NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/1/Add.79

5 juin 2002

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,

SOCIAUX ET CULTURELS

Vingt‑huitième session

29 avril − 17 mai 2002

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

ROYAUME‑UNI DE GRANDE‑BRETAGNE ET D’IRLANDE DU NORD, DÉPENDANCES DE LA COURONNE ET TERRITOIRES D’OUTRE‑MER

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné les quatrièmes rapports périodiques du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, des dépendances de la Couronne et de ses territoires d’outre‑mer sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/4/Add.5, 7 et 8) à ses 11e, 12e et 13e séances, tenues les 6 et 7 mai 2002 (E/C.12/2002/SR.11 à 13), et a adopté à sa 25e séance, tenue le 16 mai 2002, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les quatrièmes rapports périodiques de l’État partie, qui ont été de façon générale établis conformément à ses directives.

3.Le Comité prend acte avec satisfaction des réponses approfondies que l’État partie lui a fournies par écrit, ainsi que de la présence de représentants d’un certain nombre de dépendances de la Couronne et de territoires d’outre‑mer (Guernesey, Jersey, île de Man, îles Vierges britanniques, îles Caïmanes, Bermudes et Montserrat) dans sa délégation. Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, laquelle comprenait des responsables gouvernementaux au fait des dispositions du Pacte. Toutefois, il regrette qu’au cours du dialogue la délégation n’ait pas fourni de réponses plus détaillées à certaines questions de ses membres.

B. Aspects positifs

4.Le Comité se félicite de la promulgation du Human Rights Act de 1998.

5.Le Comité accueille avec satisfaction la création de la Northern Ireland Human Rights Commission en vertu du Northern Ireland Act de 1998.

6.Le Comité accueille aussi avec satisfaction les mesures prises par l’État partie depuis l’examen de son troisième rapport périodique, par exemple le programme New Deal en faveur de l’emploi, l’introduction d’un salaire minimum national en 1999 et les actions menées pour réduire le nombre de sans‑abri et de sans domicile fixe ainsi que le nombre d’élèves exclus définitivement des établissements scolaires.

7.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adopté la Care Standards Act (2000), portant création d’une commission nationale des normes de soins pour l’Angleterre ainsi que d’une inspection des normes de soins par le pays de Galles, et fixant pour le secteur de santé indépendant des normes nationales minimales comparables à celles du National Health Service.

8.Le Comité se félicite de l’adoption de nouvelles normes relatives aux cellules des prisons, qui ont permis la réduction de 50 % de la surpopulation dans les cellules, ainsi que de l’élaboration et de la mise en œuvre de nombreuses activités éducatives en faveur des prisonniers.

9.Le Comité se félicite également de la déclaration de la délégation selon laquelle l’État partie a commencé à revoir ses réserves au sujet d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dans le but de retirer celles qui sont devenues obsolètes du fait de la législation ou de la pratique.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

10.Au vu des informations qui lui ont été présentées par l’État partie, le Comité ne constate aucun facteur ni aucune difficulté particulière entravant la pleine application du Pacte. Dans les territoires d’outre-mer, la faiblesse du nombre d’habitants et le manque de ressources peuvent être considérés comme des facteurs entravant la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels.

D. Principaux sujets de préoccupation

11.Le Comité regrette profondément que, bien que l’État partie ait adopté un certain nombre de lois dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte n’ait pas encore été incorporé dans l’ordre juridique interne et que l’État partie n’ait pas l’intention de le faire dans un proche avenir. Il réaffirme sa préoccupation concernant la position de l’État partie selon laquelle les dispositions du Pacte, à quelques exceptions minimes près, constituent des principes et des objectifs plutôt que des obligations légales et ne peuvent pas, à ce titre, avoir force de loi dans l’ordre interne (voir le paragraphe 10 des observations finales du Comité datées de décembre 1997, E/C.12/1/Add.19).

12.Le Comité regrette que l’État partie n’ait toujours pas établi de plan national d’action pour les droits de l’homme ainsi que cela a été recommandé au paragraphe 71 de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne de 1993, et il est vivement préoccupé par la déclaration de la délégation selon laquelle l’État partie n’a pas l’intention de le faire.

13.Le Comité est préoccupé de ce que l’enseignement dispensé dans le domaine des droits de l’homme aux enfants des écoles, aux membres des professions judiciaires, aux fonctionnaires et aux autres acteurs responsables de l’application du Pacte n’accorde pas la place qui leur revient aux droits économiques, sociaux et culturels.

14.Le Comité est alarmé par la persistance d’une discrimination de fait à l’égard de certains groupes marginalisés et vulnérables de la société − tout particulièrement les minorités ethniques et les personnes handicapées − dans de nombreux domaines, dont l’emploi, le logement et l’éducation. Il regrette que l’État partie ne soit pas disposé à adopter une législation étendue sur l’égalité et la protection contre la discrimination, conformément au paragraphe 2 de l’article 2 et à l’article 3 du Pacte.

15.Le Comité constate avec préoccupation que le salaire minimum national n’est pas fixé à un montant assurant à tous les travailleurs un niveau de vie suffisant conformément à l’alinéa ii) de l’article 7 et à l’article 11 du Pacte. Il est préoccupé en outre par le fait que la protection que garantit le salaire minimum ne s’applique pas aux travailleurs de moins de 18 ans. Il considère que le barème du salaire minimum est discriminatoire en raison de l’âge, car il accorde une proportion inférieure du salaire minimum aux personnes âgées de 18 à 22 ans.

16.Le Comité réaffirme ses préoccupations devant la non‑incorporation du droit de grève dans le droit interne, qui constitue une violation de l’article 8 du Pacte (voir le paragraphe 11 des observations finales de 1997).

17.Le Comité est profondément préoccupé par le fait que la fréquence de la violence dans la famille s’est accrue depuis quelques années.

18.Le Comité réaffirme sa préoccupation devant la persistance d’une pauvreté considérable, en particulier dans certaines régions du pays telles que l’Irlande du Nord et dans certaines couches de la population, par exemple les minorités ethniques, les personnes handicapées et les personnes âgées. En outre, malgré les mesures prises par l’État partie pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, l’écart entre les riches et les pauvres s’est accru, d’après les informations qu’il a lui‑même fournies. Le Comité note aussi avec une préoccupation particulière la grande pauvreté dont souffrent les enfants dans certaines couches de la société de l’État partie.

19.Le Comité est préoccupé par la persistance du phénomène des sans-abri, qui touche particulièrement certains groupes sociaux tels que les minorités ethniques. Il constate en outre avec préoccupation qu’un grand nombre des sans‑abri sont alcooliques ou souffrent de maladies mentales.

20.Le Comité note avec préoccupation que la mauvaise qualité du logement et le manque de chauffage continuent d’être des problèmes pour un grand nombre de familles et de particuliers.

21.Le Comité est préoccupé par l’incidence élevée du VIH/sida dans certains territoires des Caraïbes de l’État partie. Il est particulièrement préoccupé par le nombre de cas de VIH/sida recensés dans les îles Turques et Caïques ainsi qu’à Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines et par le fait que les travailleurs migrants et les orphelins du sida ne peuvent se procurer de médicaments antirétroviraux.

22.Le Comité note avec préoccupation que l’introduction de frais d’inscription et de prêts pour étudiants, mesure contraire aux dispositions de l’alinéa c du paragraphe 2 de l’article 13, a tendu à aggraver la situation des étudiants issus de milieux modestes, déjà sous‑représentés dans l’enseignement de troisième cycle.

23.Le Comité réaffirme sa préoccupation exprimée au paragraphe 18 de ses observations finales de 1997, à savoir que le système scolaire en Irlande du Nord continue d’être marqué par une forte ségrégation religieuse, bien qu’il existe une forte demande d’écoles intégrées.

E. Suggestions et recommandations

24.Affirmant le principe de l’interdépendance et de l’indivisibilité de tous les droits de l’homme, et affirmant que les droits économiques, sociaux et culturels doivent être déterminés par voie de justice, le Comité réaffirme sa recommandation précédente (voir le paragraphe 21 de ses observations finales de 1997) et recommande vivement à l’État partie de revenir sur la question de l’incorporation du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans son droit interne. Il souligne que, quel que soit le moyen choisi pour incorporer le droit international dans l’ordre juridique interne (monisme ou dualisme), après avoir ratifié un instrument international, l’État partie est dans l’obligation de le respecter et de lui donner plein effet dans son ordre juridique interne. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale no 9 relative à l’application du Pacte dans le droit interne.

25.Le Comité, rappelant sa recommandation précédente (voir le paragraphe 33 de ses observations finales de 1997), recommande en outre à l’État partie d’examiner et de renforcer ses arrangements institutionnels, au sein de l’administration publique, qui ont pour objet de garantir que les obligations qu’il a assumées en vertu du Pacte soient prises en considération dès les premiers stades dans l’élaboration de la législation et de la politique nationale du Gouvernement sur des questions telles que la réduction de la pauvreté, la sécurité sociale, le logement, la santé et l’éducation. Étant donné que ses observations générales sont fondées sur une expérience de nombreuses années, au cours desquelles il a examiné de nombreux rapports d’États parties, le Comité invite instamment l’État partie à examiner soigneusement ses observations générales et déclarations lorsqu’il élabore des politiques ayant une incidence sur les droits économiques, sociaux et culturels.

26.Le Comité encourage l’État partie, en tant que membre des institutions financières internationales, notamment le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, à ne rien ménager pour faire en sorte que les politiques et décisions de ces organisations soient conformes aux obligations des États parties au Pacte, en particulier celles qui sont énoncées au paragraphe 1 de l’article 2, au paragraphe 2 de l’article 11, au paragraphe 4 de l’article 15 et à l’article 23 concernant l’assistance et la coopération internationales.

27.Le Comité invite instamment l’État partie à établir, dans les meilleurs délais, un plan national d’action pour les droits de l’homme conformément au paragraphe 71 de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne de 1993.

28.Le Comité recommande instamment à l’État partie de créer une commission nationale des droits de l’homme pour l’Angleterre, le pays de Galles et l’Écosse, ayant pour mandat de promouvoir et de défendre tous les droits de l’homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels.

29.Le Comité recommande vivement l’inclusion de protections efficaces des droits économiques, sociaux et culturels, conformes aux dispositions du Pacte, dans toute charte des droits promulguée en Irlande du Nord.

30.Le Comité invite instamment l’État partie à veiller à ce que les programmes d’éducation et la formation dans le domaine des droits de l’homme en faveur des élèves, des membres du corps judiciaire, des procureurs, des responsables gouvernementaux, des fonctionnaires et des autres acteurs responsables de l’application du Pacte accordent une place suffisante aux droits économiques, sociaux et culturels.

31.Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures plus efficaces pour lutter contre la discrimination de fait, en particulier à l’égard des minorités ethniques et des personnes handicapées, surtout en ce qui concerne l’emploi, le logement et l’éducation. Il recommande vivement à l’État partie d’adopter une législation étendue sur l’égalité et la non‑discrimination en droit britannique, conformément au paragraphe 2 de l’article 2 et à l’article 3 du Pacte.

32.Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations précises sur les mesures et programmes se rapportant au Pacte, qu’il a entrepris pour donner suite à la Déclaration et au Programme d’action adoptés lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, tenue en 2001.

33.Le Comité invite instamment l’État partie à veiller à ce que le montant du salaire minimum national soit déterminé en tenant dûment compte des critères qui définissent un niveau de vie suffisant. En outre, il recommande que la protection offerte par le salaire minimum soit étendue aux travailleurs de moins de 18 ans, et que le barème soit appliqué de manière non discriminatoire aux personnes âgées de 18 à 22 ans.

34.Le Comité réaffirme ses recommandations précédentes (voir le paragraphe 23 des observations finales de 1997), selon lesquelles le droit de grève devrait être inscrit dans la législation et l’exercice de ce droit ne devrait plus entraîner la perte de l’emploi.

35.Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts pour lutter contre la violence dans la famille, et en particulier pour veiller à ce qu’il y ait suffisamment de places dans les refuges pour répondre aux besoins des victimes de cette violence. Il demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur les nouvelles mesures qu’il aura prises en la matière ainsi que sur les résultats et l’efficacité de ces mesures.

36.Eu égard au principe de la dignité de l’individu qui fonde le droit international relatif aux droits de l’homme (voir le paragraphe 41 de l’Observation générale no 13 du Comité) et compte tenu des paragraphes 1 et 3 de l’article 10 du Pacte, le Comité recommande que les châtiments corporels au sein de la famille soient interdits, conformément à la recommandation du Comité des droits de l’enfant (voir le paragraphe 31 des observations finales dudit Comité datées de février 1995, relatives à l’État partie, CRC/C/15/Add.34).

37.Le Comité invite instamment l’État partie à continuer de lutter en priorité contre le problème de la pauvreté et de l’exclusion sociale, en se concentrant surtout sur les besoins des groupes marginalisés et vulnérables, et de régions particulières, telle l’Irlande du Nord. L’État partie est instamment prié, lorsqu’il élabore des politiques et programmes de lutte contre la pauvreté, de prêter la plus grande attention à la déclaration faite par le Comité sur la pauvreté et le Pacte (E/C.12/2001/10).

38.Le Comité recommande à l’État partie de concentrer ses efforts sur la réduction du nombre des sans‑abri dans les groupes sociaux touchés de façon disproportionnée par ce phénomène, par exemple les minorités ethniques. Il recommande en outre à l’État partie de prendre les mesures voulues pour que les sans‑abri connaissant de graves problèmes de santé reçoivent les soins adéquats.

39.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures immédiates pour améliorer le sort du grand nombre de familles et de particuliers qui vivent dans des logements inadéquats et venir en aide à ceux qui sont dépourvus des moyens de se chauffer convenablement.

40.En ce qui concerne le VIH/sida, le Comité prie instamment l’État partie de veiller à ce que, dans les territoires d’outre‑mer, toutes les personnes aient accès, dans des conditions d’égalité, aux médicaments antirétroviraux.

41.Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures efficaces pour veiller à ce que l’introduction de frais d’inscription et de prêts n’ait pas des conséquences néfastes pour les étudiants issus de milieux modestes, conformément aux paragraphes 14, 20 et 45 de son Observation générale no 13 sur le droit à l’éducation. Il demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur l’incidence des frais d’inscription et des prêts pour étudiants sur les groupes socioéconomiques de condition modeste.

42.Le Comité réaffirme sa recommandation figurant au paragraphe 29 de ses observations finales de 1997 et selon laquelle l’État partie devrait étudier des solutions appropriées en Irlande du Nord pour faciliter l’établissement de nouvelles écoles intégrées dans les zones où un nombre important de parents d’élèves ont manifesté le désir d’inscrire leurs enfants dans ce type d’établissement.

43.Le Comité encourage l’État partie à retirer les réserves qu’il a faites à propos du Pacte et qui sont devenues superflues.

44.Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans toutes les couches de la société, en particulier auprès des fonctionnaires de l’État et des membres de l’appareil judiciaire. Il encourage également l’État partie à associer les organisations non gouvernementales et autres membres de la société civile à l’établissement de son cinquième rapport périodique.

45.Enfin, le Comité demande à l’État partie de présenter son cinquième rapport périodique d’ici au 30 juin 2007 et d’y faire figurer des renseignements détaillés sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales.

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