnes handicapées qui ont terminé leurs études, le pourcentage de diplômés qui réussissent à s’insérer dans le marché du travail reste très faible ;
e)Qu’il n’y a pas suffisamment de statistiques et de données officielles sur les personnes handicapées employées dans le secteur public et le secteur privé.
49. Le Comité recommande à l’État partie, conformément à la cible 8 . 5 des objectifs de développement durable :
a) D’accélérer l’application des mesures prises pour réserver 5 % des emplois aux personnes handicapées, comme le prévoient la politique nationale en faveur des personnes handicapées et la loi de 2014 sur les handicaps, tout en prenant des mesures efficaces pour lutter contre la discrimination, notamment en ce qui concerne les annonces, les processus de recrutement, les aménagements raisonnables, la reconversion, la promotion et les autres droits liés au travail et à l’emploi ;
b) De renforcer les mesures visant à garantir l’accès à l’emploi sur le marché du travail ordinaire et l’accès à des milieux professionnels inclusifs aux personnes handicapées, y compris aux personnes participant au processus de désinstitutionnalisation , aux personnes handicapées vivant dans les zones rurales, aux personnes ayant un handicap intellectuel, aux personnes malentendantes et aux personnes ayant un handicap psychosocial ;
c) De prendre des mesures pour lever les obstacles comportementaux qui subsistent parmi les employeurs et d’adopter un plan d’action en vue d’une évaluation périodique de l’accessibilité sur le lieu de travail, qui porte notamment sur l’accès des demandeurs d’emploi et des salariés aux transports, aux moyens d’information et de communication alternatifs, aux services d’interprétation en langue des signes, aux services de conversion de la parole en texte et aux pictogrammes ; ainsi que d’adopter des politiques et des procédures qui contribuent au développement d’infrastructures permettant de fournir une assistance personnelle sur le lieu de travail ;
d) De renforcer la participation des personnes handicapées aux programmes de formation professionnelle axés sur le marché en faisant en sorte qu’elles puissent physiquement accéder à ces programmes et que des services d’interprétation en langue des signes soient disponibles ;
e) D’élaborer les programmes nationaux pour l’emploi afin de faciliter l’accès des personnes handicapées, en particulier des personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial , au marché du travail après leurs études ;
f) De recueillir des données ventilées sur l’emploi des personnes handicapées dans les secteurs public, privé et non structuré .
Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)
50.Le Comité constate avec préoccupation que de nombreuses personnes handicapées vivent dans la pauvreté et sans revenu régulier et qu’il n’existe pas de système global de protection sociale garantissant aux personnes handicapées et à leur famille l’accès à un niveau de vie adéquat, par exemple par l’octroi de ressources destinées à couvrir les dépenses liées au handicap.
51. Rappelant les liens entre l’article 28 de la Convention et la cible 10 . 2 des objectifs de développement durable, qui vise à assurer l’autonomisation des personnes handicapées, quel que soit leur handicap, et à favoriser leur inclusion dans l’économie, le Comité recommande à l’État partie:
a) D’élaborer des stratégies de protection sociale et de réduction de la pauvreté ciblant les personnes handicapées ;
b) De mettre en place un système de protection sociale universelle pour garantir aux personnes handicapées un niveau de vie adéquat, notamment en versant, dans le cadre de systèmes de prestations, des allocations qui permettent aux personnes handicapées de couvrir les frais liés à leur handicap ;
c) D’inclure les questions liées au handicap dans les programmes visant à promouvoir un niveau de vie adéquat, notamment dans les programmes destinés à faciliter l’accès à l’eau potable et à l’assainissement à un prix abordable et dans les initiatives connexes menées dans les zones rurales et reculées .
Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)
52.Le Comité relève avec préoccupation :
a)Que des dispositions discriminatoires font que les personnes ayant un handicap psychosocial ne peuvent ni devenir membres du Sénat, ni être élues membres de la Chambre des représentants, ni voter, et que l’article 34 de la loi de 2014 sur les handicaps empêche ces personnes de participer à la société civile et de créer leurs propres organisations ;
b)Qu’aucune mesure n’a été prise pour garantir la participation à la vie politique et à la vie publique des personnes handicapées, notamment des personnes sourdes, des personnes ayant un handicap intellectuel, des personnes ayant un handicap psychosocial, des personnes sourdes et aveugles et des femmes handicapées, qui sont sous-représentées ;
c)Que les bureaux de vote et les procédures, équipements et matériels électoraux, ainsi que les informations relatives aux élections, dont les débats publics, les programmes électoraux, les documents électoraux imprimés ou électroniques ne sont pas suffisamment accessibles aux personnes handicapées, ce qui empêche les personnes malentendantes et les personnes ayant un handicap intellectuel de participer activement à la vie politique ;
d)Que les agents électoraux ne disposent pas de suffisamment d’informations sur les différents besoins des personnes handicapées inscrites pour voter dans leur bureau.
53. Le Comité recommande à l’État partie :
a) D’abroger toutes les dispositions discriminatoires qui privent les personnes handicapées de leur droit de participer pleinement à la vie politique et à la vie publique ;
b) D’adopter des mesures propres à assurer l’égalité et la participation des groupes sous-représentés de personnes handicapées, notamment des personnes sourdes, des personnes ayant un handicap intellectuel, des personnes ayant un handicap psychosocial , des personnes sourdes et aveugles et des femmes handicapées ;
c) De faire en sorte que les procédures et les lieux de vote soient accessibles et que les documents électoraux imprimés ou électroniques soient disponibles en langue simplifiée et en langage FALC afin que toutes les personnes handicapées puissent les suivre et les utiliser sans difficulté ;
d) De créer une base de données d’inscription sur les listes électorales contenant des informations, ventilées par sexe, âge et handicap, concernant les personnes handicapées et de communiquer ces informations aux agents électoraux avant le scrutin pour leur permettre de se préparer et de veiller à la pleine participation des personnes handicapées .
Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports (art. 30)
54.Le Comité constate avec préoccupation :
a)Que malgré l’adoption de la loi de 2015 portant modification de la loi sur le droit d’auteur visant à faciliter l’accès des personnes handicapées qui sont aveugles ou malvoyantes aux œuvres publiées, l’État partie n’a pas encore ratifié le traité de Marrakech et n’a pas adopté de lois nationales dans ce domaine ;
b)Que les personnes sourdes ont un accès limité aux manifestations artistiques et culturelles, étant donné que, pour la plupart, les lieux culturels n’offrent pas de services d’interprétation en langue des signes ;
c)Que les centres culturels, les théâtres et les services de bibliothèque qui permettent aux personnes handicapées d’accéder à Internet, y compris les ordinateurs équipés de logiciels vocaux pour les personnes qui ont des déficiences visuelles, sont parfois inaccessibles et éloignés du lieu de résidence des intéressés, et qu’il y a très peu de matériel audio.
55. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour promouvoir et protéger le droit des personnes handicapées, en particulier des enfants handicapés, de participer à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports, sur la base de l’égalité avec les autres, et de ratifier le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées .
C.Obligations particulières (art. 31 à 33)
Statistiques et collecte des données (art. 31)
56.Le Comité prend note des efforts que l’État partie fait pour collecter des données, par exemple dans le cadre de l’enquête annuelle sur les conditions de vie en Jamaïque et du recensement de la population et du logement de 2022, qui comprendra des données et des statistiques sur les personnes handicapées, mais il constate avec préoccupation :
a)Que des lacunes subsistent dans la collecte de statistiques et de données ventilées sur les personnes handicapées dans tous les domaines visés par la Convention, principalement parce que le questionnaire de recensement national ne contient aucune question sur le handicap ;
b)Qu’il n’existe pas d’étude systématique et exhaustive sur les conditions de vie des personnes handicapées et qu’il est nécessaire de recenser les obstacles rencontrés par ces personnes dans l’exercice de leurs droits.
57. Le Comité rappelle le bref questionnaire du Groupe de Washington sur les situations de handicap et l’indicateur d’inclusion et d’autonomisation des personnes handicapées défini par le Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques, et recommande à l’État partie :
a) D’élaborer un système et des procédures de collecte de données ventilées par âge, sexe, orientation sexuelle, identité de genre, race, origine ethnique, revenu, statut migratoire, niveau d’instruction, situation professionnelle et lieu de résidence, concernant les personnes handicapées . Ce système et ces procédures devraient garantir la confidentialité et le respect de la vie privée des personnes handicapées ;
b) De consacrer des fonds à la réalisation d’études périodiques sur les droits des personnes handicapées dans le but de repérer les obstacles à l’exercice de ces droits, ainsi que de donner aux autorités municipales les moyens d’examiner régulièrement les obstacles à l’inclusion des personnes handicapées ;
c) De soutenir la réalisation de travaux de recherche indépendants et participatifs, à la fois quantitatifs et qualitatifs, qui serviront de fondements aux politiques et aux mesures visant à garantir les droits des personnes handicapées .
Coopération internationale (art. 32)
58.Le Comité relève avec préoccupation que les organisations de personnes handicapées ne sont pas toujours consultées dans le cadre des programmes multilatéraux de coopération internationale.
59. Le Comité recommande que les organisations de personnes handicapées soient effectivement consultées et associées à toutes les étapes de l’élaboration et de l’exécution des plans, programmes et projets de coopération internationale .
Application et suivi au niveau national (art. 33)
60.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie selon lesquelles le Conseil jamaïcain pour les personnes handicapées fait office de point de contact pour l’application de la Convention au niveau national, mais il constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore désigné de mécanisme de suivi indépendant, car il ne dispose pas d’institution nationale des droits de l’homme. Il s’inquiète également de ce que les personnes handicapées ne sont pas associées à la mise en œuvre de la Convention et au suivi de l’application par l’intermédiaire des organisations qui les représentent.
61. Le Comité recommande à l’État partie :
a) De créer une institution nationale des droits de l’homme et de désigner un cadre de surveillance indépendant qui comprenne un ou plusieurs mécanismes indépendants et soit notamment chargé de soumettre des rapports parallèles au Comité ;
b) De faire en sorte que les personnes handicapées et les diverses organisations qui les représentent soient effectivement associées au suivi de l’application de la Convention, y compris pendant la pandémie de COVID-19 .
IV.Suivi
Diffusion de l’information
62. Le Comité insiste sur l’importance de toutes les recommandations qui figurent dans les présentes observations finales . En ce qui concerne les mesures à prendre d’urgence, il appelle l’attention de l’État partie sur les recommandations relatives aux articles 5 et 14 de la Convention .
63. Le Comité demande à l’État partie de mettre en application les recommandations figurant dans les présentes observations finales . Il lui recommande de transmettre les présentes observations finales, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux responsables des différents ministères, aux autorités locales et aux membres des professions concernées, tels les professionnels de l’éducation, de la santé et du droit, ainsi qu’aux médias , en utilisant pour ce faire les stratégies de communication sociale modernes .
64. Le Comité encourage vivement l’État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l’élaboration de ses rapports périodiques .
65. Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organisations non gouvernementales et des organisations de personnes handicapées, ainsi qu’auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationales et minoritaires, notamment en langue des signes, en langage FALC et sous des formes accessibles . Il lui demande aussi de les diffuser sur le site Web public consacré aux droits de l’homme .
Prochain rapport périodique
66. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre son rapport valant deuxième à cinquième rapports périodiques le 31 avril 2025 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les présentes observations finales . Il invite également l’État partie à envisager de soumettre ce rapport en suivant la procédure simplifiée, dans le cadre de laquelle il établit une liste de points au moins un an avant la date prévue pour la soumission du rapport et l’État partie y apporte des réponses qui constituent son rapport périodique .