NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/1/Add.86

26 juin 2003

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,SOCIAUX ET CULTURELSTrentième session5‑23 mai 2003

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Luxembourg

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le troisième rapport périodique du Luxembourg sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/1994/104/Add.24) à ses 5e et 6e séances, tenues le 7 mai 2003 (E/C.12/2003/SR.5 et 6), et a adopté, à sa 29e séance, tenue le 23 mai 2003 (E/C.12/2003/SR.29), les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’État partie, qui a dans l’ensemble été établi conformément aux directives du Comité mais ne présente pas suffisamment d’informations pour lui permettre d’évaluer les progrès réalisés en ce qui concerne le degré d’application de certaines des dispositions du Pacte. Il déplore en particulier l’absence de données statistiques comparatives et désagrégées.

3.Le Comité note, en s’en félicitant, le caractère exhaustif des réponses écrites fournies par l’État partie. Il regrette toutefois que ces réponses n’aient pas été soumises avant la session et qu’elles n’existent qu’en français.

4.Le Comité se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a pu engager avec la délégation de l’État partie. Il regrette toutefois que cette délégation n’ait pas comporté davantage d’experts, ce qui aurait permis un dialogue constructif dans tous les domaines visés par le Pacte.

B. Aspects positifs

5.Le Comité note avec satisfaction les efforts suivis que l’État partie déploie pour s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte et le niveau de protection, élevé dans l’ensemble, dont jouissent les droits économiques, sociaux et culturels au Luxembourg.

6.Le Comité note avec satisfaction que le Luxembourg consacre plus de 0,7 % de son produit intérieur brut à l’aide publique au développement (APD), figurant ainsi parmi les rares pays ayant dépassé l’objectif fixé en la matière par l’Organisation des Nations Unies. Le Comité se félicite également que le Gouvernement se soit fixé pour objectif de porter progressivement à 1 % de son produit intérieur brut, d’ici à 2005, sa contribution à l’APD.

7.Le Comité se félicite de la création, en 2000, de la Commission consultative des droits de l’homme, organe chargé de donner des avis au Gouvernement sur toutes les questions relatives aux droits de l’homme, notamment aux droits économiques, sociaux et culturels.

8.Le Comité note avec satisfaction que le taux de chômage reste faible dans l’État partie.

9.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié la Convention no 111 de l’OIT concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, conformément aux recommandations antérieures du Comité.

10.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures que l’État partie a prises pour promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes sur le lieu de travail, notamment la loi du 28 juin 2001 portant renversement de la charge de la preuve en cas de discrimination fondée sur le sexe.

11.Le Comité note avec satisfaction la récente modification de la loi régissant les comités mixtes d’entreprise, qui permet aux travailleurs étrangers non ressortissants de l’Union européenne mais titulaires d’un permis de travail d’une durée de validité d’un an d’y siéger.

12.Le Comité se félicite des mesures que l’État partie a prises pour lutter contre la traite des êtres humains, la pornographie impliquant des enfants et l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants. Le Comité salue en particulier l’application extraterritoriale de certaines dispositions du Code pénal permettant de poursuivre pénalement des personnes, qu’elles soient de nationalité luxembourgeoise ou non, qui commettent à l’étranger des délits sexuels.

13.Le Comité note, en s’en félicitant, l’augmentation de l’aide et des subventions accordées par l’État partie aux associations culturelles et aux artistes.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

14.Le Comité note qu’il n’y a pas de facteurs ou difficultés majeurs entravant l’application effective du Pacte au Luxembourg.

D. Principaux sujets de préoccupation

15.Tout en prenant note des informations fournies par l’État partie au sujet de la primauté des traités internationaux sur la législation nationale, le Comité regrette que les droits consacrés par le Pacte n’aient jamais été invoqués devant les tribunaux.

16.Tout en reconnaissant que les droits économiques, sociaux et culturels des demandeurs d’asile sont en règle générale protégés dans l’État partie, le Comité note avec préoccupation que l’examen des demandes d’asile prend un temps considérable.

17.Le Comité prend note que l’État partie n’a toujours pas révisé la Constitution en vue d’y inscrire le principe de l’égalité entre hommes et femmes.

18.Tout en prenant note des mesures que l’État partie a prises pour intégrer les personnes handicapées au marché du travail, le Comité est préoccupé par le fait que le projet de loi no 4827 déposé le 27 juillet 2001 et concernant l’intégration des personnes handicapées au marché du travail n’a pas encore été adopté.

19.Le Comité prend note avec inquiétude de l’expansion récente du chômage, malgré une situation de l’emploi globalement satisfaisante, un phénomène qui semble toucher les jeunes principalement.

20.Le Comité est préoccupé par la situation des détenus qui travaillent pour des sociétés privées et rappelle qu’en vertu de la Convention n° 29 de l’OIT si une société privée a recours aux services de détenus, ce doit être avec le consentement des intéressés et dans des conditions (notamment pour ce qui touche à la rémunération et à la sécurité sociale) comparables à celles qui prévalent dans les relations d’emploi libres.

21.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas ratifié un certain nombre de conventions de l’OIT relatives aux droits au travail et à la sécurité sociale, notamment les Conventions nos 117, 118 et 122.

22.Le Comité constate avec préoccupation que les femmes restent sous‑représentées au sein de la population active. Tout en notant que les écarts de salaire entre les hommes et les femmes ont été réduits, le Comité relève aussi avec inquiétude que l’ampleur actuelle de la disparité des salaires (les femmes percevant une rémunération de 15 % inférieure à celle des hommes) reste préoccupante.

23.Le Comité demeure préoccupé par la terminologie du Code civil, qui fait la distinction entre enfants «légitimes» et enfants «naturels». Cette distinction dans la formulation n’entraîne certes pas de différence dans la protection des droits, mais le Comité n’en reste pas moins préoccupé par les connotations péjoratives qui s’y rattachent.

24.Le Comité exprime une fois de plus son inquiétude au sujet des problèmes de santé chez les adolescents, qui découlent en particulier de la toxicomanie et des taux élevés de consommation d’alcool et de tabac.

25.Le Comité est préoccupé par le taux de suicide élevé dans l’État partie, notamment chez les jeunes.

E. Suggestions et recommandations

26.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces, dans le cadre de la formation juridique et judiciaire, pour garantir la pleine prise en compte de la justiciabilité des droits consacrés par le Pacte et pour encourager le recours au Pacte comme source de droit au sein des tribunaux nationaux. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale no 9 concernant l’application du Pacte au niveau national.

27.Le Comité invite l’État partie à lui présenter, dans son prochain rapport périodique, son point de vue et ses observations sur la proposition d’élaborer un protocole facultatif au Pacte, qui doit être examinée par le Groupe de travail à composition non limitée créé par la Commission des droits de l’homme en 2003.

28.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces visant à accélérer l’examen des demandes d’asile, afin que les personnes concernées puissent exercer tous les droits conférés par le statut de réfugié.

29.Le Comité recommande à l’État partie d’approuver la réforme constitutionnelle qui doit consacrer le principe de l’égalité entre hommes et femmes.

30.Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer le processus d’adoption du projet de loi no 4827 relatif à l’intégration des personnes handicapées au marché du travail.

31.Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour réduire le taux de chômage chez les jeunes.

32.Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les détenus ne puissent seulement travailler pour des sociétés privées si c’est de leur plein gré et dans des conditions se rapprochant de celles qui prévalent dans des relations de travail libres pour ce qui touche à la rémunération et à la sécurité sociale.

33.Le Comité encourage l’État partie à ratifier les Conventions nos 117, 118 et 122 de l’OIT.

34.Le Comité encourage l’État partie à appliquer dûment les mesures énoncées dans le Plan d’action national en faveur de l’emploi qui visent à favoriser la participation des femmes au marché du travail et à assurer l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, y compris un salaire égal pour un travail de valeur égale.

35.Le Comité recommande à l’État partie d’inclure, dans son quatrième rapport périodique, des renseignements sur les moyens qu’il utilise pour contrôler la qualité des services sociaux fournis par les organismes privés recevant des fonds publics afin de s’assurer que ces entités se conforment aux prescriptions du Pacte.

36.Le Comité recommande à l’État partie de promulguer dès que possible la loi sur la violence domestique, dont le projet a été présenté en mai 2001 et qui permet de contraindre un conjoint violent à quitter le domicile conjugal.

37.Le Comité recommande que les termes «enfants légitimes» et «enfants naturels» qui figurent dans le Code civil soient remplacés par les expressions «enfants nés dans le mariage» et «enfants nés hors mariage», respectivement.

38.Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour prévenir et combattre la toxicomanie, notamment chez les jeunes, et de renforcer sa campagne contre l’alcoolisme et le tabagisme.

39.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour réduire le taux élevé de suicide, notamment chez les jeunes.

40.Le Comité demande à l’État partie de fournir des données désagrégées sur l’incidence des maladies professionnelles, en faisant apparaître les fluctuations observées pendant la période considérée, et renvoie l’État partie, à cet égard, à son Observation générale n° 14, notamment à ses paragraphes 43 et 44 qui portent sur les obligations fondamentales.

41.Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport des renseignements sur la mise en œuvre du projet pilote sur l’éducation préscolaire, qui est actuellement mis en œuvre dans plusieurs communes et vise à permettre aux parents qui travaillent de concilier activité professionnelle et responsabilités familiales.

42.Le Comité note la création très prochaine d’une université nationale, appelée Université de Luxembourg, et recommande que, dès le départ, l’enseignement y soit gratuit ou que les frais de scolarité soient réduits au minimum, l’objectif étant d’introduire progressivement la gratuité de l’enseignement supérieur, conformément aux dispositions de l’alinéa c du paragraphe 2 de l’article 13 du Pacte.

43.Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et de renforcer ses efforts visant à aider et à subventionner les associations culturelles, y compris celles des migrants.

44.Le Comité encourage l’État partie à dispenser un enseignement sur les droits de l’homme dans les établissements scolaires à tous les degrés et à mieux faire connaître les droits de l’homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels, aux membres de la fonction publique et des professions judiciaires.

45.Le Comité prie l’État partie d’assurer une large diffusion de ses observations finales à tous les niveaux de la société, y compris auprès des membres de la fonction publique et des professions judiciaires, et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, de toutes les mesures prises pour appliquer ces observations. Il encourage également l’État partie à continuer de consulter les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile durant l’élaboration de son quatrième rapport périodique.

46.Le Comité prie l’État partie de soumettre son quatrième rapport périodique au plus tard le 30 juin 2008.

-----