NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/1/Add.85

19 décembre 2002

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,SOCIAUX ET CULTURELSVingt‑neuvième session11‑29 novembre 2002

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESCONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

ESTONIE

1.Le Comité a examiné le rapport initial de l’Estonie sur l’application du Pacte (E/1990/5/Add.51) à ses 41e, 42e et 43e séances, tenues les 19 et 20 novembre 2002 (voir E/C.12/2002/SR.41 à 43), et a adopté, à sa 56e séance, tenue le 29 novembre 2002, les observations finales ci‑après.

A. INTRODUCTION

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’Estonie, qui a été établi conformément à ses directives. Il se félicite de la haute tenue des réponses écrites apportées à la liste de questions (E/C.12/Q/EST/1) et des réponses satisfaisantes données par la délégation de haut niveau de l’État partie au cours d’un dialogue ouvert et constructif.

B. ASPECTS POSITIFS

3.Le Comité félicite l’État partie des mesures importantes qu’il a prises pour harmoniser sa législation avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme et, en particulier, avec les dispositions du Pacte. Il note aussi avec satisfaction l’assurance donnée par l’État partie que les dispositions du Pacte ont toutes été incorporées dans l’ordre juridique interne et peuvent être invoquées devant les tribunaux.

4.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a encouragé des organismes de la société civile à participer activement à la rédaction de son rapport. Il loue aussi les efforts déployés par l’État partie pour rendre publics les résultats de ses échanges avec les organes créés en vertu d’instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, notamment en permettant que son rapport puisse être consulté sur le site Web du Ministère des affaires étrangères et en traduisant en estonien les observations finales des organes conventionnels.

5.Le Comité se félicite de la création en novembre 2001 du bureau du Chancelier de justice, qui remplit les fonctions de médiateur et dont le mandat couvre les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que des efforts faits pour rendre cette institution facilement accessible grâce à la création d’un certain nombre de bureaux régionaux.

6.Le Comité note avec satisfaction la baisse récente du chômage. Selon les informations fournies par la délégation, le taux de chômage est tombé de 14,8 % au début de 2001 à 9,4 % au deuxième trimestre de 2002. Le Comité félicite aussi l’État partie des efforts ciblés qu’il consent pour lutter contre le chômage parmi les groupes à haut risque, notamment parmi les personnes touchées par le chômage de longue durée, les jeunes, les personnes handicapées et les femmes des zones rurales.

7.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi sur les syndicats du 14 juin 2000, qui a officialisé les syndicats libres et indépendants en Estonie.

8.Le Comité félicite l’État partie des initiatives qu’il a prises dans le domaine de la santé publique, qui ont débouché sur un certain nombre d’améliorations, dont la réduction de la mortalité infantile, passée de 15,4 en 1993 à 8,4 en 2000, et de la mortalité maternelle, passée de 0,47 pour 100 000 en 1995 à 0,13 en 1999. Il prend acte avec satisfaction des campagnes de sensibilisation lancées pour lutter contre le phénomène omniprésent de l’abus d’alcool et de tabac.

9.Le Comité se félicite des mesures prises pour protéger les droits des personnes handicapées, notamment de l’adoption d’un programme de protection sociale destiné à financer les dépenses additionnelles occasionnées par l’invalidité.

10.Le Comité note avec satisfaction que de nombreuses activités culturelles, comme les pièces de théâtre, les concerts, les ballets, etc., continuent d’être subventionnées dans le but d’encourager la fréquentation la plus large possible.

C. FACTEURS ET DIFFICULTÉS ENTRAVANT L’APPLICATION DU PACTE

11.Le Comité estime qu’aucun facteur ni aucune difficulté n’entravent la mise en œuvre du Pacte dans l’État partie.

D. PRINCIPAUX SUJETS DE PRÉOCCUPATION

12.Le Comité exprime son inquiétude devant le fait que les taux de chômage sont plus élevés dans certaines régions de l’État partie que dans d’autres et que le taux de chômage des minorités ethniques avoisine 16,6 %, ce qui est bien au‑delà de la moyenne nationale de 9,9 %. Il note aussi avec préoccupation le fort taux de chômage des femmes d’un certain âge et des mères célibataires.

13.Le Comité constate avec préoccupation que dans l’État partie les détenus condamnés sont tenus d’accomplir des travaux forcés et obligatoires et qu’en cas de refus ils encourent des «pénalités» prenant la forme d’une perte de privilèges tels que la libération anticipée.

14.Le Comité est également préoccupé par la nette différence de salaire entre les hommes et les femmes. Il relève que, bien qu’il soit possible de demander réparation devant les tribunaux en cas de discrimination dans l’emploi et les salaires, jusqu’à présent peu de femmes en ont effectivement pris l’initiative.

15.Tout en tenant compte de ce que le salaire minimum a été revu à la hausse au cours des dernières années par rapport à l’indice des prix à la consommation, le Comité craint que le salaire minimum demeure insuffisant pour permettre à un travailleur et à sa famille de mener une vie décente.

16.Le Comité se dit préoccupé par le fait que la législation de l’État partie sur le droit de grève des fonctionnaires contient des restrictions qui ne sont pas conformes aux normes internationales.

17.Le Comité exprime aussi son inquiétude devant le fait que les allocations de chômage, qui représentent 50 % du salaire du dernier emploi, peuvent parfois ne pas permettre à un travailleur et à sa famille de mener une vie décente.

18.Le Comité se dit également préoccupé par des études récentes dont il ressort que de nombreux actes de violence conjugale continuent à ne pas être dénoncés.

19.Le Comité est préoccupé par la hausse continue du nombre de femmes victimes de la traite.

20.Le Comité est également préoccupé par l’étendue du problème des enfants des rues en Estonie.

21.Le Comité se dit aussi préoccupé par le fait que la loi autorise le travail des enfants âgés de 13 à 15 ans munis de consentement écrit de l’un de leurs parents, de leur tuteur ou de l’inspecteur du travail, et que la liste des emplois autorisés comprend des emplois dans l’industrie.

22.Le Comité est préoccupé par le fait que l’amélioration de la situation économique dans l’État partie n’a pas encore eu pour résultat de réduire le niveau de pauvreté et les inégalités économiques entre les groupes de population. À cet égard, il note avec regret qu’il n’a pas reçu de renseignements suffisants sur les modalités de détermination du seuil de pauvreté national ni sur le nombre de personnes qui vivent au‑dessous de ce seuil.

23.Le Comité est profondément préoccupé par l’absence de logements sociaux, comme le reconnaît l’État partie lui‑même.

24.Le Comité craint que les mesures prises par l’État partie pour remédier au problème croissant des sans-abri soient insuffisantes, vu qu’elles visent uniquement à fournir un refuge aux sans-abri plutôt qu’à s’attaquer aux causes profondes de ce phénomène.

25.Le Comité exprime son inquiétude devant le fait que des personnes peuvent être expulsées de chez elles sans être assurées qu’elles seront relogées ou indemnisées correctement.

26.Le Comité note avec regret que les données statistiques reçues sur la situation sanitaire dans l’État partie ne sont ni ventilées ni comparatives et ne lui permettent donc pas de suivre effectivement l’application du Pacte.

27.Le Comité constate avec inquiétude que, malgré les mesures prises par l’État partie pour lutter contre le VIH/sida, le nombre de nouveaux cas déclarés reste très élevé.

28.Le Comité note avec préoccupation le taux élevé de cas de tuberculose.

29.Le Comité est préoccupé par le taux élevé de morbidité dû à l’abus d’alcool et de tabac, surtout chez les hommes.

30.Tout en reconnaissant que des moyens de contraception sont facilement disponibles à un prix raisonnable dans l’État partie, le Comité se dit préoccupé de ce que l’avortement reste une méthode courante de contrôle des naissances, qui met la santé des femmes en danger.

31.Le Comité note avec inquiétude les taux élevés d’abandons scolaires dans les écoles primaires et secondaires.

32.Le Comité est préoccupé de ce que la question des langues minoritaires et des droits culturels des minorités, dont la réalisation du droit à l’éducation dans les langues minoritaires, ne reçoit toujours aucune attention.

E. SUGGESTIONS ET RECOMMANDATIONS

33.À la lumière de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne (par. 71), le Comité recommande à l’État partie de préparer et de mettre au point un plan national d’action détaillé pour s’acquitter des obligations contractées au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le Pacte, par un processus de consultations ouvert. Le Comité prie l’État partie d’inclure dans son deuxième rapport périodique un exemplaire de son plan national d’action sur les droits de l’homme, ainsi que des informations sur sa mise en œuvre.

34.Le Comité engage vivement l’État partie à redoubler d’efforts pour encourager les investissements et le développement dans les régions d’Estonie où le taux de chômage est le plus élevé afin d’offrir un emploi aux travailleurs touchés par les programmes de restructuration, en particulier dans les secteurs de l’industrie lourde et de l’agriculture.

35.Le Comité recommande à l’État partie de laisser aux détenus le libre choix de travailler ou non, conformément à la Convention no 29 de l’OIT sur le travail forcé.

36.Le Comité recommande aussi à l’État partie de revoir sa législation en vue d’interdire en toutes circonstances le travail des enfants de moins de 15 ans.

37.Le Comité recommande en outre à l’État partie de redoubler d’efforts pour assurer le droit à l’égalité de rémunération des hommes et des femmes pour un travail de valeur égale, y compris par des campagnes de sensibilisation de l’opinion. À cet égard, le Comité recommande aussi à l’État partie de ratifier la Convention no 111 de l’Organisation internationale du Travail concernant la discrimination (Emploi et profession).

38.Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires afin que le salaire minimum soit suffisant pour permettre à un(e) employé(e) et à sa famille de mener une vie décente.

39.Le Comité recommande aussi à l’État partie de prendre les mesures visant à modifier la loi sur la fonction publique en vue de lever les restrictions imposées au droit de grève des fonctionnaires, conformément aux normes de l’Organisation internationale du Travail.

40.Le Comité recommande en outre à l’État partie de prendre les mesures nécessaires afin que les prestations de chômage, même à leur niveau le plus bas, soient suffisantes pour permettre à un(e) employé(e) et à sa famille de mener une vie décente.

41.Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour lutter contre la violence conjugale, y compris en veillant à rendre disponibles et accessibles des centres de crise où les victimes de violence conjugale peuvent se réfugier dans des conditions de sécurité et se faire conseiller.

42.Le Comité recommande aussi à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour lutter contre la traite des femmes, y compris en veillant à ce que les trafiquants soient poursuivis. Il invite aussi l’État partie à ratifier les instruments internationaux visant à resserrer la coopération entre les États dans ce domaine.

43.Le Comité recommande en outre à l’État partie de se pencher sur la situation des enfants des rues afin d’éliminer les causes profondes du problème. Le Comité demande à l’État partie de donner des informations détaillées ainsi que des statistiques à jour et comparatives sur cette question dans son prochain rapport périodique.

44.Le Comité engage vivement l’État partie à suivre de près le niveau de la pauvreté et à fournir dans son prochain rapport périodique des données comparatives et ventilées sur le nombre de personnes vivant au‑dessous du seuil de pauvreté. Le Comité recommande en outre à l’État partie de prendre en considération les droits de l’homme, notamment les droits économiques, sociaux et culturels, dans la formulation d’une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. À ce propos, il renvoie l’État partie à sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adoptés par le Comité le 4 mai 2001 (E/2002/22‑E/C.12/2001/17, annexe VII).

45.Le Comité recommande à l’État partie d’allouer suffisamment de ressources à la fourniture de logements sociaux, en faveur notamment des groupes désavantagés et marginalisés.

46.Le Comité recommande aussi à l’État partie de redoubler d’efforts pour lutter contre le problème des sans‑abri.

47.Le Comité recommande en outre à l’État partie de veiller à ce que les personnes expulsées de chez elles soient relogées ou indemnisées correctement et lui demande à cet égard de consulter les principes généraux énoncés dans son Observation générale no 7 de 1997 sur les expulsions forcées.

48.Le Comité recommande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique davantage de données ventilées et comparatives sur la santé publique, dont un aperçu des indicateurs et des critères qu’il utilise dans ses stratégies nationales de la santé, conformément aux prescriptions des paragraphes 57 et 58 de son Observation générale no 14 (2000).

49.Le Comité recommande également à l’État partie de prendre des mesures, conformément à l’Observation générale n° 14, pour veiller à ce que chacun puisse avoir accès à des soins de santé suffisants et à un coût raisonnable, en particulier les femmes d’un certain âge vivant dans les zones rurales.

50.Le Comité recommande en outre à l’État partie de redoubler d’efforts pour enrayer la propagation du VIH/sida, en lançant notamment des campagnes de sensibilisation, et de faire état des progrès enregistrés dans ce domaine dans son prochain rapport périodique.

51.Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour enrayer la propagation de la tuberculose.

52.Le Comité recommande vivement à l’État partie de veiller à ce que les stratégies nationales et les mesures prises pour s’attaquer au problème de l’abus d’alcool et de tabac soient mises en œuvre de manière efficace.

53.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à sensibiliser l’opinion aux méthodes contraceptives sans risque, à donner à la population des informations relatives à la santé de la sexualité et de la procréation et à mettre en garde la population contre les risques qu’elle encourt à utiliser l’avortement comme méthode de contrôle des naissances.

54.Le Comité recommande également à l’État partie de veiller à la stricte application des normes nationales et internationales en matière de protection de l’environnement, de manière à protéger la population estonienne contre tout effet néfaste sur sa santé.

55.Le Comité demande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour s’attaquer au problème des taux élevés d’abandons scolaires dans les écoles primaires et secondaires.

56.Le Comité demande aussi à l’État partie de fournir dans son prochain rapport des données statistiques détaillées sur les taux d’inscription, à tous les niveaux de l’enseignement, ventilées par sexe. Il renvoie l’État partie à son Observation générale no 13 de 1999 qui indique comment présenter les renseignements sur le droit à l’éducation dans les rapports. Il appelle aussi l’attention de l’État partie sur les recommandations du Cadre d’action de Dakar, en particulier du Cadre régional d’action pour l’Europe et l’Amérique du Nord, adopté par le Forum sur l’éducation pour tous (Dakar, 2000).

57.Le Comité recommande que la loi sur l’autonomie culturelle des minorités nationales soit révisée en vue d’une reconnaissance totale et immédiate des droits des groupes minoritaires. Le Comité invite également l’État partie à veiller à ce que les groupes ethniques aient toujours de nombreuses possibilités de recevoir une éducation dans leur langue, et d’utiliser celle‑ci dans la vie publique.

58.Le Comité encourage l’État partie à fournir une éducation relative aux droits de l’homme dans les établissements scolaires à tous les niveaux et à susciter une prise de conscience des droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, parmi les agents de l’État et les membres de l’appareil judiciaire.

59.Le Comité demande à l’État partie de faire largement connaître les présentes observations finales dans tous les secteurs de la société et en particulier aux agents de l’État et aux membres de l’appareil judiciaire et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, de toutes les mesures qui auront été prises pour y donner suite.

60.Enfin, le Comité prie l’État partie de soumettre son deuxième rapport périodique d’ici le 30 juin 2007 et l’encourage à consulter les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile pour la préparation dudit rapport.

-----