NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/1/Add.92

12 décembre 2003

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,SOCIAUX ET CULTURELS

Trente et unième session

10‑28 novembre 2003

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Yémen

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le rapport initial du Yémen sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/1990/5/Add.54) à ses 33e, 34e et 35e séances, tenues les 12 et 13 novembre 2003 (E/C.12/2003/SR.33 à 35), et a adopté à sa 56e séance, le 28 novembre 2003 (E/C.12/2003/SR.56), les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Yémen, qui a été établi conformément à ses directives ainsi que les réponses écrites détaillées soumises par l’État partie à sa liste des points à traiter (E/C.12/Q/YEM/1).

3.Tout en se félicitant de la franchise ayant marqué le dialogue avec la délégation de l’État partie, le Comité regrette que celle‑ci n’ait pas eu en son sein un nombre suffisant de spécialistes des droits économiques, sociaux et culturels, qui auraient pu éclairer le Comité sur les mesures concrètes que l’État partie a prises pour s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

B. Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction les différents programmes adoptés par l’État partie pour promouvoir et protéger les droits de l’homme, notamment la création du Haut Comité national des droits de l’homme.

5.Le Comité accueille avec satisfaction la création de la Commission nationale des femmes, qui a notamment pour tâche d’examiner et d’élaborer les dispositions législatives concernant les femmes.

6.Le Comité accueille avec satisfaction la loi no 4 de 2000 sur l’autorité locale, qui vise à garantir une répartition équitable des services, programmes et projets au sein d’une administration largement décentralisée des affaires sociales.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

7.Le Comité reconnaît qu’en raison, d’une part, de la guerre du Golfe de 1990‑1991, qui a contraint environ un million de travailleurs migrants yéménites à rentrer au pays en laissant derrière eux la plupart de leurs biens, et, d’autre part, de la guerre civile de 1994, l’État partie s’est heurté à de graves difficultés pour s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

D. Principaux sujets de préoccupation

8.Le Comité est préoccupé par la persistance des discriminations de facto dont font l’objet certains groupes marginalisés et vulnérables de la société connus sous le nom de AkhdamAhjur ou Zubud (termes péjoratifs qui sont utilisés faute d’autres mots neutres).

9.Malgré les mesures prises par l’État partie pour améliorer la condition des femmes dans la société yéménite, le Comité est préoccupé par l’existence de certaines coutumes, traditions et pratiques culturelles entraînant une forte discrimination à l’égard des femmes et des fillettes et par la persistance de dispositions législatives discriminatoires, notamment dans le droit de la famille, le Code du statut personnel et le droit successoral. Le Comité est également préoccupé par la discrimination répandue à l’égard des femmes en ce qui concerne l’accès à une représentation adéquate à tous les niveaux des organes de décision de l’État partie.

10.Le Comité relève avec préoccupation que des progrès limités ont été enregistrés dans le domaine de la lutte contre le chômage et que le taux de chômage reste très élevé, en particulier parmi les jeunes gens.

11.Le Comité est préoccupé par l’absence de salaire minimum.

12.Le Comité note avec préoccupation qu’il existe un écart entre les salaires des hommes et ceux des femmes, même lorsque celles‑ci effectuent le même travail que les hommes, dans les mêmes conditions.

13.Le Comité note avec préoccupation qu’une partie importante de la société reste dépourvue de protection sociale, en particulier les travailleurs indépendants et personnes qui travaillent dans l’agriculture.

14.Le Comité note avec préoccupation qu’aucune mesure n’a été adoptée en vue de lutter contre les violences sexuelles et familiales et qu’aucune loi n’érige ces violences en infractions pénales.

15.Le Comité est préoccupé par les taux élevés de mortalité infantile et maternelle et l’insuffisance des services de santé, notamment à l’intention des femmes des zones rurales. Il est également préoccupé par l’absence de tout programme global de santé sexuelle et génésique dans l’État partie.

16.Le Comité est préoccupé par la persistance du travail des enfants, notamment dans le secteur informel, en dépit de l’adoption d’une stratégie nationale et d’un plan d’action pour l’élimination du travail des enfants.

17.Le Comité est vivement préoccupé par la persistance de la pauvreté extrême dans l’État partie, notamment dans les régions rurales et parmi les groupes défavorisés et marginalisés.

18.Le Comité est préoccupé par les conditions de vie des prisonniers et des détenus dans l’État partie, notamment des femmes, en particulier pour ce qui est de l’accès aux soins de santé, à une nourriture suffisante et à l’eau potable.

19.Le Comité est préoccupé par la persistance de la crise de l’eau, qui représente un problème environnemental alarmant pour l’État partie et rend impossible d’accéder à l’eau potable à un prix raisonnable, notamment pour les groupes défavorisés ou marginalisés et dans les zones rurales.

20.Le Comité est préoccupé par l’augmentation de l’incidence du VIH/sida et des maladies sexuellement transmissibles dans l’État partie.

21.Le Comité constate avec préoccupation que les personnes séropositives ou atteintes du sida n’ont pas toujours accès aux services et aux structures nécessaires ni à une nourriture suffisante.

22.Le Comité est très préoccupé par la persistance de la consommation de khat, à laquelle les ménages consacrent près de 50 % de leurs revenus.

23.Le Comité est préoccupé par le niveau élevé de la consommation de tabac dans l’État partie, en particulier parmi les jeunes.

24.Le Comité constate que la politique d’enseignement obligatoire n’est pas encore pleinement appliquée. Il note également le taux élevé d’abandon scolaire, en particulier parmi les fillettes des régions rurales, ainsi que l’insuffisance de la formation des enseignants.

25.Le Comité demeure préoccupé par le taux élevé d’analphabétisme, en particulier parmi les femmes des zones rurales, dont plus de 70 % sont analphabètes, ce qui pose un grave problème et a une grande incidence sur la réalisation de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

26.Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe aucune formation appropriée dans le domaine des droits de l’homme dans l’État partie, notamment en ce qui concerne les droits consacrés dans le Pacte, en particulier à l’intention des membres du corps judiciaire, des responsables de l’application des lois et des fonctionnaires chargés de l’application du Pacte.

E. Suggestions et recommandations

27.Le Comité prie instamment l’État partie de prendre des mesures efficaces, telles que l’organisation de campagnes de sensibilisation et la mise en œuvre de programmes éducatifs, pour lutter contre la discrimination de facto, en particulier à l’égard des groupes marginalisés et vulnérables de la société connus sous les noms de AkhdamAhjur ou Zubud.

28.Le Comité recommande vivement à l’État partie de modifier la législation en vigueur afin de la rendre conforme aux dispositions de l’article 3 du Pacte. Il demande à l’État partie de faire figurer dans son deuxième rapport périodique des renseignements détaillés sur tous les programmes, mesures et politiques qu’il aura adoptés pour contribuer à la mise en œuvre immédiate et effective des dispositions législatives relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes, y compris dans le domaine de la représentation des femmes aux différents niveaux du Gouvernement et de la fonction publique.

29.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour assurer la mise en œuvre effective de la politique nationale en matière de population et du programme d’action connexe pour 2001‑2005.

30.Le Comité recommande à l’État partie d’établir un système de rémunération adéquat, permettant d’assurer un niveau de vie convenable aux travailleurs et à leur famille, conformément à l’article 7 du Pacte.

31.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures effectives pour garantir la mise en pratique du principe de la rémunération égale pour un travail égal.

32.Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures pour élargir son système de protection sociale afin que celui‑ci couvre tous les travailleurs et leur famille. À cet égard, il encourage l’État partie à ratifier la Convention no 102 de l’OIT sur la sécurité sociale (norme minimum).

33.Le Comité engage l’État partie à prendre les mesures nécessaires pour lutter contre la violence sexuelle et familiale, à appliquer ces mesures et à fournir une protection appropriée aux victimes de ces pratiques.

34.Le Comité invite instamment l’État partie à intensifier ses efforts pour réduire les taux de mortalité infantile et maternelle en facilitant l’accès aux services de santé et aux programmes de vaccination, notamment pour les femmes et les enfants des zones rurales. Il invite l’État partie à adopter et mettre en œuvre un programme national de santé sexuelle et génésique.

35.Le Comité engage également l’État partie à adopter des mesures visant à éliminer le travail des enfants et à fournir des renseignements sur les progrès accomplis dans ce domaine dans son prochain rapport périodique.

36.Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures efficaces pour combattre le problème de la pauvreté, notamment en mettant en œuvre sa stratégie de lutte contre la pauvreté.

37.Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures efficaces, notamment sur le plan législatif, pour permettre aux prisonniers et aux détenus, en particulier aux femmes, d’avoir accès à des soins de santé appropriés, à une nourriture suffisante et à l’eau potable. Il invite également l’État partie à garantir la réinsertion professionnelle et sociale des anciennes détenues, par le biais de la formation professionnelle.

38.Le Comité invite instamment l’État partie à adopter des stratégies, des plans d’action et des mesures législatives ou autres pour faire face au problème de la pénurie d’eau, et notamment une gestion rationnelle des ressources en eau disponibles. Il recommande à l’État partie de mettre sur pied des stratégies et des mesures efficaces de gestion de l’eau dans les zones urbaines, en étudiant la possibilité de mettre en place de nouveaux systèmes de traitement des eaux et en développant des méthodes d’assainissement écologique par voie sèche dans les zones rurales. Il demande à l’État partie de faire le point sur cette question dans son prochain rapport périodique, compte tenu de l’Observation générale no 15 (2002) du Comité sur le droit à l’eau, en fournissant des données comparatives et ventilées.

39.Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour lutter contre la propagation du VIH/sida. Il lui demande de fournir des données statistiques détaillées, ventilées par année, sur l’incidence du VIH/sida et les mesures prises pour lutter contre cette pandémie, y compris les programmes d’information.

40.Conformément à son Observation générale no 14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint, le Comité recommande à l’État partie de fournir des soins de santé appropriés pour les personnes séropositives ou atteintes du sida et de mettre en œuvre des activités de sensibilisation du public à ces problèmes.

41. Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures efficaces pour limiter la consommation de khat et à mener de nouvelles études sur les incidences de cette pratique sur la santé et l’économie.

42.Le Comité recommande à l’État partie de prendre immédiatement des mesures pour mettre en œuvre le plan national de lutte contre le tabagisme élaboré récemment par le Ministère de la santé.

43.Le Comité invite instamment l’État partie à mettre pleinement en œuvre son plan d’action national pour l’enseignement pour tous, en prenant en compte son Observation générale no 11 (1999) sur les plans d’action pour l’enseignement primaire (art. 14 du Pacte), ainsi que son Observation générale no 13 (1999) sur le droit à l’éducation (art. 13 du Pacte).

44.Le Comité demande à l’État partie d’adopter des mesures efficaces pour lutter contre l’analphabétisme et de fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements sur les mesures prises et les résultats obtenus dans ce domaine. Il demande également à l’État partie d’y inclure des données statistiques ventilées et comparatives.

45.Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer ses programmes de formation dans le domaine des droits de l’homme, de manière à mieux faire connaître le Pacte et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et à en favoriser la mise en œuvre, en particulier parmi les membres du corps judiciaire, les responsables de l’application des lois et les fonctionnaires chargés de l’application du Pacte.

46.Le Comité recommande également à l’État partie de créer une institution nationale indépendante chargée des droits de l’homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris, résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe). Il recommande en outre à l’État partie de veiller à ce que les droits économiques, sociaux et culturels fassent partie du mandat de cette institution et à ce que celle‑ci soit facilement accessible grâce à des antennes locales. À cet effet, le Comité recommande à l’État partie de solliciter une aide technique auprès du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme.

47.Le Comité prie l’État partie d’assurer une large diffusion de ses observations finales à tous les niveaux de la société et, en particulier, auprès des agents de l’État et des membres du corps judiciaire, et d’informer le Comité, dans son prochain rapport périodique, de toutes les mesures prises pour appliquer ses observations.

48.Le Comité encourage l’État partie à consulter les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile lors de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

49.Le Comité prie l’État partie de soumettre son deuxième rapport périodique au plus tard le 30 juin 2008.

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