NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/1/Add.93

12 décembre 2003

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,SOCIAUX ET CULTURELSTrente et unième session10‑28 novembre 2003

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESCONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 et 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Guatemala

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le deuxième rapport périodique du Guatemala sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/1990/6/Add.34 et Rev.1) à ses 37e et 38e séances, tenues le 14 novembre 2003 (voir E/C.12/2003/SR.37 et 38), et a adopté, à sa 56e séance, tenue le 28 novembre 2003 (voir E/C.12/2003/SR.56), les observations finales ci-après.

A. Introduction

2.Le Comité prend acte avec satisfaction du deuxième rapport périodique du Guatemala, qui a été établi conformément à ses directives, ainsi que des informations fournies dans les réponses écrites à la liste des points à traiter (E/C.12/Q/GTM/1).

3.Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie.

B. Aspects positifs

4.Le Comité prend note avec satisfaction des dispositions constitutionnelles portant création du poste de Procureur aux droits de l’homme (art. 273 à 275 de la Constitution), ainsi que de l’adoption de la loi sur la Commission parlementaire des droits de l’homme et de la loi sur le Procureur aux droits de l’homme. Le Comité se félicite également de l’élaboration d’un plan de gestion pour la période 2002-2007 par le Procureur aux droits de l’homme.

5.Le Comité se félicite de la création de l’Office pour la défense des droits des femmes autochtones, chargé de promouvoir et de mettre au point des propositions relatives à des politiques, plans et programmes publics destinés à défendre les droits des femmes autochtones.

6.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption, en mai 2003, du décret législatif no 19 sur les langues nationales, qui prévoit la reconnaissance, la promotion et le respect des langues maya, garifuna et xinka.

7.Le Comité se félicite de la ratification par le Guatemala de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi que de son adhésion à la Convention interaméricaine sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des personnes handicapées.

8.Le Comité se félicite de l’invitation qui lui a été faite par la délégation de l’État partie à se rendre au Guatemala dans un avenir proche.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

9.Le Comité note que les conséquences du conflit armé ont entravé le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

D. Principaux sujets de préoccupation

10.Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des progrès réalisés par l’État partie en vue de l’application effective des Accords de paix de 1996 (y compris l’Accord global sur les droits de l’homme et les Accords sur les aspects socioéconomiques et la situation agraire), qui est à l’origine de problèmes graves et persistants, tels que la violence au niveau national, les intimidations, la corruption, l’impunité et l’absence de réforme constitutionnelle, fiscale, éducative et agraire. Toutes ces difficultés ont eu des conséquences négatives sur la réalisation pleine et entière des droits économiques, sociaux et culturels consacrés par le Pacte, en particulier pour les populations autochtones.

11.Le Comité est préoccupé par la discrimination persistante à l’égard des populations autochtones, notamment en ce qui concerne l’accès à la propriété foncière, au travail, à l’éducation, aux services de santé et à une alimentation et à un logement décents.

12.Le Comité est préoccupé par l’inégalité de facto entre les femmes et les hommes, inégalité entretenue par les préjugés traditionnels et la situation sociale, en dépit du grand nombre d’instruments juridiques adoptés par l’État partie.

13.Le Comité est préoccupé par le taux de chômage élevé, en particulier au sein des populations autochtones. À cet égard, il prend note du fait que l’État partie n’a pas encore ratifié la Convention no 2 de l’OIT concernant le chômage.

14.Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que le salaire minimum ne suffit pas à assurer des conditions de vie décentes aux travailleurs et à leur famille, et que, en pratique, ce salaire insuffisant n’est pas toujours payé.

15.En dépit des mesures prises par l’État partie pour décentraliser et renforcer les services d’inspection du travail, le Comité s’inquiète de ce que les inspections du travail ne sont pas effectuées régulièrement, surtout dans les zones rurales.

16.Le Comité est également préoccupé par le harcèlement sexuel dont sont victimes les femmes sur leur lieu de travail.

17.Le Comité est préoccupé par le fait que seuls 15 % de la population relèvent de l’Institut guatémaltèque de sécurité sociale et qu’il existe des disparités considérables en termes de couverture sociale entre les travailleurs des zones rurales et les travailleurs des zones urbaines. Il observe également que l’État partie n’a pas encore ratifié la Convention no 102 de l’OIT concernant la sécurité sociale (norme minimum).

18.Le Comité prend acte des mesures législatives prises par l’État partie pour répondre aux besoins des personnes handicapées mais regrette l’absence de mesures d’application et de ressources financières et humaines adaptées dans ce domaine.

19.Le Comité prend également acte des efforts déployés par l’État partie en vue de la mise en œuvre du programme national de réparation en faveur des victimes de guerre. Toutefois, le Comité exprime sa préoccupation quant à l’absence de mesures efficaces pour assurer la réunification des familles séparées par le conflit, pour déterminer le sort des enfants disparus et pour garantir les droits des enfants rendus orphelins par la guerre.

20.Le Comité est gravement préoccupé par le problème persistant du travail des enfants dans l’État partie, en particulier dans l’agriculture et les services domestiques.

21.Le Comité est préoccupé par l’étendue du problème de la violence à l’égard des femmes, tant dans la famille qu’en dehors de celle‑ci, dans la société guatémaltèque, et des conséquences de cette violence pour la santé physique et mentale des femmes et de leurs enfants. En outre, le Comité est préoccupé par le fait que le Code pénal ne considère pas les violences au sein de la famille comme un crime.

22.Le Comité est préoccupé par le niveau élevé de pauvreté qui atteint, selon les statistiques officielles, 73,8 % au sein des populations autochtones et 40,6 % au sein des populations non autochtones.

23.Le Comité est préoccupé par les conséquences négatives de la crise du café pour l’emploi et le niveau de vie en zone rurale.

24.Le Comité reste gravement préoccupé par le fait que la répartition inéquitable des richesses et des terres et l’exclusion sociale importante, en particulier au sein des populations autochtones et rurales, entravent le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

25.Le Comité est préoccupé par la situation actuelle en ce qui concerne la santé sexuelle et génésique des femmes et par la mortalité infantile et maternelle relativement élevée.

26.Le Comité est alarmé par l’augmentation du nombre de toxicomanes dans l’État partie, en particulier chez les jeunes gens.

27.Le Comité est préoccupé par le fait que 30 % seulement des enfants vivant dans des communautés rurales terminent leurs études primaires et que, s’agissant des enfants autochtones, 20 % d’entre eux seulement achèvent le cycle d’enseignement primaire. Le Comité est préoccupé par les possibilités limitées qu’ont les populations autochtones de recevoir une éducation dans leur langue maternelle et d’utiliser celle‑ci dans leurs relations avec les autorités publiques.

E. Suggestions et recommandations

28.Le Comité recommande à l’État partie de déployer tous les efforts possibles, y compris par le biais de l’assistance internationale, pour assurer un suivi approprié des divers éléments inscrits dans les Accords de paix de 1996 qui, après 30 années de conflit civil, ont jeté les bases de la réconciliation nationale et de la promotion des droits de l’homme.

29.Le Comité recommande à l’État partie d’accomplir davantage d’efforts pour lutter contre la discrimination dont sont victimes les populations autochtones, en particulier dans les domaines de l’emploi, des services de santé, de la propriété foncière, de l’accès à une alimentation suffisante, du logement et de l’éducation.

30.Le Comité invite l’État partie à prendre des mesures efficaces pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes dans tous les domaines de la vie publique, en particulier en prenant des mesures effectives en ce qui concerne la lutte contre la discrimination qui touche l’éducation des fillettes, l’accès à l’emploi, l’égalité de salaire pour un travail de même valeur et l’accès à la propriété foncière et au crédit. Le Comité invite instamment l’État partie à renforcer la représentation des femmes dans les services publics.

31.Le Comité invite instamment l’État partie à accroître ses efforts pour lutter contre le chômage en renforçant les programmes de formation technique et professionnelle et en adoptant des politiques visant à promouvoir les investissements créateurs d’emplois. Le Comité encourage l’État partie à ratifier la Convention no 2 de l’OIT concernant le chômage.

32.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le salaire minimum soit augmenté régulièrement, en fonction de la hausse du coût de la vie, afin de garantir un niveau de vie suffisant aux travailleurs et à leur famille, et de s’assurer que les règles en matière de salaire minimum sont effectivement respectées.

33.Le Comité invite instamment l’État partie à vérifier et à garantir le respect de la législation du travail dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité au travail, notamment grâce à des inspections régulières.

34.Le Comité engage l’État partie à modifier la législation applicable afin de criminaliser le harcèlement sexuel et à prendre des mesures efficaces pour lutter contre la criminalité.

35.Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour élargir sensiblement la couverture du système de sécurité sociale, notamment aux travailleurs ruraux et domestiques et aux membres de leur famille. Il lui recommande également de ratifier la Convention no 102 de l’OIT concernant la sécurité sociale (norme minimum).

36.Le Comité invite instamment l’État partie à s’occuper de la situation des personnes handicapées en définissant des mesures d’application appropriées dans ce domaine. Il recommande également à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur les mesures qui ont été prises et les résultats qui ont été obtenus à cet égard.

37.Le Comité invite instamment l’État partie à accroître ses efforts visant à réunir les familles séparées, à poursuivre les recherches au sujet des enfants disparus et à protéger les orphelins de guerre, tout en facilitant l’accès des personnes concernées à l’appareil judiciaire.

38.Le Comité engage l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires, législatives et autres, pour faire face au problème persistant du travail des enfants, en particulier dans l’agriculture et les services domestiques.

39. Le Comité engage l’État partie à lutter contre la violence à l’égard des femmes, notamment par l’application effective de la loi sur la violence au sein de la famille et en lançant une campagne destinée à combattre les pratiques et les préjugés traditionnels néfastes, ainsi que leurs incidences et conséquences. À cet égard, le Comité demande à l’État partie de modifier le Code pénal de telle sorte que la violence au sein de la famille soit érigée en crime. Le Comité invite l’État partie à fournir, dans son troisième rapport périodique, des informations détaillées et des statistiques mises à jour concernant le phénomène de la violence au sein de la famille au Guatemala, ainsi que les résultats des mesures prises pour lutter contre ce grave problème.

40.Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses programmes et activités destinés à lutter contre la pauvreté et à améliorer les conditions de vie de la population guatémaltèque, en particulier les groupes marginalisés et vulnérables, notamment les populations autochtones. Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur les progrès qui auront été réalisés à cet égard.

41.Le Comité encourage l’État partie à réorienter sa politique agricole et à appliquer le plan social qu’il a défini pour lutter contre la crise du café grâce à des mesures destinées à garantir aux personnes touchées par la crise l’accès à une alimentation suffisante, à des soins de santé, à un logement subventionné et à des possibilités d’emploi.

42.Le Comité réitère sa recommandation précédente (E/C.12/1/Add.3, par. 24) et invite instamment l’État partie à mettre en œuvre les mesures contenues dans les Accords de paix de 1996, en particulier celles qui ont trait à la réforme agraire et à la redistribution des terrains communaux autochtones.

43.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour réduire la mortalité infantile et maternelle, et en particulier d’intensifier la mise en œuvre de son programme national en matière de santé sexuelle et génésique, d’accroître l’aide apportée aux sages‑femmes et de développer leur formation, d’organiser des campagnes d’enseignement concernant la santé sexuelle et génésique des femmes, et d’inscrire ces sujets dans les programmes scolaires.

44.Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures efficaces pour lutter contre la toxicomanie, notamment au moyen de campagnes de sensibilisation et d’activités éducatives.

45.Le Comité invite instamment l’État partie à s’efforcer d’accroître le taux de fréquentation scolaire des enfants, en particulier des enfants autochtones. Il lui recommande d’élargir ses programmes d’enseignement interculturel bilingue et de fournir au Département d’enseignement bilingue les fonds et les ressources humaines dont il a besoin, d’améliorer les conditions de travail des enseignants en revalorisant leur salaire et leur formation, ainsi qu’en engageant des enseignants supplémentaires afin de couvrir complètement les zones rurales.

46.À la lumière de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne (par. 71), le Comité encourage l’État partie à continuer d’établir, dans le cadre d’un processus ouvert et propice à la consultation, un plan national d’action détaillé sur les droits de l’homme et de chercher à obtenir la coopération du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Le Comité demande à l’État partie d’indiquer, dans son troisième rapport périodique, les progrès qui auront été réalisés à cet égard.

47.Le Comité invite l’État partie à fournir, dans son troisième rapport périodique, des informations sur les mesures particulières adoptées par l’Institution nationale chargée de la protection des droits de l’homme, la «Procuradoría de los Derechos Humanos», en vue de promouvoir et de protéger les droits économiques, sociaux et culturels.

48.Le Comité demande à l’État partie d’assurer une large diffusion des présentes observations finales dans toutes les couches de la société, en particulier parmi les fonctionnaires, les agents de l’appareil judiciaire et les parlementaires, et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, de toutes les mesures prises pour leur donner suite.

49.Le Comité encourage également l’État partie à solliciter la participation des organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile à un débat national avant la présentation du troisième rapport périodique.

50.Le Comité demande à l’État partie de présenter son troisième rapport périodique au plus tard le 30 juin 2008.

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